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Sao Tomé et Principe. Tchiloli, théâtre épique de Sâo Tomé. Spectacle

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Évènement

Titre

Sao Tomé et Principe. Tchiloli, théâtre épique de Sâo Tomé. Spectacle

Date

2000-05-18

Date de fin

2000-05-21

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Théâtre

Description de la pratique

18-21 mai 2000
São Tomé, petite île du Golfe de Guinée située sur l'équateur à 300 kilomètres des côtes du Gabon, colonie portugaise jusqu'en 1975, possède un des théâtres les plus curieux au monde. En effet, depuis plusieurs siècles on n'y joue qu'une seule pièce de théâtre, le Tchiloli ou Tragédie du marquis de Mantoue et de l'empereur Charlemagne, qui raconte l'assassinat de Valdevinos, neveu du marquis de Mantoue, par le fils de Charlemagne, Carloto. Crime lâche et odieux, perpétré traîtreusement au fond des bois.
Au terme d'un difficile procès, puisque le coupable présumé n'est rien moins que le fils de l'empereur, le meurtrier est démasqué et condamné à la peine capitale. Charlemagne, devant l'évidence, se soumet à la dure loi de sa propre justice et va accepter un châtiment exemplaire, public, éclatant : l'exécution de son propre fils. Tout le spectacle, où les protagonistes sont divisés en deux camps, se déroule devant le cercueil symbolique de Valdevinos qui campe l'atmosphère tragique de la pièce.
Cette pièce, attribuée au poète madérien Baltasar Dias, aurait été introduite à São-Tomé dès la fin du XVIe siècle par les maîtres sucriers venus y implanter la culture de la canne. Mais connaître le texte ancien ne suffit pas, car, tout au long du spectacle interviennent les scènes nouvelles en prose et en portugais contemporain. Ces textes apocryphes ne dénaturent pas le texte original. Ils éclairent et précisent ce qui a frappé le peuple santoméen dans cette pièce de théâtre. À regarder la pièce de plus près, on se rend compte que ces parties apocryphes portent ' masqué ' le sens subversif de l'oeuvre.
Sous couvert de s'en prendre au prince Carloto, elle fait le procès des colonisateurs portugais ; elle témoigne, en le dénonçant, du passé colonial de l'île. En prenant la parole, le marquis de Mantoue prend le pouvoir. Il parle au nom de tous les habitants d'une île soumise à des siècles d'arbitraire et de violence, et il en appelle à la justice idéale d'un Charlemagne qu'elle n'a jamais connue'
Le Tchiloli, extrêmement populaire, rythme les temps forts de l'île au gré des fêtes religieuses et civiles. Il est joué par des comédiens amateurs (cultivateurs et pêcheurs) qui sont propriétaires à vie de leur rôle. Ils le transmettent à leur fils et lui enseignent comment s'habiller ainsi que les
pas de danse. Il est à souligner que tous les rôles de femmes
sont tenus par des hommes.
Une fanfare composée de villageois en costume de garde-champêtre joue une musique européenne faite de rythmes de contredanses, de menuets et de branles. Mais elle est jouée avec des instruments africains : tambours, pitus (flûtes en bambou) et hochets de fibres tressées remplis de graviers de rivière.
La chorégraphie est retenue, inspirée par le maintien et les attitudes des anciens maîtres portugais, épiés par les esclaves des plantations. Chaque personnage se déplace à une allure particulière, propre à son rôle.
Avec des objets de récupération, les paysans broussards reconstituent des costumes, des accessoires qui prennent au moment du jeu la valeur symbolique de trésors. Ainsi les miroirs, les vestes rutilantes, les fracs, les traînes de velours, les couronnes en laiton et en papier de chocolat, les armes de pacotille, les brassards, les tabliers de dentelles sont réinvestis des valeurs africaines avec une grande malice.
Les masques que portent certains acteurs servent sans doute à placer l'intrigue dans le monde blanc, mais le masque est en Afrique le bouclier magique de ceux qui touchent de près aux rites de la mort. Les masques, plus petits que le visage, reposent sur le menton. Transparents, ils sont faits d'un fin grillage métallique recouvert de traces de peinture au niveau des yeux et de la bouche.
L'action se déroule dans une aire de jeu rectangulaire. De chaque côté se dressent deux estrades sur pilotis couvertes de palmes de cocotiers, de fleurs d'hibiscus et de tissus de couleurs. La plus grande, richement ornée, avec une machine à écrire et un téléphone, représente la cour de Charlemagne. Elle fait face à une autre plus petite : le palais du marquis de Mantoue.
Au centre de cet espace est disposée une petite caisse noire. C'est un cercueil pas plus grand qu'une boîte à chaussures, enveloppé de tissus sombres et décoré d'étoiles d'argent, dans lequel repose le cadavre de Valdevinos. Ce cercueil est le pivot autour duquel s'ordonnent tous les déplacements des acteurs. Il oblige les acteurs à l'éviter dans leurs déplacements, à tourner autour et à en tenir compte à chaque instant. C'est sans doute parce que le Tchiloli est aussi une danse de mort que l'élément funéraire occupe une place si importante.
Au fond de l'aire de jeu, entre les deux cours, se place l'orchestre. Tous les acteurs sauf Carloto, l'impératrice et sa suite restent en scène pendant toute la durée du spectacle.
Tout autour, un public vigilant et actif approuve et réagit bruyamment à la geste des trente acteurs. Cette scénographie est de toute évidence africaine, car l'espace est global, le public spectateur-frontière étant intégré lui aussi au spectacle.

L'intrigue
Au cours d'une partie de chasse, Carloto, fils de Charlemagne, entraîne dans la forêt le prince Valdevinos, neveu du marquis de Mantoue, et le tue. Il semble que Carloto soit secrètement amoureux de Sybila, épouse du prince Valdevinos.

La cérémonie funéraire
La fanfare joue un air triste, deux acteurs en frac et masques d'escrime transportent le cercueil ; les femmes de la famille de Mantoue enveloppées des voiles de dentelles noir du deuil portugais début-de-siècle marquent leur chagrin par une chorégraphie lente. Le marquis de Mantoue arrive coiffé d'un borsalino noir cabossé, emboîtant la face hilare et grillagée qui masque son visage ; il salue cérémonieusement faisant voler un flot de rubans au revers de sa
redingote.

Le prix du sang
La famille Mantoue songe : un aff ront ne peut rester impuni. Un curieux personnage vêtu de noir fait tourbillonner un crucifix qu'il porte en sautoir dans le dos. C'est l'oncle du marquis : il jure de tirer vengeance de la famille de l'empereur : le sang appelle le sang. La famille Mantoue
est prête à se battre ; une danse pour la justice commence.

Justice est rendue
Charlemagne portant lunettes de soleil et une couronne de galette-des-rois traîne une large cape cramoisie. Ses mains gantées de blanc se crispent sur son sceptre, présage d'une menace. L' empereur se tourne vers son secrétaire particulier puis vers son notaire qui est aussi ministre de la justice. Celui-ci vêtu d'un uniforme bleu délavé de maréchal des logis de l'armée portugaise regarde fixement le clavier de sa machine à écrire et baisse un peu plus la visière de son képi dès que l'empereur lui adresse la parole .
L'avocat Anderson, portant costume trois pièces, montre à quartz et attaché-case, s'accroche au téléphone pour défendre le prince, meurtrier par amour. Avec un imperturbable sérieux, la pièce offre un pot-pourri assez inextricable : elle mélange les temps et passe de l'évocation du moyen-âge à une modernité bardée de téléphones, d'attachés-cases, de lunettes noires, de costumes trois-pièces cravates ; elle glisse d'une langue archaïque au portugais contemporain ; sur les costumes chamarrés des dignitaires sont accrochés des flots de rubans multicolores comme sur les uniformes des étudiants portugais aujourd'hui ; les visages sont dissimulés derrière des masques d'escrime passés au blanc. La pièce semble se complaire dans la célébration naïve de la geste la plus fameuse de tout l'Occident médiéval et dériver vers un procès avec un luxe de références juridiques actuelles.

Contributeurs

Origine géographique

Sao Tomé et Principe

Mots-clés

Date (année)

2000

Cote MCM

MCM_2000_ST_S1

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Titre Localisation Date Type
Sao Tomé et Principe. Tchiloli. Charlemagne, l'Impératrice et la Haute Cour, Ganelon, Prince Charles. Photos Sao Tomé et Principe 2000-05-18 Photo numérique
Sao Tomé et Principe. Tchiloli. Le clan Mantoue et la cérémonie funéraire. Tchiloli, théâtre épique de Sao-Tomé. Photos Sao Tomé et Principe 2000-05-18 Photo numérique
Sao Tomé et Principe. Musiciens du Tchiloli. Photos Sao Tomé et Principe 2000-05-18 Photo numérique
Sao Tomé et Principe. Tchiloli. Charlemagne, l'Impératrice et la Haute Cour, Ganelon, Prince Charles. Photos Sao Tomé et Principe 2000-05-18 Photo numérique
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Titre Localisation Date Type
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