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Afghanistan. Ustâd Mahwash la diva d'Afghanistan. Spectacle
21-22 novembre 1998
Prahbu Edouard, tabla
Yussuf Mahmood, harmonium et tabla
Daoud Sadozaï, robâb
Ikram Khan, Sarangi
Tous ensemble pour l'Afghanistan. A l'occasion du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme.
Une initiative de : Amitié Franco-Afghane, Médecins du Monde avec le soutien de la Maison des Cultures du Monde.
Mahwash, la voix d'Afghanistan
Celle qui fut et reste la plus grande chanteuse d'Afghanistan a permis par son courage et sa carrière fulgurante à la femme afghane d'accéder, à l'égal des hommes au statut d'artiste. Après elle, des générations de femmes venues de tous les horizons se sont consacrées ouvertement à des carrières musicales.
Mahwash est le symbole de la libération de la femme afghane par l'art.
Mahwash naquit dans une famille religieuse. Son père est mollah ; homme strict mais éclairé, il décide de l'envoyer à l'école.
Comme toutes les jeunes filles de cette génération, elle se marie tôt, quitte l'école mais poursuit avec l'accord de son mari une formation de secrétaire. A l'époque elle est encore Farida, connue de toutes ses camarades et amis pour sa voix exceptionnelle. A la maison elle ne peut chanter mais à l'école ou dans des cercles amicaux, elle chante, et si bien, que son don finit par briser les tabous les plus ancrés. Même son époux la pousse et l'incite. Elle chante incognito à la Radio Kaboul et sa voix enflamme le pays tout entier. Les grands maîtres de la musique savante s'intéressent à cette jeune femme dotée d'une gorge de rossignol et le maître de Kharabat (berceau de la musique de cour de Kaboul) la prend sous sa protection et lui enseigne son art.
En 1973, Mahwash se voit décerner le titre de maître (Ustad), distinction suprême réservé aux hommes jusqu'alors. Elle chante et son répertoire dépasse les 1000 titres. Sa voix, que l'on compare pour son amplitude et son timbre à celle de Lata Mangeshkar (la grande chanteuse indienne), est impressionnante. Comme cette dernière, elle se consacre aussi bien au répertoire classique et semi-classique, qui en Afghanistan n'a jamais admis les femmes dans son cercle serré, mais ne délaisse pas pour autant la chanson traditionnelle. Elle est un symbole national, et en tant que tel, elle chante des mélodies folkloriques de toutes les régions, en persan ou en pashtou. Elle ne connaît pas les frontières.
A l'image du pays et de ses traditions, la culture afghane est multiple et encore peu connue. Les musicologues et ethnomusicologues se sont beaucoup intéressés à la musique instrumentale des régions et plus particulièrement des régions du nord, dont la tradition musicale est proche de l'Asie centrale.
Les mélodies afghanes, les chansons populaires, celle que chantent les femmes à toutes les occasions, naissances, mariages, printemps, celle que les voyageurs français et étrangers ont rapporté sur leurs lèvres, celles qui sont les icones de la musique afghane, restent à ce jour inconnues du public occidental.
Ce répertoire n'existait que dans les archives de la Radio Kaboul ou sur des cassettes de production locale. Depuis leur exil, la plupart des chanteurs ont dû pour survivre se plier aux pressions des nouvelles demandes de la communauté afghane exilée : musiques éléctroniques, influence de la variété occidentale et également iranienne ou pakistanaise, selon les terres d'acceuil.
Mahwash se refuse de céder à ces nouvelles mannes financières. Conclusion ; elle est exclue du grand business musical. Elle se produit peu et n'a pas les moyens de financer son CD comme le font aujourd'hui la plupart des artistes afghans.
Aujourd'hui il n'existe aucun enregistrement de qualité de ce répertoire . Le premier concert de Mahwash à la MCM en 1996 a fait salle comble, deux ans plus tard, nous recevons encore des appels et des demandes de CD et des réactions de dépit à l'annonce que ce concert n'avait pu être enregistré.
Pourquoi faut-il absolument enregistrer Mahwash ?
Voir texte du programme.
Brève biographie des musiciens.
Arabie Saoudite. Chants bédouins, 'Ardha et Sameri d'Unayzah. Spectacle
20-22 mars 1998
Avec :
Sha'er et vièle rebâba : Mufdhi Nasser Al-Anazi.
Chanteurs, danseurs, tambourinaires :
Saleh Faraj al-Faraj
Abdallah Saleh al-Samnan
Hamad al-Muhammad al-Hatlani
Muhammad al-Abdulaziz al-Dirh
Suleiman al-Abdulaziz al-Dirh
Youssef al-Abdullah al-Zamel
Saleh al-Abdulrahman al-Hamidi
Khaled al-Muhammad al-Sahil
Khaled al-Abdulaziz al-Marzouki
Abdul Mohsen al-Abdullah al-Houeissin
Ahmad al-Saleh al-Harabi
Saleh Soueilem al-Salhi
Muhammad al-Hamad al-Subeyi
Suleiman al-Muhammad al-Jabri
Ibrahim al-Nasser al-Rahiani
Ali al-Brahim al-Faqiri
Adbulah al-Muhammad al-Cheil
Ibrahim al-Ali Seikhan
Responsable administratif : Abdulah Muhammad al-Burayeh
Responsable artistique : Muhammad Ibrahim al-Meiman
Conférencier, professeur à l'université du roi Saoud (Riyadh) : Dr. Mojeb al-Zahrani.
Le Royaume Saoudien fut fondé en 1932 après trente années de luttes consacrées à l'unification du pays, depuis la prise de Riyadh en 1902 jusqu'à la conquête du Hijâz en 1925. La région du Najd, qui nous intéresse ici, fut conquise en 1906.
Aujourd'hui encore, chacune des provinces de l'Arabie Saoudite conserve nombre de ses traits culturels propres, selon qu'il s'agit de provinces à dominante bédouine comme le Najd ou de régions urbanisées depuis plusieurs siècles comme le Hijâz.
Ce concert présente trois aspects majeurs de la culture musicale traditionnelle du Najd, le chant bédouin accompagné à la vièle rebâb, la danse des épées 'ardha et le sameri tel qu'il se pratique toujours dans la ville d'Unayzah.
Mufdhi Nasser Al-Anazi, chanteur bédouin
' Le shâ'er, poète-compositeur-chanteur, est un obscur Bédouin, paysan ou montagnard, qu'aucune instruction ou éducation littéraire et musicale ne distingue des autres. (') Il a appris au contact de quelque vieux shâ'er à aimer passionnément le folklore de son pays, de sa tribu, de son village, puis le don de dire des vers et de les chanter a surgi du fond de lui-même, comme sous l'effet 'd'une révélation d'Allah'. (') Nous sommes ici dans un domaine où il est impossible de faire la part de la tradition et de la création personnelle, de la mémoire et de l'imagination ' (Simon Jargy, La musique arabe, Paris 1971).
Le shâ'er obéit cependant à des règles strictes, généralement d'ordre poétique. On peut ainsi distinguer deux catégories principales : les chants longs et les chants syllabiques. Le chant long, mélopée accompagnée à la vièle rebâb, exprime la nostalgie, l'amour, le mal du pays. La voix y prend toute son ampleur, se développant en longues volutes ornementales. Cette catégorie réunit le 'ataba, le shuruqi, le qasid et les lamentations buka'iyat. Les chants syllabiques comme le hjeyni, ou le samr sont composés de vers courts et scandés qui alternent avec un refrain.
Instrument privilégié du sha'er, la vièle rebâb comprend une seule corde montée sur une caisse de résonance rectangulaire et recouverte d'une peau. L'instrument introduit le poème par un prélude, sépare les strophes par des interludes et accompagne la voix par des formules mélodiques types.
Sameri, zâr et 'ardha
La croyance dans les esprits (jinn) et les phénomènes de possession qui y sont associés existent depuis fort longtemps dans le monde bédouin. Se justifiant dans plusieurs sourates du Coran : « La race des jinn, Nous l'avons créée avant [celle des hommes], à partir du feu d'un vent torride. » (Al-Hijr, verset 27), ils trouvent leur expression dans le sameri et dans le zâr (que l'on retrouve sous cette même appellation dans le Golfe, le sud de la Jordanie, l'Egypte et l'Ethiopie).
Le sameri est un spectacle complet dans lequel interviennent le chant, le jeu des tambours accompagné de gestes chorégraphiés et la danse.
Pendant l'exécution du sameri, certains rythmes et surtout certains vers poétiques peuvent réveiller chez certains participants ou spectateurs le jinn qui est en eux et provoquer une transe de possession. Le possédé se lève alors et se met à danser, c'est le zâr.
Traditionnellement, dans la province du Najd, et notamment à Unayzah, le sameri avait lieu chaque jeudi, veille du jour de prières, à la tombée de la nuit. De nos jours, on l'organise à l'occasion des mariages, de certaines fêtes religieuses, d'un événement familial ou social exceptionnel. Selon la tradition orale, le sameri permettait à un individu piqué par un scorpion de demeurer éveillé et donc de ne point succomber avant l'arrivée du guérisseur. En fait, cette explication fonctionnaliste masque probablement une forme d'association de la possession à la piqûre d'un animal venimeux et par là-même de l'animal à l'esprit possédant, phénomène que l'on retrouve par exemple en Italie dans le tarentulisme.
Comme la plupart des fêtes importantes en Arabie Saoudite, le sameri peut être précédé par une 'ardha, la danse des épées accompagnée de tambours et de chants. La 'ardha est une danse guerrière destinée à exciter la bravoure des guerriers et semer la peur chez les ennemis.
Les danseurs-chanteurs portant drapeau, épées, fusils et poignards, se disposent sur deux rangs. Ils entonnent un chant alterné qui est rejoint par le rythme des tambourinaires qui se tiennent au centre. Puis ils commencent à danser, brandissant leurs armes qu'ils font délicatement vibrer dans leurs mains. Plusieurs rythmes se succèdent, principalement à trois, cinq et six temps, s'enchaînant avec subtilité.
Commence ensuite le sameri. Les chanteurs-tambourinaires s'agenouillent sur deux rangs face à face. Le premier rang entonne un chant choisi par le chef, puis commence à battre les tambours (des tambours sur cadre à deux peaux) en exécutant une suite de mouvements chorégraphiés, s'inclinant à gauche, à droite, en avant, levant les instruments, les abaissant, les posant au sol puis les reprenant. À la fin du vers, le premier rang cède la place au second qui entonne le deuxième vers en se livrant à la même gestuelle musicale et chorégraphique, et ainsi de suite. Lorsque le chant est terminé, l'un des rangs entonne le second sur un autre rythme, généralement plus rapide.
Les chants du sameri sont fondés sur deux types prosodiques, une forme brève sakhri et une forme longue meshub. Les poèmes sont des chants d'amour, de nostalgie, des louanges à la bravoure et au courage, ou encore des poèmes dévotionnels.
à écouter : INEDIT W 260087 Arabie Saoudite, le Chant d'Unayzah
Arabie Saoudite. Musiques de la région du Najd. Chants bédouins, 'Ardha et Sameri d'Unayzah. Photos
20-23 mars 1998
Sameri, zâr et 'ardha
Avec :
Sha'er et vièle rebâba : Mufdhi Nasser Al-Anazi.
Chanteurs, danseurs, tambourinaires :
Saleh Faraj al-Faraj
Abdallah Saleh al-Samnan
Hamad al-Muhammad al-Hatlani
Muhammad al-Abdulaziz al-Dirh
Suleiman al-Abdulaziz al-Dirh
Youssef al-Abdullah al-Zamel
Saleh al-Abdulrahman al-Hamidi
Khaled al-Muhammad al-Sahil
Khaled al-Abdulaziz al-Marzouki
Abdul Mohsen al-Abdullah al-Houeissin
Ahmad al-Saleh al-Harabi
Saleh Soueilem al-Salhi
Muhammad al-Hamad al-Subeyi
Suleiman al-Muhammad al-Jabri
Ibrahim al-Nasser al-Rahiani
Ali al-Brahim al-Faqiri
Adbulah al-Muhammad al-Cheil
Ibrahim al-Ali Seikhan
Responsable administratif : Abdulah Muhammad al-Burayeh
Responsable artistique : Muhammad Ibrahim al-Meiman
Conférencier, professeur à l'université du roi Saoud (Riyadh) : Dr. Mojeb al-Zahrani.
Asie. Ancien Turkestan et Caucase: Ouzbékistan, Turkménistan, Azerbaïdjan. Spectacle
3-4 avril 1998.
Ouzbekistan
-Maqâm de Boukhara
-Chants de mariage du Khorezm
Les racines de la musique ouzbèke remontent à l'Antiquité (IVe siècle avant J.C.). Hérodote mentionne dans ses écrits l'abondance de chansons et de danses des tribus vivant sur le territoire de l'actuel Ouzbekistan et le rôle que jouait la musique dans la vie de ces anciens habitants de l'Asie Centrale. Les traditions musicales des Ouzbeks reflètent leurs coutumes, leurs idées, leurs espoirs ainsi que leurs luttes pour une émancipation sociale et nationale. Il en résulte une grande variété de chansons populaires.
Les villes de Boukhara et Samarkand ont vu se développer un art de cour raffiné, des musiciens professionnels ' hafîz ' interprétant le répertoire savant des maqâm. Parallèlement, de grands ensembles de musique populaire comprenant danseurs et chanteurs interprétaient un répertoire populaire de poèmes chantés lors des cérémonies et des soirées. Les juifs, qui jusqu'à la révolution soviétique furent danseurs et chanteurs à la cour des émirs de Boukhara, jouèrent un rôle important dans la sauvegarde de cette musique qui était incluse dans l'aire d'influence de la chanson tadjik.
L'Ouzbékistan est riche en particularismes régionaux. Ainsi la musique du Khorezm à l'extrême ouest de l'Ouzbékistan a conservé son caractère local que ce soit dans la mélodie, le jeu instrumental ou les différents dialectes. Les histoires sont chantées d'une voix puissante à la différence des styles récitatifs et déclamatoires en usage dans les autres régions.
Matlubeh Dadabayeva
Matlubeh Dadabayeva, petite femme au regard doux, ne chante pas seulement avec ses lèvres mais avec son coeur : dans ses complaintes, sa voix teintée de magie révèle une force étrange où transparaissent les chagrins et les joies de l'existence. La puissance et le registre étendu de sa voix lui permettent de passer facilement du répertoire savant ' le shashmaqâm ' à celui de la musique populaire. Une partie de son chant s'enracine dans l'histoire et la souffrance de son peuple. Elle le dit encore : "Je remercie Dieu de m'avoir donné une voix capable d'interpréter les chants classiques."
Dès l'âge de quatre ans elle accompagne sa mère qui deviendra plus tard son premier professeur de chant, et c'est avec émotion qu'elle chante Ateh-Anah (père, mère). "C'est à ma mère et à ses conseils que je dois ma réussite. Avant chaque concert ses paroles me reviennent : 'il faut chanter de sorte que la voix atteigne son apogée et sa force.' Dans ma famille, on a la musique dans le sang ; à différentes occasions (mariage, fiançailles, récolte, circoncision....) ma mère prenait le (tambour) dayereh, elle chantait et nous l'accompagnions. Nous étions dix enfants et ma mère souhaitait que l'un devienne musicien. Toute petite, j'écoutais la radio et j'imitais les grandes chanteuses de la musique classique comme Barno Eshagova. J'écrivais les paroles des chansons et je les chantais pendant la cueillette du coton."
Matlubeh donne ainsi un exemple de la transmission musicale dans la tradition ouzbèke. Alors que sa mère était chanteuse de musique populaire dans son village, Matlubeh va devenir une des plus grandes chanteuses de la musique classique et populaire en Ouzbékistan. La télévision ouzbèke, dans un documentaire sur sa vie, ne manque pas de rendre hommage à cette mère défunte considérée comme une des plus grandes représentantes de la tradition populaire.
Après cinq ans d'études à l'université de musique et au conservatoire de Tashkent, la jeune artiste commence à travailler dans l'Ensemble de Shashmaqâm de la Radio d'Ouzbékistan. Quand on la complimente sur sa technique vocale, elle fait aussitôt l'éloge de ses professeurs : "Je dois tout à mes maîtres Aref Khan Hatemov et Turgun Alimatov". Depuis plusieurs années, parallèlement à son engagement à la radio, elle se produit en compagnie de Turgun Alimatov, un des derniers représentants de la musique savante et du fils de celui-ci, Alichir, dans une forme en trio (voix, luth à archet sato, et luths tanbur ou dôtar) qui se pratiquait déjà à la fin du xixe siècle.
Au cours d'un concert privé, dans le jardin de Turgun Alimatov à Tashkent, ce dernier montrant Matlubeh déclara : "J'ai tenté de transmettre tout mon savoir à l'une de mes élèves afin qu'elle soit mon espoir pour demain".
Zohre Khân
Elle représente la tradition des chants de mariage des villages du Khorezm. Cette chanteuse au style profond et archaïque se produit exclusivement dans les rites nuptiaux réservés aux femmes. Chantant a cappella ou accompagnée par un tambour dayereh, elle interprète des complaintes sur la condition d'épouse et des chants à danser. C'est la première fois qu'elle se produit sur scène.
Mina Rad
Azerbaïdjan
-Tradition classique du Mugam
Malgré un siècle de colonisation russe et des décennies de socialisme soviétique, l'Azerbaïdjan a remarquablement préservé ses traditions musicales comme en témoigne l'art du mugam.
La découverte des musiques d'Azerbaïdjan est sans doute l'une des plus grandes révélations artistiques de ces dernières années et depuis 1985, la Maison des Cultures du Monde n'a de cesse d'en faire connaître les meilleurs interprètes, tant par le concert que par le disque : Alem Kassimov pour sa première tournée française et européenne, Hâji Bâbâ Huseynov, Zayid Gouliev, Sakine Ismaïlova, Aqakhân Abdullaev, enfin Djanali Akberov, Gandab Gulieva et la toute dernière révélation du chant azéri, la jeune Simara Imanova.
L'Azerbaïdjan, fruit d'un brassage culturel entre Turcs et Persans, a remarquablement préservé ses traditions musicales et ce, malgré un siècle de colonisation russe et soixante-quinze années de socialisme soviétique. Très tôt, les Azéris ont en effet su établir une frontière claire entre ce qu'il convient de considérer comme la pure tradition savante du Mugam et les formes acculturées telles que "l'Opéra-Mugam" inventé au début du XXe siècle par le compositeur romantique Uzeyr Hâjibeyov. De même, la transmission du savoir musical qui s'opère aujourd'hui par le biais des écoles de musique et des conservatoires n'a pas foncièrement modifié son contenu ni freiné l'émergence de nouveaux artistes. Sélectionnés de manière extrêmement stricte, leur rigueur n'a d'égal qu'un extraordinaire potentiel créatif. C'est dire combien cette grande tradition classique demeure vivante.
Le Mugam
Produit de plusieurs siècles de maturation à la charnière des cultures turque et persane, la musique azérie a également bénéficié des échanges avec d'autres traditions, arménienne, centre-asiatique, voire afghane, et a trouvé son expression la plus parfaite dans le Mugam, vaste composition vocale et instrumentale qui dépeint avec ardeur et raffinement toute la gamme d'expressions du sentiment amoureux.
Comme toutes les musiques savantes du Moyen-Orient, la musique d'Azerbaïdjan est monodique et modale. Le terme mugam, qui dérive du mot arabe maqâm, désigne non seulement le système de gammes modales sur lequel se fonde cette musique, mais aussi les suites vocales et instrumentales qui sont interprétées sur chacun de ces modes. Chacune de ces oeuvres est fondée sur une succession de "mélodies-cadres" qui laissent au chanteur une relative liberté d'improvisation et d'adaptation du texte poétique. Ces mélodies, extrêmement chargées sur le plan émotionnel, alternent avec des pièces vocales ou instrumentales de caractère plus populaire (cf. Maqâm irakien)
Les poèmes sont l'oeuvre des grands poètes classiques qui vécurent en Iran, en Azerbaïdjan et en Iraq entre le XIVe et le XXe siècle : Nizâmi, Fuzûlî, Shirvâni, Tabrizi, Vahid pour n'en citer que les principaux, et parlent avec pathétisme de l'amour, de l'attrait de l'être aimé, du déchirement de la séparation ou de l'inconstance de l'amant, de la beauté d'un paysage ou encore de la splendeur de Dieu. Totalement intégrés à la musique, ces poèmes éclatent littéralement dans le discours musical, du fait de l'introduction de vocalises, d'intermèdes instrumentaux et des multiples modulations qui caractérisent le parcours modal du Mugam.
A chaque Mugam correspond un état émotionnel spécifique, ainsi pour n'en citer que quelques-uns, le Mugam Rast exalte la noblesse et le courage, le Mugam Segâh exprime l'amour et la nostalgie, le Mugam Chargâh, plus puissant, enflamme les passions, tandis que le Mugam Shur incline à la méditation et à la mélancolie.
Le chanteur est accompagné par le luth târ, la vièle kemânche et il tient lui-même le tambour sur cadre daf.
Djanali Akberov est né voici une cinquantaine d'années dans une famille de musiciens réputés. Son père, Khânali, était lui-même chanteur et joueur de târ. Djanali apprit tout d'abord la musique dans sa famille, chantant et jouant avec ses frères. Puis il suivit les cours de l'École de Musique Zeynali où il fut l'élève de Syed Shushinski, tout en se pénétrant de l'art du maître Khân Shushinski à travers ses concerts et ses programmes radiophoniques. Aujourd'hui, Djanali Akberov s'affirme comme le principal héritier des deux plus grandes voix azéries de la première moitié de ce siècle.
Formée à l'École de Musique Zeynali, Gandab Gulieva est aujourd'hui soliste à l'Opéra de Bakou. Elle appartient à la même génération que Sakine Ismaïlova et jouit en Azerbaïdjan d'une réputation équivalente. Sa voix chaude et sensuelle sait aussi, lorsque l'interprétation l'exige, faire passer des accents de douleur d'une grande intensité, démontrant ainsi que l'art du Mugam n'est pas le fief exclusif des hommes.
Simara Imanova est née en 1976 à Imichli dans le sud-ouest de l'Azerbaïdjan, elle chante depuis l'âge de douze ans. En 1994 elle entre sur concours à l'École de Musique Zeynali à Bakou et choisit la classe d'Aqakhân Abdullaev. En 1996, elle accompagne son maître à l'occasion des concerts qu'il donne à la Maison des Cultures du Monde. En 1997, elle remporte le premier prix au concours Mélodies d'Orient de Samarkand qui rassemble chaque année les meilleurs espoirs des républiques d'Asie centrale.
Djanali, Gandab et Simara sont accompagnés par la fine fleur des instrumentistes azéris, trois musiciens qui savent non seulement se mettre au service du chanteur, mais excellent également dans l'improvisation instrumentale. -Vamig Mamadaliev représente l'ancienne génération des joueurs de târ, illustrée en son temps par Bahram Mansurov et dont il est depuis une dizaine d'années le successeur dans le trio de Djanali Akberov ; il se produit pour la première fois en France.
-Zamik Aliev est l'un des meilleurs joueurs de târ de la génération intermédiaire, il accompagne régulièrement Aqakhân Abdullaev et à ce titre il s'est déjà produit à deux reprises à la Maison des Cultures du Monde.
-Fakhreddin Dadachev, musicien très recherché par les chanteurs, est incontestablement le meilleur joueur de kemânche aujourd'hui.
Pierre Bois
à écouter
- Anthologie du Mugam d'Azerbaïdjan (vol. 7), Djanali Akberov, Trio Khân Shushinski
Double CD INEDIT /Maison des Cultures du Monde (W 260 069).
- Anthologie du Mugam d'Azerbaïdjan (vol. 8), Gandab Gulieva
1 CD INEDIT /Maison des Cultures du Monde (W 260 077).
Turkmenistan
-Bardes bakhshi
Origines mongoles, migrations et nomadisme ont contribué à faire de la culture turkmène un ensemble de traditions originales et diverses mêlées d'éléments turcs et persans et soumises à l'influence de l'islam sunnite. À côté d'un mode de vie matérielle assez fruste, les Turkmènes ont développé un goût évident pour les arts, qu'il s'agisse du tissage, de la poésie et de la musique. L'originalité et l'imagination dont les femmes font preuve dans l'arrangement des motifs et l'assortiment des couleurs ont rendu leurs tapis légendaires. De même, la poésie et la musique constituent l'une de leurs principales sources de plaisir esthétique. Autrefois, le guerrier fourbu et affamé qui rentrait chez lui oubliait la faim et la fatigue pour écouter avec délices et parfois jusqu'à l'aube les poètes-musiciens bakhshi qui venaient lui rendre visite.
Indissociable de la poésie, la musique turkmène porte en elle une intensité dramatique, une force abrupte, un pouvoir d'évocation saisissants. Aujourd'hui encore, dans les fêtes et les banquets, on chante les poèmes de Makhtum Kuli (1730 - 1782), fondateur de la poésie en langue turkmène, de son contemporain Zelili et de leurs illustres successeurs : Kemineh, Mollah Nepes, Kurban Shakir, Kul Baba (xixe s.). Aux thèmes romantiques propres à la poésie du Moyen-Orient et d'Asie centrale (éloge de la beauté et des qualités de l'être aimé, déchirement de la séparation, bonheur des retrouvailles) et aux thèmes moraux et éducatifs, viennent s'ajouter des éléments symboliques essentiels pour les Turkmènes : le cheval et l'eau.
Les grands romans populaires basés sur des histoires d'amour sont également très prisés. Chantés sur le mode épique, ces romans en prose entrecoupés de poèmes lyriques sont issus d'un genre littéraire qui fut créé par les Arabes sous la dynastie des Omeyyades et dont le fleuron est Laylâ et Majnûn.
Mais l'oeuvre épique turkmène par excellence est l'épopée héroïque de Koroghlu. Inspirée de la vie de Rushan, un aventurier qui, fin xvie - début xviie, participa à la révolte des Jelali contre le Shah Abbas Ier, l'épopée de Koroghlu est sans aucun doute l'une des plus importantes de la région. On peut la comparer en Occident à La Geste de Charlemagne, ou à La légende du Roi Arthur. Connue également en Azerbaïdjan, en Arménie, en Géorgie, en Turquie, au Kurdistan et dans toute l'Asie centrale, cette épopée revêt chez les Turkmènes une signification particulière car son héros, membre de la tribu des Tekke, réunit toutes les qualités du gentilhomme turkmène : il est courageux, loyal, généreux, poète et chanteur.
Poésie, romans, épopées sont interprétés par des ménestrels, les bakhshi, chanteurs et musiciens professionnels. L'art des bakhshi est considéré par les Turkmènes comme un art classique au plein sens du terme, avec son histoire, son enseignement, sa théorie et son corpus de textes poétiques qui sont l'oeuvre d'auteurs lettrés. Nombre de ces textes poétiques se seraient d'ailleurs perdus si la tradition orale des bakhshi ne les avait conservés. Les bakhshi se produisent généralement dans des soirées musicales précédées d'un repas, les saz sokhbet, ou après les banquets familiaux toy, organisés à l'occasion des noces, des circoncisions ou de la première coupe de cheveux d'un garçon. Ces fêtes accueillent un grand nombre d'invités, parents, amis, connaissances et le concert des bakhshi peut durer jusqu'à l'aube. Jusqu'à une époque récente, il était de tradition que les bakhshi fussent exclusivement des hommes.
De nos jours, du fait de la sédentarisation et de la laïcisation de la société turkmène, les femmes s'intéressent elles aussi à cet art et certaines d'entre elles s'y sont taillé une réputation qui leur vaut d'être invitées aux grands festivals annuels turkmènes. Mais si les femmes sont souvent des chanteuses remarquables, elles sont moins portées sur la pratique instrumentale que les hommes et aiment se faire accompagner par des musiciens tels qu'Akmurad Chariev, considéré comme le plus grand dutârchi turkmène.
Art professionnel, le chant s'acquiert au cours d'un long apprentissage (parfois près de dix années) auprès d'un maître. C'est au terme de cette formation seulement que le chanteur peut commencer à se produire en public. Un bakhshi digne de ce nom doit posséder un répertoire d'au moins une centaine de chants et dominer des techniques vocales dont le but est d'accroître la tension émotionnelle : vocalisations entrecoupées de brefs blocages du larynx (djuk-djuk), sons rauques, yodel, etc.
Instrument emblématique des bakhshi, le luth à manche long et à deux cordes dutâr est répandu dans toute l'Asie centrale, du Kurdistan au Xinjiang, et accompagne habituellement le chant populaire. Chez les Turkmènes, il est réservé à la poésie classique et à la musique instrumentale.
Tawus Annamyradova, ancienne élève d'Akmurad Chariev, est une bakhshi timerchi, c'est-à-dire qu'elle interprète de préférence la poésie classique turkmène.
Durdubai Gurbanov, présenté à la Maison des Cultures du Monde en 1996, est un bakhshi destanchi, comme l'étaient son père et son grand-père, c'est-à-dire qu'il est spécialisé dans la poésie épique et plus particulièrement l'épopée de Koroghlu qu'il raconte et chante avec un abattage et une truculence sans pareils, faisant revivre devant son auditoire les batailles, les chevauchées et les amours passionnées du grand héros turkmène.
Pierre Bois
PROGRAMME
Turkmenistan
Suite de poèmes chantés de la tradition classique.
Tawus Annamyradova, chant et luth dutâr
Akmurad Chariev, luth dutâr
Yakub Annamamedov, vièle ghichak
Azerbaïdjan
Mugam, suite vocale et instrumentale classique
Gandab Gulieva, chant et tambour daf
Vamig Mamadaliev, luth târ
Fakhreddin Dadachev, vièle kemânche
Ouzbekistan
Tradition classique de Boukhara
Magam Sarah Bari Dugâh, suite vocale et instrumentale.
Matlubeh, chant
Abdinabi Ziyaev, robab
Murad Jan, ghichak
Mahmud Jan, tanbûr/satô
Rahmatullah, dayereh
Entracte animé par Zohre Khân, chant et accordéon et Sarvar Batirov, tambour sur cadre dayereh (chants populaires du Khorezm)
Ouzbekistan
Chants de mariage du Khorezm
Zohre Khân, chant
Sarvar Batirov, dayereh
Azerbaïdjan
Mugam, suite vocale et instrumentale classique
Simara Imanova, chant et tambour daf
Zamik Aliev, luth târ
Fakhreddin Dadachev, vièle kemânche
Tukmenistan
Tradition épique, deux extraits d'épopées destan
Durdubai Gurbanov, chant et luth dutâr
Akmurad Chariev, luth dutâr
Yakub Annamamedov, vièle ghichak
Ouzbekistan
Tradition populaire de Boukhara
Matlubeh, chant
Abdinabi Ziyaev, robab
Murad Jan, ghichak
Mahmud Jan, tanbûr/satô
Rahmatullah, dayereh
Azerbaïdjan
Mugam, suite vocale et instrumentale classique
Djanali Akberov, chant et tambour daf
Vamig Mamadaliev, luth târ
Fakhreddin Dadachev, vièle kemânche
Azerbaïdjan. Mugam. Photos
3-4 avril 1998
Azerbaïdjan
-Mugam, suite vocale et instrumentale classique
Gandab Gulieva, chant et tambour daf
Vamig Mamadaliev, luth târ
Fakhreddin Dadachev, vièle kemânche
Azerbaïdjan. Mugam. Photos
3-4 avril 1998
Azerbaïdjan
-Mugam, suite vocale et instrumentale classique
Gandab Gulieva, chant et tambour daf
Vamig Mamadaliev, luth târ
Fakhreddin Dadachev, vièle kemânche
-Mugam, suite vocale et instrumentale classique
Simara Imanova, chant et tambour daf
Zamik Aliev, luth târ
Fakhreddin Dadachev, vièle kemânche
-Mugam, suite vocale et instrumentale classique
Djanali Akberov, chant et tambour daf
Vamig Mamadaliev, luth târ
Fakhreddin Dadachev, vièle kemânche
Croatie. Chants populaires de Dalmatie. Photos
13-15 mars 1998
Programme
Samacki, chants de berger
Le printemps n'est pas encore arrivé et déjà chante le rossignol.
Son chant porte loin. Qu'il chante, je ne le crois pas jusqu'au moment où je vois surgir le paysan avec son sac à l'épaule.
La femme envie la montagne qui reverdit à chaque printemps,
Elle qui chaque année devient un peu plus vieille.
Ojkavica (femmes) et Kiridzinska (hommes)
Les ojkavica sont des chants de femmes, généralement des chants d'amour, composés de strophes alternant avec un refrain construit sur la syllabe "oj".
Une femme amoureuse regarde voler un faucon
Elle attend son amoureux.
Les kiridzinska sont des chants de caravaniers. Comme cette tradition a disparu, ils se chantent désormais à l'occasion des fêtes de famille. Ce sont généralement des chants héroïques, le plus souvent improvisés, à la gloire des habitants de Poljica.
Chant épique et vièle gusle
Le récit épique est généralement précédé d'une introduction destinée à capter l'attention des auditeurs. Dans cette introduction, le chanteur s'adresse à son instrument dans un style très littéraire.
Le chant commence par une description de l'hiver, période idéale pour écouter les chants épiques, car tout le monde se calfeutre confortablement dans les maisons. Puis il aborde le thème des difficultés de la vie quotidienne émaillé de références à l'histoire de la République de Poljica.
Rera
Les rera sont des aphorismes chantés sous forme de distiques. Ils peuvent être chantés aussi bien par les femmes que les hommes, mais dans des styles assez différents. Les rera des hommes sont parfois très osés voire carrément graveleux.
Rera des femmes :
Ma gorge est comme une petite cloche,
Je l'ai formée en gardant les moutons.
Rera des hommes :
Ma petite, je t'ai trouvée en train de garder les moutons
Allongée derrière les vignes'
Quand je coupe les herbes, elles reverdissent
Quand j'embrasse ma petite, elle rougit.
Chant épique des femmes
Ce style de chant est le pendant du répertoire épique des hommes, mais il se chante a cappella.
Ce chant raconte l'histoire héroïque de Mila Gojsalica qui eut lieu en 1675. Fille d'un duc de Poljica, elle fut remarquée par un pacha ottoman. Un jour, celui-ci vint voir le père de la jeune fille et lui dit que s'il ne lui donnait pas sa fille, il brûlerait Poljica. Celle-ci, pour aider son père, fit mine d'accepter et entreprit de mieux séduire le pacha. Le jour des noces, le pacha vint au village avec tous ses hommes. Heureux d'avoir pris la ville sans combattre, ils déposèrent toutes leurs munitions sous une tente et commencèrent à faire la fête à la lueur des torches. Alors, la jeune fille se saisit d'une des torches et fit sauter toutes les munitions. Elle perdit la vie dans l'explosion. Puis les hommes de Poljica attaquèrent les Turcs désarmés et les massacrèrent.
Depuis ce jour, Mila Gojsalica est considérée comme la patronne de la République de Poljica.
Jeu de doigts
Ce jeu traditionnel, ressemble dans son principe au jeu des ciseaux, pierre et papier. Les joueurs sont rassemblés en deux équipes qui se font face et doivent rapidement deviner le chiffre que va annoncer avec ses doigts leurs adversaires. Il est à noter que les chiffres de 1 à 10 sont énoncés dans un italien abâtardi.
Chants Uravanj accompagnés par la danse des bâtons par les hommes et la danse du fichu par les femmes.
Le chant des hommes est un chant de séparation :
Au revoir mon village
Et toutes les jeunes filles que j'embrassais.
Le chant des femmes est un autre genre de chant de séparation, un chant de noces :
Ma chère mère, prépare mon trousseau
Car bientôt je me marie à Srijane.
Danse de couples accompagnée par la cornemuse diple et des chants d'hommes.
Josip Tadic
Marija Tadic
Drago Paladin
Jozo Strujic
Mate Strujic
Marija Prelas
Marija Curlin
Bogoslav Buric
Zoran Strujic
Sima Curlin
Ivan Curlin
Dragica Prelas
Blanzenka Franic
Croatie. Chants populaires de l'arrière-pays dalmate. Spectacle
13-15 mars 1998
Josip Tadic
Marija Tadic
Drago Paladin
Jozo Strujic
Mate Strujic
Marija Prelas
Marija Curlin
Bogoslav Buric
Zoran Strujic
Sima Curlin
Ivan Curlin
Dragica Prelas
Blanzenka Franic
Nos connaissances historiques sur la Dalmatie remontent au XIIIe siècle av. J.-C., époque où les Illyriens envahissent cette région peuplée de Thraces. Au IVe siècle, des tribus celtes venues du nord conquièrent les plaines de Pannonie jusqu'à l'Adriatique. Le mélange des Celtes et des Illyriens donne naissance à plusieurs tribus dont les Delmates.
Conquise par Tibère en l'an 9, la Dalmatie devient province romaine. En 297, l'empereur Dioclétien, d'origine dalmate, se fait bâtir un palais en bord de mer qui deviendra le coeur de la ville de Split et s'y retire en 305. Le christianisme commence à s'implanter en Dalmatie dès le premier siècle de notre ère, mais ce n'est qu'à la fin du IIIe siècle qu'il connaît un essor important en dépit des persécutions.
La fin de la période romaine en Dalmatie est marquée par l'invasion des Croates, une tribu slave originaire du Don. Jusqu'à la fin du VIIIe siècle, les tribus croates de Dalmatie sont organisées en petites principautés placées sous l'autorité politique de Byzance mais rattachées religieusement à Rome. Les églises dalmates s'unifient sous l'autorité de l'archevêché de Split. Nombre de prêtres de l'arrière-pays résistent cependant à la romanisation de la liturgie, lui préférant la langue croate et l'alphabet glagolithique, ce qui leur vaut l'appellation de prêtres glagoljasi.
En 1102, les princes croates cèdent à la pression hongroise et se soumettent au roi Koloman. Le royaume hungaro-croate vivra un peu plus de trois siècles sous la tutelle des Arpad puis des Anjou, descendants de Charles Martel.
De leur côté, les doges de Venise, soucieux de s'assurer la suprématie maritime et commerciale sur l'Adriatique s'emparent de la côte au XVe siècle et l'empreinte de la culture vénitienne marque dès lors le littoral dalmate jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, tandis que l'arrière-pays, isolé de la côte par ses montagnes, subit les assauts des Turcs établis en Bosnie.
En 1526, la plus grande partie de la Dalmatie intérieure est tombée aux mains des Turcs. La noblesse croate fait alors appel à l'archiduc Ferdinand et la Croatie entre dans le royaume des Habsbourg où elle demeurera jusqu'en 1918.
Cette introduction historique permet de mieux comprendre la diversité des traditions populaires profanes et sacrées dans la Dalmatie d'aujourd'hui. On peut les répartir en trois régions : les îles (Korcula, Hvar, Brac et Vis), la bande côtière dont la profondeur n'excède pas quelques kilomètres, enfin l'arrière-pays qui s'articule sur la chaîne karstique des Alpes dinarides.
Traditions de l'arrière-pays
L'arrière-pays dalmate est marqué géographiquement par une grande austérité. Entre les chaînes karstiques, s'étendent de longues vallées pierreuses dans lesquelles les paysans tentent de ménager quelques lopins de terre où ils font pousser des légumes et de la vigne, les entourant de murettes construites avec les pierres ramassées dans le champ. Longtemps isolées, puis soumises aux invasions ottomanes, les populations villageoises ont dû s'habituer à vivre en autarcie et ont préservé une culture traditionnelle très vivante.
La petite république de Poljica, située à 37 km au nord-est de Split, existe depuis le Xe siècle. Elle regroupe une vingtaine de villages et de hameaux, et compte aujourd'hui environ 15.000 habitants. Pendant les siècles troublés de la lutte contre les Turcs ottomans, elle dut sa survie au fait qu'elle constituait une zone-tampon entre les Turcs et les Vénitiens. Ses archives et nombre de documents que l'on peut encore retrouver chez ses habitants, montrent que jusqu'au XIXe siècle, tous les textes officiels étaient rédigés en alphabet glagolithique et que le taux d'alphabétisation s'élevait à 80% grâce à l'enseignement dispensé par les prêtres glagoljasi. Ainsi, encore aujourd'hui, chaque citoyen peut, grâce à ses archives familiales, reconstituer sa généalogie jusqu'au XVIe siècle.
La république de Poljica est dirigée par une Table, assemblée de douze notables représentant les douze provinces (katuni) de Poljica. Chaque année, le 19 avril, ces petits-ducs élisent leur duc, dont le mandat n'est renouvelable qu'une fois.
Les traditions musicales de Poljica sont assez représentatives de l'ensemble de l'arrière-pays dalmate. Les chants sont exécutés soit par les hommes soit par les femmes. Ils comprennent des kiridzije, chants de caravane dans lesquels les commerçants ambulants racontent avec humour ce qui leur est arrivé en ville, des rera, aphorismes chantés voire vociférés sur l'accompagnement d'un bourdon mobile, des ojkavica, chants de joie des femmes lors des noces et des foires annuelles, des cobanica ou chants de bergère, des chants héroïques accompagnés à la vièle gusle et interprétés dans un style qui rappelle fortement celui des bardes d'Asie centrale, enfin les danses accompagnées à la cornemuse diple.
Les chants d'ensemble sont toujours interprétés par trois personnes : un soliste et un choeur de deux personnes chantant un bourdon mobile à l'unisson. Les échelles sont étroites, les harmonies riches en chromatismes et en accords de seconde. La voix, entonnée à pleine puissance, comme un appel, se répand ensuite en vibratos et trémolos pour s'interrompre brutalement par un coup de glotte. Tous ces chants, par-delà leur diversité, nous offrent une musique expressive, à la beauté rude, qui illustre bien l'univers indomptable dans lequel vivent ces paysans depuis des siècles.
Le gusle est une vièle à une corde en crin de cheval et sa caisse de forme ovoïde est recouverte d'une peau de chèvre. Autrefois, le gusle accompagnait exclusivement les chants héroïques et des ballades tragiques. Aujourd'hui, de jeunes chanteurs ont fait évolué cette tradition en composant, dans un style musical respectueux de la tradition, des chroniques au vitriol sur la vie contemporaine et les changement politiques et économiques du pays.
Le diple est une cornemuse constituée d'un sac façonné dans une peau entière de mouton, trois pattes étant bouchées avec une dent de porc et la quatrième servant à monter les tuyaux mélodiques. Le tuyau mélodique principal comporte six trous de jeu, l'autre tuyau en comprend quatre et sert de bourdon. Le jeu du diple étant continu, il s'agit en général d'une improvisation destinée à accompagner la danse et formée d'une succession de courtes formules répétées et variées, les accentuations permettant de donner le rythme étant obtenues par des ornements sur le tuyau de bourdon.
L'ensemble du village de Srijane comprend treize chanteurs, chanteuses et musiciens. Si certains d'entre eux ont pris un travail en ville, ils demeurent néanmoins paysans dans l'âme, cultivant encore quelques lopins de terre, faisant leur vin et leur eau-de-vie et élevant des porcs qui, une fois tués et découpés, sont mis à fumer dans la "maison noire". Et c'est dans cette maison noire que, souvent, ils se réunissent pour chanter, bavarder et manger charcuterie et fromages arrosés d'un vin riche et corsé.
Le Kud Srijane est dirigé par Josip Tadic, petit-duc de la Table de Poljica et conservateur des archives de son village.
Programme
Samacki, chants de berger
Le printemps n'est pas encore arrivé et déjà chante le rossignol.
Son chant porte loin. Qu'il chante, je ne le crois pas jusqu'au moment où je vois surgir le paysan avec son sac à l'épaule.
La femme envie la montagne qui reverdit à chaque printemps,
Elle qui chaque année devient un peu plus vieille.
Ojkavica (femmes) et Kiridzinska (hommes)
Les ojkavica sont des chants de femmes, généralement des chants d'amour, composés de strophes alternant avec un refrain construit sur la syllabe "oj".
Une femme amoureuse regarde voler un faucon
Elle attend son amoureux.
Les kiridzinska sont des chants de caravaniers. Comme cette tradition a disparu, ils se chantent désormais à l'occasion des fêtes de famille. Ce sont généralement des chants héroïques, le plus souvent improvisés, à la gloire des habitants de Poljica.
Chant épique et vièle gusle
Le récit épique est généralement précédé d'une introduction destinée à capter l'attention des auditeurs. Dans cette introduction, le chanteur s'adresse à son instrument dans un style très littéraire.
Le chant commence par une description de l'hiver, période idéale pour écouter les chants épiques, car tout le monde se calfeutre confortablement dans les maisons. Puis il aborde le thème des difficultés de la vie quotidienne émaillé de références à l'histoire de la République de Poljica.
Rera
Les rera sont des aphorismes chantés sous forme de distiques. Ils peuvent être chantés aussi bien par les femmes que les hommes, mais dans des styles assez différents. Les rera des hommes sont parfois très osés voire carrément graveleux.
Rera des femmes :
Ma gorge est comme une petite cloche,
Je l'ai formée en gardant les moutons.
Rera des hommes :
Ma petite, je t'ai trouvée en train de garder les moutons
Allongée derrière les vignes'
Quand je coupe les herbes, elles reverdissent
Quand j'embrasse ma petite, elle rougit.
Chant épique des femmes
Ce style de chant est le pendant du répertoire épique des hommes, mais il se chante a cappella.
Ce chant raconte l'histoire héroïque de Mila Gojsalica qui eut lieu en 1675. Fille d'un duc de Poljica, elle fut remarquée par un pacha ottoman. Un jour, celui-ci vint voir le père de la jeune fille et lui dit que s'il ne lui donnait pas sa fille, il brûlerait Poljica. Celle-ci, pour aider son père, fit mine d'accepter et entreprit de mieux séduire le pacha. Le jour des noces, le pacha vint au village avec tous ses hommes. Heureux d'avoir pris la ville sans combattre, ils déposèrent toutes leurs munitions sous une tente et commencèrent à faire la fête à la lueur des torches. Alors, la jeune fille se saisit d'une des torches et fit sauter toutes les munitions. Elle perdit la vie dans l'explosion. Puis les hommes de Poljica attaquèrent les Turcs désarmés et les massacrèrent.
Depuis ce jour, Mila Gojsalica est considérée comme la patronne de la République de Poljica.
Jeu de doigts
Ce jeu traditionnel, ressemble dans son principe au jeu des ciseaux, pierre et papier. Les joueurs sont rassemblés en deux équipes qui se font face et doivent rapidement deviner le chiffre que va annoncer avec ses doigts leurs adversaires. Il est à noter que les chiffres de 1 à 10 sont énoncés dans un italien abâtardi.
Chants Uravanj accompagnés par la danse des bâtons par les hommes et la danse du fichu par les femmes.
Le chant des hommes est un chant de séparation :
Au revoir mon village
Et toutes les jeunes filles que j'embrassais.
Le chant des femmes est un autre genre de chant de séparation, un chant de noces :
Ma chère mère, prépare mon trousseau
Car bientôt je me marie à Srijane.
Danse de couples accompagnée par la cornemuse diple et des chants d'hommes.
Pierre Bois
NB: Une brochure de 7 pages avec des photographies couleurs des vêtements portés par les artistes est annexée au programme.
Remerciements à Madame Nansi Ivanisevic, conseiller culturel, Département de Split, Dalmatie centrale et à Monsieur Vidoslav Bagur, ethnologue.
Europe. Histoire de Gertrude, marionnette portée. Spectacle
25-29 novembre 1998
(Spectacle en français)
Maison des Cultures du Monde et le Théâtre de la Marionnette à Paris.
La compagnie
Yael Inbar et Revital Ariely ont fondé leur compagnie en 1994 et l'Histoire de Gertrude est leur première production. Par ses qualités et son originalité, ce spectacle a su s'imposer sur la scène locale, en Israël, où il n'existe pas de tradition de spectacles de marionnettes pour adultes. Par la suite, ses succès remportés à l'étranger ont confirmé l'internationalité de ce spectacle.
Revital Ariely a étudié la peinture et la sculpture à l'école Nationale des Beaux-Arts de Jérusalem, puis à l'Ecole de Théâtre Visuel. Elle a également passé un diplôme de scénographie, de manipulation et de mise en scène à Jérusalem.
Yael Inbar a commencé par la danse et a suivi les cours de la Bat Dor Dance Company. Puis, elle a obtenu un diplôme de manipulation, chorégraphie, jeu et mise en scène de l'Ecole de Théâtre Visuel.
HISTOIRE DE GERTRUDE
Quatre actes pour une marionnette qui s'empare de sa marionnettiste.
Premier acte
Une vieille dame et son gramophone
C'est l'histoire d'une vieille dame marionnette qui veut manger son unique 'uf en écoutant son seul disque sur un gramophone. Tout à coup, au lieu de la musique habituelle, le gramophone raconte une histoire de princesse qui veut l''uf.
Tout le corps de Yael Inbar, la marionnettiste, est réquisitionné par l'animation de la vieille dame. Les pieds manipulent la tête, les mains donnent vie à de minuscules personnages'
Deuxième acte
Dépossession
Une pièce chorégraphique pour une marionnette et une femme.
Troisième acte
Ishfaryunga
Tragédie en miniature où un personnage minuscule animé par les mains de la marionnettiste, recouvertes d'un gant et surmontées d'une petite tête fixée sur le poignet se bat contre des puissances qui le dépassent. Ce personnage ne se rend pas compte que les obstacles qu'il rencontre sont les membres du corps de la marionnettiste.
Quatrième acte
Le show de Gertrude
Il s'agit de la rencontre d'une marionnette cul-de-jatte, d'un certain âge, qui s'approprie les jambes de sa marionnettiste ; La fusion va très loin et la question d'identité se pose de façon troublante : est-ce une marionnette ou une femme ? Chef d''uvre de dextérité, cette dernière partie est le point culminant d'un spectacle qui a déjà une belle carrière internationale et qui a été la révélation du Festival de Charleville Mézière 97.
Festival de l'imaginaire. 13 février- 04 avril 1998. Affiche
Kathakali de l'Inde 26 février-04 mars. Innovation de Laylâ "concert soufi" du Liban Nidaa Abou Mrad 06-08 mars. Yemen chants et musiques de Sanaa 06-07 mars. Chants et musiques bouddhiques du Viet-Nam Les bonzes de Hué 09-11 mars. Polyphonies dalmates de Croatie 13-15 mars. Chants et musiques de l'hadramaout Yemen 13-14 mars. Polyphonies des Guerzé de Guinée 16-18 mars. Le Sameri d'Unayzah Arabie Saoudite 20-22 mars. Hamed Al-Saadi le Maqâm de Bagdad 23-25 mars. Chants traditionnels de Jordanie 27-29 mars. Ancien Turkestan et Caucase 03-04 avril.
Festival de l'imaginaire. 13 février-04 avril 1998. Affiche
Théâtre, danse , chant, musique, exposition, colloques, films. 13 février-04 avril 1998.
France. Le Misanthrope de Molière . Photos
Le Misanthrope de Molière ou le cas Alceste...
Adaptation et mise en scène, Dominique Houdart. Spectacle en théâtre noir pour comédiens et figures.
Figures, décor et costumes, Jean-pierre Conin
Réalisation figures et décor: Patrick Grey et les 4 marionnettistes de Nantes
Avec
Hubert Jappelle: Alceste
Jeanne Heuclin: Célimène et la voix de tous les autres personnages
Marionnettistes:
Catherine Larue, Philippe Payraud, Philippe Drouot et Mohand Saci
Egalement, photo du spectacle "Café concert padox"
France. Le Misanthrope de Molière . Spectacle
2 décembre 1998-28 janvier 1999
Adaptation et mise en scène, Dominique Houdart
Le Misanthrope de Molière ou le cas Alceste...
Adaptation et mise en scène, Dominique Houdart. Spectacle en théâtre noir pour comédiens et figures.
Figures, décor et costumes, Jean-pierre Conin
Réalisation figures et décor: Patrick Grey et les 4 marionnettistes de Nantes
Avec
Hubert Jappelle: Alceste
Jeanne Heuclin: Célimène et la voix de tous les autres personnages
Marionnettistes:
Catherine Larue, Philippe Payraud, Philippe Drouot et Mohand Saci
Alceste dans son désert.
Le cas Alceste
Le Misanthrope est sans doute l'une des pièces les plus connues et les plus jouées de l'oeuvre de Molière. Interprétée en costume d'époque ou en costume moderne, dans tous les cas la mise en scène propose l'étude d'un caractère, celui d'un atrabilaire amoureux, et une comédie de moeurs, ceux d'une société proche de la cour de Louis XIV.
Si l'on en croit Furetière, misanthrope signifie bourru, avare, qui ne veut voir personne. Et il ajoute que son caractère est formé de mélancolie noire. Alceste est un malade, Philinte le dit (v. 105), plein d'"humeur, de chagrin, de bile à tout propos assemblée en son coeur".
Pour Lacan, Alceste "n'a cessé d'être un problème pour nos beaux esprits nourris d'humanité contre lequel il s'insurge". Etudiant le "cas Alceste", le psychanalyste dit qu'il est un absessionnel, "un fou qui se maintient à distance de sa folie... C'est un fou paranoïaque". La distance qu'il prend avec sa folie crée la contradiction d'Alceste qui le mène dans une impasse totale, répétitive. Dans Ecrits, il précisse qu'"Alceste est fou, et Molière le montre comme tel - très justement en ceci que dans sa belle âme il ne reconnaît pas qu'il concourt lui-même au désordre contre lequel il s'insurge".
Débarassé de son contexte historique,le personnage, véritable cas pathologique, hanté par ses obsessions et ses cauchemars, prend une valeur universelle.
L'ermite et les monstres.
Imaginons Alceste dans son désert, comme un ermite, habité par ses tentations qu'il repousse, et ceci d'une façon répétitive, éternelle.
Utopiste, vertueux, accusateur, perfectionniste, Alceste par son désir d'une société idéale rejoint certains mystiques, et son attirance pour Célimène est comparable à la Tantation de Saint-Antoine.
Le désert d'Alcest est intérieur et symbolique. C'est dans cet univers mental qu'il est visité, hanté, attiré par la vision de Célimène, de la cour, des fastes, des facilités, des compromissions, du désir et du plaisir.
Il s'agit d'un dialogue entre l'esprit et la chair, Alceste et Célimène, Alceste et ses visions, Célimène étant porteuse de ce monde que Alceste repousse, porteuse de la parole de tous les personnages de la pièce, qui tous appartiennent au même monde, à ce monde de la décadence et de la mort qui attire tant Alceste et qu'il souhaite tant repousser. Une sorte d'Annonciation infernale...
Le cauchemar d'un utopiste.
La pièce présente le cauchemar d'Alceste, qui voit la société comme Saint-Antoine voyait les tentations : de superbes perversions, des maux abominables mais attirants. Alceste dépasse de loin l'anecdote éventuelle dont il est inspiré, il est, tout comme Don Juan, un idéaliste, une de ces grands utopistes précurseurs de la Révolution, du grand mouvement des idées du siècle suivant, soigneusement caché sous le manteau classique. C'est le rôle d'une mise en scène contemporaine d'en découvrir l'essentiel, le caractère prophétique.
Alceste est le frère de Don Juan, frère en utopie, frère en solitude, frère en violence visionnaire. Don Juan appartient à un courrant littéraire et musical qui de l'Espagne rejoint l'Italie, puis Mozart. Alceste est moins présent, mais on peut le retrouver en Saint-Jean de La Croix, Saint-Antoine, Savonarole, Saint Ignace de Loyola, autant de grand mystiques que la littérature a abordé avec inquiétude. Littérature rare, mais nous entrons dans le domaine fiévreux des grands peintres inspirés : Jérôme Bosch, Grünewald, le Greco, Goya ou Dali nous ont livrés de ces visions fantastiques d'un monde ignoble et splendide, dans leurs Jardin des délices. Tentations de Saint-Antoine, et autre paradis infernaux, mondes de paradoxes, de beauté dans la laideur, de spendeur dans la difformité, de vision escatologique d'un monde en état de pourrissement avancé.
Alceste se retrouve comme dans les Caprices de Goya, l'homme seul face à ses phantasmes, à ses visions qui l'assaillent. Un acteur face à un monde de formes étranges et cauchemardesques.
Vanités
Le Misanthrope apparaît donc, dans son essence et au delà de l'anecdote, comme une profonde méditation sur l'homme dans et hors la société. Une pièce violente, cruelle, impitoyable, où la frontière entre Dieu, l'homme et l'animal est incertaine. Tous les personnages sont des monstres, tous sans exception. Alceste dans sa nudité, son intransigeance, sa brutalité, son intolérance, et les autres, Célimène, les marquis, la cour, la société, autant de personnages masqués, grotesques. Des monstres en métamorphose, voilà donc les personnages qui entourent Alceste, métamorphose qui va aboutir à une image de pourriture, de la décomposition et de la mort.
Alceste va faire vivre et mourir l'image de Célimène, l'image de cette société, l'iamge des vanités qu'il rejette.
Très vite, Célimène devient une vision d'horreur qu'il lui faut repousser ainsi que tous les personnages qui l'entourent. Ces derniers ne seront pas représentés comme des petits marquis poudrés mais des créatures monstrueuses, véritable bestiaire imaginé par Jean-Pierre Conin dont l'univers graphique pourrait être rapproché de ceux de Bosch, Breughel ou Goya. Il a également conçu le décor, un crâne-grotte symbolisant l'univers mental d'Alceste fortement inspiré par les peintures des Vanités du XVIIe siècle, avec leurs figures d'arnements, d'oiseaux de nuit, de livres, miroirs, crânes...
La lumière joue ici un rôle très important, elle crée la composition spatiale des éléments actifs, elle les déniche dans l'obscurité, elle les fait sortir du noir.
Nous voilà loin d'une représentation "classiqueé, ou même d'une relecture contemporaine. Il s'agit d'un misanthrope dépouillé, épuré, réduit à l'essentiel, à un théâtre des origines, rituel de vie et de mort.
Dominique Houdart.
Dominique Houdart
Formé chez Jacques Lecocq et à la Comedia dell'Arte, comédien, marionnettiste, metteur en scène, Dominique Houdart est co-directeur deepuis 1964 de la Compagnie Dominique Houdart-Jeanne Heuclin, spécialisée dans le domaine du Théâtre de Figure (objets, marionnettes). Il a réalisé de nombreuses mises en scène de théâtre classique et contemporain, mêlant le jeu du comédien et la manipulation.
Il a été assistant de Jean-Marie Serreau puis Directeur du Carrefour du Théâtre d'Animation de Villeneuve-lès-Avignon, du Festival de Colportage d'Epinal et du Marché Rabelais à Chinon.
Jeanne Heuclin
Comédienne, marionnettiste et chanteuse, ancienne élève du Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris, elle mène dans la compagnie une recherche sur les relations entre la voix et le matériau.
Hubert Japelle
Comédien, metteur en scène et marionnettiste, il dirige le Théâtre de l'Usine à Cergy-Pontoise qu'il a fondé en 1987. Il enseigne au Conservatoire National de Région de Cergy-Pontoise et est l'auteur de l'ouvrage "les enjeux de l'interprétation théâtrale", l'Harmattan 1997.
Catherine LARUE
Marionnettiste et sinologue, après avoir appris le chinois à l'Ecole des Langues orientales, a suivi pendant 3 ans à Taiwan l'enseignement de Maître LEE (héros du film le Maître de Marionnette), a co-créé la Compagnie du Petit Miroir. Spécialiste de la marionnette à gaine et de l'ombre chinoise.
Philippe DROUOT
Musicien, compositeur, marionnettiste, il travaille dans la Compagnie depuis 12 ans, jouant de nombreux instruments de musique, et manipulant dans tous les spectacles. A composé 2 musiques de scène pour la Compagnie. Anime des stages de percussion.
Philippe PAYRAUD
Après une carrière sportive, il suit pendant 3 ans l'enseignement de l'école Nationale des Arts de la Marionnette à Charleville Mézieres. A la sortie de l'école il y a 4 ans, il entre dans la compagnie et participe à tous les spectacles. A créé des spectacles de rue sur échasses
Mohand SACI
Marionnettiste, percussionniste, constructeur de marionnettes, a travaillé plus de 10 ans avec André Verdun, a joué et dansé dans des groupes de musique latino américains. A participé a de très nombreux spectacles de la Compagnie.
Guinée. Polyphonies vocales, tambours et trompes des Guerzé. Photos
14 mars, 16-18 mars.
Avec :
Cécé Kolié, chanteur principal.
Foromo Onikouyamou, chant, trompe, hochet et tambour.
Guo-guo Camara, chant, jeu de tambours accordés, cloche, tambour à 2 fentes.
Foromo Gbamou, tambour d'aiselle, tambour, hochet.
Mariba Lamassigui, chant, tambour, tambour d'aiselle.
Kokoli Haba, trompe, tambours.
Germain Doparogui, chant, trompe, corne de boeuf.
Antoine Sagno, trompe, tambour, hochet.
Siba Fassou, Pêle-kalon (chef du Pêle)
PROGRAMME
1. Entrée, chant de réjouissances
2. Chant de salutations
3. Chant: Ye pulu wane (L'oiseau hélé wane derrière la colline)
Chant annonciateur de bonnes nouvelles, fait référence à l'oiseau héle wane considéré par les Guerzé comme oiseau de bon augure. Le chanteur soliste est accompagné par une polyphonie vocale en hoquet.
4. Chant: I ya polma (ce que tu peux)
Chant moral évoquant les capacités et les dons de chacun et recommandant que chaque être en fasse le meilleur usage. Ce chant peut, en certaines circonstances, revêtir un caractère critique.
5. Chant: Likala uya (le raphia est lourd)
Ce chant est une évocation du génie de la forêt sacrée Nyamu qui, lorsqu'il sort, est entièrement vêtu de raphia. C'est un chant d'initiés destiné au grands prêtres, au contenu à la fois historique et nostalgique. A certains moments du chant, des paroles sacrées sont prononcées, accompagnées par une percussion de fer. La genuflexion marque les salutaions et l'hommage rendu aux prêtres.
6. Chant: Këlë palay wane (L'oiseau de la plantation de plamiers)
Chant de libation exécuté lors des fêtes arrosées de vin de palme. Il est entrecoupé de plusieurs solos dans lesquels les chanteurs improvisent quelques paroles sur des sujets qui leur tiennent à coeur.
7. Key hin bala (Rythme pour les labours)
Pièce pour percussions conduite par un jeu de cinq tambours accordés, symbolise la femelle de l'esprit de la forêt Nyamu.
8. Kòno (Rythme des femmes agées)
Musique pour percussion qui fait partie des musiques de sociétés secrètes. L'élément féminin est représenté par le chiffre trois et les trois segments de corne frappés, lélément masculin est également présent (chiffre 4) à travers les hochets et les tambours à fente en bambou.
9. Da za tò (On a annoncé le décès, rite funéraire)
Une natte roulée figure le défunt. 4 trompes traversières représentent l'élément masculin, les 2 tambours et la cloche représentent l'élément féminin.
-Pluriarc, percussion, cloche et hochets. Les maîtres chasseurs se retrouvent le soir pour vénérer les fétiches qui les protègent. A cette occasion, ils jouent Loozo kònò qui sert également de chant funèbre.
-Trompes jouées avec un chant en hoquet, musique sacrée. On retrouve ici, à travers le nombre des trompes les chiffre 4 qui symbolise l'élément masculin parfait.
-Cortège avec le linceul.
-Chant agenouillé, en signe de respect envers le mort.
-Trompes, don du linceul et cortège funèbre. Avant de conduire le défunt à sa dernière demeure, des cadeaux divers sont posés à côté du corps et seront enterrés avec lui. Après une courte prière, un parent dépose sur le corps un paquet de noix de kola que le mort mâchera pendant son voyage au pays des ancêtres.
-Chant de lamentation
Le chanteur rapelle que seule la mort est vraie. La vie est une vallée de larmes dont seule la mort peut nous tirer.
-Trompes et cortège funèbre.
Guinée. Polyphonies vocales, tambours et trompes des Guerzé. Spectacle
14 mars, 16-18 mars.
Cécé Kolié, chanteur principal.
Foromo Onikouyamou, chant, trompe, hochet et tambour.
Guo-guo Camara, chant, jeu de tambours accordés, cloche, tambour à 2 fentes.
Foromo Gbamou, tambour d'aiselle, tambour, hochet.
Mariba Lamassigui, chant, tambour, tambour d'aiselle.
Kokoli Haba, trompe, tambours.
Germain Doparogui, chant, trompe, corne de boeuf.
Antoine Sagno, trompe, tambour, hochet.
Siba Fassou, Pêle-kalon (chef du Pêle)
Les guerzé, sous-groupe des Kpelle, forment un peuple forestier disséminé entre la Guinée, la Côte-d'Ivoire, le Libéria.
En pays Guerzé, si la musique est presqu'exclusivement réservée aux hommes, la danse reste le domaine des femmes, ce qui n'empêche pas les hommes d'accompagner leur musique vocale et instrumentale d'une gestuelle et d'une chorégraphie spécifiques selon le style et le rôle des pièces exécutées.
Les pratiques religieuse des Guerzé, organisés en sociétés initiatiques et adeptes du culte des ancêtres (manisme), peuvent se répartir en 4 catégories:
Rite de sacrifice
Rite de libation et de vénération
Rite d'initiation et de purification
Rites funéraires
Instruments
-Ensembles de trompes traversières, en corne ou en bois recouvert de cuir, les tulu: tulu lòò (la petite trompe), tulu lòò bêba (trompe qui vient après la petite), tulu lé (la grande trompe), tulu kon (trompe qui précède la grande).
Ensemble de percussions
-Feli, grand tambour calice semblable au djembé
-Bala, jeu de 3 ou 5 petits tambours accordés
-Damaré, grand tambour sablier frappé avec une baguette courbe
-Damaro, idem en plus petit
-Gbungbun, tambour à deux peaux frappé avec des baguettes droites
-Waman, tambour d'aisselle dont le son varie grâce à la pression du bras sur les sangles qui tendent la peau
-Kèè, hochet constitué d'une calebasse enveloppée dans un filet orné de cauris
-Zoso-kee, hochet en vannerie
-Kelen, grand tambour à fente
-Kono, tambour de bambou à deux ou trois fentes qui preoduit plusieurs notes de hauteurs différentes
-Tanin, cloche en fer frappée avec une baguette.
Chant
Ce sont de riches polyphonies dans lesquelles le chanteur principal lance de longues phrases mélodiques soutenues par un choeur polyphonique qui chante "en hoquet" (chaque chanteur chantant sur une note particulière un rythme différent de ses voisins)
mélé létomu, celui qui chante avec la voie haute (le soliste)
muhé nuwa, ceux qui répondent
wha nu ga, ceux qui font l'écho.
PROGRAMME
1. Entrée, chant de réjouissances
2. Chant de salutations
3. Chant: Ye pulu wane (L'oiseau hélé wane derrière la colline)
Chant annonciateur de bonnes nouvelles, fait référence à l'oiseau héle wane considéré par les Guerzé comme oiseau de bon augure. Le chanteur soliste est accompagné par une polyphonie vocale en hoquet.
4. Chant: I ya polma (ce que tu peux)
Chant moral évoquant les capacités et les dons de chacun et recommandant que chaque être en fasse le meilleur usage. Ce chant peut, en certaines circonstances, revêtir un caractère critique.
5. Chant: Likala uya (le raphia est lourd)
Ce chant est une évocation du génie de la forêt sacrée Nyamu qui, lorsqu'il sort, est entièrement vêtu de raphia. C'est un chant d'initiés destiné au grands prêtres, au contenu à la fois historique et nostalgique. A certains moments du chant, des paroles sacrées sont prononcées, accompagnées par une percussion de fer. La genuflexion marque les salutaions et l'hommage rendu aux prêtres.
6. Chant: Këlë palay wane (L'oiseau de la plantation de plamiers)
Chant de libation exécuté lors des fêtes arrosées de vin de palme. Il est entrecoupé de plusieurs solos dans lesquels les chanteurs improvisent quelques paroles sur des sujets qui leur tiennent à coeur.
7. Key hin bala (Rythme pour les labours)
Pièce pour percussions conduite par un jeu de cinq tambours accordés, symbolise la femelle de l'esprit de la forêt Nyamu.
8. Kòno (Rythme des femmes agées)
Musique pour percussion qui fait partie des musiques de sociétés secrètes. L'élément féminin est représenté par le chiffre trois et les trois segments de corne frappés, lélément masculin est également présent (chiffre 4) à travers les hochets et les tambours à fente en bambou.
9. Da za tò (On a annoncé le décès, rite funéraire)
Une natte roulée figure le défunt. 4 trompes traversières représentent l'élément masculin, les 2 tambours et la cloche représentent l'élément féminin.
-Pluriarc, percussion, cloche et hochets. Les maîtres chasseurs se retrouvent le soir pour vénérer les fétiches qui les protègent. A cette occasion, ils jouent Loozo kònò qui sert également de chant funèbre.
-Trompes jouées avec un chant en hoquet, musique sacrée. On retrouve ici, à travers le nombre des trompes les chiffre 4 qui symbolise l'élément masculin parfait.
-Cortège avec le linceul.
-Chant agenouillé, en signe de respect envers le mort.
-Trompes, don du linceul et cortège funèbre. Avant de conduire le défunt à sa dernière demeure, des cadeaux divers sont posés à côté du corps et seront enterrés avec lui. Après une courte prière, un parent dépose sur le corps un paquet de noix de kola que le mort mâchera pendant son voyage au pays des ancêtres.
-Chant de lamentation
Le chanteur rapelle que seule la mort est vraie. La vie est une vallée de larmes dont seule la mort peut nous tirer.
-Trompes et cortège funèbre.
Hommage à Munir Bachir 14 novembre 1998. Tres de Ana Yerno 17 novembre 1998. Cristina Branco La jeune voix du Fado 18-19 novembre 1998. Affiche
Maison des cultures du monde. Programme du mois de Novembre 1998.