Ibn Baṭṭūṭa

Évènement

Indonésie. Sumatra ouest. Indang. Salawat dulang. Zikr Maouloud. Spectacle

1986-05-31

1986-06-02

Musique

31 mai, 1-2 juin 1986.
Minangkabau, région de l'ouest de Sumatra, porte le nom de 'Pays du buffle vainqueur', car six siècles auparavant, un conflit avec les envahisseurs de Java se régla par un combat singulier de buffles envoyés par chacun des camps. La guerre fut évitée grâce à un signe du destin.
Voici qui introduit immédiatement un des aspects de la culture du Pays. Régis par l'animisme des cultures pré-islamiques, les habitants combinent ses effets avec la culture musulmane. Si les très anciennes pratiques musicales pour capturer un tigre, demeurent très vivantes, elles côtoient les chants de louange pour la naissance du prophète, et parfois les influencent. A Minangkaba, la société matrilinéaire formée, en majeure partie, de populations rurales, inclut encore, des apports hindouistes et bouddhistes.
A l'exception des chants de récitation du coran, toutes les musiques se pratiquent à l'extérieur des mosquées dans un endroit privilégié appelé Surau, maison pour célibataires où garçons et filles vivent parfois de longues années (sorte de retraites initiatiques)et sous la conduite d'un Ulema (professeur de religion) se cultivent aussi bien dans la lecture des textes, l'apprentissage de la loi et des coutumes, les arts martiaux, la danse et la musique. Les zikr,cérémonies de cette religion de l'amour menant à la transe, par la répétition du nom de dieu ou le mimétisme cosmique des mouvements de la danse, sont nombreuses, et portent le nom de diki en langue locale (litt. souvenir du nom de Dieu).
Trois formes musicales et rituelles sont présentées :
-Kumpulen Zikr Maouloud Talang (diki Mauluk), fête de l'anniversaire de la naissance du prophète. Le diki mauluk clôture également l'épreuve de lecture de lecture-incantation du Coran pour un jeune homme, ou les cérémonies de retour de la Mecque pour un pèlerin, pénétrant dans sa maison sous un parapluie noir comme le veut l'usage. La célébration d'un diki mauluk peut être demandé après les moissons, ou pour la naissance d'un enfant.
Les musiciens assis en tailleur sur un tapis chantent des textes religieux en frappant sur leur rebano (tambourin sur cadre à une peau de 50 à 55 cm de diamètre). Ils se livrent à une gestuelle complexe, se levant, posant leur instrument à plat sur le sol, plaçant les mains sur les oreilles pour une meilleure modulation de la voix, et accompagnent régulièrement leur action de 'Allah Akbar' (Dieu est grand).
Le chef de chant, après avoir dit : célébrons la naissance du prophète par nos chants ; ouvre au hasard une page du coran et chante un verset, repris en choeur et à l'unisson. Les mots sont répétés à l'infini. Si la page douze est choisie, le rythme frappé est à douze temps, autrement il se subdivise en rythmes complexes. Parfois la percussion devient descriptive et imite le bruit des mains jouant dans l'eau d'une rivière.
A partir du chant sacré, les musiciens se livrent à un exercice de virtuosité savant et compliqué qui les oblige à sortir d'eux-mêmes.
-Indang, rituel musical et gestuel exécuté aussi bien par des groupes d'hommes ou de femmes, représente à la fois une technique pédagogique, une education morale et religieuse, un jeu intellectuel développant les facultés d'imagination, mémorisation, savoir, rapidité de composition poétique. Le Indang est exécuté lors des mariages, ou au temps des récoltes.
Les exécutants se placent sur trois rangs, formant un carré ouvert d'un côté, et utilisent un tambourin de dimension variable selon les villages appelé rebano, ou ripaï, ou induk (mère).
Les musiciens jouent en établissant des joutes chantées entre les différents rangs.
La joute s'organise sous la forme de pantum (question-réponse). Par exemple le groupe A chante 'A quel endroit est né le prophète Mohamed ?', le groupe B, doit donner une réponse suivant la ligne mélodique et la métrique indiquées, de préférence juste, sinon sous forme de parabole. A son tour le groupe B pose une question en reprenant le pantum précédent. Puis le groupe C chante les deux pantum et ajoute une question '
Les rythmes répétitifs se divisent au-dessous des mots en 2 grandes catégories : les capek (très rapide) et les nyariang (fortement ponctués).
Pendant le chant et le jeu, les musiciens se livrent à un élégant balancement du corps opposé à celui des partenaires qui leur font face.
La virtuosité de l'expression demande une grande discipline individuelle et une stricte organisation des groupes, sachant que solo et choeur alternent sans arrêt, voltigeant d'un groupe à l'autre.
-Salawat Dulang, il s'agit également d'une joute musicale et poétique, qui semblerait avoir reçu une forte influence de l'inde. Comme le Indang, le Salawat Dulang peut se baser sur des textes sacrés islamiques ou sur des textes profanes séculaires ou les deux à la fois, servant à éduquer les jeunes génération dans le domaine de la morale et de la religion. Les quatrains se chantent en langue de Manangkabau dans laquelle s'insèrent des mots arabes. Le chant toujours improvisé fait intervenir des micro-tons et de savants vibrato légers.
La compétition s'organise entre deux musiciens qui frappent sur les dulang ou talam (tambour ou plutôt gong de cuivre) selon la forme du pantum. Ils peuvent être interrompus par un membre de l'assistance qui intervient avec un pantum de sa composition pour demander la guérison d'un enfant, le retour d'un parent'
C'est l'enthousiasme du public qui grâce à ses cris d'approbation ou à ses applaudissements, décide du vainqueur.

Indonésie

1986

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