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Azerbaïdjan. Trio Jabbâr Garyaghdu Oghlu. Spectacle

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Évènement

Titre

Azerbaïdjan. Trio Jabbâr Garyaghdu Oghlu. Spectacle

Sous-titre

Zayid Gouliev, chant et daf ; Mohled Mouslimov, târ ; Fakhreddin Dadachev, kemânche

Date

1991-05-30

Date de fin

1991-05-31

Artistes principaux

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Musique

Description de la pratique

30-31 mai 1991
Dans cet immense monde des musiques orientales qui s'étend du Maghreb à l'Inde, réunissant le Proche-Orient, le Moyen-Orient, le Caucase et l'Asie centrale autour des concepts de mode (maqâm), de rythme (usul) et de suite vocale et instrumentale (nûba, wasla, fasl, maqâm), la musique classique d'Azerbaïdjan occupe une place de choix, que ce soit pour sa beauté, sa puissance d'expression et son extraordinaire vitalité, mais aussi par ce qu'elle révèle sur l'histoire de ces musiques. En effet, aujourd'hui encore, elle témoigne du formidable foisonnement culturel qui anima le Moyen-Orient, le Caucase et l'Asie centrale à partir du Xe siècle, lorsqu'al-Fârâbi se livrait à une première synthèse théorique des arts arabe, persan et byzantin.
Le Mugam ' ou chant classique ' constitue un cas très représentatif de cette symbiose culturelle car, si par l'usage de la langue turque il affirme clairement son identité azérie, il manifeste à travers son expression musicale la profonde emprise du monde persan.
La turquisation de l'Azerbaïdjan, malgré quelques signes avant-coureurs lors de l'invasion des Turcs seldjoukides au Xe siècle, ne s'amorce véritablement qu'à partir du XVIe siècle.
C'est à cette époque en effet qu'arrivent dans la région des tribus nomades shi'ites chassées d'Anatolie par le pouvoir ottoman sunnite. Au même moment on assiste à la militarisation des Séfévides, une confrérie soufie de souche turque et d'obédience shi'ite, née au XIVe siècle à Ardabil (aujourd'hui dans la province azerbaïdjanaise d'Iran). En 1501, les Séfévides prennent pied à Tabriz et proclament un nouvel État fondé sur le shi'isme duodécimain. Ils ne tardent pas à étendre leur autorité sur tout l'Iran ainsi que sur le Shirwân (Azerbaïdjan actuel). À la chute des Séfévides au milieu du XVIIe siècle, l'Iran connaît une période troublée où se manifestent les visées expansionnistes des Russes et des Ottomans, puis est repris en main par la dynastie des
Qâjârs. Bien que d'origine turque, les Séfévides et les Qâjârs favorisent le rayonnement de la culture persane, y compris en Azerbaïdjan où la langue turque ne s'affirme définitivement
qu'au XVIIe siècle. Par le traité de Golestan (1813), les Russes qui se sont rendus maîtres de la Transcaucasie, imposent à l'Iran de leur céder le Shirwân. Le 20 avril 1928 cette région devient la République Socialiste Soviétique d'Azerbaïdjan (à l'exception de la partie méridionale
qui demeure iranienne) puis acquiert sa véritable indépendance lors de l'éclatement de l'URSS en 1992.
Le XIXe siècle représente pour la partie de l'Azerbaïdjan appartenant à l'empire russe une grande période d'essor musical. Les villes de Tiflis (aujourd'hui Tbilissi en Géorgie), Shusha, Bakou voient se fonder des associations d'amateurs, des conservatoires et des théâtres, se développer le mécénat et apparaître de grandes figures du monde artistique.
Mais la musique d'Azerbaïdjan se joue aussi à l'occasion des fêtes de mariage, les toy, et bien que savante, elle puise dans cette pratique une esthétique populaire qu'elle conservera jusqu'à aujourd'hui. C'est à cette époque que les Azéris fixent leur système modal et établissent le répertoire des Mugam dans ses limites actuelles.
Les Azéris vivant dans la partie méridionale (Iran) ne connaîtront pas ce développement du fait de l'emprise extrêmement autoritaire de la culture persane dans toutes les provinces de l'Iran.

Le Mugam
Comme toutes les musiques savantes du Moyen-Orient, la musique d'Azerbaïdjan est monodique et modale. Il serait plus correct de dire qu'elle est hétérophonique, puisque chaque musicien, qu'il soit chanteur, joueur de târ (luth) ou de kemânche (vièle) bénéficie d'une relative autonomie dans l'interprétation de la mélodie (ornements, décalages, chevauchements, notes additionnelles'). Toutes les mélodies, composées ou semi-improvisées, de rythme libre ou mesuré, se déroulent dans le cadre d'un ou plusieurs modes (mug'am).
Chaque mode se caractérise par une échelle, une hiérarchie interne de ses degrés et une expressivité (sentiment modal) spécifiques.
Les mugam sont classés en onze modes principaux ou dastiagi et plusieurs modes secondaires. Chaque dastiag suppose un développement mélodique et modal et sert donc de base à un cycle de pièces vocales et instrumentales également appelé Mugam. Afin d'être identifié, le Mugam reçoit donc le nom de son mode principal, par exemple le Mugam Segâh, basé sur le mode segâh et dont on peut aussi trouver des variantes : Mugam Segâh Zâbol, Mugam Khârej Segâh, Mugam Mirza Husayn Segâh, etc.
Le Mugam est formé d'une suite de séquences mélodiques de rythme libre. Ces séquences exploitent le mode principal, modulent dans des modes secondaires (shobe) aisément identifiables grâce à leurs clichés mélodiques, et peuvent être aussi des mélodies-types (gushe). Elles alternent avec des pièces mesurées vocales (tesnif) et instrumentales (daramad, reng, diringa).
Ainsi, outre le mode de base, le cycle du Mugam passe en revue plusieurs modes secondaires dont la succession est prédéterminée et qui apportent à l'oeuvre des éclairages expressifs nouveaux. Si cet ordre est relativement fixe, il varie cependant en fonction des écoles et des maîtres qui les interprètent. D'une version à une autre, on peut observer des différences notables, tant dans la durée que dans l'organisation interne du Mugam. C'est pourquoi on peut considérer ce dernier comme une musique à «géométrie variable».
Le répertoire des Mugam ne s'appuie pas seulement sur les dastiagi. Certains modes secondaires se voient promus au rang de mode principal et permettent de développer leurs propres Mugam, généralement moins longs et de structure moins complexe que ceux qui sont fondés sur les dastiagi : c'est le cas par exemple du mode shekaste-i-fars qui apparaît en tant que mode secondaire dans les Mugam Rast, Mâhur, Bayâti Qâjâr, Segâh et Shur mais sert également de base au Mugam Shekaste-i-fars.
Tel un flot musical proposant au détour de chaque méandre la contemplation d'un paysage inédit, le Mugam offre tout à la fois une unité et une diversité exemplaires.
Cette diversité est illustrée par l'alternance des compositions et des semi-improvisations, des rythmes libres et mesurés, des mesures binaires et ternaires, des modes gais et tristes, des couleurs sonores tantôt chatoyantes tantôt en demi-teintes.
Inversement, l'unité du Mugam résulte de la manière dont tous ces éléments sont articulés enchaînés sans interruption. Chaque Mugam se déroule selon un parcours progressif dans lequel les modulations sont souvent préparées par un subtil jeu d'altérations ou une modification de la hiérarchie des degrés. Cela conduit graduellement à une transformation du mode sans qu'il soit toujours possible de déterminer à quel moment précis s'opère la modulation. Ce processus, fonctionne comme en «fondu-enchaîné», s'appuie sur un principe quasi-universel en musique : l'ambiguïté. Ce principe que l'on voit appliqué ici à la modalité ne se limite à des considérations formelles, mais contribue pour une large part à la richesse esthétique de la musique azérie et au renforcement de l'expression poétique.
Les poèmes, librement choisis par les interprètes, sont pour la plupart des ghazal, un genre né vers le XIIIe siècle et dont les premiers grands maîtres persans furent Sa'adi et Hâfiz. Fondé sur la métrique arabe classique, le ghazal se compose de plusieurs distiques de même rime mais se distinguant les uns des autres par une relative autonomie thématique.
Ainsi, si chaque strophe entretient des relations sémantiques avec celles qui la précèdent et la suivent, elle fonctionne également de manière indépendante. Ceci a une incidence remarquable au plan musical : le poème pouvant alors se plier à un éclatement dans le temps, il autorise les mélismes, les vocalises, les intermèdes instrumentaux et les modulations qui, loin de le diluer, viennent au contraire l'enrichir.
Essentiellement lyrique, le ghazal chante l'amour, l'amitié, la foi et sert parfois de support à une réflexion morale. Il est encore considéré aujourd'hui, de la Méditerranée à l'Inde, comme l'un des genres majeurs de la poésie orientale.

L'interprétation et les instruments
L'exécution du Mugam nécessite un chanteur (khânande), qui joue aussi du tambour sur cadre daf, et deux musiciens (sâzande) jouant du luth târ et de la vièle kemânche. Le târ répond directement aux phrases chantées, tandis que la kemânche soutient tantôt le chanteur tantôt le târ.
Si le cadre du Mugam demeure assez souple et offre dont une certaine liberté au chanteur, ce
dernier se doit néanmoins d'en avoir assimilé intimement les règles formelles. C'est à ce prix seulement qu'il peut mesurer son espace de liberté et se renouveler sans pour autant dénaturer l'esprit de l'oeuvre.
Le style vocal se caractérise par sa flexibilité, une ornementation riche et un vibrato glottalisé
(yodel) qui est utilisé dans les points culminants de la mélodie. Le poème, énoncé vers par vers est entrecoupé de vocalises ponctuées sur leurs notes finales par d'impressionnants glissandi yodlés.
Le târ est un luth à manche long. Il connut sous le règne des Qâjârs une vogue qui ne s'est pas démentie depuis. Le musicologue et organologue Curt Sachs lui donne le nom de luth étranglé en raison du double renflement de sa caisse. Taillée dans du bois de mûrier ou plus souvent aujourd'hui en noyer, celle-ci est recouverte de peau d'agneau ou de péricarde de b'uf. Le târazéri, plus petit que le târ généralement utilisé en Iran, comporte trois rangs de doubles-cordes en métal, plus deux doubles-cordes aiguës et une corde grave qui sont pincées à vide et servent de bourdon. L'accord varie selon les modes interprétés. Le musicien le tient très haut en travers de la poitrine («sur le coeur ») et pince les cordes au moyen d'un onglet métallique, créant des effets de vibrato en secouant sèchement l'instrument.
La kemânche qui prit son essor sous les Séfévides est une petite vièle à pique posée sur le genou. La caisse en bois de mûrier, de forme sphérique, est recouverte d'une peau de poisson.
Les quatre cordes en acier jouées tantôt avec l'archet, tantôt en pizzicato, peuvent
aussi bien produire des sons plaintifs que scander gaiement le chant du khânande.
Le daf est un tambour sur cadre dont la membrane, très fine, presque transparente, est généralement faite de peau de silure ou de péricarde de b'uf. Le pourtour intérieur du cadre est semé d'anneaux métalliques qui résonnent à chaque coup porté sur la peau ou le bord de l'instrument.

Les interprètes :
Zayid Gouliev et ses deux musiciens qui se sont déjà largement fait connaître en Azerbaïdjan, dans les autres républiques caucasiennes et à l'étranger sous le nom de Trio Jabbâr Garyaghdu Oghlu (un des plus grand maîtres du tournant de ce siècle), représentent, comme le chanteur déjà célèbre Alem Kassimov, la jeune génération montante des mugamistes azeris. Zayed Gouliev se distingue de ses pairs par une voix à la fois souple et puissante dont il tire des effets spectaculaires. Ses accompagnateurs avec lesquels il travaille depuis de nombreuses années et réputés comme des virtuoses de târ et du kemânche, ont su développer une qualité essentielle dans l'art du mugam : la complicité.

Contributeurs

Origine géographique

Azerbaïdjan

Mots-clés

Date (année)

1991

Cote MCM

MCM_1991_AZ_S2

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Titre Localisation Date Type
Azerbaïdjan. Trio Jabbâr Garyaghdu Oghlu. Zayid Gouliev, chant et daf ; Mohled Mouslimov, târ ; Fakhreddin Dadachev, kemânche. Photos Azerbaïdjan 1991-05-30 Photo numérique
Titre Localisation Date Type
Saison 1991 1991