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Côte d'Ivoire. Musiques de funérailles des Sénoufo-fodonon. Spectacle

Collection

Type de document

Évènement

Titre

Côte d'Ivoire. Musiques de funérailles des Sénoufo-fodonon. Spectacle

Date

1989-11-07

Date de fin

1989-11-12

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Musique

Description de la pratique

7-12 novembre 1989

Le groupe linguistique des Fonodon constitue l'une des nombreuses populations du pays sénoufo, (environ 20.000 personnes), dont l'art plastique et sculptural est universellement connu comme l'un des plus remarquables de l'Afrique de l'Ouest. Ils habitent une quinzaine de petits villages dispersés dans le nord de la côte d'ivoire, dans la région de Korhogo. Ils sont réputés être les premiers occupants du terroir : maîtres de la terre et maîtres de la pluie, y compris dans les villages où ils résident en minorité. Ils jouissent en outre d'une certaine réputation d'archaïsme culturel de la part des fractions ethniques immédiatement voisines. Outre leur parler spécifique, ils ont su en effet maintenir jusqu'à nos jours, dans cette région en pleine mutation, la vitalité d'institutions ou de pratiques sociales et religieuses communes à tous les Sénoufo - culte des jumeaux, société initiatique des femmes, l'apprentissage de la langue secrète, ainsi qu'une compétence reconnue en traumatologie.
Chez les Fodonon, la musique a pour occasion privilégiée la célébration des funérailles, donnant lieu à d'imposantes prestations musicales pendant plusieurs jours où l'atmosphère de fête prend sa revanche sur les difficultés de l'existence quotidienne et sur la tristesse de la mort, comme pour mieux la socialiser et en faire partager le poids.

Bolonyen
Le genre bolonyen occupe dans les funérailles une place de choix, comme l'un des genres les plus démonstratif de la spécificité folodon et, à ce titre, puissant facteur d'expression de leur identité culturelle.
Bolonyen (litt. "les gens de la calebasse") est le nom donné, en parlé fodonon aux orchestres exécutant la musique funèbre : ensemble de harpes arquées monocordes et de hochets sonnailles, dont les musiciens chantent en s'accompagnant eux-mêmes de leur instruments. Ces orchestres sont aujourd'hui d'obédience villageoise, à la différence de la plupart des formations musicales instituées, qui témoignent plutôt d'une appartenance à l'un ou l'autre des cinq clans se partageant chaque village fodonon.
Deux orchestres sont ici réunis en un seul, et chacun en nombre réduit. Un tel regroupement est fréquent lorsqu'une circonstance particulièrement solennelle l'exige.
Les chanteurs du bolonyen sont des hommes âgés, tous cultivateurs, mais praticiens exclusifs de cette musique dont le jeu suppose une initiation préalable. Ainsi est-on membre du bolonyen "à vie", même lorsqu'on n'a plus la force de jouer ou de participer aux très nombreuses occasions qui sollicitent sa présence (jusqu'à une dizaine de fois par mois, pour certains orchestres). L'instrument principal est le bologbogo (litt. "calebasse grosse") ; l'alternance des osns obtenus en pinçant la corde de la main droite et en frappant la caisse donne à cet ensemble de harpes sa sonorité caractérisée par une "saturation" contrastée de timbres sourds et d'impacts mats, en rythmes imbriqués. La corde, à toron unique, est accordée soigneusement en fonction du timbre recherché, sans considération aucune des hauteurs sonores qui sont fixées au gré de chaque musicien.
Outre les harpistes, deux ou trois joueurs de hochets-sonnailles assurent à l'unisson une continuité de timbre sur un ostinato rythmique permettant de conduire et de faire évoluer le tempo avec beaucoup de subtilité.
Cette musique est normalement jouée pour accompagner la danse de plusieurs personnages, masqués selon deux types stylistiques différents : les uns en cagoule et combinaison de coton recouvrant tout le corps, et se livrant à des mouvements circulaires, les autres en habits de mailles et fibres de sisal, aux mouvements énergiques des membres et du buste.
Tous ces masques, qui appartiennent aux diverses sociétés initiatiques poro ("bois sacré des hommes"), peuvent être ou non présents, selon que le défunt est un homme ou une femme. Dans ce dernier cas, la danse des villageois se substitue à celle des masques, mais la musique s'en trouve peu affectée. Les musiciens se laissent étroitement conduire par les initiatives du ou des danseurs, ou par la mémoire qu'ils en gardent. La présence effective des masques a seulement pour effet de donner davantage d'énergie aux chanteurs et aux tempi.
Le répertoire du bolonyen se caractérise par une architecture complexe et vivante de la durée sonore, à travers plusieurs niveaux d'organisation du temps. Au niveau le plus large : la veillée funéraire dans son ensemble s'inscrit dans le déroulement d'ensemble des funérailles. La nuit réservée au bolonyen est celle qui suit l'inhumation du défunt, elle-même précédée d'une nuit de veille réservée aux orchestres des groupes initiatiques. Seule une présentation intégrale de cette "grande forme" permettrait de restituer l'atmosphère d'effervescence collective caractérisant cette manifestation où la musique, le théâtre et les échanges verbaux ou symboliques (boissons, monnaies, gestes) forment un tout cohérent. Dans l'impossibilité de rendre compte de cette totalité, on a dû adopter un compromis : quelques pièces brèves contitueront un échantillon des différents moments et des différentes formes.
Cette première unité de temps, la "veillée", se déroule de onze heures du soir environ jusqu'au lever du jour, vers six heures du matin. Elle permet l'exécution d'un peu moins de vingt pièces en moyenne, elles-mêmes partie d'un répertoire qui en comprend au total une trentaine. Leur ordre les partiellement déterminé, certaines pièces devant ou ne pouvant être entonnées qu'à des moments précis : le début de la nuit, la fin, avant ou après telle autre pièce.
A un niveau plus élémentaire, la nuit fait donc se succéder un certain nombre de phrases chantées, chacune pouvant rassembler plusieurs pièces, alternant avec de longs "entr'actes" de près d'une heure faits de silence, voire de sommeil, ou de dialogues chantés à voix seules.
L'unité de base enfin, la pièce chantée, suit une "forme-relais" : les musiciens exécutent par couples successifs (chanteur A + chanteur B, B + C, C + D....) sous la forme d'un chant alterné, ou plus rarement à l'unisson, les quelques phrases constitutives de l'énoncé. A mesure que le chant progresse, celles-ci sont variées, développées, ornementées, au gré de chaque couple, en complète indépendance de la partie instrumentale dont la pulsation d'une imperturbable régularité, se règle sur la danse.
Le rythme n'en est pas moins en perpétuel changement, maintenant en permanence l'attention en éveil par des variations individuelles (dédoublements des valeurs, syncopes, contretemps, élision du temps fort, unissons passagers, etc.), ou par l'évolution des tempi savamment sructurée.
L'originalité d'une telle "architecture" du temps vient de ce que précisément, elle est en même temps inscrite dans un espace, de par la simple disposition des chanteurs : côte-à-côte, sur un long arc de cercle formé par la foule, et délimitant l'aire de danse. Cet espace en "stéréophonie" est ici l'élément structurant de la forme sonore telle qu'elle apparaît à l'audition, à savoir un constant compromis entre la permanence et la variation. La succession des interventions fait que chaque musicien chante seul en variant sa propre partie, tout en jouant à la fois la partie instrumentale commune à tous les autres qui, elle, ne change pas (tout au moins globalement)/ De plus, la distance sur laquelle les musiciens sont alignés et le fait que les parties individuelles sont à chaque instant distribuées de façon aléatoire, développent ainsi une variation permanente de la spacialisation de cette musique.

Kpopin
Le kpopin ("petit tambour male") ne désigne pas a priori un orchestre funéraire, et généralement accompagne les cultivateurs aux champs pour les stimuler par le rythme assuré par les hochets et par les paroles des chants.
Les mêmes paroles sont utilisées quand les musiciens font un hommage funéraire. Les pièces s'enchaînent autour de très courte interruptions. Le rythme suit un mètre binaire à division ternaire (6/8) assuré imperturbablement par les hochets, tandis que les timbales suivent les ponctuations de la voix en effectuant de fréquents déplacements des accents. L'initiative du chant revient par alternance à chaque chanteur, le tout début de chaque intervention étant préalablement répété par le partenaire.
Le genre kpopin jouit d'une faveur toute particulière chez les Fodonon qui apprécient avec un égal plaisir la force émotionnelle de ses paroles et l'exubérance sonore qui s'en dégage.
Michel de Lannoy.

Programme:

Orchestre bolonyen
1. Chant d'introduction
2. Chant avec danseurs: masques naferi
3. Dialogue improvisé chanté à voix seules (genre bolozyere)
4. Chant avec danseurs: masques naferi

Orchestre kpopin
5. Chant accompagné de hochets sonnailles et petites timbales

Orchestre bolonyen
6. Chant avec danseurs: masques yebilige
7. Dialogue à voix seules (bolozyere)
8. Chant avec danseurs: tous les masques
9. Chant de conclusion

Origine géographique

Côte d'Ivoire

Mots-clés

Date (année)

1989

Cote MCM

MCM_1989_CI_S1

Auteur val

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Titre Localisation Date Type
Côte d'ivoire. Orchestre bolonyen et kpopin, musiques de funérailles des Sénoufo-fodonon. Photos Côte d'Ivoire 1989-11-07 Photo numérique
Titre Localisation Date Type
Saison 1989 1989