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Chine. Xiansuo, musique pour cordes de la cour impériale mandchoue. Spectacle

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Évènement

Titre

Chine. Xiansuo, musique pour cordes de la cour impériale mandchoue. Spectacle

Sous-titre

Ensemble Tan Longjian

Date

2004-03-18

Date de fin

2004-03-19

Artistes principaux

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Musique

Description de la pratique

18-19 mars 2004
En Chine, le but suprême de la musique a été établi par la tradition et fixé dans les classiques : établir l'harmonie entre la Terre et le Ciel au niveau de l'Homme. En complément des rites, qui établissent et rappellent l'ordre et la place assignés à chacun dans l'univers, la société, la famille, l'harmonie fait circuler l'énergie entre des êtres ou des objets dissemblables par échanges et résonance subtile. Cette harmonie se réalise : au sein d'un même instrument entre les notes et les modes de jeu ; au sein d'un orchestre par la complémentarité des matériaux mis en jeu, métal et pierre, soies et bambous, terre et calebasse, peau et bois ; au sein d'un ensemble homogène comme celui des cordes par la complémentarité des lignes de jeu, des ornements, les oppositions entre sons secs et résonants, tenues et attaques répétées, graves et aigus, notes fixées et notes mobiles. Elle est donc à la fois un labyrinthe et un miroitement incessant, un arc-en-ciel de sonorités.
L'ensemble constitué autour du répertoire des suites pour cordes Xiansuo de la cour impériale mandchoue a porté cette harmonie au summum de son expression possible. En 1814, un interprète génial, Rong Zhai, a eu l'idée de noter séparément les quatre parties des luths à trois cordes et à quatre cordes, de la vièle et de la cithare. 150 ans plus tard, le travail de la très savante musicologue Cao Anhe, ajouté à l'enthousiasme et à la bravoure d'interprètes rassemblés autour de Tan Longjian, a permis d'aboutir en 1987 à la recréation intégrale de ce répertoire de treize suites.

Les suites pour cordes Xiansuo
Du coeur même de la région ' le sud du Jiangsu ' et de l'époque ' la fin du XVIIIe siècle ' qui a vu naître le répertoire du luth pipa, sont parvenues jusqu'à nous des partitions qui, pour la première fois ' et la dernière avant les années 1960 ' faisaient figurer les parties individuelles dévolues à chaque instrument.
Le recueil Appendice pour cordes (Xiansuo beikao) de 1814 marque ainsi une étape historique. Il note en colonnes verticales parallèles les partitions individuelles des luths pipa et xianzi, de la vièle huqin, de la cithare zheng, et, pour certaines pièces, la partition commune aux vents. Il a été édité par les musicologues Cao Anhe, Jian Qihua et Yang Yinliu en 1955.
Le terme xiansuo était courant dans le nord sous la dynastie Ming ; les noms de certains des instruments proviennent vraisemblablement de la langue mongole : le tiqin, vièle à deux cordes, à l'archet en crin de cheval ; le huobusi, luth proche du sanxian ; le turweise, cithare proche du zheng ; le charji, cithare à cordes frottées, appelée qin dans le Dada de la dynastie Yuan.
Le Dada était un genre musical mongol de musique d'ensemble à cordes, auquel on pouvait adjoindre des vents (orgue à bouche sheng, hautbois à perce cylindrique guanzi, flûte traversière dizi, flûte verticale xiao) et des percussions (carillon de gongs yunluo, tambour et claquette paiban). Sous les Qing, il s'intégra à la musique de cour sous le nom de Fanbu hezou (le fanbu était un instrument à cordes frottées des Mongols). Les ensembles pouvaient compter une quinzaine de musiciens. Ils jouaient des suites d'une trentaine de pièces mongoles, provenant de chants, de danses populaires ou de musiques instrumentales.Les noms peuvent varier, il peut y avoir adjonction d'instruments à vent et de percussions, mais le noyau de l'ensemble xiansuo reste toujours la combinaison vièle-luths-cithare.
Le premier témoignage important sur ce genre est le recueil Appen dice pour cordes (Xiansuo beikao) de 1814. Il fut précédé des Treize suites pour cordes (Xiansuo shisan tao), qui n'existent pas (ou plus) en recueil complet de partitions, mais seulement sous la forme de partitions pour luth sanxian (édition de 1782) et pour luth pipa (édition de 1825).
Le recueil Appendice pour cordes est l'oeuvre d'un collectif de musiciens lettrés, mongols ou mandchous : maître He, maître Fu, Rong Zhai, maître Long, maître Xiang. La préface est signée de Rong Zhai, musicien mongol, qui déclare que les pièces sont anciennes et qu'il les a apprises par tradition orale de son maître Kao. Rong Zhai jouait lui-même de la vièle huqin, des luths pipa et xianzi, et de la cithare zheng. Il a transcrit dans des recueils séparés les parties de chaque instrument, avec une précision dans la notation jamais atteinte auparavant, tant en ce qui concerne les doigtés du pipa que les rythmes, et jusqu'aux ornements. Le recueil comprend treize pièces : deux notées pour cithare seule accompagnée par divers instruments non spécifiés ; les autres sont notées pour les quatre instruments ; quatre de ces dernières pièces comprennent une partie supplémentaire, vraisemblablement destinée aux vents. Les noms de plusieurs pièces remontent aux Tang et la plupart existent encore de nos jours dans de nombreux autres répertoires.
Chacune des treize pièces donnerait lieu à une étude de musicologie historique complète mais, en attendant, une des choses les plus intrigantes est la coexistence dans un même recueil de plusieurs versions du même air (La lune est haute Yue'r gao) comme dans deux tonalités différentes, et l'hypothèse, étayée par une notation manuscrite d'un prince mandchou, qu'il serait possible de les jouer simultanément.
Les versions telles qu'elles sont notées ont disparu de la tradition orale avec la mort, au début du siècle, d'un musicien de rues de Pékin, Zhao Debi.
En 1955 les musicologues Cao Anhe, Jian Qihua et Yang Yinliu éditent le recueil et le transcrivent en notation moderne, tout d'abord en notation chiffrée, et ultérieurement sur portée. Mais la démarche de musique ancienne est loin d'avoir à ce moment-là touché la Chine, et elle reste d'ailleurs toujours fragile. Datant de la même époque pour ce qui est des traces écrites sous la forme de partitions, le répertoire de luth solo pipa a passé de mains en mains, de recueils en recueils jusqu'à nos jours, et pédagogiquement certains maîtres ou chercheurs se ressourcent aux notations anciennes. Malheureusement, le type d'ensemble à cordes Xiansuo a disparu au profit des orchestres d'instruments chinois, tandis que l'hétérophonie des petits ensembles a fait place à l'arrangement, la composition ou bien à la notion de soliste accompagné. La haute culture virtuose s'est progressivement séparée de cette esthétique, quand bien même la pratique survit dans les clubs, les associations, les maisons de thé, à Shanghai, au Fujian, à Canton ou à Chaozhou. Le nord de la Chine, où le Xiansuo s'était développé et installé, l'a oublié au profit de l'opéra de Pékin ou des ensembles de sonneurs et batteurs chuida. Le travail éffectué par les musicologues et les interprètes s'appuie donc aux sources même de la démarche d'une muscicologie vivante : le répertoire écrit, croisé avec les techniques transmises de maître à disciple, la documentation sur les modes de jeu et d'interprétation de l'époque, avec cette particularité que les musicologues sont à la fois des érudits et des interprètes élevés dans la tradition. La recréation sous la direction de Cao Anhe nécessita deux ans de travail avec de jeunes interprètes de très haut niveau dont faisait partie Tan Longjian. Cette recréation publique a lieu en janvier 1986 et est l'occasion de quelques représent ations publiques jusqu'en juin 1987 et d'un enregistrement, désormais historique, pour la compagnie nationale de disque (Zhongguo changpian gongsi), jamais édité.
Cette histoire d'un répertoire et de sa recréation est donc aussi une histoire de la musique chinoise, depuis les Mongols jusqu'aux Mandchous, depuis les musiciens de rue jusqu'à la musicologie moderne dont les plus hautes vagues s'élèvent dans les années 1955, 1963 et 1985, survivant tout juste à la Révolution culturelle pour succomber de nouveau à la course à l'argent du libéralisme.

Programme :
Tan Longjian, luth à manche long sanxian
Zhang Qiang, luth à manche court pipa
Ling Lin, cithare guzheng
Xue Ke, vièle erhu

1. Shiliu ban (Seize battues)
Suite en seize sections, en ton de Ré (Ré Mi Fa# [Sol] La Si [Do#]).
Après quelques notes d'introduction d'abord non mesurée puis sur six temps, se suivent seize sections de soixante-huit temps chacune, toutes des variations sur le même thème, par ailleurs fort répandu dans les musiques instrumentales d'ensemble du sud.

2. Pu'an zhou (Incantation de Pu'an)
Suite en dix-huit sections, en ton de Sol (Sol La Si Ré Mi).
Bâtie sur une incantation bouddhique sur le syllabaire siddham (ka kha ga gha na,ca cha ja jha ña'), cette suite est tout à fait semblable au chant bouddhique ou encore à de nombreuses suites instrumentales ou chantées sur la même incantation dans d'autres répertoires ; la forme générale est : introduction, refrain, couplet 1 (cinq fois), refrain, couplet 2 (cinq fois), refrain, couplet 3 (cinq fois), refrain, coda ; cependant, la version pour cordes insère trois airs supplémentaires, le premier (Chuisi diao) à la place de l'introduction, les autres (Jinzi jing et Wusheng fo) à la place de la coda, et les couplets ne sont répétés 'que' trois fois chacun.

3. Yue'er gao (La lune est haute)
Suite en sept sections, avec prélude et coda non mesurés, en ton de Do (Do Ré Mi Sol La).
Elle fait pendant à la suite La lune est haute, pour qin (Qinban Yue'er gao), et les deux sont jouables simultanément. Le titre fait référence à la légende du voyage sur la Lune de l'empereur Minghuang et se rapporte également à la célèbre pièce des Tang Un habit aux couleurs d'arc-en-ciel (Nishang yuyi qu). La pièce pour luth pipa du même nom contenue dans le recueil de Hua Qiuping, 1818, est tout à fait semblable.

4. Yangguan san die (Trois variations sur la Passe du Soleil)
Suite en six sections et coda, en ton de Ré.
La pièce, qui n'a pas de rapport musicalement avec la pièce pour cithare qin du même nom, s'intitule également Adieux à la rivière printanière (Chunjiang songbie).

5. Haiqing (Le gerfaut)
Suite en dix-neuf sections, en ton de La. Cette suite est tout à fait comparable à celle pour luth pipa parue dans le recueil Yangzhengchuan de 1926 et intitulée Sur la plage, les oies se posent (Pingsha luoyan).

FRANÇOIS PICARD

Remerciements à Alain Lombard, commissaire général de l'Année de la Chine et à David Tursz (AFAA).

Contributeurs

Origine géographique

Chine

Mots-clés

Date (année)

2004

Cote MCM

MCM_2004_CN_S1

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Chine. Xiansuo, musique pour cordes de la cour impériale mandchoue. Vidéos Chine 2004-03-18 Vidéo numérique
Chine. Xiansuo, musique pour cordes de la cour impériale mandchoue. Photos Chine 2004-03-18 Photo numérique
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