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Irak - Espagne. Naseer Shamma et Carlos Pinana, les virtuoses du luth et de la guitare. Spectacle
Vendredi 4 avril à 20h30
Samedi 5 avril à 20h30
dans le cadre du cycle 'La méditerranée des musiques'
Auditorium de l'Institut du Monde Arabe
1, rue des Fossés-Saint-Bernard
Place Mohammed V
75005 Paris
Comment respecter l'enseignement du maître tout en traçant sa propre voie ? Dans la trajectoire de tout artiste, arrive un moment où celui-ci est confronté à ce défi.
Il arrive dans la vie d'un artiste, parvenu à la totale maîtrise de sa tradition classique, l'envie de se confronter à une autre. Certes, ce genre d'exercice se multiplie aujourd'hui, les résultats sont rarement à la hauteur des bonnes intentions.
Mais que se passe-t-il si deux artistes apprennent à se connaître, jouent ensemble à plusieurs reprises, chacun prenant le temps de s'immerger dans la technique de jeu de l'autre, dans son patrimoine, explore son répertoire ? Voilà ce à quoi nous invite le duo exceptionnel formé par Naseer Shamma et Carlos Piñana lors de ces deux concerts à l'Institut du Monde Arabe. C'est tout d'abord un rendez-vous avec l'élégance naturelle de la virtuosité.
Carlos Piñana que nous affectionnons particulièrement, avait déjà ébloui les spectateurs du Festival de l'Imaginaire lors d'un concert d'une rare qualité en mars 2007, avec son frère Curro. Fils et petit-fils de grands artistes du monde du flamenco, Carlos a tracé sa voie, forgé sa propre personnalité tout en respectant l'enseignement de son grand-père, Antonio, grand chanteur de flamenco, référence absolue des Cantes Mineros. Son père, Antonio, est un guitariste flamenco "orthodoxe" renommé. Né à Cartagena en 1976, Carlos a commencé ses études de guitare classique et flamenco au conservatoire de cette ville à l'âge de 12 ans. Bien avant le conservatoire, il avait eu ses premiers professeurs, les plus sévères et les plus exigeants, son père et son grand-père. Après le conservatoire, il étudiera avec Manolo Sanlucar. Carlos rafle les premiers prix des concours les plus prestigieux dont le Premier Prix et le Bordon Minero du Concours du festival de las Minas de la Union. Aujourd'hui, Carlos Piñana enseigne au Conservatoire de Murcie, la ville du grand mystique Ibn Arabi.
Naseer Shamma, lui, a étudié auprès d'un grand maître, qui occupe une place particulière parmi les artistes avec lesquels la Maison des Cultures du Monde a des liens privilégiés et dont la présence, malgré sa disparition il y a 10 ans maintenant, est toujours vibrante. Il s'agit, bien entendu, de Munir Bachir. Né en 1963 dans un village sur les bords du Tigre en Irak, Naseer Shamma commence son apprentissage du 'ud à Bagdad, à l'âge de 12 ans, suivant la voie tracée par les frères Bachir, Jamil et Munir, et donne son premier concert en 1985. Munir Bachir avait choisi la voie de la méditation. Naseer Shamma, lui, se veut le témoin de son époque. Sa musique secoue, choque, bouleverse à l'image des bouleversements que connaît l'Irak, apportant un renouveau à la musique arabe.
Le dialogue entre ces deux musiciens éblouissants, instauré depuis quelques années déjà, est une flamboyante traversée de l'Irak à l'Espagne, de Bagdad à Murcie, des bords du Tigre à l'Andalousie, à la poursuite d'un futur qu'ils ne veulent pas impossible.
Arwad Esber
Irak. Entre le Tigre et l'Euphrate musiques traditionnelles d'Irak. Affiche
1-3, 7 février 1985
Irak. Entre le Tigre et l'Euphrate musiques traditionnelles d'Irak. Spectacle
1-9 février 1985.
La Mésopotamie, aujourd'hui l'Irak, terre des dieux et de Gilgamesh le taureau des hommes, reste le lieu privilégié de cultures diverses et de musiques d'une incroyable richesse.
La Maison des Cultures du Monde et le Théâtre des Amandiers présenteront du 1er au 9 février 1985 au cours de concerts différents la diversité des formes musicales irakiennes : les percussions, les chants des premières églises chrétiennes, la musique kurde, la musique rituelle de Noubane de Bassorah, le chant des bédouins du désert, l'ensemble de musique classique le Maqam Baghdadi et l'instrument roi de la musique arabe : le 'oud.
Premier concert
LA MUSIQUE SYRIAQUE, 1-3 février 1985, Maison des Cultures du Monde
Une des premières églises chrétiennes se fonde à Antioche, alors capitale de la Syrie, directement par un disciple du Christ. Dès le IIe siècle, les premiers chrétiens introduisent des chants dans le rite, sur une poésie religieuse semi - improvisée. Ces chants étranges permettent de suivre l'itinéraire religieux depuis le Jour des Rameaux jusqu'à la Pentecôte.
Chanteurs:
Abdel Massih Afram Kurkis,
Georges Fath Allah Kaka,
Père Tuya Aziz.
LE CHANT BEDOUIN DU DESERT
Le musicien improvise paroles et mélodie, et s'accompagne sur le Rabab, vièle à pique à caisse de résonance plate et rectangulaire recouverte d'une peau de mouton ou de poisson. Il frotte la corde unique avec un archet de crin de cheval.
Ibrahim Rahim : Chant et Rabab
LA MUSIQUE KURDE
La musique kurde, essentiellement populaire et anonyme, se base sur le chant (religieux, épique, d'amour et les "diloks", airs de danse et de divertissement). Ces chants accompagnés par le tenbur, instrument à cordes traditionnel des plaines, constituent la mémoire du peuple.
Chanteur ; Adnan Jamal.
Deuxième concert
PERCUSSIONS, Jeudi 7 février 1985, Maison des Cultures du Monde.
Les percussions comprennent le Tabla (tambour en poterie), le Khachabieh (tambour-fuseau de bois), le Req (tambourin), les Naqqara (couple de tambours semi - sphériques), le Tabl (gros tambour à deux peaux) accompagnés par le Matbej (petite flûte double).
Sami Abdel Ahad: Tabla, chef de groupe
Jabbar Salman : Req
Ahmad Harboud: Naqqara et Matbej
Abdel Karim Harboud : Tabl
Ali Ismaïl : Khachabieh
Les NOUBANES de BASSORAH sont des musiques rituelles du Sud de l'Irak, influencées surtout par l'Afrique. L'instrument, la Tanburah (petite fille de la guitare sumérienne) comporte six cordes de boyau tendues sur un pont. Souvent un tambour couplé, Kondah, accompagne l'instrument et le chant.
Jemaa Chebli Saïd : Joueur de Tanburah
Troisième concert
Vendredi 8 février 1985, Théâtre des Amandiers, Nanterre.
ENSEMBLE AL TCHALGHI AL BAGHDADI
Le "Maqam" particulièrement développé en Irak constitue la base de la musique arabe classique, vocale. Il représente un héritage de l'âge d'or des Abbassides.
En Irak, les "Maqamat" (pluriel de "Maqam") sont chantés en diverses occasions de la vie religieuse et profane.
Hossein Ayoub: chanteur soliste
Wassam Ayoub: cithare "santour"
Ali Kamel: qanoun
Nassir Choumma : oud
Hassan Ali lsmaïl: vièle à pique "djoza"
Sami Abdelahad : tabla
Jabbar Salman: req
Quatrième concert
Samedi 9 février 1985, Théâtre des Amandiers, Nanterre
MUNIR BACHIR et le 'OUD
Dans ses improvisations au 'oud (luth arabe), Munir Bachir, le grand soliste "livre un terrible combat entre la raison et la passion". Tout se passe comme si les sons du "Taqsim" (mode) n'étaient que les reflets d'une pensée tourmentée. Le jeu de Munir Bachir représente une des possibilités extrême que peut offrir la musique arabe savante contemporaine.
Irak. Hommage à Munir Bachir, un récital de 'ûd par Omar Bachir. Spectacle
Samedi 14 novembre 1998
HOMMAGE A MUNIR BACHIR, un récital de 'ûd par Omar Bachir
Il y a un an, le maître du 'ûd Munir Bachir disparaissait. La Maison des Cultures du Monde, sa scène préférée en France, lui rend hommage en invitant son fils et disciple à interpréter les maqâmat favoris de son. père.
Munir Bachir était né en 1930 à Mossoul en Irak. Grand maître du luth qu'il apprit d'abord auprès de son père puis à l'Institut de Musique de Bagdad, Munir Bachir était très attaché à l'authenticité de la musique arabe. Mais le musicien était aussi féru d'histoire et n'ignorait pas tout ce que les traditions arabes classiques devaient à l'héritage byzantin, à l'antique patrimoine musical des chrétiens d'Orient et aux civilisations ottomane, turkmène, kurde et persane.
Munir Bachir avait su s'imposer comme soliste, développant le langage improvisé en élargissant les possibilités techniques de l'instrument et réhabilitant certains modes tombés en désuétude ou en adoptant des modes étrangers à l'Irak. Constante de l'art de Munir Bachir, cette double volonté d'enracinement dans la tradition et d'ouverture sur l'extérieur se retrouve chez son fils.
Le 'ûd, cet instrument devenu légendaire depuis al-Kindi et l'école des 'ûdistes au
IXe siècle, s'était vu relégué à un rôle secondaire au fil des siècles. Pourtant, ne le surnommait-on pas Sultan al-tarab, le roi de l'émotion musicale? Grâce au talent de la famille Bachir, celui d'abord de Jamil, puis celui de Munir, le luth arabe reprend une place prééminente qui fera école dans tout le monde arabe.
Aujourd'hui, son fils Omar porte à son tour le flambeau de la tradition familiale et s'inscrit dans la même lignée tout en y ajoutant une touche personnelle prometteuse.
Disciple de son père, certes! Comment ne pas l'être, tant la personnalité du maître et sa rigueur technique marquèrent plusieurs générations de luthistes? Mais Omar n'est pas que cela. De par sa double culture, orientale par son père et occidentale par sa mère, il souffle dans sa musique un vent de métissage où se mêlent aux maqâmat et aux airs populaires irakiens, des accents, des ruptures, des traits mélodiques et un art du toucher qui nous rappellent d'autres maîtres - de la guitare jazz cette fois.
Entrant de plain-pied en un tournant du siècle où, foin des écoles traditionnelles, cultures et musiques se fécondent en des démarches artistiques personnelles, Omar Bachir fait partie de ces artistes appelés à renouveler et diversifier un genre musical majeur.
L'art de l'improvisation instrumentale dans la musique arabe
La musique arabe, comme la majeure partie des musiques d'orient, est modale. Le mode musical ou maqâm est une succession de notes ou "degrés" couvrant un intervalle d'octave et dont la répartition, les règles et la hiérarchie sont spécifiques. À chaque mode correspond également un climat émotionnel particulier.
Chaque mode est construit sur la combinaison de deux ou trois cellules de trois, quatre ou cinq degrés. Ces tri-, tétra- et pentacordes qui, à l'instar du système modal de la Grèce antique, constituent les noyaux du mode sont appelés jins (terme dérivé du grec genos, genre). Ces genres sont au nombre de dix-sept, c'est-à-dire dix-sept combinaisons de quelques notes -ou plus exactement de quelques intervalles- qui déterminent chacune un sentiment modal, cet ethos qui est à la base de ce que les Arabes appellent le tarab, l'émotion musicale.
Les degrés du mode respectent une hiérarchie ; celle-ci est indispensable car elle détermine la dynamique du mode, C'est-à-dire tous les mouvements mélodiques. Les deux degrés principaux sont la tonique ou note de repos, qarâr (litt. décision), et la dominante, ghammaz (litt. clin d''il). C'est donc la relation à la fois d'attirance et de rejet qu'entretiennent ces deux degrés, combinée avec l'interaction des genres, qui commande les mouvements mélodiques.
Dans son ouvrage La musique arabe, Rodolphe d'Erlanger recense 117 modes différents. Un musicien moyen en connaît une dizaine, un musicien tel que Munir Bachir les connaissait tous. Tous les modes arabes ne sont pas également intéressants; un bon nombre d'entre eux n'offrent guère de possibilités d'improvisation, aussi les utilise-t-on comme modes secondaires ou passagers dans une improvisation conçue sur un mode principal. Les plus importants sont le râst, le bayâti, le nahawand, le Sabâ, le hijâz, le hijâz kar, le hijâz kâr kurd, le kurdi, le sigâh, le 'ajam.
Le taqsîm est une pièce improvisée sur un mode donné, un "impromptu musical" écrivait Erlanger, non rythmé et sans forme stricte. Dans la tradition des suites vocales et instrumentales, cet interlude s'insère entre deux chants et permet de préparer l'auditoire à un changement de mode musical.
Le taqsîm est constitué de plusieurs sections de longueurs variables qui se divisent à leur tour en phrases, d'où son nom qui signifie littéralement répartition, fragmentation.
Les seules règles qui régissent l'improvisation sont les structures modales décrites ci-dessus. Le mode est généralement présenté au travers des genres qui le composent.
Traditionnellement et selon les écoles, il y avait pour chaque mode un ordre spécifique de présentation des genres sur un ambitus global de deux octaves. Pour certains modes par exemple, on commençait par le genre le plus grave, puis on montait progressivement vers l'aigu où se situait le climax de l'improvisation, avant de redescendre vers le grave. De nos jours, ces règles anciennes ne sont plus guère respectées - dans la lettre sinon dans l'esprit - d'autant que les musiciens ne se cantonnent plus dans l'exécution d'un seul mode par taqsim mais, par un savant jeu de modulations, conduisent l'auditeur vers d'autres espaces modaux et émotionnels. Autrefois, un taqsim ne durait guère plus de deux à trois minutes. Munir Bachir, s'inspirant à la fois du modèle du récital en solo à l'occidentale et des pratiques improvisationnelles indiennes, a profondément transformé ce schéma. Dans les dernières années de sa vie, on put l'entendre ainsi dans des pièces pouvant durer près d'une demi-heure, et dans lesquelles il s'astreignait à exploiter toutes les ressources affectives des maqâmat qu'il avait choisis.
Programme
Taqsîm maqâm Hijâz kâr
Taqsîm maqâm Nahawand,
suivi de "Amour et paix" (comp. Munir Bachir)
Taqsîm maqâm 'Ajam,
suivi d'une mélodie populaire
Taqsîm maqâm Râst,
suivi d'une mélodie populaire
Taqsîm maqâm Hijâz kâr kurd,
suivi de "La princesse andalouse" (comp. Munir Bachir)
Irak. L'ensemble Ferqat-Al-Iqaat. Spectacle
IRAK, Le Monde en Rythme.
12 juin 1990
Les quatre plus célèbres percussionnistes d'Ikak nous font découvrir les rythmes de ce pays.
Ferqat-Al-Iqaat "l'ensemble de rythmes". Ce groupe s'est formé dans les années 80 à l'initiative de Munir Bachir. Les percussionnistes formés à l'école de la tradition mettent en valeur un savoir séculaire (populaire et savant) à travers des compositions originales qui permettent en outre à chaque musicien d'affirmer sa propre virtuosité.
Très élaborée, la rythmique arabe est par essence beaucoup plus proche de la conception indienne du rythme (tala) que de celle des cultures africaines. Très influencée par la métrique poétique, elle ne se limite pas à l'usage de rythmes binaires ou ternaires fondés sur l'organisation d'une pulsation, mais se base au contraire sur une structure cyclique complexe, dans laquelle sont mis en opposition des accents forts et faibles, des temps longs, courts et silencieux. Chaque cycle, qui peut comprendre de 3 à 66 temps, est composé d'une série d'unités rythmiques minimales qui forment une sorte de squelette rythmique. La pulsation, inhérente à la nature humaine, n'est donc 1à que pour être contredite, bousculée, notamment dans les fameux rythmes aksak ou boiteux (5, 7, 11, 13 temps) que Bartok appelait "rythmes bulgares". Tout le talent du rythmicien consiste à prendre un cycle sous sa forme "squelettique" et à l'habiller de notes additionnelles, de la manière la plus variée possible.
Si le groupe Ferqat al-iqaat reprend les rythmes et les instruments traditionnels de la musique savante et populaire d'Irak, ses membres occupent néanmoins une position à part par rapport aux autres percussionnistes du pays. Ces derniers sont en effet soit attachés à des ensembles de musique savante, auquel cas leur rôle d'accompagnateur les voue à un jeu empreint de finesse et de discrétion, soit des musiciens populaires appelés à accompagner des danses de villages, ou encore des musiciens confrériques. En développant le jeu soliste, l'ensemble Ferqat-al-iqaat confère à la percussion irakienne ses lettres de noblesse.
Les instruments
Tabla, plus connu en Irak sous son nom populaire de "denbak" et dans les autres pays arabes sous le nom de "darbouka", cet instrument se compose d'un corps arrondi de céramique et d'une peau tendue sur un couvercle circulaire de 18 cm de diamètre. L'instrumentiste utilise les doigts pour frapper la peau de l'instrument. Le coup fort au centre de la peau s'appelle "doum"; le coup plus faible sur les bords s'appelle "tak".
Khachabieh, sorte de tabla dont le corps est constitué par une seule pièce de bois creusée qui se resserre vers le centre et se termine par deux ouvertures circulaires dont la plus petite est recouverte de peau. Le musicien accroche l'instrument à son épaule gauche à l'aide d'une courroie de cuir. Il utilise les doigts des deux mains pour frapper la peau de l'instrument. On trouve cet instrument dans le sud de l'Irak.
Req : tambourin circulaire utilisé principalement dans les ensembles savants et dont le cadre comporte dix paires de sequins en métal mobiles. L'instrumentiste tient le req de la main gauche et frappe de la main droite la peau qui recouvre une des faces de l'instrument.
Naqqara : timbale au corps de poterie ou de métal et dont la seule ouverture est recouverte de peau, Elle a la forme d'un bol. Les naqqara sont reliés entre eux par paire au moyen d'un lien de cuir ou d'une tresse végétale. Le musicien joue sur les deux en utilisant des baguettes de bois. Les naqqara sont utilisés pour les musiques et danses populaires, pour les poèmes chantés, pour des manifestations religieuses.
Tabl : gros tambour de bois à deux peaux. Le tambourinaire porte l'instrument sur la poitrine suspendu par un lien de cuir. Avec la main droite, il le frappe d'une baguette de bois au bout arrondi tandis qu'avec la main gauche il le frappe d'une tige d'osier tranchée net. Cet instrument accompagne la musique des fêtes et des mariages dans les milieux populaires et dans les villages.
Irak. La Musique Syriaque Chanteur Kurde, joueur de Bouzouk. Spectacle
1-3 février 1985
La Musique Syriaque
A l'aube du Christianisme se fonde en Orient : 1'Eglise syriaque d'Antioche, alors capitale de la Syrie. Dans cette ville, des disciples du Christ introduisent directement la religion.
Pendant des siècles, les premiers chrétiens laissent derrière eux une importante documentation concernant la philosophie, les mathématiques, la linguistique et les littératures. Ces dernières proviennent en grande partie de la traduction des sources grecques.
Les Syriaques, héritiers, entre autre, de la musique assyrienne et les premiers à embrasser la religion chrétienne,introduisent la musique dans les cultes. Au début, l'élément musical se limite aux psaumes, puis au temps d'Antiochus III en l'an 107, deux choeurs apparaissent et, comme les poètes de cette époque foisonnent, le genre musical religieux se divise en quinze parties nommées les "Madrosho" syriaques (équivalent aux "Mouachah" (poèmes chantés).
Dès ce deuxième siècle, il est possible de distinguer deux catégories de chants ; l'un à partir de la poésie rimée et l'autre partir de la poésie libre, C'est dans cette poésie libre que se retrouve la majorité des chants de l'Eglise Syriaque.
- Le "Mahaneto" ou litanie chantée sur huit modes différents.
- Le "Takisfotho".
- Le "Katismat" ou séance de psalmodie.
- Le "Kanuni" ou litanie sur des phrases libres mais tombant toujours sur la même rime.
La musique du rite syriaque s'étend sur huit modes vers où convergent tous les airs connus. Comme il s'agit de musiques non écrites,beaucoup de ces airs se sont définitivement perdus.
Voici la nature des huit modes :
1. Mode fluide, léger, vivifiant. Rite de "la bonne nouvelle" et de la joie.
2. Mode de la froideur, de l'humilité et de la soumission. Rite du "Christ devant les docteurs de la Loi".
3. Mode sec, fort et piquant."Rite de 1'Annonciation".
4. Mode froid lié à la dévotion et l'angoisse. Rite de "l'Incertitude de la Vierge après la visite de l'archange puis de sa soumission à la foi".
5. Mode de la chaleur brûlante. Rite de la "Pentecôte".
6. Mode fin et fluide destiné à faire couler des larmes. Rite de la "Passion".
7. Mode chaud et fort. Rite du "Jour des Rameaux".
8. Mode dur et sec. Rite du "Sacrifice suprême".
Ces huit modes correspondent aux "maqam" suivants:
1. Moukhalef et Kazazi.
2. Nouriz.
3. Auj et Chahri.
4. Rast et Hijar Shami.
5. Saba et Jarkah.
6. Nawa.
7. Safiat.
8. Hijar Mosri et Karkukli.
Les chanteurs sont :
- Abdel Massih Afram Kurkis.
- Georges Fath Allah Kaka.
- Père Tuya Aziz.
Chanteur Kurde, joueur de Bouzouk.
La musique des Kurdes reste essentiellement populaire et anonyme et les circonstances de son élaboration restent difficiles préciser. Il s'agit surtout d'une musique vocale répan- due par les "Denghej" (bardes) au cours de leurs déplacements de village en village.
Le chant, traditionnel Kurde possède une structure répétitive dont l'unité, la strophe,comporte trois, quatre, cinq, jusqu'à sept phrases musicales. Une strophe contient toute la ligne mélodique et, d'une strophe à l'autre, les paroles seules diffèrent
Ce canevas se retrouve dans les chants religieux et les "dilok" (airs de danse et de divertissement). Les chants épiques sont très nombreux car la guerre joue un rôle important dans la vie des kurdes. Ces chants constituent de véritables chroniques historiques où sont consignés presque tous les événements de la vie locale et nationale. Les "Berdolavi" (chansons de toile) et les "Kulamen dilan" (chants d'amour) complètent le répertoire de la musique vocale.
La musique Kurde est monodique.
L'instrument qui règne dans la musique des plaines se nomme "Tenbûr" (un luth à manche long muni de six cordes). Il existe un clivage net entre la musique des plaines et celle des montagnes, apanage des nomades).
Cependant, le musicien Adnan Jamal s'accompagne sur un instrument de la même famille, mais accordé de manière différente : le "Bouzouk".
Chanteur et joueur de Bouzouk : Adnan Jamal.
Irak. Le maqâm de Bagdad. Photos
Le maqâm irakien est le fruit d’un long brassage de civilisations et plus particulièrement des traditions arabe, persane et turque. Cet art essentiellement vocal et poétique est organisé en suites modales, composées de pièces vocales et d’interludes instrumentaux selon un principe général qui prévaut depuis des siècles dans presque tout le monde islamique, depuis la nûba maghrébine à l’ouest jusqu’au muqâm ouïgour aux confins de la Chine. Le maqâm irakien se subdivise en trois grandes traditions, celle de Bagdad (al- maqâmât al-baghdâdîyya) et celles de Mossoul et de Kirkouk.
Chaque suite ou maqâm est fondée sur l’enchaînement de modes musicaux, de rythmes spécifiques et de formes poétiques selon un ordre établi par la tradition. Elle se compose généralement de deux parties. La première débute par une pièce instrumentale muqaddima ou par une improvisation instrumentale en solo taqsîm suivie d’un tahrîr, partie vocale non mesurée et chantée sur un ou quelques mots seulement. Puis s’enchaînent plusieurs passages chantés de rythme libre ou des pièces vocales entrecoupées de mélodies instrumentales. La première partie se conclut enfin par une cadence djalsa. Le seconde partie comprend une ou plusieurs meyana (parties médianes) chantées dans le registre supérieur renforçant, par contraste, l’effet dramatique, et qui alternent avec des passages chantés et des pièces vocales entrecoupées de refrains instrumentaux teslim, de ritournelles dulab ou d’improvisations taqsîm. Puis le maqâm se conclut sur un rythme plus alerte par des chansons citadines peste ou rurales abûdhîyya.
Le chanteur, appelé qari’ (récitant), a toute liberté de puiser dans l’immense corpus poétique, que ce soit en arabe littéraire ou en dialecte de Bagdad, à condition de respecter la forme imposée et de préserver l’intelligibilité du poème tout en l’embellissant par son chant. Le poème éclate donc sous l’effet des parties musicales qui se succèdent et des passages instrumentaux insérés entre les vers ou les stances, le maqâm est donc avant tout une musique expressive, aux couleurs nostalgiques ou dramatiques, accentuées par diverses techniques ornementales dont une sorte de huchement ou de sanglot, que Hamed Al Saadi est aujourd’hui l’un des seuls à avoir conservé.
Deux chanteurs ont marqué l’art du maqâm au XXe siècle : Muhammad al-Gubantchi (1901-1989) et Yusuf Omar (1918-1987). Hamed Al Saadi fut le principal disciple de Yusuf Omar et peut à bon droit se considérer comme son héritier. Le style du maqâm est aux antipodes de celui des musiques d’Égypte ou du Proche Orient. Le timbre est tout sauf brillant, on affectionne au contraire un chant légèrement voilé, presque rauque,
marqué par de subtiles hésitations. Il est soutenu par le son plaintif de la petite vièle djozé, les frappes un peu fragiles de la cithare à cordes frappées santûr et des percussions au jeu sobre, dénué d’esbrouffe : un tambour tabla et un tambourin à sequins riqq ou daff zindjari, parfois une paire de petites timbales naqarat. Récemment, nombre de chanteurs influencés par la chanson égyptienne ont en partie abandonné ce style ainsi que les instruments du tchalghi baghdadi traditionnel au profit du violon, du nây et du ‘ûd. Hamed Al Saadi demeure quant à lui fidèle à l’équilibre sonore du tchalghi et à l’héritage de ses maîtres, héritage qu’il a consolidé, enrichi de son apport personnel et qu’il transmet aujourd’hui au sein du conservatoire de Bagdad.
Art savant autrefois chanté dans les cafés, lieux d’échange et de détente mais aussi de spectacle et de transmission de la tradition, le maqâm touchait tous les milieux : populaire, bourgeois, aristocratique. Avec la disparition des cafés, il s’est transporté dans les soirées privées, plus bourgeoises, et c’est là qu’il survécut jusqu’à l’orée des années 90. Les guerres, les embargos ont failli le faire disparaître, éparpillant chanteurs et musiciens un peu partout dans le monde arabe et à l’étranger. Quelques artistes ont cependant assuré sa préservation et sa diffusion. Hamed Al Saadi est de ceux-là. Il n’a pratiquement jamais quitté l’Irak et c’est de là qu’il vint en 1998 donner ses premiers concerts en France, à la Maison des Cultures du Monde.
En 2003, le maqâm irakien a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, mais beaucoup d’efforts restent à faire pour préserver ce fleuron des musiques orientales.
Irak. Le maqâm de Bagdad. Spectacle
Le maqâm irakien est le fruit d’un long brassage de civilisations et plus particulièrement des traditions arabe, persane et turque. Cet art essentiellement vocal et poétique est organisé en suites modales, composées de pièces vocales et d’interludes instrumentaux selon un principe général qui prévaut depuis des siècles dans presque tout le monde islamique, depuis la nûba maghrébine à l’ouest jusqu’au muqâm ouïgour aux confins de la Chine. Le maqâm irakien se subdivise en trois grandes traditions, celle de Bagdad (al- maqâmât al-baghdâdîyya) et celles de Mossoul et de Kirkouk.
Chaque suite ou maqâm est fondée sur l’enchaînement de modes musicaux, de rythmes spécifiques et de formes poétiques selon un ordre établi par la tradition. Elle se compose généralement de deux parties. La première débute par une pièce instrumentale muqaddima ou par une improvisation instrumentale en solo taqsîm suivie d’un tahrîr, partie vocale non mesurée et chantée sur un ou quelques mots seulement. Puis s’enchaînent plusieurs passages chantés de rythme libre ou des pièces vocales entrecoupées de mélodies instrumentales. La première partie se conclut enfin par une cadence djalsa. Le seconde partie comprend une ou plusieurs meyana (parties médianes) chantées dans le registre supérieur renforçant, par contraste, l’effet dramatique, et qui alternent avec des passages chantés et des pièces vocales entrecoupées de refrains instrumentaux teslim, de ritournelles dulab ou d’improvisations taqsîm. Puis le maqâm se conclut sur un rythme plus alerte par des chansons citadines peste ou rurales abûdhîyya.
Le chanteur, appelé qari’ (récitant), a toute liberté de puiser dans l’immense corpus poétique, que ce soit en arabe littéraire ou en dialecte de Bagdad, à condition de respecter la forme imposée et de préserver l’intelligibilité du poème tout en l’embellissant par son chant. Le poème éclate donc sous l’effet des parties musicales qui se succèdent et des passages instrumentaux insérés entre les vers ou les stances, le maqâm est donc avant tout une musique expressive, aux couleurs nostalgiques ou dramatiques, accentuées par diverses techniques ornementales dont une sorte de huchement ou de sanglot, que Hamed Al Saadi est aujourd’hui l’un des seuls à avoir conservé.
Deux chanteurs ont marqué l’art du maqâm au XXe siècle : Muhammad al-Gubantchi (1901-1989) et Yusuf Omar (1918-1987). Hamed Al Saadi fut le principal disciple de Yusuf Omar et peut à bon droit se considérer comme son héritier. Le style du maqâm est aux antipodes de celui des musiques d’Égypte ou du Proche Orient. Le timbre est tout sauf brillant, on affectionne au contraire un chant légèrement voilé, presque rauque,
marqué par de subtiles hésitations. Il est soutenu par le son plaintif de la petite vièle djozé, les frappes un peu fragiles de la cithare à cordes frappées santûr et des percussions au jeu sobre, dénué d’esbrouffe : un tambour tabla et un tambourin à sequins riqq ou daff zindjari, parfois une paire de petites timbales naqarat. Récemment, nombre de chanteurs influencés par la chanson égyptienne ont en partie abandonné ce style ainsi que les instruments du tchalghi baghdadi traditionnel au profit du violon, du nây et du ‘ûd. Hamed Al Saadi demeure quant à lui fidèle à l’équilibre sonore du tchalghi et à l’héritage de ses maîtres, héritage qu’il a consolidé, enrichi de son apport personnel et qu’il transmet aujourd’hui au sein du conservatoire de Bagdad.
Art savant autrefois chanté dans les cafés, lieux d’échange et de détente mais aussi de spectacle et de transmission de la tradition, le maqâm touchait tous les milieux : populaire, bourgeois, aristocratique. Avec la disparition des cafés, il s’est transporté dans les soirées privées, plus bourgeoises, et c’est là qu’il survécut jusqu’à l’orée des années 90. Les guerres, les embargos ont failli le faire disparaître, éparpillant chanteurs et musiciens un peu partout dans le monde arabe et à l’étranger. Quelques artistes ont cependant assuré sa préservation et sa diffusion. Hamed Al Saadi est de ceux-là. Il n’a pratiquement jamais quitté l’Irak et c’est de là qu’il vint en 1998 donner ses premiers concerts en France, à la Maison des Cultures du Monde.
En 2003, le maqâm irakien a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, mais beaucoup d’efforts restent à faire pour préserver ce fleuron des musiques orientales.
Irak. Le maqâm irakien, tradition de Bagdad. Spectacle
23-25 mars 1998, MCM Paris
21 mars, Théâtre Duchamp-Villon, Rouen
27 mars, Salle Patino, Genève (Ateliers d'Ethnomusicologie)
Bagdad, coeur d'une grande tradition littéraire et musicale, a engendré au gré des influences arabe, persane et turque un style artistique incomparable. Si profondément enracinée dans cette ancestrale terre d'Orient et source inspiratrice des plus subtiles émotions des Mille et une nuits, cette cité au bord du Tigre a donné naissance à une grande tradition vocale : le maqâm.
D'abord chanté dans les cafés (réservés aux hommes), et cela jusqu'à la fin des années quarante, le maqâm a toujours été accueilli, quelles que soient les origines sociales de l'assistance, avec passion et bonheur. Depuis la disparition de ces lieux publics, le maqâm connut un éclat important dans les demeures bourgeoises. Mariage, anniversaire et autres fêtes familiales ou amicales offraient alors l'occasion d'inviter des virtuoses. Mais la crise que connaît aujourd'hui le pays met en danger cette tradition savante. La venue pour la première fois en France d'un chanteur tel que Hamed al-Saadi met en lumière un patrimoine injustement méconnu.
Le récitant et chanteur Hamed al-Saadi, disciple de l'illustre maître Yusuf Omar, jouit d'une forte renommée dans les pays arabes tant par l'excellence de son interprétation que par son infatigable recherche des maqâms oubliés ou délaissés.
Ce genre vocal - qu'il ne faut pas confondre avec le terme désignant le mode musical arabe - est à la fois un art savant aristocratique et une tradition populaire. De l'amour aux souffrances qu'il éveille, du quotidien à la mystique, le maqâm caracole sans heurt du profane au sacré. Cet art se fonde sur une alternance de chants et de passages instrumentaux, et sur l'utilisation de formes poétiques, de modes et de rythmes établis au fil du temps et de la tradition en un ensemble de règles codifiées.
C'est dans les cités antiques de l'ancien Irak, la Mésopotamie, qu'une des premières civilisations humaines voit le jour ; en émergent l'écriture, la loi et les épopées.
À maintes reprises, ce pays se trouvera pris en tenaille entre des puissances qui se disputent le pouvoir régional. Après une lutte entre Romains et Sassanides, le pouvoir arabo-islamique règne sur le pays au VIIe siècle. Sa capitale Bagdad devient le centre du caliphat du monde islamique, ville d'art, de science et de savoir dans un pays de sanctuaires religieux qui attirent les fidèles du monde islamique tout entier.
Dans ce pays de culture, de langue et de population arabes, la ville de Bagdad est le centre focal de rencontres de populations provenant de différentes régions de l'ancien monde de l'Islam ; elle développe alors une culture originale au carrefour des grandes civilisations islamiques, culture dont l'art du maqâm irakien vient porter témoignage.
Les maqâms irakiens
Les maqâms irakiens interprétés dans ces concerts appartiennent à la grande tradition de Bagdad, appelée aussi al maqâmat al baghdâdîyya, qui se distingue des traditions de Mossoul et de Kirkouk, par ailleurs moins connues. De par son ancienneté, ce répertoire constitue l'origine des différentes expressions musicales citadines, tant instrumentales que vocales ou religieuses et touche tous les milieux urbains profanes ou sacrés.
Il ne faut pas confondre le maqâm irakien, al maqâm al 'irâqi (pl. al maqâmat al 'irâqîyya) qui est le principal genre vocal citadin du pays avec le terme maqâm qui désigne le mode musical arabe. Le répertoire des maqâms en comprend plus de cinquante dont une grande partie est encore en vogue. Chacun de ces maqâms est une "composition" indépendante avec des parties structurelles et des successions mélodiques spécifiques au genre qui se composent de passages caractéristiques, de pièces mélodiques et vocales, d'enchaînements de modes et de modulations. Le genre poétique et le type de formule rythmique sont établis par la tradition. Les éléments constitutifs de chaque maqâm doivent être respectés par l'interprète, mais celui-ci dispose d'une certaine liberté qui l'autorise à improviser et même à ajouter des passages personnels.
Traditionnellement, les maqâms sont chantés en cycles : fusul. Cependant, les cycles profanes ont été déstructurés, remplacés aujourd'hui par des cycles libres ou par de petits cycles, tandis que ceux qui sont liés à la tradition religieuse, comme le mawled, "célébration de la naissance" et le dhikr, "cérémonie des mystiques", conservent leur ordre ancien.
Le maqâm irakien s'appuie sur un ensemble de règles codifiées, une terminologie complexe et un long apprentissage qui sont les caractéristiques d'une tradition savante. Mais s'il est largement patronné par l'aristocratie, il constitue néanmoins le patrimoine de toutes les couches sociales.
Lors des soirées musicales, l'interprétation des maqâms est associée à d'autres formes musicales. En général chaque maqâm est précédé d'une introduction instrumentale indépendante, muqadimma, et de quelques improvisations instrumentales taqâsîm. Une voire plusieurs pesté, chansons à refrain puisées le plus souvent dans le répertoire des chansons citadines, sont exécutées, en général dans le mode principal du maqâm. Le répertoire peut aussi inclure des passages de chant populaire comme la 'ataba bédouine et l'ubûthîyya rurale.
Maqâm et poésie
Le chanteur, appelé traditionnellement qârî', "récitant", a toute liberté de puiser dans l'immense corpus lyrique arabe : pour chaque maqâm, poèmes en arabe littéraire et en arabe dialectal sont imposés par leurs seules formes. Il arrive, sous l'effet de la succession des différentes parties vocales et de l'insertion de passages intrumentaux entre deux parties d'un vers, que le vers poétique éclate. Ceci explique partiellement la technique d'interprétation des anciens qui consistait à chanter entre les lèvres, ce qui rendait certains passages poétiques incompréhensibles, le texte s'effaçant devant les exigences de la ligne mélodique.
On doit aux grands chanteurs Mohammad al Gubantchi (1901-1989) et Yusuf Omar (1918-1987 voir CD) d'avoir restitué l'importance de la poésie en imposant aux interprètes une rigueur dans la prononciation. Selon les connaisseurs bagdadi, une grande interprétation est celle qui réussit à lier un grand poème à la mélodie d'un maqâm qui lui correspond le mieux.Le contenu des poèmes, toujours lyrique, peut être aussi varié que la vie, mais ceux ayant trait à l'amour, la souffrance, l'éloignement et la mystique sont prédominants.
L'accompagnement instrumental
Dans un contexte profane, le maqâm est traditionnellement accompagné par l'ensemble al tchâlghî al baghdâdî comprenant un santûr, cithare sur table trapézoidale à 23 triples cordes frappées ; un djôzé, vièle à quatre cordes, un tabla, tambour à une membrane, un daff zindjârî, tambour sur cadre à cymbalettes, et parfois la timbale double naqqâra. Depuis les années trente, certains chanteurs ont opté pour l'ensemble oriental al takht al sharqî avec le qânûn, cithare à cordes pincées, le 'ûd, luth classique à manche court et le nây, flûte de roseau à six trous. Si ces deux ensembles sont aujourd'hui indifféremment utilisés, on constate dans les années soixante-dix une préférence marquée pour le tchâlghî.
Lieux et circonstances de représentation
Jusqu'à la fin des années quarante, le seul lieu public où l'on peut écouter les chanteurs de maqâm est le café, réservé aux hommes. Celui-ci joue le rôle d'école permettant aux grands maîtres, à leurs disciples masculins et à un auditoire d'amateurs passionnés et, socialement hétérogène, d'écouter le chant du maqâm.
Après la disparition des cafés musicaux, la tradition du maqâm se poursuit dans les soirées privées, sahrat maqâm ou tchâlghî, organisées dans les demeures de la bourgeoisie riche et moyenne et y connaît son plus grand éclat. Diverses circonstances offrent l'occasion d'inviter chanteurs et ensemble instrumental devant une audience généralement mixte : mariage, anniversaire, circoncision, fête de calendrier, visite d'un invité d'honneur ou tout simplement pour se retrouver entre amis. Le peu de contraintes de temps et de tenue, la consommation de l'alcool (interdit dans les cafés) favorisent une interprétation libre et généralement très intense sur le plan émotionnel. Les auditeurs participent souvent au chant et dansent sur les chansons rythmées pestés. Ces réunions informelles vont survivre à tous les changements socio-économiques précédant la guerre de 1991. Mais depuis, la profonde crise économique que connaît le pays a largement retiré aux mélomanes les moyens de s'offrir de telles soirées.
Hamed al Sa'adi, récitant (chanteur)
Né à Bagdad en 1956. Dès son plus jeune âge, Hamed al Sa'adi se découvre une vocation pour l'art du maqâm. Il s'en imprègne en écoutant attentivement les diverses manières de l'interpréter, accordant une attention particulière aux deux grands chanteurs du siècle, Mohammed al Gubantchi et Yusuf Omar. Et ce dernier sent que le jeune Hamed al Sa'adi porte en lui le talent nécessaire pour devenir son héritier. En effet, al Sa'adi est non seulement le seul représentant de la tendance traditionnelle et authentique du chant du maqâm mais il est aussi le seul à pouvoir interpréter la totalité du répertoire, chose rare qui, de tout temps, a distingué les chanteurs de premier rang. S'appuyant sur de vieux enregistrements, il s'est employé à sortir de l'oubli nombre de maqâms tombés en désuétude.
Aujourd'hui encore, al Sa'adi continue d'approfondir ses recherches dans le domaine de l'interprétation et celui de la poésie arabe classique. Par ailleurs, il enseigne le maqâm et est expert à la Maison du maqâm fréquentée par les amateurs. Hamed al Sa'adi jouit d'une grande renommée dans les pays arabes. Ses concerts parisiens sont une première en Europe.
Mohammed Zaki, cithare-sur-table santûr
Né à Bagdad en 1955. Il étudie le santûr à l'Institut d'études mélodiques de Bagdad. Pendant de très longues années il accompagnera le grand Yusuf Omar. Actuellement il enseigne le santûr et joue régulièrement dans les différents ensembles de tchâlghî baghdâdî à Bagdad et à l'étranger. Il est aujourd'hui l'un des meilleurs joueurs de santûr en Irak.
Soheib Hashem al Ridjab, vièle à quatre cordes djôzé
Né à Bagdad en 1950 . Il a hérité l'art du maqâm de son père, le renommé Hadj Hashem al Ridjab, interprète, auteur et grand spécialiste de cet art. Soheib est des rares joueurs de djôzé maîtrisant l'art du jeu traditionnel. Il participe activement à plusieurs ensembles de tchâlghî baghdâdî et accompagne le maqâm dans le monde entier.
Fadel al Sa'adi, tambour à une membrane tabla
Né à Bagdad en 1964. Ce jeune percussioniste est le frère cadet de Hamed al Sa'adi. Il s'est familiarisé avec toutes les formules rythmiques irakiennes et a repris l'usage des formules anciennes qui avaient été délaissées par ses contemporains. Il participe également au chant des pestés. Il joue régulièrement à Bagdad dans divers ensembles de tchâlghî baghdâdî.
Schéhérazade Qassim Hassan
à écouter
Le Maqâm irakien, hommage à Yusuf Omar (1918-1987) coffret de 2 CD INÉDIT W260063
Irak. Le Maqâm irakien. Ensemble Al Tchalghi Al Baghdadi. Spectacle
8 février 1985
Le Maqâm irakien
Berceau d'une des premières civilisations, centre du monde arabo-musulman à l'époque de l'âge d'or abbasside, la terre d'Irak reçut aussi l'empreinte des Romains, Sassanides, Mongols, Turkmènes, Ottomans et Persans. C'est donc au carrefour des trois grandes civilisations islamiques : arabe, persane et turque, que Bagdad a développé une culture originale dont l'art du maqâm irakien porte toujours témoignage.
Chanté traditionnellement lors de soirées musicales privées (sahrat maqâm) et autrefois dans les cafés, le maqâm irakien touche tous les milieux, populaire, bourgeois ou aristocratique. Ce genre vocal éminemment savant s'organise en suites de pièces vocales et d'interludes instrumentaux, fondées sur l'enchaînement de modes, sur l'utilisation de formes poétiques et de rythmes spécifiques selon un ordre établi par la tradition. Le chanteur ou qâri' (litt. "récitant") a toute liberté de puiser dans l'immense corpus poétique arabe, que ce soit en arabe littéraire ou en dialecte de Bagdad, à condition de respecter la forme imposée. De plus, le poème éclate littéralement sous l'effet de la succession des différentes parties musicales et l'insertion de passages instrumentaux entre les vers. Le chanteur est accompagné par un petit ensemble tchalghi qui comprend une cithare à cordes frappées santûr (également utilisée en Iran), une vièle djozé et des percussions légères (tambours sur cadre et timbales doubles). Depuis les années trente, nombre de musiciens ont également introduit les instruments du takht proche-oriental ('ûd, qânûn, nây) ; toutefois depuis les années soixante-dix on constate un retour certain vers le tchalghi traditionnel. Deux chanteurs ont marqué l'art du maqâm au xxe siècle : Muhammad al-Gubantchi (1901-1989) et Yusuf Omar (1918-1987). Leur mort, suivie d'une guerre qui a fortement ébranlé la société irakienne, marque la fin d'une époque et il est difficile de prédire aujourd'hui l'avenir de cette tradition.
' Maqâm Baghdadi, F.A.T. 1975 ; Ensemble Tchalghi al-Baghdadi, Maison des Cultures du Monde, 1985.
Discographie
Le Maqâm irakien, tradition de Bagdad, hommage à Yusuf Omar (1918-1987), double CD enregistré à Bagdad en 1972 par Shéhérazade Q. Hassan, INEDIT W 260063.
Irak. Les percussions Les Noubanes de Bassorah Le Rabab bédouin et le chant du désert. Spectacle
7 février 1985
Le Tigre à l'Est et l'Euphrate à l'Ouest enserrent la terre du berceau de la vie, celle qui a vu grandir Gilgamesh, pousser le jardin d'Eden ,décrit dans la bible, s'ériger Babylone, et s'épanouir les Mille et une Nuits : la Mésopotamie, aujourd'hui l'Irak .
Les méthodes scientifiques du présent ne finiront jamais d'exhumer la partie morte de l'histoire du pays des dieux et des hommes, par l'exploration archéologique. Aussi la Maison des Cultures du Monde propose de faire connaître une des formes vivantes: la musique.
Au travers des musiques de l'Irak, il est ainsi possible de s'orienter au milieu des divers modes de vie des sociétés; celle des nomades, celle des montagnards, celle des citadins, celle des hommes des marais et des différentes croyances: Islam ou Christianisme des premières églises. Les musiques de l'Irak se révèlent aussi multiples et riches que la multitude des peuples qui vivent dans ce pays.
Les percussions
Chaque village d'Irak compte un patrimoine musical qui lui est propre et qui comporte des percussions spécifiques.
- Tabla : plus connu en Irak sous son nom populaire de "Denbak" et dans les autres pays arabes sous le nom de "Darbouka", cet instrument se compose d'un corps arrondi de céramique ou de métal de 40 cm de longueur, cintré dans son milieu, et d'une seule peau tendue sur une couverture circulaire de 18 cm de diamètre.
L'ouverture inférieure, libre est beaucoup plus petite. L'instrumentiste utilise les doigts pour frapper la peau de l'instrument. Le coup fort au centre de la peau s'appelle "Doum": le coup plus faible sur les bords s'appelle "Tak" .
- Khachabieh : Le "Khachabieh" sorte de "tabla" dont le corps est constitué par une seule pièce de bois creusée ("Khachab" : bois, en arabe) se resserre vers le centre et se termine par deux ouvertures circulaires dont la plus petite est recouverte de peau. Le musicien accroche l'instrument à son épaule gauche à l'aide d'une courroie de cuir. Il utilise les doigts des deux mains pour frapper la peau de l'instrument. Cet instrument se trouve dans le sud de l'Irak
- Req : Tambourin circulaire dont le cadre comporte dix paires de sequins de métal mobiles. L'instrumentiste tient le "'Req" de la main gauche et frappe de la main droite la peau qui recouvre une des faces de l'instrument.
- Naqqara : Tambour au corps de poterie ou de métal et dont la seule ouverture est recouverte de peau. Il a la forme d'un bol ou d'un récipient semi - sphérique. Les "Naqqara" sont reliés entre eux par paire au moyen d'un lien de cuir ou d'une tresse végétale. Le musicien joue sur les deux en utilisant des baguettes de bois. En général la paire d'instruments est posée par terre mais parfois le musicien se lève et porte le couple de tambours sur son côté gauche.
Ces "Naqqara" sont utilisés pour la musique et les danses populaires, pour les "Mouachahat" (poèmes chantés) et en accompagnement des tambours pour les manifestations religieuses.
Leur origine remonte à l'époque Abbasside (1258) où ils servaient la musique militaire, la musique de cour et la musique religieuse.
- Tabl : Gros tambour de bois à deux peaux. Le tambourinaire porte l'instrument sur la poitrine suspendu par un lien de cuir. Avec la main droite, il le frappe d'une baguette de bois au bout arrondi tandis qu'avec la main gauche il le frappe d'une tige d'osier tranchée net. Cet instrument accompagne la musique des fêtes et des mariages dans les milieux populaires et dans les villages .
- Matbej : seul instrument à vent accompagnant l'ensemble des percussions : petite flûte double.
Les Noubanes de Bassorah
Sami Abdel Ahad: Tabla, chef du groupe.
Jabbar Salman: Req.
Ahmad Harboud: Naqqara et Matbej.
Abdel Karim Harboud: Tabl.
Ali Ismail: Khachabieh.
Dans le Sud de l'Irak, autour de la région du grand port du golfe, à l'extrémité des zones de marais se développent des musiques rituelles qui mènent à la transe et qui ancrent les influences issues autant de la péninsule arabique que de l'Afrique noire.
Les musiciens, qui peuvent jouer des nuits entières, utilisent la "Tanburah" répandue dans les pays du golfe, l'Epypte, le Soudan, la Somalie et plusieurs pays africains limitrophes.
L'instrument est aussi utilisé en Asie Centrale par les montagnards Kurdes ou Turkmènes. ("Noubane" dérive de "Nubie").
A l'origine l'instrument se nomme "Kanara" (du mot babylonien "Kanarum") dont on retrouve des traces aux environs de 2700 ans avant JC. Pour l'Europe, il constitue l'équivalent d'un luth - mandoline.
D'après les interprètes actuels, il s'agit d'un instrument religieux employé par Bilal ' l'Ethiopien, le muezzin du Prophète.
Celui-ci aurait adapté la "guitare sumérienne". Les fidèles des sources de l'Islam disent qu'il jouait du "Kanara" entre les vallées et les montagnes en chantant le nom de Dieu.
La "Tanburah" formée d'une caisse de résonance semi ' sphérique d'un demi-mètre de diamètre, en bois de sycomore est recouverte d'une peau de chameau ou de buffle, percée de deux trous. Deux montants en bambou s'imbriquent en s'évasant vers le haut dans le cadre de la caisse. Un pont supportant six cordes de boyau de chèvre les relie. Le nom des cordes évoque assez précisément leur fonction :
- Sharar (l'étincelle)
- Zabanah (le bourdon)
- Alyom (Le jour)
- Moutakallem ( celui qui parle)
- Youjaweb (celui qui répond)
- Radoub (celui qui répète)
Souvent le musicien recouvre le bois de la caisse de tissus multicolores. Il joue avec un plectre en corne de buffle.
L'instrument qui accompagne parfois la "tanburah" est un couple de tambour frappé avec une baguette : 'les "Kondah"
Joueur de Tanburah : Jemaa Chebli Saïd.
Le Rabab bédouin et le chant du désert
Le "Rabab" vièle à pique, possède une caisse de résonance plate et rectangulaire recouverte d'une peau de mouton tannée ou de poisson. Parfois, aujourd'hui, un vieux bidon constitue la caisse. Le musicien frotte la corde unique grâce à un archet de crins de cheval assez rudimentaire. Le "Rabab"est la vièle du conteur, du poète solitaire ou du Bédouin. Celui-ci commence par forger la mélodie. Lorsque les motifs de celle-ci se dessinent, il lance sa voix, en improvisant les paroles et le chant. Parfois la voix joue le rôle d'ornementation par rapport à la ligne instrumentale. Parfois, le contraire intervient, si bien que l'auditeur arrive difficilement à distinguer le son humain du son du "Rabab".
Joueur de "Rabab" et chanteur : Ibrahim Rahim.