Guadeloupe. Les Mayoleurs et le Gwoka. Spectacle
Collection
Type de document
Évènement
Titre
Guadeloupe. Les Mayoleurs et le Gwoka. Spectacle
Date
1989-11-15
Date de fin
1989-11-19
Lieu de l'évènement
Type d'évènement
Danse
Description de la pratique
15-19 novembre 1989
Gwoka est le nom donné à un tambour de la Guadeloupe, mais aussi par extension, celui d'un style de musique chantée, rythmée et dansée.
L'origine du gwoka se situe au XVIIe siècle dans les danses rituelles des esclaves, les calendas, liées à la fécondité, à la guerre et à la mort. Interdites par les autorités coloniales en raison de leur caractère éminemment sexuel et des croyances païennes auxquelles elles référaient, elles furent remplacées par les "bamboula" veillées de musiques et de danses organisées les dimanches après-midi, les jours de fêtes chrétiennes, les baptêmes, mariages et funérailles, seules occasions de rassemblement des esclaves autorisées par les maîtres. Ces veillées empruntaient leur nom au tambour principal qui les animait, l'origine du mot bamboula étant diversement attribuée à une déformation du mot bambou, ou à un terme banyou de Guinée Bissau désignant effectivement un tambour'.
Quoique profanes, ou associées aux fêtes du calendrier chrétien, les bamboula ne pouvaient être séparées des traditions religieuses originelles de ceux qui en étaient les acteurs. Ainsi la hiérarchisation des tambours et le répertoire rythmique se référaient-ils à la pratique des calendas et par delà aux anciens rituels du continent africain. Investis de pouvoirs surnaturels, les tambours étaient fabriqués à partir de bois sacrés et selon des rites tenus secrets. Etaient également associés aux dieux, les hochets chacha faits de calebasse remplies de graines "l'église" (ces graines servant également à la fabrication des chapelets de prières), les triangles et les cloches.
Le gwoka, apparu au début du XIXe siècle peu après le rétablissement de l'esclavage par Napoléon en 1802, ne fut en fait que la poursuite de la tradition des bamboula sous un nom nouveau. Du reste les colons continuèrent encore d'appeler ces veillées par leur ancien nom.
Le mot gwoka est une déformation du terme "gros quart" qui désignait une taille de barils utilisés pour le transport du sucre et des salaisons, et que les esclaves adoptèrent pour la facture de leurs tambours ; ce changement de nom bénéficia probablement de l'association phonétique qui fut faite entre ka ("quart") et ka ("rythme") dans certaines langues d'Afrique de l'ouest.
Le gwoka se développa ainsi jusqu'à nos jours, avec des hauts et des bas, au gré des évènements politiques. Apprécié de tous, depuis une dizaine d'années environ, le gwoka est devenu en outre le symbole de la résistance à la culture française parmi ceux qui revendiquent l'indépendance de la Guadeloupe, le son du gwoka devenant signe de ralliement lors des grèves et des manifestations.
L'orchestre comprend le tambour principal ka du "marqueur" ou maké qui improvise diverses figures rythmiques et éventuellement, un ou deux tambours boula qui exécutent le rythme de base, parfois accompagnés de hochets et bambous entrechoqués.
La rythmique du gwoka se fonde sur une série de sept rythmes de base à partir desquels les musiciens construisent une savante polyrythmie
lewoz : lancinant, exprime les faits et sentiments graves
gragé : accompagne les travaux agricoles et la préparation du manioc
roulé : à deux temps très balancé
kaladja : lourd et lancinant, raconte la vie des êtres chers
toumblac : fort, rapide, exprime la joie, la libération des pulsions
pajenbe : ternaire, syncopé et vivant
mendé : évoque les rythmes africains
Des rythmes de la Guadeloupe, le lewoz est sans doute l'un des plus imposants, celui, comme on le verra plus loin, sur lequel se bâtissent les jeux qui opposent le danseur et le marqueur.
L'ordonnance des pas du danseur ou de la danseuse n'est pas fixe, une large part est laissée à l'improvisation. Dans le cas où le danseur improvise, le tambourinaire fixe les pieds de celui-ci en y adaptant son rythme. Dans le cas contraire, il indique les changements de pas par des formules rythmiques précises que tout danseur doit connaître.
Dans le gwoka, la musique ne se limite pas à l'accompagnement de la danse. En fait, et plus particulièrement dans le lewoz, elle témoigne d'une interaction permanente entre danseurs et musiciens sous forme de défis, de taquineries' Ce "duel", qui laisse une large place à l'improvisation et dans lequel les protagonistes se rendent mutuellement hommage pour un piège rythmique éventé ou réussi, exige en définitive une communion totale entre musiciens et danseurs. Cette fusion, qui génère une impression d'envoûtement crée donc une sorte de cercle cabalistique dans lequel les danseurs, et parfois les spectateurs, entrent à tour de rôle, attirés par la magie du rythme et du lieu scénique.
Outre la danse, les ka accompagnent les combats rituels des mayoleurs. Très répandus autrefois en Guadeloupe, notamment dans les régions d'Anse-Bertrand, de Saint-François et du Moule, ces combats rythmés et extrêmement codifiés qui étaient organisés lors des veillées funèbres, n'ont plus lieu aujourd'hui que dans quelques campagnes.
Les danseurs munis de bâtons très durs, longs d'un mètre environ, manient ces armes avec dextérité, portant leurs coups de manière sèche et très contrôlée sans jamais réellement toucher l'adversaire, car une seule blessure pourrait lui être fatale. Le bâton se manie d'une seule main, et les coups se règlent sur les rythmes des tambours qui déterminent le degré de violence de chaque attaque et le point culminant du combat. La lutte est également accompagnée de chants collectifs qui opposent un soliste et le choeur des mayoleurs qui lui répond. Le soliste est le meneur du jeu, il entonne chaque chant, ordonnant aux tambourinaires, les tambouriers, de commencer ou d'arrêter ; tout en chantant des paroles semi-improvisées qui relatent divers faits de la vie quotidienne, ou expriment des louanges au mort et à sa famille, il surveille le bon déroulement des combats et s'assure que les règles en sont respectées scrupuleusement. Les combats se déroulent sous la forme de duels, et commencent par le salut au tambour. Lorsqu'un combattant se retire, il rejoint le choeur et est immédiatement remplacé par un autre.
Artisans et agriculteurs, les mayoleurs qui se produisent ce soir, pour la première fois en métropole, sont originaires du Moule et d'Anse-Bertrand.
Signalons enfin que ce spectacle vient d'être présenté aux grands Melas de Delhi et de Bombay, organisé par la Maison des cultures du monde avec le soutien de l'Association française d'action artistique dans le cadre de la France en Inde.
Les Mayoleurs :
René Mezence
Boniface Denis Coline
Dantes Daville
Fortuné Synesius
Paul Maugran
Lucien Saint Sauveur
Aurélien Maugran
Robert Emile
Le Gwoka :
Félix Flauzin
Viviance Jabol
Raymonde Torin
Victor Flauzin
Clair Baëna
Patricia Pater
Patricia Défi.
Gwoka est le nom donné à un tambour de la Guadeloupe, mais aussi par extension, celui d'un style de musique chantée, rythmée et dansée.
L'origine du gwoka se situe au XVIIe siècle dans les danses rituelles des esclaves, les calendas, liées à la fécondité, à la guerre et à la mort. Interdites par les autorités coloniales en raison de leur caractère éminemment sexuel et des croyances païennes auxquelles elles référaient, elles furent remplacées par les "bamboula" veillées de musiques et de danses organisées les dimanches après-midi, les jours de fêtes chrétiennes, les baptêmes, mariages et funérailles, seules occasions de rassemblement des esclaves autorisées par les maîtres. Ces veillées empruntaient leur nom au tambour principal qui les animait, l'origine du mot bamboula étant diversement attribuée à une déformation du mot bambou, ou à un terme banyou de Guinée Bissau désignant effectivement un tambour'.
Quoique profanes, ou associées aux fêtes du calendrier chrétien, les bamboula ne pouvaient être séparées des traditions religieuses originelles de ceux qui en étaient les acteurs. Ainsi la hiérarchisation des tambours et le répertoire rythmique se référaient-ils à la pratique des calendas et par delà aux anciens rituels du continent africain. Investis de pouvoirs surnaturels, les tambours étaient fabriqués à partir de bois sacrés et selon des rites tenus secrets. Etaient également associés aux dieux, les hochets chacha faits de calebasse remplies de graines "l'église" (ces graines servant également à la fabrication des chapelets de prières), les triangles et les cloches.
Le gwoka, apparu au début du XIXe siècle peu après le rétablissement de l'esclavage par Napoléon en 1802, ne fut en fait que la poursuite de la tradition des bamboula sous un nom nouveau. Du reste les colons continuèrent encore d'appeler ces veillées par leur ancien nom.
Le mot gwoka est une déformation du terme "gros quart" qui désignait une taille de barils utilisés pour le transport du sucre et des salaisons, et que les esclaves adoptèrent pour la facture de leurs tambours ; ce changement de nom bénéficia probablement de l'association phonétique qui fut faite entre ka ("quart") et ka ("rythme") dans certaines langues d'Afrique de l'ouest.
Le gwoka se développa ainsi jusqu'à nos jours, avec des hauts et des bas, au gré des évènements politiques. Apprécié de tous, depuis une dizaine d'années environ, le gwoka est devenu en outre le symbole de la résistance à la culture française parmi ceux qui revendiquent l'indépendance de la Guadeloupe, le son du gwoka devenant signe de ralliement lors des grèves et des manifestations.
L'orchestre comprend le tambour principal ka du "marqueur" ou maké qui improvise diverses figures rythmiques et éventuellement, un ou deux tambours boula qui exécutent le rythme de base, parfois accompagnés de hochets et bambous entrechoqués.
La rythmique du gwoka se fonde sur une série de sept rythmes de base à partir desquels les musiciens construisent une savante polyrythmie
lewoz : lancinant, exprime les faits et sentiments graves
gragé : accompagne les travaux agricoles et la préparation du manioc
roulé : à deux temps très balancé
kaladja : lourd et lancinant, raconte la vie des êtres chers
toumblac : fort, rapide, exprime la joie, la libération des pulsions
pajenbe : ternaire, syncopé et vivant
mendé : évoque les rythmes africains
Des rythmes de la Guadeloupe, le lewoz est sans doute l'un des plus imposants, celui, comme on le verra plus loin, sur lequel se bâtissent les jeux qui opposent le danseur et le marqueur.
L'ordonnance des pas du danseur ou de la danseuse n'est pas fixe, une large part est laissée à l'improvisation. Dans le cas où le danseur improvise, le tambourinaire fixe les pieds de celui-ci en y adaptant son rythme. Dans le cas contraire, il indique les changements de pas par des formules rythmiques précises que tout danseur doit connaître.
Dans le gwoka, la musique ne se limite pas à l'accompagnement de la danse. En fait, et plus particulièrement dans le lewoz, elle témoigne d'une interaction permanente entre danseurs et musiciens sous forme de défis, de taquineries' Ce "duel", qui laisse une large place à l'improvisation et dans lequel les protagonistes se rendent mutuellement hommage pour un piège rythmique éventé ou réussi, exige en définitive une communion totale entre musiciens et danseurs. Cette fusion, qui génère une impression d'envoûtement crée donc une sorte de cercle cabalistique dans lequel les danseurs, et parfois les spectateurs, entrent à tour de rôle, attirés par la magie du rythme et du lieu scénique.
Outre la danse, les ka accompagnent les combats rituels des mayoleurs. Très répandus autrefois en Guadeloupe, notamment dans les régions d'Anse-Bertrand, de Saint-François et du Moule, ces combats rythmés et extrêmement codifiés qui étaient organisés lors des veillées funèbres, n'ont plus lieu aujourd'hui que dans quelques campagnes.
Les danseurs munis de bâtons très durs, longs d'un mètre environ, manient ces armes avec dextérité, portant leurs coups de manière sèche et très contrôlée sans jamais réellement toucher l'adversaire, car une seule blessure pourrait lui être fatale. Le bâton se manie d'une seule main, et les coups se règlent sur les rythmes des tambours qui déterminent le degré de violence de chaque attaque et le point culminant du combat. La lutte est également accompagnée de chants collectifs qui opposent un soliste et le choeur des mayoleurs qui lui répond. Le soliste est le meneur du jeu, il entonne chaque chant, ordonnant aux tambourinaires, les tambouriers, de commencer ou d'arrêter ; tout en chantant des paroles semi-improvisées qui relatent divers faits de la vie quotidienne, ou expriment des louanges au mort et à sa famille, il surveille le bon déroulement des combats et s'assure que les règles en sont respectées scrupuleusement. Les combats se déroulent sous la forme de duels, et commencent par le salut au tambour. Lorsqu'un combattant se retire, il rejoint le choeur et est immédiatement remplacé par un autre.
Artisans et agriculteurs, les mayoleurs qui se produisent ce soir, pour la première fois en métropole, sont originaires du Moule et d'Anse-Bertrand.
Signalons enfin que ce spectacle vient d'être présenté aux grands Melas de Delhi et de Bombay, organisé par la Maison des cultures du monde avec le soutien de l'Association française d'action artistique dans le cadre de la France en Inde.
Les Mayoleurs :
René Mezence
Boniface Denis Coline
Dantes Daville
Fortuné Synesius
Paul Maugran
Lucien Saint Sauveur
Aurélien Maugran
Robert Emile
Le Gwoka :
Félix Flauzin
Viviance Jabol
Raymonde Torin
Victor Flauzin
Clair Baëna
Patricia Pater
Patricia Défi.
Origine géographique
Guadeloupe
Mots-clés
Date (année)
1989
Cote MCM
MCM_1989_GP_S1
Ressources liées
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Titre | Localisation | Date | Type | |
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Guadeloupe | 1989-11-15 | Photo numérique |
Titre | Localisation | Date | Type | |
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Saison 1989 | 1989 |