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Alem Kassimov. Mugam d'Azerbaïdjan volume 1.
1. Mugam Chargah
2. Mugam Bayati Shiraz
Lexécution du Mugâm nécessite un chanteur (khânande), qui joue aussi du tambour sur cadre daf, et deux musiciens (sâzande) jouant du luth târ et de la vièle kemânche. Le târ répond directement aux phrases chantées, tandis que la kemânche soutient tantôt le chanteur tantôt le târ.
Si le cadre du Mugâm demeure assez souple et offre dont une certaine liberté au chanteur, ce dernier se doit néanmoins den avoir assimilé intimement les règles formelles. Cest à ce prix seulement quil peut mesurer son espace de liberté et se renouveler sans pour autant dénaturer lesprit de luvre.
Le style vocal se caractérise par sa flexibilité, une ornementation riche et un vibrato glottalisé (yodel) qui est utilisé dans les points culminants de la mélodie. Le poème, énoncé vers par vers est entrecoupé de vocalises ponctuées sur leurs notes finales par dimpressionnants glissandi yodlés.
Le târ est un luth à manche long. Il connut sous le règne des Qâjârs une vogue qui ne sest pas démentie depuis. Le musicologue et organologue Curt Sachs lui donne le nom de luth étranglé en raison du double renflement de sa caisse. Taillée dans du bois de mûrier ou plus souvent aujourdhui en noyer, celle-ci est recouverte de peau dagneau ou de péricarde de buf. Le târ azéri, plus petit que le târ généralement utilisé en Iran, comporte trois rangs de doubles-cordes en métal, plus deux doubles-cordes aiguës et une corde grave qui sont pincées à vide et servent de bourdon. Laccord varie selon les modes interprétés. Le musicien le tient très haut en travers de la poitrine ("sur le cur") et pince les cordes au moyen dun onglet métallique, créant des effets de vibrato en secouant sèchement linstrument.
La kemânche qui prit son essor sous les Séfévides est une petite vièle à pique posée sur le genou. La caisse en bois de mûrier, de forme sphérique, est recouverte dune peau de poisson.
Les quatre cordes en acier jouées tantôt avec larchet, tantôt en pizzicato, peuvent
aussi bien produire des sons plaintifs que scander gaiement le chant du khânande.
Le daf est un tambour sur cadre dont la membrane, très fine, presque transparente, est généralement faite de peau de silure ou de péricarde de buf. Le pourtour intérieur du cadre est semé danneaux métalliques qui résonnent à chaque coup porté sur la peau ou le bord de linstrument.
Cet enregistrement a été réalisé en mai 1989 à la Maison des Cultures du Monde lors de la première tournée européenne dAlim Qâsimov, jeune chanteur déjà réputé dans son pays mais encore inconnu à létranger, sauf de quelques spécialistes.
Âgé de 32 ans au moment de ces enregistrements, il témoigne déjà dune extraordinaire maîtrise de son art et de cette qualité, cette finesse de la voix, tantôt flamboyante tantôt toute en demi-teintes, qui lui vaudront par la suite la célébrité que lon sait.
Chanteur atypique, Alim Qâsimov est lun des derniers chanteurs de M ugâm à sêtre formé principalement dans un cadre traditionnel, avant de suivre quelques temps lenseignement de maîtres tels que le luthiste Bahram Mansurov et le chanteur Hâji Bâbâ Huseynov.
Le fait que, contrairement à ses confrères plus âgés, il nait pas été enregistré auparavant, explique sans doute quil ne formate pas ses Mugâm en fonction de la durée dune face de microsillon (20 à 25 minutes) et propose donc ici des Mugâm de trente à quarante minutes.
Il est accompagné par les joueurs de târ et de kemânche Malik et Elkhan Mansurov, fils du célèbre Bahram Mansurov et tous deux issus dune lignée fameuse de musiciens et de mécènes de Bakou.
Qâsimov tournera encore pendant une dizaine dannées avec les frères Mansurov avant de sen séparer. Cest un peu regrettable car ce trio est sans doute le meilleur que nous ait jamais offert Qâsimov, et jamais depuis lon a senti une telle complicité entre le chanteur et ses instrumentistes.
1. Mugâm Chargâh
Par sa durée, sa complexité, la richesse de ses couleurs expressives, le Mugâm Chargâh (ou Tshahar-gâh) est lun des quatre ou cinq principaux Mugâm du répertoire, lun de ceux que les apprentis -khanande travaillent des années durant et sur lequel tout grand chanteur se remettra continuellement en question. Selon les musiciens, Chargâh est un mode fier, viril, martial, un mode qui excite les passions (Jean During, La musique traditionnelle de lAzerbayjan et la science des muqams, Baden-Baden, Éd. Valentin Krner, Coll. détudes musicologiques n°80, 1988, p. 89).
Les modulations, relativement nombreuses, créent une grande diversité émotionnelle et permettent au chanteur dexploiter toutes ses ressources vocales et expressives.
Composition du Mugâm
Daramad, introduction instrumentale dans le mode chargâh.
Chant en trois parties, mode chargâh.
Reng, intermède instrumental, rythme 3/4, mode chargâh.
Chant en trois parties, mode chargâh suivi dune modulation en baste negâr.
Reng, rythme 3/4, mode baste negâr.
Chant, mode hisâr.
Reng, rythme 4/4, mode hisâr.
Chant en trois parties, modes hisâr, mansuri, mukhâlif.
Reng, rythme 3/4, mode mukhâlif.
Chant, mode mukhâlif.
Tesnif, chant populaire, rythme 6/4, mode chargâh.
Ayag, cadence finale.
2. Mugâm Bayâti Shirâz
Empreint dune grande nostalgie ce Mugâm est construit sur des modes exploités sous leur forme descendante : la mélodie commence par les notes supérieures puis descend progressivement.
Composition du Mugâm
Daramad, introduction instrumentale de rythme 6/8 dans le mode bayâti shirâz.
Chant en quatre parties, mode bayâti shirâz.
Reng, intermède instrumental, rythme 6/8, mode bayâti shirâz.
Chant en quatre parties, mode esfahân.
Reng, rythme 6/8, mode esfahân.
Chant en quatre parties, modes esfahân et khâvarân.
Reng, rythme 6/8, mode bayâti shirâz.
Chant en trois parties, mode uzzâl.
Reng, rythme 6/8, mode uzzâl.
Chant en quatre parties, mode uzzâl, avec
reng de rythme 6/8 entre les 2e et 3e parties.
Ayag, cadence finale.
Pierre Bois
Alem Kassimov. Mugam d'Azerbaïdjan volume 2.
1. Mugam Rast
2. Tesnif Mugam tesnif Dashti
Alim and Fargana Qasimov. Spiritual Music of Azerbaïdjan. vol. 6.
CD
01. Bardasht
02. Maye
03. Beste-Nigar
04. Hisar
05. Mualif
06. Mükhalif-Tarkib
07. Mansuriyya
08. You Are The Light Of My Eyes
09. Eshqin Mehebbeti (Love Of Loves)
10. Jeyran (Deer)
11. Köhlen Atim (My Splendid Horse)
DVD
Music of Central Asia and the Aga Khan Music Initiative.
Alim and Fargana Qasimov. Spiritual Music of Azerbaijan.
Interactive Instrument Glossary.
Map of Central Asia.
Alim et Fargana Qasimov. Musique spirituelle d'Azerbaïdjan.
Concert enregistré le 05/04/2008 à l'Auditorium du Louvre.
Alim Qâsimov, chant et tambour daf
Fargana Qâsimova, chant
Ali Asgar Mammadov, luth târ
Rauf Islamov, vièle kamânche
Rafael Asgarov, hautbois balaban
Natiq Shirinov, percussions naghara
CD1
01. Arrivée des artistes (1'45)
02. Mugham Chargâh (38')
03. Pièce instrumentale (15'54)
CD2
05. Mugham Bayâti-Shirâz. (38'04)
06. Pièce vocale (6'08)
Alim Qasimov ensemble. The legendary art of mugham.
1. Mahur
2. Mugam shour
3. Getme getme
4. Mihriban Olam
5. Beh Beh, tasnif in mugam segah
Aqakhân Abdullaev . Trio Zulfi Adigözelov. Anthologie du Mugam d'Azerbaïdjan, volume 6
1. Mugam Segâh Zâbol
2. Mugam Rahâb
3. Mugam Bayâti Qâjâr
4. Zarbi mugam "Ovshâri"
Les poètes
Les ghazal interprétés dans ce disque sont empruntés aux grands classiques de la littérature turco-persane ainsi qu'à des auteurs plus récents. Ces poètes cultivaient un art subtil des mots, des images, des symboles et du métalangage en général. Aussi, sous une apparence parfois anodine, leurs poèmes superposent en fait plusieurs couches sémantiques constituant ainsi un véritable casse-tête pour les traducteurs. Dans les pages qui suivent, on s'est donc limité au sens littéral, abandonnant à l'auditeur le soin de laisser vagabonder son imagination.
Nizâmî Ganjâvî (~1140 - ~1202) est l'auteur d'un recueil de poèmes comprenant plus de vingt mille distiques. Il doit aussi sa réputation à ses cinq grands poèmes romanesques, dont Layla et Majnûn, récit d'un amour impossible inspiré par une célèbre légende arabe.
Mehmet Süleyman Oghlu Fuzûlî (1495 - 1556, dans la région de Bagdad) est considéré comme l'un des plus grands poètes classiques du Moyen-Orient. D'origine turkmène-bayat, il maîtrisait aussi bien l'arabe et le persan que le turc, mais c'est dans cette dernière langue que son uvre est la plus marquante. Outre une adaptation de Layla et Majnun on en retiendra surtout un important diwân de poèmes lyriques au contenu à la fois mystique et érotique, riches en double et triple sens.
Sayd Azim Shirvâni (1835 - 1888) et Ali Aga Vahîd (1895 - 1965) ont tous deux participé au renouveau du Mugam d'Azerbaïdjan à partir du XIXe siècle et perpétué, quoiqu'avec moins d'intensité que leurs illustres prédécesseurs, la tradition du ghazal.
Les interprètes
A cinquante ans passés, Aqakhân Abdullaev est parvenu au sommet dune carrière couronnée de succès. Reconnu dans son pays et à l'étranger comme l'un des plus grands chanteurs azerbaïdjanais et n'ayant donc plus rien à démontrer sur le plan technique, il peut dédaigner les effets de voix spectaculaires pour se consacrer entièrement à une interprétation sobre et généreuse. Au fil des années et avec cette humilité propre aux grands artistes, il est parvenu à lessence même du chant azéri : servir de grands textes au moyen d'une expression musicale parfaitement maîtrisée.
On l'entendra ici accompagné par Zamik Aliev au luth târ et Adalat Vezirov à la vièle kemânche, deux remarquables musiciens avec lesquels il a fondé voici plusieurs années le Trio Zulfi Adigözelov en hommage à son maître, l'un des plus grands chanteurs azéris de ce siècle.
MUGAM SEGÂH ZÂBOL
Le Mugam Segâh est l'un des plus importants du répertoire azerbaïdjanais. Il compte plusieurs variantes notamment le Mugam Khârij Segâh et le Mugam Mirza Husayn Segâh.
Dans le déroulement modal du Mugam Segâh, le mode zâbol occupe une grande place ; mais ici son importance est telle que les interprètes ont jugé bon d'ajouter son nom au titre du Mugam. Les modes segâh et zâbol présentent d'ailleurs de nombreuses similitudes.
Le Mugam Segâh Zâbol se déroule comme suit :
-daramad, introduction instrumentale ( mode zâbol, rythme 3/4 ).
-ghazal, chant non mesuré explorant le maye ( cur ) du mode zâbol.
Sans amour l'existence est une fable / [Et] celui qui en est privé est exclu de l'humanité.
L'amour, seul, est l'essence de la vie / Une âme insensible ne connaît que chagrins.
Je suis captif de cette passion pour ma patrie et pour mon peuple / Fou est celui qui ne les chérit pas.
Puisse ma patrie se dresser toujours comme la flamme d'une chandelle / Et qu'à l'entour, mon âme, telle un papillon, virevolte.
Regarde notre pays, nous voici dans un autre monde / Chaque fleur nous enchante, chaque bouton est une splendeur.
Partout, de jeunes et sveltes beautés / N'est-ce point-là le paradis ?
Mon nom est Vahîd, ô mon aimé, je ne suis pas un traître / Mais un poète et ma poésie est aussi généreuse que mon cur.
Vahîd
-tesnif, chant mesuré en mode zâbol, rythme 4/4.
-ghazal, chant non mesuré dans le mode mânand-i mukhâlif suivi d'une modulation dans le registre supérieur du mode segâh par utilisation du ré dièse et polarisation du mi naturel
J'ai appris que tu t'étais laissé posséder par la passion. / Ô mon ange, comme moi, te voici éperdue d'amour.
Tu as livré ton cur à un amant féroce. / En étais-tu donc lassée ?
Tu as subi la cruauté de ton bien-aimé, tu as connu les tourments de l'éloignement, / Maintenant, Dieu merci, tu comprends ce que je vis.
Tu as vu ton reflet dans son visage / Et, ta conscience perdue, tu n'es plus qu'une ombre sur un mur.
Ô ma belle, pour le seul plaisir de ses lèvres et de ses douces paroles / Tu as composé des vers, comme Sayd, le poète.
Shirvânî
-reng, interlude instrumental, rythme 6/8.
-ghazal, chant non mesuré, retour au mode zâbol mais dans le registre supérieur ( zil zâbol ).
Hier ma bien-aimée, affligée, est venue chez moi, / Son visage couvert d'une fine moiteur,
Comme la lune derrière les nuages. / Etait-elle poursuivie par un ennemi ? Car certes elle était troublée.
Je l'ai observée à la dérobée / Car l'heure de la chasse galante était arrivée.
Tous les deux, nous avons fait une sieste, en paix. / Dans le jardin de mon âme, le printemps fleurissait enfin.
Puis elle dit : "il est temps de partir, que désires-tu ?" / Alors, jugeant le moment opportun, j'ai demandé un baiser.
Elle est partie en pleurant et ses larmes me brûlaient. /Une étincelle a bouté le feu en mon cur,
Et Nizâmî s'est soudain éveillé, debout. / Ainsi l'amour n'était qu'un songe.
Nizâmî
-reng, interlude instrumental, rythme 4/4.
-ghazal, chant non mesuré, les polarisations successives du si naturel puis du do signalent des modulations en hisâr puis en mukhâlif. Enfin, revenant dans le registre grave, les musiciens concluent par une cadence, ayaq, dans le mode segâh. Le texte est un poème d'amour de Vahîd.
MUGAM RAHÂB
Bien qu'assez peu joué, le Mugam Rahâb n'en est pas pour autant le moins intéressant. L'utilisation d'une seule échelle de degrés dans laquelle les modulations s'opèrent par le transfert des notes-pivots d'un degré à un autre, lui confère une grande unité musicale.
-daramad, introduction instrumentale, rythme 8/8.
-tesnif, chant mesuré, rythme 6/8.
-ghazal, chant non mesuré explorant le "cur" ( maye ) du mode.
Ta chevelure est le nid de mon cur / Où que je sois, mon âme est auprès de toi.
Mon affliction me comble. Ô médecin, laisse-moi / Il n'est point de remède à ce poison mortel.
Pense aux humbles, ne te retire pas / Que ces mains qui s'agrippent à toi ne se dressent point vers le ciel.
Fuzûlî
-tesnif, chant mesuré, rythme 6/8.
-ghazal ( début ), chant non mesuré modulant dans le mode shekaste-i fârs par polarisation du fa au lieu du sol puis en mübarriga par polarisation du la.
-reng, interlude instrumental dans le mode mübarriga.
-ghazal ( fin ), chant non mesuré dans les modes irâq et qara-i par polarisation du sol avant la cadence finale ayaq.
Ne détourne point ton regard de mes larmes salines / Car ce sel est celui de tes lèvres exquises.
Toi qui sommeilles paisiblement, rassemble mon cur éclaté / Dont tes cils ont recueilli chaque morceau.
Puisque la séparation est un renoncement à la vie / Je m'étonne que d'autres puissent vivre loin de toi.
Ô Fuzûlî, ce n'est certes pas en te consumant comme une chandelle / Que les courbures de ton âme se redresseront.
Fuzûlî
MUGAM BAYÂTI QÂJÂR
On retrouve ici l'échelle utilisée dans le Mugam précédent, mais organisée comme suit
-daramad, introduction instrumentale, rythme 6/8
-ghazal, chant non mesuré dans le "cur" ( maye ) du mode avec exploitation intensive de la tierce si bémol ré ( un motif mélodique appelé : ushshâq, "les amants").
Ô houri , [je vois] ton reflet dans mon vin. / Dans mon vin coule le fleuve du paradis.
Suis-je Alexandre pour me diriger ainsi vers les ténèbres ? / L'eau de vie coule des lèvres de mon aimée.
La blessure causée par le yatagan de tes sourcils / Marque mon aile comme celle de Gabriel.
Depuis ce soir où ta beauté m'a enflammé / Les papillons tombent dans mes cendres.
Impossible d'extirper l'amour de mon cur / Ô Sayd, il est [désormais] un des attributs de ma nature.
Shirvânî
-reng, interlude instrumental, rythme 6/8.
-ghazal, chant non mesuré en shekaste-i fârs ( exploration du pentacorde si bémol fa ).
Tu connais la malignité de Satan / Que dire alors de celle de cette femme « angélique » ?
L'arc de tes sourcils m'a frappé de ses flèches / Panse ma blessure avec tes cheveux car je saigne.
L'amour déracine la foi et la religion / [
]
Lorsque Zahid contempla ton visage enluminé par ta chevelure , il s'écria : / « Voyez cette gazelle qui apporte le Coran à la medersa ! »
Celui qui cède à l'amour sans son linceul / Se retrouvera nu le jour du jugement dernier.
Ne conduisez pas Sayd l'athée à la taverne / Car quel musulman [oserait] mener un infidèle à la Mecque ?
Shirvânî
-reng, interlude instrumental, rythme 6/8.
-ghazal, chant non mesuré en zil bayâti qâjâr, c'est-à-dire le registre supérieur de ce mode.
Ô fleur à la chevelure musquée ! / Ô cyprès, ta coquetterie est mortelle.
Tes paroles amères et tes regards impitoyables m'ont troublé / Ô cyprès, tes fruits sont acides.
Des flèches ont frappé mes yeux en pleurs / Ô océan, tu ne fais que compter tes joyaux.
Mon âme, ne dis pas que l'amour est vain / Car, insouciante, tu fais preuve d'égoïsme.
Fuzûlî, la lune nous éveille à l'amour / Si tu possèdes quelque talent, montre-toi aussi.
Fuzûlî
-tesnif, chant mesuré, rythme 3/4, suivi de la cadence ayaq dans le mode principal.
ZARBI MUGAM "OVSHÂRI"
Ovshâri appartient au répertoire des Zarbi Mugamlar ou Mugam "mesurés". Ces pièces, assez courtes et dans lesquelles la voix se développe librement sur un accompagnement musical bien rythmé, connaissent une très grande faveur auprès du public azerbaïdjanais.
Mon amour, promène-toi doucement.
Dans la plaine, on chasse la gazelle.
Que cette chasse fût vaine et le chasseur bredouille,
Tel était mon désir en venant parmi vous.
La parole est cause du tourment de l'amant,
Le chant est cause des souffrances du rossignol,
Ses yeux mettent la gazelle en danger.
Tu es source d'amour et de vie.
Bien souvent nous avons affronté la tempête et le feu,
[Mais] cette eau jamais ne pourra nous sauver du brasier,
Même si nous vivons cent ans.
Anonyme
Pierre Bois
Asiq Zülfiyye Ibadova. Musique d'Azerbaïdjan.
Duman salamat qal (2000)
01 DUMAN SALAMAT QAL.mp3
02 MESHEBEYI.mp3
03 TOVUZUM.mp3
04 GELMEDI.mp3
05 KIMDI.mp3
06 DEMEDINMI.mp3
07 MUSHGUNAZ.mp3
08 YARASI VAR UREYIMIN.mp3
09 AY ETIBARSIZ.mp3
10 YETISHERMI.mp3
Qayidan deyilem (2001)
11 GECE YAMAN UZANDI.mp3
12 QIYMA.mp3
13 SAVALAN DAQI.mp3
14 QAYIT GEL.mp3
15 A QARDASH.mp3
16 GOZLER DOLMASIN,ALLAH.mp3
17 ESHQIMIZI ATDIN ODA.mp3
18 QAYIDAN DEYILEM.mp3
19 TEBRIZIM.mp3
20 MIN HIKMET VAR GOZELLERIN NAZINDA.mp3
Insafin olsun (2002)
21 INSAFIN OLSUN.mp3
22 BERI BAX, BERI.mp3
23 SEN-SEN.mp3
24 YATMA UREK.mp3
25 MEMMED EMI.mp3
26 GELEN DEYILSEN.mp3
27 OYAN QARDASHIM.mp3
28 GOYCE DUSHMEN ELINDE.mp3
Sari tel (2003)
29 BOYLANA-BOYLANA.mp3
30 AQLAMA QURBANIN OLUM.mp3
31 LAYLA DE.mp3
32 TEBRIK EYLEYEK.mp3
33 RUHANI SHER.mp3
34 NAR AQACI.mp3
35 DIVANI.mp3
36 NAXCIVANI SHER.mp3
37 ARAN GOZELLEMESI.mp3
38 SARI TEL.mp3
39 GELMEZ OLDU.mp3
40 YANIQ KEREMI.mp3
41 BIR DE GUL.mp3
42 XEBERIN YOXDUR.mp3
43 DE KIMIN YARISAN.mp3
44 O TAYDA YARIM QALIB.mp3
45 DAYANIB.mp3
Gözlerem seni (2004)
46 GOZLEREM SENI.mp3
47 KIM AYIRDI.mp3
48 NE VAR KONLUMDE.mp3
49 QURBANIN OLLAM SENIN.mp3
50 CEYRANIM.mp3
51 OLEREM SENDEN OTERI.mp3
52 A CEYRANIM.mp3
53 SENIN XETRINE.mp3
54 SHER (NAXCIVANI).mp3
55 DELI-DIVANE.mp3
56 HARA CEYRANIDI-SARIKOYNEK.mp3
57 GEL YARIM.mp3
58 KUSMUSEN.mp3
59 DEYMEYIN (INCEGUL).mp3
60 SEVGILIM.mp3
61 DAQLAR.mp3
62 HARDASAN.mp3
Azerbaïdjan - Azerbaycan - Azerbaijan. Anthologie des ashiq. Asiq musiqisi antologiyasi. Anthology of Ashiq.
CD1
Alikhan Niftaliyev (saz, chant), Qazanfar Quliyev (balaban).
01. Ayaq Divani
02. Afshari
Haji Bayramov (saz, chant).
03. Dübeyt
04. Qahramani
Mahmud Mamedov (saz, chant), Sardar Mamedov (balaban).
05. Nakhchivani
06. Orta Mükhammas
Ali Quliyev (saz).
07. Jalili
Gulara Azafly (saz, chant).
08. Qarachi
09. Azafly Dübeyti
Altay Mamedli (saz, chant), Qazanfar Quliyev (balaban).
10. Shahsevani
11. Mirzajani
Ramin Qarayev (saz, chant).
12. Mina Geraylisi
13. Misri
Azer Khanlaroqlu (saz).
14. Qarachi
15. Janqi Koroqlu
Samira Aliyeva (saz, chant).
16. Dastani
17. Bash Mükhammas
Neymat Qasimli (saz).
01. Dilqami
02. Orta Saritel
Qalandar Zeynalov (saz, chant).
03. Heydari
04. Jalili
Tameykhan Qasimli (saz, chant).
05. Koroqlu Dübeyti
Fezail Miskinli (saz).
06. Bash Dübeyt
Yanvar Badalov (saz, chant), Shirzad Fataliyev (balaban), Eynulla Jarullayev (naghara), Zerraf Badalov (qosha naghara).
07. Shirvan Shikestesi
08. Eyvaz Peshro
Abbas Musakhanoqlu (saz, chant), Abuzar Musakhanoqlu (balaban), Ramin Yolchuyev (gharmon), Aqazaman Gulaliyev (naghara), Aftandil Gulaliyev (qosha naghara).
09. Qobustani
Aqamurad Israfilov (saz, chant), Qanimat Qadirov (balaban), Jahandar Musayev (naghara), Mahir Niftaliyev (qosha naghara), Hidayat Mamedov (gharmon).
10. Aqir Gözelleme
11. Qüllü Shashanqi
Vüqar Mahmudoqlu (saz, chant); Bakhish Bunyadov (balaban), Ramiz Soltanmuradoqlu (naghara), Mahir Niftaliyev (qosha naghara).
12. Shashanqi
Avezkhan Rahmanoqlu (saz, chant), Qanimat Qadirov (balaban), Jahandar Musayev (naghara), Mahir Niftaliyev (qosha naghara), Hidayat Mamedov (gharmon).
13. Ordubadi
Azerbaïdjan. Alem Kassimov, le plus grand chanteur de Mugam d'Azerbaïdjan. Affiche
9-12 mai 1989
Avec le soutien de l'Action Artistique.
Azerbaïdjan. Alim et Fargana Qasimov. Photos
Alim Qâsimov, chant et tambour daf
Fargana Qâsimova, chant
Ali Asgar Mammadov, luth târ
Rauf Islamov, vièle kamânche
Rafael Asgarov, hautbois balaban
Natiq Shirinov, percussions naghara
Mugham Chargâh et Bayâti-Shirâz.
Azerbaïdjan. Alim et Fargana Qasimov. Spectacle
Samedi 5 avril 2008, Auditorium du Louvre.
avec
Alim Qâsimov, chant et tambour daf
Fargana Qâsimova, chant
Ali Asgar Mammadov, luth târ
Rauf Islamov, vièle kamânche
Rafael Asgarov, hautbois balaban
Natiq Shirinov, percussions naghara
Le mugham d'Azerbaïdjan est une des facettes les plus brillantes de l'art musical classique du monde islamique (Moyen-Orient, Asie centrale). Produit de plusieurs siècles de maturation à la charnière des traditions turques et de la musique classique persane, la musique azérie a également bénéficié des échanges avec d'autres cultures, arméniènne, centre-asiatique, voire afghane, et a trouvé son expression la plus parfaite dans le mugham, vaste composition vocale et instrumentale qui dépeint avec ardeur et raffinement toute la gamme d'expressions du sentiment amoureux.
Comme toutes les musiques savantes du Moyen-Orient, la musique d'Azerbaïdjan est monodique et modale. Le terme mugham, qui dérive du mot arabe maqâm, désigne non seulement le système de gammes modales sur lequel se fonde cette musique, mais aussi les suites vocales et instrumentales qui sont interprétées dans chacun de ces modes.
Chacune de ces 'uvre est fondée sur une succession de mélodies-cadres" qui laissent au chanteur une relative liberté d'improvisation et d'adaptation du texte poétique. Ces mélodies, extrêmement chargées sur le plan émotionnel, alternent avec des pièces vocales ou instrumentales de caractère plus populaire.
Les poèmes sont l'oeuvre des grands poètes classiques qui vécurent en Iran, en Azerbaïdjan et au Moyen-Orient arabe entre le XIVe et le XXe siècle: Nizâmi, Fuzûlî, Shirvâni, Tabrizi, Vahid pour n'en citer que les principaux, et parlent avec lyrisme de l'amour, de l'attrait de l'être aimé, du déchirement de la splendeur de Dieu. Totalement intégrés à la musique, ces poèmes éclatent littéralement dans le discours musical, du fait de l'introduction de vocalises, d'intermèdes instrumentaux et des multiples modulations qui caractérisent le parcours modal du mugham.
A chaque mugham correspond un état émotionnel spécifique, ainsi pour n'en citer que quelques-uns, Rast exalte la noblesse et le courage, Segâh exprime l'amour et la nostalgie, Chargâh, plus puissant, enflamme les passions, tandis que Shur incline à la méditation et à la mélancolie.
Le chanteur est accompagné par un luth à long manche târ, une vièle à pique kamânche et il tient lui-même le tambour sur cadre daf.
Dans ce concert, Alim Qâsimov innove en adjoignant au trio traditionnel des instruments des bardes ashig, le hautbois balaban et les petites timbales naghara.
Ces emprunts illustrent les échanges qu'entretiennent depuis le XIXe siècle le mugham classique et les muqiues des ashig. En effet, à cette époque, la tradition du mugham s'est renouvelée en intégrant dans les suites des mélodies du répertoire de bardes. A l'inverse aujourd'hui, ceux-ci n'hésitent pas à introduire dans leur prestation des extraits de mugham.
Bien qu'il nous apparaisse comme un flot musical continu, et c'est su reste l'effet recherché, le mugham est très strictement structuré. Il débute généralement par une introduction instrumentale rythmée, daramad, suivie d'une introduction instrumentale non mesurée bardasht. Le chanteur entonne ensuite le premier poème, un ghazal qui le conduit au "coeur" du mode principal, le mâye, qui est en quelque sorte ma "signature" du mode principal. On peut conclure le mâye par un chant populaire tesnif, accompagné au tambour daf. Puis tout en restant dans le même mode, le chanteur interprète un second ghazal en changeant de registre, passant par exemple au registre aigu zil. Un court interlude instrumental reng, puis le ghazal se poursuit dans un mode secondaire shobe. Parfois la modulation est difficile à détecter car elle se fait comme en fondu-enchaîné en jouant sur un groupe de notes commun aux deux modes. Chacune de ces modulations apporte ainsi un éclairage expressif particulier. Enfin, on revient généralement au mode principal et le mugham se conclut brillamment ou au contraire sotto voce par un cadence ayagh.
Contrairement à d'autres traditions islamiques, comme la nûba maghrébine, cette structure n'est pas déterminée de manière irrévocable. Chaque interprète dispose en fait d'un cadre relativement élastique. Si les enchînements modaux doivent être fidèlement suivis, l'interprétation des différents passages laisse en revanche une grande liberté à l'interprète qui peut choisir de les chanter tous ou pas, ou d'en intervertir certains. Selon les interprètes, le même mugham peut donc offrir des visages bien différents. c'est sans doute à cet espace de créativité que le mugham doit d'être demeuré jusqu'à aujourd'hui une tradition si vivante et si prisée par les Azéris qu'ils en ont fait leur emblème national et ont obtenu en 2003 son classement par l'Unesco comme chef-d''uvre du pratrimoine oral et immatériel de l'humanité.
Notes Biographiques
Alim Qâsimov est aujourd'hui l'interprète de mugham le plus célèbre,et le plus créatif. Le jeune chanteur de 32 ans qui, en 1989, donna à la Maison des Cultures du Monde ses premiers concerts en Occident et y enregistra ses deux premiers disques, est devenu un maître et son empreinte sera à n'en pas douter comparable à celles d'autres figures marquantes de l'histoire du mugham : Khân Shushinski, Jabbar Qaryagdi Oghlu ou Zulfi Adigözelov.
Issu d'une famille modeste, Alim Qâsimov est un musicien complet, imprégné aussi bien par les répertoires religieux et populaires ' il doit ses premières émotions à son grand-père, barde de village ' que par une musique savante qu'il découvre à la fin de son adolescence.
Alim Qâsimov, c'est aussi une voix dont l'inspiration ' il parle volontiers de flamme intérieure ' anime la moindre inflexion, aussi bien dans les passages délicats, douloureux, chantés sotto voce, que dans ses vocalises spectaculaires et pathétiques.
Musicien atypique, réfractaire à l'académisme, Alim Qâsimov propose une relecture novatrice du mugham, le rebaignant dans son essence, une poésie romantique qui mêle le profane et le sacré et une forme musicale ouverte, de tous temps rebelle à la sclérose.
Pour sa fille Fargana, Alim est à la fois un père et un maître de musique à l'ancienne. Cette jeune chanteuse a grandi dans l'univers musical de son père, en dehors de tout conservatoire, comme cela se faisait autrefois. Elle excelle tout particulièrement dans le répertoire religieux qu'Alim fut un des premiers à réinvestir après la disparition de l'Union soviétique.
Leur duo vocal ne brise donc pas la tradition, il la prolonge. Pour Alim, son travail d'innovation ou de création à l'intérieur du mugham repose sur la formation en trio classique. De cette association où la voix commande, suivie pas à pas, avec de légers décalages, par le luth târ et la vièle kamânche, il se dégage une atmosphère de complicité, de spontanéité, propice à l'improvisation. Pour lui, chaque concert de mugham est une expérience méditative, voire mystique, dont il ne peut prévoir à l'avance le cheminement, même s'il s'appuie sur une trame fixée par la tradition. Rien n'empêche dès lors d'enrichir la palette sonore avec d'autres instruments, comme le hautbois des bardes, qui viennent nous rappeler que le mugham, pour classique qu'il soit, s'est aussi nourri d'apports populaires.
Ces musiciens hors-pair interprètent deux grandes suites vocales et instrumentales du répertoire : les mugham Chargâh et Bayâti-Shirâz.
Pierre Bois
A écouter :
Azerbaïdjan / Alim Qasimov
Anthologie du Mugham, vol. 1 & 2
CDs INÉDIT : W 260012 et W 260015
Azerbaïdjan. Ashiq, Bardes des provinces occidentales. Photos
avec Altay Mamedli, chant et luth saz
Qazanfar Quliyev, hautbois balaban
Samira Aliyeva, chant et luth saz
Ramin Qarayev, chant et luth saz
Neymat Qasimli, luth saz
Programme du concert
Altay Mamedli et Qazanfar Quliyev, chant, saz et balaban
Shahsevani (poème d�Ashiq Alasgar, XIXe siècle)
Göycha gülü (poème d�Abbas Tufarqanly, XVIIIe siècle)
Neymat Qasimli, saz
Orta Sarytel
Samira Aliyeva, chant et saz
Jalili (poème d�Osman Saryvelli, XXe siècle)
Naxchivani (poème de Mikail Azafly, XXe siècle)
Ramin Garayev, chant et saz
Ruhani (poème de Novras Iman, XIXe siècle)
Misri (extrait de l�épopée de Koroqlu, XVIIe siècle)
Samira & Altay, chant et saz
Deyishme Afshari (poème de Zelimkhan Yaqub)
Neymat Qasimli, saz
Kerem gözellemesi
Altay Mamedli et Qazanfar Quliyev, chant, saz et balaban
Janqi Koroqlu (extrait de l�épopée de Koroqlu, XVIIe siècle)
Samira Aliyeva, chant et saz
Azafly dubeyti (poème d�Ashiq Shamshir, XXe siècle)
Ramin Garayev, chant et saz
Osmanly divanisi (poème d�Ashiq Kamandar, XXe siècle)
Neymat Qasimli, saz
Yanyq Keremi
Ensemble
Pasha köchdü (poème de Samad Vurqun, XXe siècle)
Azerbaïdjan. Ashiq, Bardes des provinces occidentales. Spectacle
avec Altay Mamedli, chant et luth saz
Qazanfar Quliyev, hautbois balaban
Samira Aliyeva, chant et luth saz
Ramin Qarayev, chant et luth saz
Neymat Qasimli, luth saz
Pour devenir ashiq et voyager de par le monde,
Il faut une grande connaissance,
Il faut se bien comporter,
Il faut être poli et respectueux.
Il faut connaître la valeur des mots,
Il faut avoir de l'éloquence,
Il faut savoir s'exprimer par images
Comme le font nos gouvernants.
Ashiq Alasgar (1821-1926)
L'art des ashiq est certainement la forme d'expression artistique la plus appréciée du peuple azerbaïdjanais, soit environ cinquante millions de personnes parlant le turc azéri et réparties entre le Sud-Caucase, l'Iran et la Russie (Dagestan).
Le ashiq est un poète, un compositeur et un joueur de luth à manche long, le saz. Il est aussi narrateur, acteur improvisateur et parfois danseur. Certains se distinguent comme poètes populaires, d'autres combinent un talent de poète et de compositeur avec la maîtrise du jeu de saz, enfin les derniers sont de simples interprètes.
On compte aujourd'hui environ 400 ashiq en République d'Azerbaïdjan mais d'après les spécialistes, il y en aurait près de 2 000 dans le monde pour la seule tradition azerbaïdjanaise.
Ce patrimoine musical et poétique relève exclusivement de la tradition orale mais il n'est pas pour autant anonyme : l'usage veut que le ashiq énonce son nom ou son pseudonyme dans les derniers vers du poème. Ce savoir se transmet donc de maître à élève au cours d'un long processus d'apprentissage direct.
Aujourd'hui, il s'enseigne également dans les écoles de musique, au conservatoire supérieur et même à l'université.
Art professionnel il est aussi pratiqué en amateur, particulièrement dans les provinces occidentales : Qazakh, Tovuz, Kalbajar, Gedabey, Aqstafa, Samakha, Qobustan, Borchaly (enclave azerbaïdjanaise en Géorgie) et Göycha (ancienne enclave azérie en Arménie).
Le public des ashiq se compose surtout de villageois ou de gens qui ont quitté la campagne pour s'établir en ville. Mais entre le XVIe et le XVIIIe siècle, il était très répandu en ville et même au palais.
Cette musique prend son origine dans l'art des ozan turcs dont le chef-d'oeuvre, le Livre de Dede Qorqud, fut composé voici 1 300 ans. Les ozan, chanteurs, narrateurs, joueurs de luth qopuz, gardiens de la langue turque, de l'épopée et plus largement de la culture turque en général, disparurent au XVIIe siècle après la popularisation, dans le monde turc, de l'islam, de la langue arabe et d'une culture tournée vers les valeurs islamiques entre le XIIe et le XVe siècle.
Leur héritage constitue le socle commun de l'art bardique dans toute l'Asie centrale.
La tradition des ashiq d'Azerbaïdjan naît aux XVe-XVIe siècles. Shah Ismaïl a pris le pouvoir en Iran et fondé la dynastie safavide. Il transfère sa capitale à Tabriz et impose l'azéri comme langue officielle. Poète à ses heures, il favorise le développement d'une langue littéraire azérie permettant ainsi l'éclosion de la poésie ashiq et sa prolifération en formes et genres poétiques divers. L'héritage de
Dirili Qurbani (XVIe), Sari Ashiq,
Abbas Tufarganli (XVIIe), Khasta
Qasim, Abdalqülably Valeh (XVIIIe),
Dilgam, Ali Alasgar, Hüssein Shamkirli,
Hüssein Bozalqanli, Molla Djüma (XIXe)
pour n'en citer que quelques uns, constitue le coeur du répertoire des ashiq modernes.
Des centaines de dastan, ces longs récits musicaux et poétiques aux thèmes héroïques ou romantiques comme Koroglu ou Abbas et Qülqaz voient le jour aux XVIIe-XVIIIe siècles. Quelques-uns sont même consacrés à des ashiq célèbres : Ashiq Qarib.
Le XIXe représente l'apogée de cet art, tant du point de vue musical que poétique mais aussi en raison de sa diffusion géographique. Sur tout le territoire où l'on parle l'azéri, presque chaque village possède sa tradition (école) de ashiq avec un style de jeu, un mode d'accompagnement instrumental et un répertoire de pièces et de dastan.
Ces écoles locales se regroupent en écoles régionales comme le Shirvan (Est), Ganjabasar, Göycha et Borchaly (Ouest), l'Azerbaïdjan iranien (Sud) avec Tabriz, Qaradag, Orumiye, Zanjan et Sava. En raison de la richesse des répertoires et des styles propres à ces différentes aires, ce concert se limite aux traditions de l'ouest. Une prochaine édition du Festival de l'Imaginaire présentera celles du Shirvan, assez différentes.
Malgré leurs différences, toutes ces écoles constituent une tradition unifiée par une langue commune, un répertoire poétique et musical et un instrument, le luth à manche long saz, attribut permanent du ashiq. Parfois, celui-ci est accompagné par le balaban, un hautbois au timbre velouté.
Une des particularités de cette musique réside dans le fait que la mélodie et le poème sont indissociables. Le poème est conçu pour être chanté et accompagné au saz et, à l'inverse, la mélodie se fonde toujours sur une matrice poétique. Ces matrices sont apparues successivement au fil des siècles mais elles sont toujours strophiques. Chaque strophe peut contenir quatre, cinq ou plus rarement six vers. Les formes utilisant des quatrains sont les plus courantes : bayati, geraily, goshma, tejnis, divani et leurs variantes.
Le bayati se compose d'heptasyllabes, le geraily d'octosyllabes, le goshma d'hendécasyllabes, le divani d'hexamètres. Les mükhemmes (quintils) et les müseddes (sizains) ont été empruntés à la poésie classique. À chaque mélodie est donc attachée une forme poétique.
Ensuite, le ashiq est libre de choisir le texte qu'il veut dès lors qu'il respecte cette forme. C'est pourquoi nombre de mélodies portent les noms de formes ou de genres poétiques. Mais ce peuvent être aussi des toponymes, des ethnonymes, des noms de personnages historiques ou d'ashiq célèbres. Il est difficile d'évaluer l'importance du répertoire car, avec le temps, les mélodies changent de nom, peuvent avoir plusieurs titres ou se décliner en diverses versions selon les régions. On peut cependant estimer ce corpus à environ 150 dastan et plus de 200 mélodies.
Les cinq ashiq invités pour ce concert représentent divers styles de l'ouest de l'Azerbaïdjan :
Altay Mamedli et Qazanfar Quliyev appartiennent à l'école de Ganjabasar réputée pour l'exubérance de ses ashiq qui parfois dansent aux sons du saz et du hautbois balaban ;
le jeune Ramin Qarayev de l'école de Borchaly, une enclave azerbaïdjanaise en Géorgie, illustre un style plus introverti qui met l'accent sur la beauté du chant et la finesse du jeu de saz ;
Neymat Qasimli, au saz solo, nous propose ses interprétations très personnelles des anciennes mélodies de Gedabey ;
enfin Samira Aliyeva, une star dans son pays, montrera comment les femmes ont réussi à s'imposer dans une tradition qui demeura longtemps l'apanage des hommes.
Sanubar Baghirova
Programme du concert
Altay Mamedli et Qazanfar Quliyev, chant, saz et balaban
Shahsevani (poème d'Ashiq Alasgar, XIXe siècle)
Göycha gülü (poème d'Abbas Tufarqanly, XVIIIe siècle)
Neymat Qasimli, saz
Orta Sarytel
Samira Aliyeva, chant et saz
Jalili (poème d'Osman Saryvelli, XXe siècle)
Naxchivani (poème de Mikail Azafly, XXe siècle)
Ramin Garayev, chant et saz
Ruhani (poème de Novras Iman, XIXe siècle)
Misri (extrait de l'épopée de Koroqlu, XVIIe siècle)
Samira & Altay, chant et saz
Deyishme Afshari (poème de Zelimkhan Yaqub)
Neymat Qasimli, saz
Kerem gözellemesi
Altay Mamedli et Qazanfar Quliyev, chant, saz et balaban
Janqi Koroqlu (extrait de l'épopée de Koroqlu, XVIIe siècle)
Samira Aliyeva, chant et saz
Azafly dubeyti (poème d'Ashiq Shamshir, XXe siècle)
Ramin Garayev, chant et saz
Osmanly divanisi (poème d'Ashiq Kamandar, XXe siècle)
Neymat Qasimli, saz
Yanyq Keremi
Ensemble
Pasha köchdü (poème de Samad Vurqun, XXe siècle)
À écouter
ANTHOLOGIE DES ASHIQ
Bardes d'Azerbaïdjan un double album INEDIT/Maison des Cultures du Monde
Azerbaïdjan. Asiq Mahmud. Meydan Koroglu.
1. Meydan Koroglu
2. Mixeyi
3. Naxçivani
4. Derbendi
5. Iran Dübeytisi
6. Zülfüqar Dübeyti
7. Fexri
8. Badami sikestesi
9. Toy Axiri
10. Serili
11. Azafli Dübeyti
Azerbaïdjan. Aygun Baylar. La nouvelle voix du Mugam. Photos
Aygun Baylar, chant et tambour sur cadre daf
Zahid Rzayev, vièle kamanche
Roushan Gurbanov, luth târ
Programme
1 - Mugam Rahab
2 - Mugam Bayâti Shirâz
Azerbaïdjan. Aygun Baylar. La nouvelle voix du Mugam. Spectacle
20 mars 2007, 20h30
Aygun Baylar, chant et tambour sur cadre daf
Zahid Rzayev, vièle kamanche
Roushan Gurbanov, luth târ
La République caucasienne d'Azerbaïdjan s'est construite sur les anciennes provinces du nord de l'Araxe que l'empire perse dut céder à l'empire russe en 1813. Elle est prolongée au sud par la province iranienne d'Azerbaïdjan dont la capitale est Tabriz. Population de langue turque, incorporée des siècles durant à l'empire perse, les Azéris ont vécu une véritable osmose avec la culture persane. La séparation de l'Azerbaïdjan en deux provinces, russe et iranienne, va certes apporter des changements dans leurs évolutions culturelles respectives, mais elle ne transformera pas fondamentalement les patrimoines musicaux. Si, du côté russe, l'introduction de la musique occidentale, la construction de conservatoires et de salles de concerts vont modifier les méthodes de transmission de la musique traditionnelle, permettre l'émergence de compositeurs "nationaux" et de formes hybrides comme l'Opéra-Mugam, les Azerbaïdjanais sauront établir une frontière assez claire entre ce qu'il convient de considérer comme la pure tradition savante du Mugam et ses formes acculturées.
Depuis une trentaine d'années, cet art, qui était essentiellement réservé aux hommes, s'ouvre enfin aux femmes. Certaines s'y tailleront une grande réputation : Sakine Ismaïlova, Gandab Gulieva, Melek Khanom Eyubova, Simara Imanova' et aujourd'hui Aygun Baylar.
Le Mugam
Comme toutes les musiques savantes du Moyen-Orient, d'Asie centrale et de l'Inde, la musique d'Azerbaïdjan est monodique et modale. L'importance du mode musical appelé mugam (de l'arabe maqâm) est telle que le terme sert aussi à désigner le répertoire canonique et les suites vocales et instrumentales qui le composent. Chaque suite, comme dans le répertoire classique persan, est constituée d'une succession de mélodies-cadres (gushe ou shobe) qui laissent au chanteur une relative liberté d'improvisation et d'adaptation du texte poétique. Ces mélodies alternent avec des pièces vocales rythmées de caractère plus populaire, les tesnif, et des morceaux instrumentaux (reng). En plus du mode principal qui lui donne son nom (ex. Mugam Shur, Mugam Chargah, Mugam Rast, etc.), le Mugam exploite plusieurs modes secondaires selon un ordre rigoureusement déterminé, qui apportent à l'oeuvre des éclairages expressifs nouveaux.
Tel un fleuve proposant à chacun de ses méandres la contemplation d'un paysage sonore et émotionnel inédit, le Mugam offre une unité et une diversité exemplaires. Unité dans le sens où toutes les parties se succèdent sans interruption, comme en fondu-enchaîné. Et diversité dans l'alternance des improvisations et des compositions, des rythmes libres et mesurés, des modes gais et mélancoliques, des couleurs sonores tantôt chatoyantes, tantôt en demi-teintes.
Les poèmes, choisis par les interprètes, sont composés sur le modèle du ghazal persan (poème composé de plusieurs distiques et soumis à un modèle métrique spécifique). Ce sont les oeuvres de grands poètes classiques qui vécurent en Iran, en Azerbaïdjan et en Iraq entre le XIVe et le XXe siècle : Nizâmi, Fuzûlî, Shirvâni, Tabrizi, Vahid pour ne citer que les principaux ; ils parlent avec pathétisme de l'amour, de l'attrait de l'être aimé, du déchirement de la séparation ou de l'inconstance de l'amant, de la beauté d'un paysage ou encore de la splendeur de Dieu. Ces poèmes, totalement intégrés à la musique, éclatent littéralement dans le discours musical, du fait de l'introduction de vocalises, d'intermèdes instrumentaux et des multiples modulations qui jalonnent le parcours du Mugam. Les techniques vocales utilisées pour exprimer les divers états d'âme du poète sont spectaculaires : chant sotto voce, quasi murmuré, explosions vocales, yodel, vocalises et glissandi ; les chanteurs azéris les portent à un paroxysme qui laisse l'auditeur pantois.
Les instruments
Le chanteur ou la chanteuse s'accompagne au tambour sur cadre daf. Les deux autres instruments sont le târ et la kemânche.
Le târ est un luth à manche long. Il diffère légèrement du târ persan tant par sa facture que par son jeu. Plus petit, il comporte un plus grand nombre de cordes (11 en tout) et au lieu de reposer sur la cuisse, il est tenu très haut contre la poitrine ('sur le coeur' disent les Azéris), le musicien lui imprimant parfois de brusques mouvements qui renforcent les effets de vibrato.
La kamanche est une petite vièle à pique. Les quatre cordes en acier jouées tantôt à l'archet, tantôt en pizzicato, peuvent aussi bien produire des sons plaintifs que scander gaiement le chant du soliste.
Ces deux instruments sont indispensables à toute exécution de Mugam. Ils peuvent aussi jouer en solo des petites pièces semi-improvisées, reprenant les étapes essentielles de tel ou tel Mugam.
Aygun Baylar
Après Alim Qâsimov, cette jeune chanteuse ' elle a tout juste trente ans ' est en passe de devenir la nouvelle "coqueluche" du chant azéri. Tout comme lui, mais bien des années plus tard (en 2005), elle a remporté le grand prix du concours international Sharg Taranalari à Samarcande, ex-aequo avec une autre artiste invitée cette année par le Festival de l'Imaginaire : l'Ouzbèke Nadira Pirmatova.
Fille d'un joueur de târ, Aygun Humbatova débute à l'âge de sept ans en s'initiant au jeu des nagara, ces petites timbales que l'on utilise un peu partout au Moyen-Orient. Dix ans plus tard, Baylar Guliyev fait sa connaissance et l'invite à rejoindre son groupe. Il devient son maître et c'est pour honorer sa mémoire qu'Aygun adoptera son nom de scène : Aygun Baylar. Elle entre à l'Académie nationale de musique de Bakou pour parfaire sa formation musicale et entame une carrière de mugamiste fulgurante, puisqu'en 2002, le Président de la République d'Azerbaïdjan lui décerne le titre d'artiste émérite.
Programme
1 - Mugam Rahab
2 - Mugam Bayâti Shirâz
A écouter:
Anthologie du Mugam d'Azerbaïdjan en 8 volumes
Collection INÉDIT / Maison des Cultures du Monde
Azerbaïdjan. Aygun Baylar. La nouvelle voix du Mugam. Vidéos
Le Mugam est un mode musical, le terme mugam sert aussi à désigner le répertoire canonique et les suites vocales et instrumentales qui le composent.
Les poèmes, choisis par les interprètes, sont composés sur le modèle du ghazal persan. Ce sont les oeuvres de grands poètes classiques : Nizâmi, Fuzûlî, Shirvâni, Tabrizi, Vahid pour ne citer que les principaux.