Afrique du Sud. Chants des femmes Xhosa. Spectacle
Collection
Type de document
Évènement
Titre
Afrique du Sud. Chants des femmes Xhosa. Spectacle
Sous-titre
Ensemble du village Ngqoko
Date
1995-06-10
Date de fin
1995-06-11
Lieu de l'évènement
Type d'évènement
Musique
Description de la pratique
Samedi 10 juin 20h30 et Dimanche 11 juin à 18 h
Dirigé par la vénérable NoFinish Dywili (77 ans), l'Ensemble de Femmes de Ngqoko comprend Mesdames NoSilence, NoKoleji, NoWayilethi, NoFenitshala, NoGcinile, NoLineti, NoKhaya, NoFirst, NoSamtingi, NoThembisile et un homme, M. Tsolwana Mpayipeli.
Cet ensemble vient du village de Ngqoko près de Cacadu (Lady Frere) dans la Province orientale du Cap. Les artistes appartiennent à l'ethnie Thembu, un des sous-groupes les plus importants du peuple Xhosa.
Le pays, situé entre les Monts du Lesotho et la mer, consiste en un vaste paysage de montagnes dénudées et de larges vallées pierreuses tout juste couvertes d'herbe et émaillées çà et là de quelques arbres.
Les Xhosa
Xhosa, Zoulous et Swazi appartiennent au groupe linguistique Nguni qui se serait fixé le long de la côte sud-est de l'Afrique du Sud vers l'an 300 ap. J.-C. L'élevage joue un rôle primordial dans leur mode de vie traditionnel, non seulement pour se nourrir et se vêtir, mais aussi dans leur organisation sociale, leurs règles matrimoniales et leurs systèmes symbolique et rituel.
Les peuples Nguni ont entretenu des relations suivies avec les ethnies autochtones de leur région : Khoi et San (autrefois appelés Hottentot et Bochiman), ainsi qu'en témoigne la présence de « clics » phonétiques dans leurs langues (voir encadré au verso). L'influence des Khoi sur les peuples Nguni occidentaux se manifeste non seulement dans la langue mais également dans les styles de chant et de danse ainsi que dans les peintures corporelles.
Les nombreuses guerres coloniales et l'établissement d'églises et d'écoles ont marqué cette région au point qu'en 1900 les Xhosa passaient pour le groupe qui entretenait le plus de contacts avec les populations d'origine européenne. De tous les sous-groupes Xhosa, les Thembu sont ceux qui ont le mieux conservé leur culture traditionnelle et leurs costumes. On les appelle parfois « le peuple aux couvertures rouges » en référence à l'ocre dont ils se teignent la peau.
Les femmes, détentrices de la tradition
Le fait que l'Ensemble de Ngqoko se compose presque exclusivement de femmes reflète le constant déséquilibre de la géographie humaine dans les zones rurales de l'Afrique du Sud. Leur région est un pays de femmes et d'enfants, la plupart des hommes en âge de travailler allant chercher un emploi dans les grandes villes : Port Elizabeth, East London ou Cape Town. Ce sont donc les femmes qui ont pris le relais des activités rurales autrefois dévolues aux hommes et ce sont elles, également, qui assurent l'essentiel de l'activité musicale lors des cérémonies ou des réunions informelles.
Le chant et les classes sociales
Dans la société Xhosa, la vie de chaque individu se divise en plusieurs étapes. À chacune de ces étapes correspondent des formes musicales précises. Il existe ainsi des chants et des danses spécifiques pour les enfants, les adolescents, l'initiation des filles et des garçons, les femmes et les hommes adultes. D'autres formes de musiques sont associées aux pratiques des devins-guérisseurs ou à des occasions particulières comme les fêtes de la bière et les mariages. Bref, la musique est étroitement liée à la structure sociale xhosa.
L'Ensemble de Ngqoko comprend des femmes mariées dont la danse spécifique s'appelle umngqungqo. Il s'agit d'une danse chantée circulaire dont le caractère plein de dignité convient aux femmes mariées. Celles-ci, vêtues de longues jupes en peau de mouton ornées de perles, la peau teinte d'ocre, tournent lentement tout en chantant et en frappant le sol de leurs talons. Le umngqungqo est associé à la période de l'initiation des filles qui est supervisée par les femmes mariées, mais les femmes de Ngqoko la dansent également lors de leurs réunions.
La polyphonie est très largement répandue dans les musiques africaines. Cela est vrai aussi des musiques thembu et il est donc rare que deux femmes chantent des parties identiques. Leur style vocal, dans lequel les femmes chantent indépendamment de leurs voisines, chacune entrant à un moment différent du chant, est remarquable par ses similitudes avec celui des quelques peuples Khoisan éparpillés en Namibie, au Botswana et en Angola. Il en va de même du style chorégraphique des Xhosa occidentaux, qui se caractérise par la tension du corps et la concentration des mouvements sur le jeu des pieds, offrant ainsi un contraste évident avec le style lourdement martelé des Xhosa orientaux et des autres peuples Nguni.
La relation rythmique entre les pas de danse, les claquements de mains et le chant, est fondée sur un système polymétrique qui mêle des mesures à 2, 3 et 4 pulsations ; ce système, très fréquent en Afrique, est difficile à saisir pour un individu qui n'appartient pas au peuple Xhosa. Les pas de danse ou les claquement de mains peuvent sembler simples par eux-mêmes, le chant aussi, mais il en va tout autrement de la superposition de l'ensemble.
Après avoir chanté le umngqungqo, les femmes passent à des genres plus enlevés comme le lingoma zabakwetha, chants pour l'initiation des garçons, le umtshotsho, danse de divertissement des jeunes des deux sexes (cette danse fut longtemps prohibée par l'Église en raison de son apparence licencieuse), le intlombe ya bafana, danse des jeunes gens, le lingoma zotywala, chants des fêtes de la bière.
Chacun de ces genres se distingue par un style vocal et une danse spécifiques.
Un autre genre est le lingoma za magqirha, dirigé par le devin-guérisseur, dans lequel le chant et la danse, comme on le voit couramment en Afrique, sont le véhicule servant à porter un diagnostic sur l'origine des malheurs ou de la maladie d'un patient.
Les sujets des chants
Les textes des chants offrent aux femmes l'opportunité de commenter les moindres faits de leur vie quotidienne. Comme c'est souvent le cas dans les chants africains, une situation est souvent réduite à un détail marquant qui permet à l'auditoire de la reconstruire dans son ensemble.
Mais pour la plupart, les chants reflètent les problèmes d'une communauté féminine isolée dans une région reculée et frappée par la pauvreté et la sécheresse. Les femmes Xhosa, comme leurs cons'urs d'autres régions d'Afrique du Sud, font preuve d'une extraordinaire force d'âme face aux difficultés de la vie et à l'absence de leurs maris, fils, amants et pères. Chanter leur désespoir entre elles leur rend au moins cette séparation plus supportable.
Le chant diphonique umngqokolo
NoWayilethi Mbizweni est experte dans l'art du chant diphonique, une technique bien connue au Tibet et en Mongolie mais dont on ne soupçonnait pas l'existence en Afrique. La chanteuse entonne un son assez grave en bourdon, puis grâce à une technique particulière de la bouche et de la gorge elle sélectionne certains harmoniques qu'elle fait sonner de manière à produire une mélodie éthérée, comme un sifflement très aigu qui se superpose au bourdon. Dans la technique mongole le bourdon est maintenu sur une seule hauteur ; chez les Thembu, au contraire, la hauteur du bourdon change continuellement de manière à s'accorder au système harmonique Xhosa.
Le umngqokolo peut être chanté par plusieurs femmes à la fois selon le système polyphonique propre aux Thembu. Le umngqokolo ngomqangi, en revanche, est chanté seul et la mélodie des harmoniques y est plus facilement perceptible.
Arcs musicaux
Beaucoup de peuples d'éleveurs vivant dans les plaines africaines privilégient le chant à la pratique instrumentale. C'est aussi le cas des Xhosa. Dans bien des lieux, les instruments ne sont plus du tout utilisés, mais chez les Thembu, trois types d'arc musical sont encore pratiqués dont deux sont présentés ici.
L'arc umrhubhe est le plus petit ; il est tenu contre la bouche qui sert de caisse de résonance. Les sons fondamentaux sont émis en frottant la corde de l'arc avec une baguette tandis que l'autre main appuie sur la corde ' comme sur un luth ou une guitare ' de manière à produire deux hauteurs distinctes. Les mouvements des joues, des lèvres et de la langue permettent, en faisant varier le volume intérieur de la bouche, de faire sonner les différents harmoniques des sons fondamentaux. De plus, les meilleurs instrumentistes, comme NoGcinile, sont capables avec le coin de leur bouche de siffler une mélodie qui vient se superposer aux sons de l'arc. La similitude que l'on peut constater entre le principe du jeu de umrhubhe et le chant diphonique umngqokolo est renforcée par le fait qu'ils font appel au même répertoire de mélodies.
L'arc musical est généralement joué le soir dans les maisons, devant de petits groupes familiaux qui accompagnent en chantant doucement les sons délicats de l'instrument.
À la différence du umrhubhe, l'arc uhadi permet à l'instrumentiste de chanter pendant qu'il joue. Plus grand et plus grave que le précédent, il est équipé d'une demi-calebasse qui fait office de caisse de résonance et la corde est pincée avec un morceau d'herbe épaisse et rigide. Cet instrument appartient à la même famille que le berimbau brésilien qui fut autrefois importé d'Angola. De même que le umrhubhe, il émet deux sons fondamentaux. Les harmoniques ne sont pas produits par la bouche, mais par la caisse de résonance que la musicienne rapproche ou éloigne de sa poitrine. Les sons fondamentaux et les harmoniques de l'instrument forment une succession de motifs subtils qui accompagnent la mélodie chantée. NoFinish, doyenne de l'ensemble, interprète ainsi des chants consacrés à l'amour ou à des sujets d'actualité.
La théorie de l'arc musical
Quelques mots à propos de l'harmonie et des échelles Xhosa' Si l'arc musical n'est plus guère joué en pays Xhosa, son usage a du être très répandu autrefois. En effet, le système tonal Xhosa qui est fondé sur les 3ème, 4ème et 5ème harmoniques de deux sons fondamentaux séparés par un intervalle d'un ton est exactement celui qui préside au jeu de l'arc musical. Si l'on considère les notes fa et sol comme les deux sons fondamentaux du système, voici comment celui-ci se construit :
Dans la plupart des chants, qu'ils soient accompagnés ou non à l'arc musical, on assiste à une alternance cyclique entre ces deux structures d'accords. Ce principe est typique de tous les systèmes harmoniques en usage en Afrique australe, mais le résultat diffère selon les échelles utilisées par chaque ethnie. Les notes noires correspondent aux six degrés de l'échelle musicale Xhosa. Chacun des fondamentaux peut être utilisé comme tonique. Lorsque la tonique est fa, l'échelle se caractérise par un intervalle de quarte augmentée (fa - si naturel) : fa - sol - la - si - do - ré ; lorsque la tonique est sol, l'échelle s'inscrit dans un intervalle de septième diminuée (sol - fa) : sol - la - si - do - ré - fa.
Andrew Tracey
International Library of African Music
Rhodes Univ., Grahamstown, Afrique du Sud
traduit de l'anglais par Pierre Bois.
Quelques clefs à propos des « clics »'
Les « clics » sont des phonèmes au même titre que les voyelles et les consonnes avec lesquelles ils sont articulés.
Le premier clic, représenté par la lettre « c », est un son apico-dental obtenu en calant la pointe de la langue (apex) contre les dents et en la retirant brusquement tout en aspirant légèrement. C'est le bruit que font les parents agacés pour réprimander leurs enfants trop bruyants (tss - tss).
Le second, figuré par la lettre « x », est un son bilatéral semblable à celui qu'utilisent les cavaliers pour encourager leur monture.
Le troisième, symbolisé par la lettre « q » est celui que l'on obtient en faisant claquer la pointe de la langue contre la voûte palatale, comme les amateurs de vin ignorants des bonnes manières.
Ces trois « clics » sont aisés à reproduire mais les choses se compliquent lorsqu'il faut les articuler avec des voyelles et des consonnes comme c'est le cas dans le mot « Um-ng-q-o-ko-lo ».
PROGRAMME
Ensemble de femmes Ngqoko (11 femmes et 1 homme), dirigé par la vénérable NoFinish Dywili (77 ans).
1. Umngqungqo: danse des femme mariées
2. Intlombe ya bafana: danse des jeunes gens
3. Uhadi, arc musical par NoFinish
4. Iingoma za magqirba, dirigé par al femme-devin Nokoleji
5. Iingoma zotywala: chant des fêtes de la bière
6. Umtshotsho: danse de divertissement des jeunes des deux sexes
7. Umrhubhe, arc musical par NoGcinile
8. Umngqokolo: chant diphonique par NoWayilethi
Dirigé par la vénérable NoFinish Dywili (77 ans), l'Ensemble de Femmes de Ngqoko comprend Mesdames NoSilence, NoKoleji, NoWayilethi, NoFenitshala, NoGcinile, NoLineti, NoKhaya, NoFirst, NoSamtingi, NoThembisile et un homme, M. Tsolwana Mpayipeli.
Cet ensemble vient du village de Ngqoko près de Cacadu (Lady Frere) dans la Province orientale du Cap. Les artistes appartiennent à l'ethnie Thembu, un des sous-groupes les plus importants du peuple Xhosa.
Le pays, situé entre les Monts du Lesotho et la mer, consiste en un vaste paysage de montagnes dénudées et de larges vallées pierreuses tout juste couvertes d'herbe et émaillées çà et là de quelques arbres.
Les Xhosa
Xhosa, Zoulous et Swazi appartiennent au groupe linguistique Nguni qui se serait fixé le long de la côte sud-est de l'Afrique du Sud vers l'an 300 ap. J.-C. L'élevage joue un rôle primordial dans leur mode de vie traditionnel, non seulement pour se nourrir et se vêtir, mais aussi dans leur organisation sociale, leurs règles matrimoniales et leurs systèmes symbolique et rituel.
Les peuples Nguni ont entretenu des relations suivies avec les ethnies autochtones de leur région : Khoi et San (autrefois appelés Hottentot et Bochiman), ainsi qu'en témoigne la présence de « clics » phonétiques dans leurs langues (voir encadré au verso). L'influence des Khoi sur les peuples Nguni occidentaux se manifeste non seulement dans la langue mais également dans les styles de chant et de danse ainsi que dans les peintures corporelles.
Les nombreuses guerres coloniales et l'établissement d'églises et d'écoles ont marqué cette région au point qu'en 1900 les Xhosa passaient pour le groupe qui entretenait le plus de contacts avec les populations d'origine européenne. De tous les sous-groupes Xhosa, les Thembu sont ceux qui ont le mieux conservé leur culture traditionnelle et leurs costumes. On les appelle parfois « le peuple aux couvertures rouges » en référence à l'ocre dont ils se teignent la peau.
Les femmes, détentrices de la tradition
Le fait que l'Ensemble de Ngqoko se compose presque exclusivement de femmes reflète le constant déséquilibre de la géographie humaine dans les zones rurales de l'Afrique du Sud. Leur région est un pays de femmes et d'enfants, la plupart des hommes en âge de travailler allant chercher un emploi dans les grandes villes : Port Elizabeth, East London ou Cape Town. Ce sont donc les femmes qui ont pris le relais des activités rurales autrefois dévolues aux hommes et ce sont elles, également, qui assurent l'essentiel de l'activité musicale lors des cérémonies ou des réunions informelles.
Le chant et les classes sociales
Dans la société Xhosa, la vie de chaque individu se divise en plusieurs étapes. À chacune de ces étapes correspondent des formes musicales précises. Il existe ainsi des chants et des danses spécifiques pour les enfants, les adolescents, l'initiation des filles et des garçons, les femmes et les hommes adultes. D'autres formes de musiques sont associées aux pratiques des devins-guérisseurs ou à des occasions particulières comme les fêtes de la bière et les mariages. Bref, la musique est étroitement liée à la structure sociale xhosa.
L'Ensemble de Ngqoko comprend des femmes mariées dont la danse spécifique s'appelle umngqungqo. Il s'agit d'une danse chantée circulaire dont le caractère plein de dignité convient aux femmes mariées. Celles-ci, vêtues de longues jupes en peau de mouton ornées de perles, la peau teinte d'ocre, tournent lentement tout en chantant et en frappant le sol de leurs talons. Le umngqungqo est associé à la période de l'initiation des filles qui est supervisée par les femmes mariées, mais les femmes de Ngqoko la dansent également lors de leurs réunions.
La polyphonie est très largement répandue dans les musiques africaines. Cela est vrai aussi des musiques thembu et il est donc rare que deux femmes chantent des parties identiques. Leur style vocal, dans lequel les femmes chantent indépendamment de leurs voisines, chacune entrant à un moment différent du chant, est remarquable par ses similitudes avec celui des quelques peuples Khoisan éparpillés en Namibie, au Botswana et en Angola. Il en va de même du style chorégraphique des Xhosa occidentaux, qui se caractérise par la tension du corps et la concentration des mouvements sur le jeu des pieds, offrant ainsi un contraste évident avec le style lourdement martelé des Xhosa orientaux et des autres peuples Nguni.
La relation rythmique entre les pas de danse, les claquements de mains et le chant, est fondée sur un système polymétrique qui mêle des mesures à 2, 3 et 4 pulsations ; ce système, très fréquent en Afrique, est difficile à saisir pour un individu qui n'appartient pas au peuple Xhosa. Les pas de danse ou les claquement de mains peuvent sembler simples par eux-mêmes, le chant aussi, mais il en va tout autrement de la superposition de l'ensemble.
Après avoir chanté le umngqungqo, les femmes passent à des genres plus enlevés comme le lingoma zabakwetha, chants pour l'initiation des garçons, le umtshotsho, danse de divertissement des jeunes des deux sexes (cette danse fut longtemps prohibée par l'Église en raison de son apparence licencieuse), le intlombe ya bafana, danse des jeunes gens, le lingoma zotywala, chants des fêtes de la bière.
Chacun de ces genres se distingue par un style vocal et une danse spécifiques.
Un autre genre est le lingoma za magqirha, dirigé par le devin-guérisseur, dans lequel le chant et la danse, comme on le voit couramment en Afrique, sont le véhicule servant à porter un diagnostic sur l'origine des malheurs ou de la maladie d'un patient.
Les sujets des chants
Les textes des chants offrent aux femmes l'opportunité de commenter les moindres faits de leur vie quotidienne. Comme c'est souvent le cas dans les chants africains, une situation est souvent réduite à un détail marquant qui permet à l'auditoire de la reconstruire dans son ensemble.
Mais pour la plupart, les chants reflètent les problèmes d'une communauté féminine isolée dans une région reculée et frappée par la pauvreté et la sécheresse. Les femmes Xhosa, comme leurs cons'urs d'autres régions d'Afrique du Sud, font preuve d'une extraordinaire force d'âme face aux difficultés de la vie et à l'absence de leurs maris, fils, amants et pères. Chanter leur désespoir entre elles leur rend au moins cette séparation plus supportable.
Le chant diphonique umngqokolo
NoWayilethi Mbizweni est experte dans l'art du chant diphonique, une technique bien connue au Tibet et en Mongolie mais dont on ne soupçonnait pas l'existence en Afrique. La chanteuse entonne un son assez grave en bourdon, puis grâce à une technique particulière de la bouche et de la gorge elle sélectionne certains harmoniques qu'elle fait sonner de manière à produire une mélodie éthérée, comme un sifflement très aigu qui se superpose au bourdon. Dans la technique mongole le bourdon est maintenu sur une seule hauteur ; chez les Thembu, au contraire, la hauteur du bourdon change continuellement de manière à s'accorder au système harmonique Xhosa.
Le umngqokolo peut être chanté par plusieurs femmes à la fois selon le système polyphonique propre aux Thembu. Le umngqokolo ngomqangi, en revanche, est chanté seul et la mélodie des harmoniques y est plus facilement perceptible.
Arcs musicaux
Beaucoup de peuples d'éleveurs vivant dans les plaines africaines privilégient le chant à la pratique instrumentale. C'est aussi le cas des Xhosa. Dans bien des lieux, les instruments ne sont plus du tout utilisés, mais chez les Thembu, trois types d'arc musical sont encore pratiqués dont deux sont présentés ici.
L'arc umrhubhe est le plus petit ; il est tenu contre la bouche qui sert de caisse de résonance. Les sons fondamentaux sont émis en frottant la corde de l'arc avec une baguette tandis que l'autre main appuie sur la corde ' comme sur un luth ou une guitare ' de manière à produire deux hauteurs distinctes. Les mouvements des joues, des lèvres et de la langue permettent, en faisant varier le volume intérieur de la bouche, de faire sonner les différents harmoniques des sons fondamentaux. De plus, les meilleurs instrumentistes, comme NoGcinile, sont capables avec le coin de leur bouche de siffler une mélodie qui vient se superposer aux sons de l'arc. La similitude que l'on peut constater entre le principe du jeu de umrhubhe et le chant diphonique umngqokolo est renforcée par le fait qu'ils font appel au même répertoire de mélodies.
L'arc musical est généralement joué le soir dans les maisons, devant de petits groupes familiaux qui accompagnent en chantant doucement les sons délicats de l'instrument.
À la différence du umrhubhe, l'arc uhadi permet à l'instrumentiste de chanter pendant qu'il joue. Plus grand et plus grave que le précédent, il est équipé d'une demi-calebasse qui fait office de caisse de résonance et la corde est pincée avec un morceau d'herbe épaisse et rigide. Cet instrument appartient à la même famille que le berimbau brésilien qui fut autrefois importé d'Angola. De même que le umrhubhe, il émet deux sons fondamentaux. Les harmoniques ne sont pas produits par la bouche, mais par la caisse de résonance que la musicienne rapproche ou éloigne de sa poitrine. Les sons fondamentaux et les harmoniques de l'instrument forment une succession de motifs subtils qui accompagnent la mélodie chantée. NoFinish, doyenne de l'ensemble, interprète ainsi des chants consacrés à l'amour ou à des sujets d'actualité.
La théorie de l'arc musical
Quelques mots à propos de l'harmonie et des échelles Xhosa' Si l'arc musical n'est plus guère joué en pays Xhosa, son usage a du être très répandu autrefois. En effet, le système tonal Xhosa qui est fondé sur les 3ème, 4ème et 5ème harmoniques de deux sons fondamentaux séparés par un intervalle d'un ton est exactement celui qui préside au jeu de l'arc musical. Si l'on considère les notes fa et sol comme les deux sons fondamentaux du système, voici comment celui-ci se construit :
Dans la plupart des chants, qu'ils soient accompagnés ou non à l'arc musical, on assiste à une alternance cyclique entre ces deux structures d'accords. Ce principe est typique de tous les systèmes harmoniques en usage en Afrique australe, mais le résultat diffère selon les échelles utilisées par chaque ethnie. Les notes noires correspondent aux six degrés de l'échelle musicale Xhosa. Chacun des fondamentaux peut être utilisé comme tonique. Lorsque la tonique est fa, l'échelle se caractérise par un intervalle de quarte augmentée (fa - si naturel) : fa - sol - la - si - do - ré ; lorsque la tonique est sol, l'échelle s'inscrit dans un intervalle de septième diminuée (sol - fa) : sol - la - si - do - ré - fa.
Andrew Tracey
International Library of African Music
Rhodes Univ., Grahamstown, Afrique du Sud
traduit de l'anglais par Pierre Bois.
Quelques clefs à propos des « clics »'
Les « clics » sont des phonèmes au même titre que les voyelles et les consonnes avec lesquelles ils sont articulés.
Le premier clic, représenté par la lettre « c », est un son apico-dental obtenu en calant la pointe de la langue (apex) contre les dents et en la retirant brusquement tout en aspirant légèrement. C'est le bruit que font les parents agacés pour réprimander leurs enfants trop bruyants (tss - tss).
Le second, figuré par la lettre « x », est un son bilatéral semblable à celui qu'utilisent les cavaliers pour encourager leur monture.
Le troisième, symbolisé par la lettre « q » est celui que l'on obtient en faisant claquer la pointe de la langue contre la voûte palatale, comme les amateurs de vin ignorants des bonnes manières.
Ces trois « clics » sont aisés à reproduire mais les choses se compliquent lorsqu'il faut les articuler avec des voyelles et des consonnes comme c'est le cas dans le mot « Um-ng-q-o-ko-lo ».
PROGRAMME
Ensemble de femmes Ngqoko (11 femmes et 1 homme), dirigé par la vénérable NoFinish Dywili (77 ans).
1. Umngqungqo: danse des femme mariées
2. Intlombe ya bafana: danse des jeunes gens
3. Uhadi, arc musical par NoFinish
4. Iingoma za magqirba, dirigé par al femme-devin Nokoleji
5. Iingoma zotywala: chant des fêtes de la bière
6. Umtshotsho: danse de divertissement des jeunes des deux sexes
7. Umrhubhe, arc musical par NoGcinile
8. Umngqokolo: chant diphonique par NoWayilethi
Contributeurs
Origine géographique
Afrique du Sud
Mots-clés
Date (année)
1995
Cote MCM
MCM_1995_ZA_S1
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Saison 1995 | 1995 |