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Aïcha Mint Chighaly: Griote de Mauritanie
-Titres 1 et 2 Mode "Khal Kar" (6'49)
-Titres 3 à 5 Mode "Byad Kar" (8'50)
-Titres 6 Mode "Khal Vaghu" (6'50)
-Titres 7 à 10 Mode "Byad Vaghu" (11'56)
- Titres 11 à 12 Mode "Le-khal" (8'36)
-Titres 13 à 17 Mode "Le-Byad" (15'26)
-Titres 18 à 20 Mode "Byad Le-btayt" (8'48)
Chants de griots
1. prélude instrumental (1'31)
2. Madha/louange (5'13)
3. Beyt biedh / Chant blanc (4'19)
4. 'Aynî yâna / Moi, mes yeux (4'23)
5. Beyt harb / Chant de guerriers (3'28)
6. Beyt harb / Chant de guerriers (3'18)
7. Dezzeyt'm berr / j'ai battu les plus braves (5'32)
8. Chant nostalgique (1'03)
9. evocation d'une séparation douloureuse (2'24)
10. Râ'i Imeyl! / regardez comme ça penche! (5'49)
11.Umsiku dam'a 'aynî / Je retiens mes larmes & Ahdeib zwayn / Qu'elle est belle la dune (9'57)
12. Lalla mmwî/ Dame ma mère (5'22)
13. El-hawl/ la passion de la musique (7'08)
14. Ana, wanâ / Moi, moi (6'27)
15. Madha / louange (1'59)
16. Madha / louange (4'13)
Coumbane mint Ely Warakane. Griotte de Mauritanie.
Avec Coumbane mint Ely Warakane, chant et harpe ardin
Cheikh ould Abba, luth tidinit
Bechir ould Meguet, timbale tbal
Lemate mint Soukabe & Yaghouta Ahmedou El-Meydah, choeur
Remerciements au Centre culturel français de Nouakchott
CD1 :
Mode Karr
Sous-mode Entamas
1. Medh, louange à Dieu durée 4'12
2. Shawr : "Jawnaya", autopanégyrique de la chanteuse durée 4'44
3. Sous-mode El-kars durée 6'07
a) Dkhoul, introduction instrumentale
b) Shawr : "Edh-dheb" (L'Or)
"Avec la sécheresse, ma bien-aimée
s'est amaigrie. Mais je ne la quitterai pas.
La gazelle meurt où elle a vécu même
quand la sécheresse frappe. Tels Qaïs,
martyre de l'amour, vous les passionnés,
devriez mourir d'amour."
Mode Vaghou
Sous-mode Tanaddjouga
4. Dkhoul instrumental suivi de "Bayt harb" durée 3'52
"Allah, le Tout-puissant n'a pas de semblable,
Il est inaccessible à l'entendement humain.
Ses attributs atteignent la perfection,
Parmi les hommes, le Prophète est le meilleur."
5. Shawr : "Tabl el-mahsar yanga" avec danse durée 4'24
"Le tbal du campement de l'émir résonne !
Aucun autre tbal ne lui est égal et il faut
qu'on puisse toujours l'entendre.
Je danse en l'écoutant car il est le plus beau,
le plus grand,
Il est connu pour sa bravoure et n'a jamais
résonné un jour de défaite."
6. "Tehzidine" : chant non mesuré puis mesuré accompagné de la danse avec deux harpes ardin durée 6'45
7. Sous-mode Byadh Vaghou durée 8'23
Duo instrumental
Mode Le-khal
a) Dkhoul instrumental et bayt vocal
b) Shawr : "Ô mon amour"
8. Solo de tbal accompagné durée 3'17
9. Mode Ez-zrag durée 5'22
a) Dkhoul instrumental et bayt : "Shatou wa dhibou" (Le chacal et la chèvre)
b) Shawr : "Ikhsarit viha dhal mahsar"
Évocation d'une joute poétique entre deux grands griots dans le campement de l'émir du Trarza.
CD2
Mode Le-byadh
Sous-mode Maqaddjuga
1. Dkhoul instrumental et bayt vocal durée 3'40
2. Shawr : "En vieillissant on cherche à se rajeunir" durée 4'51
3. Sous-mode Byad liyen durée 6'27
Shawr : "Manna khayvine" (Nous n'avons pas peur)
"Quand tu t'apprêtes à chanter Manna khayvine, nous accourons tous sans crainte
pour savourer ta musique, nous n'avons pas peur. Mais quand nous sommes là et
que tu chantes, nous avons peur [de ne plus t'entendre."
Mode Le-btayt
4. Sous-mode Adh-dhal durée 8'03
a) Dkhoul et bayt : "Ya Rebbi ya el Majid" (Mon Seigneur, toi le Parfait)
"Mon Seigneur, toi le Parfait !
Fais en sorte que ma bien-aimée ne parte pas avant la fête.
Elle insiste pour s'en aller. Toi seul peux la retenir..."
b) Shawr : "Zein ou valih" (Beau et attrayant)
"Certains partent pour ramener du bétail,
d'autres recherchent de beaux tissus.
Moi, je ne recherche qu'Allah le très Grand
et mon medh (louange) est : "Mariya zeina winguiya"."
Sous-mode Baygi
5. Dkhoul et bayt : "'And aguinz nzeila" (À Quinz, il y a un campement) durée 5'10
"À Quinz, il y a un campement. Je m'y
rends chaque nuit. Il y a là une jeune
fille qui va me faire mourir (d'amour).
Elle est insolente. Elle me dit : "Eh
le vieux ! Cherche-toi désormais une
vieille pour la nuit. Tu ne cesses de me
poursuivre. Pourtant, tu sais bien que tu ne
redeviendras jamais jeune"."
6. Shawr : "Dhal biya gal inou nassini" (Mon amour dit qu'il m'a oublié) durée 8'34
"Jamais je ne peux oublier que tu m'aimes
Il faut, chaque matin et chaque soir,
que tu viennes me voir
Crois-tu mon amour, toi, mon plus grand souci,
Qu'il y ait dans la vie quelque chose qui
puisse me pousser à t'oublier ?"
7. Shawr : "Aftout" durée 2'53
8. Bis durée 8'08
Griots de Mauritanie ; Hodh occidental / Trarza
1. Vagho tenediouga (région du Hodh occidental) (38'09)
2. Vagho tenediouga (Ahmedou Ould Meïddah et les musiciens de l'Emir du Trarza) (9'28)
Groupe modal Sennima.
Sur cette plage se suivent trois modes dont les échelles sont voisines et qui, traditionnellement, sont regroupés sous le nom de "Sennima". Le sentiment modal renvoie à l'âge mûr, la fierté, la tristesse, l'amour, les sentiments divers.
- "Le-khal" (mode de la noirceur) comporte trois parties: "Sennimet-Hayba" ou l'entrée; "La illaha illa ellah (pas de divinité sans dieu); "Ta'sri (le mécontentement).
- "Ez-zrag" ("tacheture") ne comporte qu'une partie: "Es-rasga", qui est le nom de ce mode dans la voie noire.
- "Le-Byad" (blancheur) ne comporte qu'une partie: "Teggrin" ou "Maqaduga" divisée à son tour en trois: une entrée, "le-msawwes" (celui qui souffre de nostalgie) et "es-serba" (la délégation).
Le marabout et le colonel. La Mauritanie de Ould Daddah à Ould Taya
Les Almoravides et leurs épopées sont nés ici. Des cités anciennes y recèlent de fabuleuses richesses. Ce pays eut à sa tête, avec Mkhtar Ould Daddah, l'un des chef d'Etat les plus prestigieux de la décolonisation africaine. Plus près de nous, de la guerre du Sahara à l'expérience démocratique menée aujourd'hui par le président Ould Taya, en passant par les sanglants drames internes d'Avril 1989, la Mauritanie vit les affres et les réussites, les troubles et les enthousiasmes d'un Etat frontière entre deux mondes, à la fois du nord et du sud, du Maghreb et de l'Afrique occidentale. L'essentiel de la vie politique, pour paraphraser Antoine de Saint-Exupéry qui aima tant ce pays et ses hommes, est pourtant invisible aux yeux. Tout ou presque, en Mauritanie, échappe aux grilles d'analyse familières aux étrangers. François Soudan, qui a effectué de nombreux séjours en Mauritanie, et qui a recuilli les confidences de nombreux acteurs de la scène politique contemporaine, y compris au plus haut niveau, nous offre ici quelques clefs indispensables - et quelques révélations étonnantes - pour appréhender ce pays mystérieux, complexe et passionnant.
Mauritanie, chants et danses des cours d'amour. Photos
14-19 mars 1989
Dimi Mint Abba, chanteuse et joueuse de ardin, et Khalifa Ould Eide, chanteur et joueur de tidinit, accompagnés de Garmi Mint Abba, au tbel, et de la danseuse Fayrouz Mint Seymali.
PROGRAMME.
La voie noire.
1. Mode Karr
-Chant de louanges au Prophète (Khalifa Ould Eide)
-Chant mesuré accompagné (Khalifa Ould Eide)
Sous-Mode Sayni-Karr
-Chant d'amour (Dimi Mint Abba)
-Chant mesuré accompagné (Dimi Mint Abba)
2. Mode Fâgu
-Chant mesuré accompagné (Khalifa Ould Eide)
-Danse (Garmi Mint Abba)
-Danse avec tbel (Fayrouz Mint Seymali)
Entracte
-Danse (Fayrouz Mint Seymali)
3. Mode Le-khâl
-Chant d'amour (Dimi Mint Abba)
-Chant mesuré accompagné (Dimi Mint Abba)
-Chant d'amour (Khalifa Ould Eide)
4. Mode Le-byad
-Chant de louanges au Prophète (Dimi Mint Abba)
-Chant mesuré accompagné (Dimi Mint Abba et Khalifa Ould Eide)
-Chant de louanges au Prophète (Khalifa Ould Eide)
5. Mode Le-btayt
-Chant d'amour (Dimi Mint Abba)
-Chant mesuré accompagné (Dimi Mint Abba)
Mauritanie: concert sous la tente
1. Concert de Sidi Ahmed El Bakai Ould Awa au tidinit
2. karr ntemass par Badi Ould Hambara au tidinit et un groupe de femmes jouant de l'Ardin
3. Vagho Ténédiouga (Instrumental) par Badi Ould Hamabara
4. Vagho Ténédiouga (vocal) suite de la piste précédente
Mauritanie: guitare des sables (guitar of the sands)
-Mode Karr
1. improvisation (2'41)
-Mode Varhou
2. Ouezn- le dattier mehboula (4'08)
3. improvisation (3'06)
4. Benja- oh ma mère leila (2'02)
5. Ouezn - chaoueda (4'46)
-Mode Lekhal
6. improvisation (2'34)
-Mode Lebyad
7. Chor- meya / je t'aime (2'52)
8. Ouezn- la joie de la femme (4'01)
9. improvisation (2'42)
10. Chor / plaise à Dieu qu'il vive longtemps (3'50)
11. Ouezn / la dédicasse de l'année (2'59)
12. Tebra (Liyeen) (2'36)
-Mode Lebtayt
13. Ouezn / le sentiment diverse (4'01)
14. improvisation (4'43)
Mauritanie. Aïcha Mint Chighaly. Spectacle
Dans la société maure, hiérarchisée en groupes sociaux de statut héréditaire, le griot occupe une place à part. Il n'est pas seulement le gardien d'un art savant, mais aussi le détenteur hautement apprécié du verbe poétique qui rehausse l'honneur et la renommée des nobles. C'est encore un bouffon, un amuseur, un personnage populaire, parfois craint pour la liberté de ses propos mais dont la présence est indispensable à la réussite de toute fête.
Autrefois chaque famille de musiciens était attachée à un noble, le plus souvent guerrier qui subvenait à ses besoins. Vivant dans une tente voisine, le griot le suivait dans ses voyages et chantait l'histoire de sa famille et ses hauts-faits. Encore aujourd'hui il n'est de meilleur moment pour les Maures qu'une soirée passée dans un campement, entre amis, avec les griots. La chaleur du jour oubliée a laissé place à une douce tiédeur ; la tente est apprêtée avec simplicité et les convives se répartissent sans formalisme sur le pourtour d'une vaste natte ou d'un tapis, avec pour seul mobilier des coussins de cuir décorés ; pas de gêne à s'allonger, l'heure est à la détente, à la plaisanterie et à l'admiration : car il conviendra d'exprimer l'émotion produite par tel trait particulièrement réussi, au moyen de mouvements de tête, de soupirs sur la tonique ou d'exclamations ! Les musiciens ont besoin de ces manifestations stimulantes pour donner le meilleur d'eux-mêmes.
Comme la plupart des musiques du monde arabo-islamique, la musique maure obéit au principe de la suite musicale, suite de chants et de préludes instrumentaux organisés selon un plan rigoureusement établi par la tradition. De même que la nûba du Maghreb, la suite musicale maure est indissociable de la notion de fête et s'achève donc par des danses.
Mais elle est aussi la recréation d'un monde d'émotions soumis à une grande cohérence formelle. En effet, les musiciens maures distinguent quatre modes musicaux différents auxquels sont associés des sentiments, ou ethos, spécifiques. Or la règle veut, qu'au cours d'une soirée de musique, les quatre modes musicaux soient tous utilisés par les musiciens, suscitant ainsi chez leurs auditeurs des sentiments d'héroïsme, d'excitation, évoquant tour à tour la jeunesse et la danse, la nostalgie de l'amour, la tristesse mais aussi la sérénité du déclin de la vie.
La voix a recours à des ornements d'une grande délicatesse, vibrato, secousses, sons filés tandis que la chanteuse/musicienne tisse sur sa harpe ardin une élégante et moelleuse toile sonore, enrichie par les phrases courtes du luth tidinit.
Instrument réservé aux femmes, l'ardin est une harpe formée d'une calebasse recouverte d'une membrane et d'un manche sur lequel sont tendues douze cordes. Sur la table d'harmonie, de part et d'autre du plan de cordes, sont fixés deux petits disques de métal ornés d'anneaux qui vibrent au contact de la peau et brouillent légèrement le timbre de l'instrument.
Le tidinit, instrument des hommes, est un luth à quatre cordes que l'on retrouve dans tout le Sahel, sous le nom de tarudant chez les Touaregs ou de molo chez les peuples de la boucle du Niger. Il est constitué d'une caisse allongée recouverte de peau. Les cordes sont fixées au manche non par des chevilles mais par des lacets de cuir. Son timbre incisif et le jeu volontairement viril du musicien complète agréablement celui de l'ardin.
Le tbal est une timbale frappée à mains nues qui accompagne les pièces plus rapides et la danse.
Aïcha Mint Chighaly chante et joue avec les membres de sa famille, comme le veut la coutume, en l'occurence deux de ses frères et sa belle-s'ur. Ils chantent en hasanya, la langue usuelle des Maures, fortement mâtinée d'arabe. Parfois, dans les parties rythmées par la timbale tbal, l'une des griottes se lève et exécute une danse retenue et hiératique dans laquelle les mouvements des mains ont une grande importance.
La musique maure est fondée sur l'usage de quatre modes : Kar, Faghu, Sennima qui comprend les 3 modes le-khâl, ez-zrâg et le-byad, enfin le-btayt.
Chacun de ces modes peut être joué selon deux voies : la voie noire dont la tonique est généralement la note la plus grave du registre instrumental et la voie blanche dont la tonique se situe au milieu du registre. De plus chacun de ces modes se subdivise en un sous-mode noir (khal) considéré comme plus austère et en un sous-mode blanc (byad) plus plaisant.
Référence bibliographique
Michel Guignard, Musique, honneur et plaisir au Sahara, Paris, Geuthner, 1975.
Mauritanie. Chants et danses des cours d'Amour. Spectacle
14-19 mars 1989, Maison des Cultures du Monde.
Vu d'Europe, le Sahara apparaît comme une vaste étendue désertique peuplée d'hommes bleus survivant difficilement dans un milieu hostile et fascinant. En fait, le désert, proprement dit n'est traversé que par de rares caravanes en dehors des périodes où quelques précipitations aussi imprévisibles que bienvenues le rendent momentanément habitable. La plus grande partie des populations sahariennes vit en fait dans la frange sahélienne qui borde le désert au sud et à l'ouest et où les pluies sont théoriquement annuelles. Parmi les hommes bleus, il convient de distinguer à l'ouest les Maures arabophones et au sud les Touaregs berbérophones du Mali et du Niger.
Au XIe siècle, la conquête almoravide entraîna les Berbères vers le Maroc et l'Espagne, puis l'arrivée dans l'Ouest saharien de tribus arabes bédouines et leur amalgame progressif avec les populations locales renforcèrent le caractère spécifique des Maures et leur sentiment d'appartenir au monde arabe. Pourtant, les Maures n'ont guère de contacts avec les autres populations du Maghreb, en étant séparés par le désert, et vivent au contraire au voisinage immédiat de cultures soudanaises islamisées comme les Peul, les Wolof et les Toucouleur. Les Maures se distinguent donc autant des Maghrébins que des Soudanais, et apparaissent comme un peuple ayant son originalité propre, tout particulièrement en ce qui concerne la musique des griots.
Dans la société maure, hiérarchisée en groupe sociaux de statut héréditaire, le griot occupe une place à part. Il n'est pas seulement le gardien d'un art savant, mais aussi un détenteur apprécié du verbe poétique qui fait valoir l'honneur et la renommée des nobles. C'est encore un bouffon, un amuseur, un personnage populaire, parfois craint pour la liberté de ses propos mais dont la présence est néanmoins indispensable à la réussite de toute fête. Autrefois chaque famille de musiciens était attachée à un noble, le plus souvent guerrier, qui subvenait à ses besoins. Vivant dans une tente voisine, le griot le suivait dans ses voyages et chantait, quand nécessaire, l'histoire de la famille et ses hauts faits. Encore aujourd'hui, les Maures apprécient tout particulièrement les soirées amicales en compagnie des griots. Dans la tente apprêtée avec simplicité, les convives se répartissent autour d'une vaste natte s'appuyant nonchalamment sur des coussins décorés ou sur l'épaule d'un camarade et expriment l'émotion que leur fait ressentir tel trait mélodique ou poétique particulièrement réussi, au moyen de mouvements de tête, de soupirs sur la tonique du mode exécuté par les griot, ou d'exclamations. Les musiciens apprécient d'ailleurs ces manifestations stimulantes à condition que l'on s'y livre à bon escient.
Les griots utilisent deux instruments. Les hommes jouent du luth tidinit et les femmes de la harpe ardin. Dans certaines pièces, on peut également entendre la grosse timbale tbel qui vient apporter un contrepoint rythmique au chant et à l'instrument mélodique.
Le ardin est une harpe d'un type original qu'on ne trouve nulle part ailleurs en Afrique. Une calebasse recouverte de peau maintient le manche sur lequel sont tendues entre douze et quatorze cordes.
Le tidinit est un luth à quatre cordes, répandu dans tout le Sahel y compris chez les Touaregs (taroudant). Il est formé d'une caisse allongée et d'un manche de bois qui passe sous une peau tendue servant de table d'harmonie. Deux des cordes jouent la mélodie, les deux autres, plus courtes, étant utilisées pour l'accompagnement.
Les griots distinguent cinq modes musicaux de base déterminés par des échelles pentatoniques spécifiques qui rappellent assez les échelles utilisées en Asie du sud-est. Chaque mode peut être joué dans trois voies distinctes : la voie noire où la toniques est la note la plus grave de l'instrument, la voie tachetée variante peu jouée de la voie noire, et la voie blanche où la tonique est choisie dans le médium du registre de l'instrument. Par ailleurs, chaque mode se divise en sous-modes noirs ou tendus, et en sous-modes blancs ou doux et plaisants. Au cours du concert, le griot choisit une voie et une seule, et passe en revue les cinq modes et leurs sous-modes dans un ordre prédéterminé. Pour chaque mode joué, il suit un plan qui est approximativement le suivant : introduction instrumentale et vocale non mesurée, pièces chantées mesurées, et enfin musiques de danse dont le rythme évoque la marche ou le galop des chevaux. A chaque mode est associé un sentiment modal spécifique et certains mètres poétiques que le chanteur ou la chanteuse doivent respecter. Chaque combinaison des voies, des modes et des sous-modes peut évoquer l'héroïsme, l'excitation, la jeunesse et la danse, ou la nostalgie et la vieillesse, ou encore la tristesse et l'amour.
Les musiciens accueillis à la Maison des Cultures du Monde sont : Dimi Mint Abba, chanteuse et joueuse de ardin, et Khalifa Ould Eide, chanteur et joueur de tidinit, accompagnés de Garmi Mint Abba, au tbel, et de la danseuse Fayrouz Mint Seymali.
Quelques repères bibliographiques et discographiques :
-Michel Guignard, Musique, honneur et plaisir au Sahara, Paris, Geuthner, 1975.
-Charles Duvelle, Musique Maure, disque 30 cm, Paris, Ocora, 1966 (rééd. 1987), notice 10 p. et photos.
-Michel Guignard, Mauritanie, voie noire et voie blanche, 2 disques 30 cm, Paris, Orstom, 1975, notice 18 p., illustrations et transcriptions musicales.
PROGRAMME.
La voie noire.
1. Mode Karr
-Chant de louanges au Prophète (Khalifa Ould Eide)
-Chant mesuré accompagné (Khalifa Ould Eide)
Sous-Mode Sayni-Karr
-Chant d'amour (Dimi Mint Abba)
-Chant mesuré accompagné (Dimi Mint Abba)
2. Mode Fâgu
-Chant mesuré accompagné (Khalifa Ould Eide)
-Danse (Garmi Mint Abba)
-Danse avec tbel (Fayrouz Mint Seymali)
Entracte
-Danse (Fayrouz Mint Seymali)
3. Mode Le-khâl
-Chant d'amour (Dimi Mint Abba)
-Chant mesuré accompagné (Dimi Mint Abba)
-Chant d'amour (Khalifa Ould Eide)
4. Mode Le-byad
-Chant de louanges au Prophète (Dimi Mint Abba)
-Chant mesuré accompagné (Dimi Mint Abba et Khalifa Ould Eide)
-Chant de louanges au Prophète (Khalifa Ould Eide)
5. Mode Le-btayt
-Chant d'amour (Dimi Mint Abba)
-Chant mesuré accompagné (Dimi Mint Abba)
Mauritanie. Coumbane mint Ely Warakane.
Mode Karr
01. Entamas : a) Medh b) "Jawnaya" 6:23
02. El-Kars : "Edh-dheb" 7:59
Mode Vaghou
03. Tanaddjouga : a) Bayt Harb (Medh) b) "Tabl El-Mahsar Yanga" 6:53
04. Byad Vaghou : Instrumental 3:17
Mode Zrag
05. Ez-zrag : a) "Shatou Wa Dhibou" b) "Ikhsarit Viha Dhal Mahsar" 7:07
Mode Le-Byadh
06. Byadh Liyen : "Manna Khayvine" 6:23
07. Adh-Dhal : a) "Ya Rebbi ya el Majid" b) "Zein Ou Valih" 8:07
08. Baygi : a) "And aguinz nzeila" b) "Dhal biya gal inou nassini" 7:47
Mauritanie. Coumbane mint Ely Warakane. Photos
Musique du monde de l'Islam
Coumbane mint Ely Warakane. Le chant des griots de Mauritanie
Avec Coumbane mint Ely
Warakane, chant et harpe ardin
Cheikh ould Abba, luth tidinit
Bechir ould Meguet, timbale tbal
Lemate mint Soukabe & Yaghouta Ahmedou El-Meydah, choeur
Voir le programme du spectacle.
Mauritanie. Coumbane mint Ely Warakane. Spectacle
Musique du monde de l'Islam
Coumbane mint Ely Warakane. Le chant des griots de Mauritanie
Avec Coumbane mint Ely
Warakane, chant et harpe ardin
Cheikh ould Abba, luth tidinit
Bechir ould Meguet, timbale tbal
Lemate mint Soukabe & Yaghouta Ahmedou El-Meydah, choeur
Chanteurs, instrumentistes, maîtres de la parole, les griots sont les détenteurs quasi exclusifs d'une musique savante qu'ils se transmettent de génération en génération. Dans les temps anciens, chaque chef avait ses griots qui assuraient sa promotion publique en chantant ses louanges et en décrivant la noblesse de son personnage, protecteur des faibles et terreur des ennemis. Mais c'est lors des veillées sous la tente que leur musique s'appréciait le mieux : une musique requérant la participation des auditeurs par leurs exclamations de plaisir et par les poèmes improvisés qu'ils murmuraient à l'oreille des musiciens : joutes poétiques, jeux de mots, allitérations, allusions cachées, messages secrets aux jeunes filles, jongleries verbales avec les références littéraires' ; ces jeux séduisants produisaient de petits chefs-d'oeuvre dont le souvenir s'est perpétué.
Cette société nomade a survécu à la colonisation, mais non à la sécheresse des années soixante-dix et à l'urbanisation massive qui s'en est suivie. Désormais, les griots interviennent souvent devant un public nombreux, sans formation musicale, notamment dans des fêtes, par exemple de mariage, qui requièrent une sonorisation excessive. Les griots se sont adaptés de façon remarquable à cette situation en créant une musique nouvelle vigoureusement sonorisée, de caractère festif et plus populaire, qui abandonne les délicats instruments traditionnels au profit des guitares et claviers. Les anciens évoquent avec nostalgie les veillées d'autrefois et regrettent la perte de la partie la plus raffinée de leur patrimoine.
Dans ce concert, Coumbane propose une voie intermédiaire qui peut constituer une vraie solution d'avenir pour cette musique savante. Sans prétendre restaurer de manière artificielle une séance de "musique de tente", elle reste au plus près des formes et des sonorités de la musique classique. Cela passe par l'utilisation des instruments traditionnels :
la tidinit, le luth soudanais des griots et l'ardin, la harpe maure des griottes, et le respect d'un programme où s'enchaînent selon un ordre préétabli les différents modes et sous-modes mélodiques aux ambiances et couleurs expressives bien particulières.
Les griots maures disposent d'un système modal complexe. Il comporte cinq modes pentatoniques principaux ; ceux-ci sont divisés en sous-modes qui les "colorent" en insistant sur un intervalle, un motif ou par l'ajout d'un degré supplémentaire.
Les instrumentistes disposent dans ce but de tout un vocabulaire technique. L'ordre des modes et des sous-modes est imposé.
À l'intérieur de chaque sous-mode, les musiciens commencent par une première partie non mesurée qui comporte une introduction instrumentale suivie d'une sorte de récitatif accompagné par les instruments. C'est là que sont chantés les bayt, poésies en arabe littéraire ou en hassaniya, l'arabe dialectal de Mauritanie.
lI est recommandé de choisir des poèmes un peu raffinés et qui peuvent être très longs. Cette partie est très caractéristique de la musique maure mais, dans les prestations musicales actuelles, elle est souvent écourtée car elle tend à ennuyer les auditeurs contemporains.
La deuxième partie est composée de shwar (sing. shawr). Ces morceaux au rythme mesuré sont accompagnés de percussions, soit en soutien discret sur le rythme de base, soit au contraire de manière énergique et variée dans les morceaux brillants, notamment de louange ou de danse. Traditionnellement, la voix et l'instrument exécutent le motif mélodique du shawr en alternance.
La musique des griots maures repose donc sur un système savant, un patrimoine commun à tous qui s'est constitué peu à peu par l'intégration progressive d'éléments d'origines diverses, berbère, arabe et soudanaise.
Mais il ne peut être identifié à aucune de ces cultures musicales et doit donc être considéré comme un trésor original et précieux.
Coumbane appartient à une famille de griots de la région du Trarza. Toute jeune, elle est initiée au chant et à l'ardin par Wana mint Boubane, puis Saymali ould Hamoud Fall l'initiera au style raffiné du Tagant. Après une première prestation au Festival d'Agadir en 1986 aux côtés de Dimi mint Abba, elle va se produire régulièrement avec Wana mint Boubane et Mahjouba Mint El Meidah ainsi que dans le groupe de Saymali.
À la fin des années 90 Coumbane forme son propre groupe avec le tidiniste Cheikh ould Abba. Depuis elle enchaîne les mariages et les concerts privés ou publics, en Mauritanie mais aussi au Maroc où vit une importante communauté maure. Le chant de Coumbane allie avec aisance la puissance de la voix du Trarza, sa région d'origine, à la finesse et au délié du Tagant et ses vocalises sont proprement saisissantes.
Ajoutons à cela une rare maîtrise du jeu de harpe, une grande complicité instrumentale avec Cheikh ould Abba, son tidiniste, et une présence scénique envoûtante, cette artiste s'affirme comme l'une des grandes griottes maures d'aujourd'hui.
Michel Guignard
Remerciements au Centre culturel français de Nouakchott
Programme du concert
I. Mode Karr
1. Sous-mode Entamas
a) Medh, louange à Dieu
b) Shawr : "Jawnaya", autopanégyrique de la chanteuse.
2. Sous-mode El-kars
a) Dkhoul, introduction instrumentale
b) Shawr : "Edh-dheb" (L'Or)
"Avec la sécheresse, ma bien-aimée
s'est amaigrie. Mais je ne la quitterai pas.
La gazelle meurt où elle a vécu même
quand la sécheresse frappe. Tels Qaïs,
martyre de l'amour, vous les passionnés,
devriez mourir d'amour."
II. Mode Vaghou
1. Sous-mode Tanaddjouga
a) Dkhoul instrumental suivi de "Bayt harb"
"Allah, le Tout-puissant n'a pas de semblable,
Il est inaccessible à l'entendement humain.
Ses attributs atteignent la perfection,
Parmi les hommes, le Prophète est le meilleur."
b) "Tehzidine" : chant non mesuré puis mesuré accompagné de la danse avec deux harpes ardin
c) Shawr : "Tabl el-mahsar yanga" avec danse
"Le tbal du campement de l'émir résonne !
Aucun autre tbal ne lui est égal et il faut
qu'on puisse toujours l'entendre.
Je danse en l'écoutant car il est le plus beau,
le plus grand,
Il est connu pour sa bravoure et n'a jamais
résonné un jour de défaite."
2. Sous-mode Byadh Vaghou
Duo instrumental
III. Mode Le-khal
a) Dkhoul instrumental et bayt vocal
b) Shawr : "Ô mon amour"
c) Solo de tbal accompagné
IV. Mode Ez-zrag
a) Dkhoul instrumental et bayt : "Shatou wa dhibou" (Le chacal et la chèvre)
b) Shawr : "Ikhsarit viha dhal mahsar"
Évocation d'une joute poétique entre deux grands griots dans le campement de l'émir du Trarza.
V. Mode Le-byadh
1. Sous-mode Maqaddjuga
a) Dkhoul instrumental et bayt vocal
b) Shawr : "En vieillissant on cherche à se rajeunir"
2. Sous-mode Byad liyen
Shawr : "Manna khayvine" (Nous n'avons pas peur)
"Quand tu t'apprêtes à chanter Manna khayvine, nous accourons tous sans crainte
pour savourer ta musique, nous n'avons pas peur. Mais quand nous sommes là et
que tu chantes, nous avons peur [de ne plus t'entendre."
VI. Mode Le-btayt
1. Sous-mode Adh-dhal
a) Dkhoul et bayt : "Ya Rebbi ya el Majid" (Mon Seigneur, toi le Parfait)
"Mon Seigneur, toi le Parfait !
Fais en sorte que ma bien-aimée ne parte pas avant la fête.
Elle insiste pour s'en aller. Toi seul peux la retenir'"
b) Shawr : "Zein ou valih" (Beau et attrayant)
"Certains partent pour ramener du bétail,
d'autres recherchent de beaux tissus.
Moi, je ne recherche qu'Allah le très Grand
et mon medh (louange) est : 'Mariya zeina winguiya'."
2. Sous-mode Baygi
a) Dkhoul et bayt : "'And aguinz nzeila" (À Quinz, il y a un campement)
"À Quinz, il y a un campement. Je m'y
rends chaque nuit. Il y a là une jeune
fille qui va me faire mourir (d'amour).
Elle est insolente. Elle me dit : "Eh
le vieux ! Cherche-toi désormais une
vieille pour la nuit. Tu ne cesses de me
poursuivre. Pourtant, tu sais bien que tu ne
redeviendras jamais jeune"."
b) Shawr : "Dhal biya gal inou nassini" (Mon amour dit qu'il m'a oublié)
"Jamais je ne peux oublier que tu m'aimes
Il faut, chaque matin et chaque soir,
que tu viennes me voir
Crois-tu mon amour, toi, mon plus grand souci,
Qu'il y ait dans la vie quelque chose qui
puisse me pousser à t'oublier ?"
c) Shawr : "Aftout"
À écouter
Mauritanie.
Coumbane mint Ely Warakane
Collection INEDIT / Maison des Cultures du Monde (W260139)
À lire
Musique, honneur et plaisir au Sahara par Michel Guignard
Paris, Geuthner, 2005, 232 pages
(CD encarté).
Mauritanie. Voie blanche. Musique traditionelle des griots maures.
Ce disque est accompagné d'un autre disque MR.CETO752 (Voie noire). Ces deux disques présentent la musique modale des griots maures. Elle distingue cinq modes principaux (Et-tehzam, Karr, Fagu, Sennima, Le-Btayt) pouvant être joués dans trois "voies" (noire, blanche, gnaydiya ou tachetée). Les modes se divisent en sous modes noirs, blancs ou rahu. Chaque mode évoque un sentiment modal particulier et il est associé à certains mètres poétiques.
La technique vocale semble d'inspiration arabo-berbère. Les poèmes sont chantés en arabe classique ou en arabe dialectal. L'idée de classification modale est inspirée des théories gréco-arabes. D'après les maures, le technique du luth proviendrait des griots soudanais.
Le premier disque (voie noire) est consacré à la tradition orientale (Hodh), la deuxième (voie blanche) à la tradition du centre (Tagant, Brakna).
Mauritanie. Voie Noire. Musique traditionnelle des Griots Maures.
Ce disque est accompagné d'un autre disque MR.CETO753 (Voie blanche). Ces deux disques présentent la musique modale des griots maures. Elle distingue cinq modes principaux (Et-tehzam, Karr, Fagu, Sennima, Le-Btayt) pouvant être joués dans trois "voies" (noire, blanche, gnaydiya ou tachetée). Les modes se divisent en sous modes noirs, blancs et rahu. Chaque mode évoque un sentiment modal particulier et il est associé à certains mètres poétiques.
La technique vocale semble d'inspiration arabo-berbère. Les poèmes sont chantés en arabe classique ou en arabe dialectal. L'idée de classification modale est inspirée des théories gréco-arabes. D'après les maures, le technique du luth proviendrait des griots soudanais.
Le premier disque (voie noire) est consacré à la tradition orientale (Hodh), la deuxième (voie blanche) à la tradition du centre (Tagant, Brakna).
Mode Et-Tehzam. Le-Byad.
Le mode "Et-Tehzam" est un intermédiaire par son échelle entre Fagu et Le-Khal. Il se compose ici d'une entrée comprenant une introduction instrumentale, le thème "El-Mesi" (la marche d'une jument) et le chant. Suivent trois morceaux mesurés ayant chacun leur propre rythme et où les voix cherchent seulement à imiter les instruments: "Blayet-tehzam" (nom d'une danse), "Jari" (course) et "Tarika".
Le mode "Le-Byad" est le mode de la blancheur. Il se compose ici de deux parties:
- "Daynna" comprenant une entrée (poésie chantée qui ressemble à du "gazel") et "Le-Hjab" (le rideau du palaquin). Le rythme binaire du chant et le rythme ternaire du tbal visent à rendre le mouvement désordonné des voiles des femmes remuées par le trot du chameau.
- "Byad Liyen" (la blancheur unie) comprenant une entrée et "Layleh lu layla" (ta nuit, c'était il y a une nuit). Ce morceau mesuré est emprunté au répertoire des serviteurs.