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Corée. Musiques des lettrés, danse chamanique, musique et danse de cour. Spectacle

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Évènement

Titre

Corée. Musiques des lettrés, danse chamanique, musique et danse de cour. Spectacle

Date

1999-03-22

Date de fin

1999-03-24

Artistes principaux

Direction musicale

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Danse

Description de la pratique

22 au 24 mars 1999.
De toutes les musiques d'Asie qu'il nous est donné d'entendre aujourd'hui, celles de Corée sont incontestablement parmi les plus attachantes, que ce soit pour leur beauté formelle, leur diversité, la passion que l'on sent sourdre derrière une réserve imposée par la bienséance aristocratique, et qui explose parfois en notes dramatiques d'une extrême intensité. On peut alors se demander pourquoi elles sont si mal connues en France.
La culture coréenne est bien autre chose que celle d'un pays récemment industrialisé. Véritable civilisation, elle s'est forgée tout au long de l'histoire plusieurs fois millénaire d'un peuple et d'une région, au contact certes de ses voisins chinois et japonais, mais avec un constant besoin d'affirmer son originalité. Ce n'est pas un hasard si dès le VIIe siècle un ensemble de musique classique coréenne demeurait en résidence à la cour des Tang et allait se produire au Japon, exerçant l'influence que l'on sait sur le développement du gagaku, la musique de cour japonaise.
Si la facture instrumentale révèle clairement l'appartenance de la Corée aux cultures est-asiatiques, l'histoire des genres et des répertoires nous prouve à l'évidence la spécificité de son identité musicale. Ainsi, à l'époque du royaume de Silla unifié (668-935), l'estime des lettrés coréens pour la civilisation chinoise les conduit à adopter la culture et les m'urs de la dynastie Tang et notamment le répertoire de musique de cour qui reçoit le nom de tang-ak, littéralement : "musique tang". Mais simultanément, la cour de Corée développe un autre répertoire, proprement coréen celui-là, le hyang-ak. Or, les siècles passant, on voit le tang-ak se transformer, se "coréaniser" pour finalement décliner et pratiquement disparaître dès les premiers siècles de la dynastie Choson (1392-1910) au profit du hyang-ak. On assiste là à un cas exemplaire d'absorption, de réappropriation puis d'élimination de formes culturelles exogènes.
Certains musicologues et musiciens coréens considèrent que sur de nombreux points, la musique coréenne est en définitive plus proche de la musique indienne que des musiques chinoise ou japonaise, que ce soit pour l'importance donnée à l'improvisation, ou pour ce mûrissement si particulier du son (shigimsae) qui fait intervenir un travail à la fois précis et souple sur l'attaque, le timbre, l'enveloppe et la dynamique.
Mais c'est peut-être le profond enracinement de l'âme coréenne dans la nature qui donne la clef de l'essence de cette musique. Les influences manifestes du bouddhisme et du confucianisme ne sont jamais parvenues à effacer le fond chamanique dont les pratiques demeurent toujours vivantes aujourd'hui. Evocatrices de paysages aux formes tourmentées, les techniques vocales et instrumentales, combinant plénitude et âpreté, renvoient le peuple coréen à ses origines sibériennes et au chant profond des bardes. L'auteur du Livre de la Musique (1492) le résume ainsi : « La musique naît dans le néant originel et se développe dans la nature. Elle est donc cause d'une émotion profonde dans le coeur de l'homme mais aussi d'une compréhension mutuelle et d'une compassion dans son esprit ». Ces quelques lignes résument bien une esthétique musicale fondée sur le rapport dialectique entre émotion et intelligence, homme et nature.
La musique vocale : kagok, sijo et kasa
Le kagok, le sijo et le kasa sont apparus vers le xviie siècle et leur répertoire fut fixé lorsqu'ils furent introduits au palais pour compenser le déclin des musiques de cour, causé par les invasions japonaise et mandchoue.
Le kagok est une forme vocale cyclique. Son répertoire comprend vingt-sept chants qui se répartissent en fonction des modes musicaux et du sexe de l'interprète, treize chants sont interprétés par les hommes, treize par les femmes, et le dernier est exécuté en duo mixte. Chaque poème, dont la brièveté fait penser au haiku japonais, comprend trois vers, chaque vers se composant de quatre mots de trois à cinq syllabes. L'exécution musicale cependant n'épouse pas la forme du poème puisqu'elle le subdivise en cinq parties mélodiques encadrées par un prélude et un postlude instrumentaux (taeyoum), et les troisième et quatrième parties étant séparées par un interlude (chungyoum).
Le kagok est généralement accompagné par un petit ensemble instrumental comprenant la cithare komung'o, la flûte traversière taegum, le hautbois p'iri, la vièle à deux cordes haegum et le tambour en forme de sablier changgo. L'accompagnement s'organise en strates superposées qui lui donnent toute son épaisseur, faite de timbres mélangés et mouvants : la cithare se concentre sur la stricte exécution de la mélodie, qui est ornementée par la flûte et le hautbois, et soutenue par une pédale sonore à la vièle, tandis que le tambour assure une discrète ponctuation rythmique. La voix se développe en longues notes tenues, filées ou finement ornementées. Dans cet enchaînement de mélismes d'une exquise délicatesse, le poème éclate, le sens s'abolit, ne reste plus que la musique.
Le sijo est un chant lyrique qui était autrefois accompagné par le seul tambour en forme de sablier changgo. Aujourd'hui, comme il est souvent interprété en concert dans un programme de kagok, l'usage veut qu'il soit accompagné par un petit ensemble instrumental. Son style d'interprétation est assez proche du kagok, mais les lignes mélodiques y sont plus simples, les mélismes vocaux cédant la place à un étonnant travail de vibrato et à de subtils changements d'intensité.
Le kasa est un long chant narratif qui peut être accompagné par le tambour changgo ou par l'ensemble instrumental. Son répertoire comprend douze pièces dont la plupart sont strophiques. Le style d'interprétation se caractérise par un usage important du falsetto et un jeu de variation sur les voyelles qui l'apparente au chant bouddhique.

Salp'uri, danse chamanique
Le chamanisme est la religion la plus ancienne de Corée. L'introduction du bouddhisme au ive siècle puis la domination de la pensée néo-confucianiste pendant toute la période de Choson, ne sont jamais parvenus à le faire disparaître, et aujourd'hui encore, le chamanisme demeure très vivant dans maintes régions du pays. Le terme salp'uri signifie : "exorcisme d'une calamité". Danse religieuse, le salp'uri participait des cérémonies dirigées par les chamanes mudang. Son caractère artistique lui a valu d'entrer au répertoire de la danse classique coréenne. Danse d'exorcisme, le salp'uri présente une somme de sentiments divers (la tristesse, la résignation, la révolte, la colère, la lutte contre les mauvais esprits et contre les hommes). La danseuse soliste porte la robe blanche traditionnelle et une longue écharpe de soie qui symbolise le chemin que les morts doivent emprunter grâce à l'aide de la chamane. La danse procède par ruptures : la danseuse se déplace en glissant sur le sol puis s'immobilise après un tournoiement rapide. Après l'exécution d'un salp'uri, tous les participants se considèrent purifiés.

Musique et danse de cour
La tradition de cour coréenne s'est forgée tout au long de l'histoire du pays en syncrétisant des éléments importés de Chine depuis le début de notre ère avec des formes autochtones. Sous la dynastie de Choson, le répertoire de cour aak comprenait des musiques lentes et solennelles exécutées devant les sanctuaires royaux, lors des banquets royaux et pour accompagner les processions royales. Elles sont interprétées par de grands ensembles mêlant les instruments à cordes, les hautbois, les flûtes et diverses percussions : cliquettes, gongs, tambours'
Les danses de cour coréennes, d'une grande beauté, se caractérisent par le hiératisme et la noblesse élégante des gestes, l'harmonie géométrique des mouvements d'ensemble et la richesse des costumes de soie. Ce sont généralement des danses à programme inspirées de sujets historiques ou héroïques, ou des évocations bucoliques.

Pierre Bois

Cho Sung-Rae, direction
Lee Jun-Ah, chant
Lee Jae-Hyung
tambour chwago
Hwang Kyu-Sang
hautbois p'iri et
orgue-à-bouche saenghwang
Kim Byong-Oh
chant et flûte sogum
Lee Gun-Hoy
hautbois p'iri
Lee Jong-Gil
cithare kayagum
Kim Chang-Gon
cithare à archet ajaeng
Kim Sang-Jun
flûte traversière taegum
Park Seung-Hee
tambour-sablier changgo
et hautbois p'iri
Kim Jeong-Seung
flûte traversière taegum
et flûte droite tanso
Kim Jun-Hee
vièle haegum
Yoon Sung-Hye
cithare komun'go
Choi Yeon-Hyeong
danse
Hong Hyun-Soo
tambour-sablier changgo

Programme
Première partie ' Chant classique coréen
1.
-Sijo (chant court de style lyrique) : "Ch'ôngjoya..."
-Kasa (chant long de style narratif et lyrique) : "Ch'unmyôngok".
Chant et flûte taegum
Le sijo est un chant construit sur un court poème de trois vers. La forme originelle, appelée py'ông sijo, a donné naissance à deux formes dérivées : le chirum sijo et le sasol sijo. Sur le plan musical, le sijo se démarque très nettement des autres genres vocaux coréens et se caractérise notamment par une mélodie-type qui peut être chantée sur des poèmes différents.
La pièce Ch'ôngjoya décrit les sentiments d'une femme qui devine la passion de son soupirant à travers le chuchotis de l'oiseau bleu ch'ongjo.
Le kasa est un long chant narratif ; son texte est beaucoup plus long que ceux du kagok (chant lyrique classique) ou du sijo.
La pièce Ch'unmyongok dépeint, dans un style pictural, l'élan du sentiment amoureux lors d'une belle journée de printemps.

2. Kasa (chant long de style narratif et lyrique) : "Chukjisa".
Chant et hautbois p'iri
À travers une description de paysages, de coutumes et autres traits révélateurs de l'humanité des gens du peuple, cette pièce est une évocation de l'esprit de l'homme et de ses relations à la nature.

3. Yoch'ang-Kagok (chant lyrique pour voix de femme) : "Isaktaeyop" suivi de "P'yonsaktaeyop"
Chant et ensemble
Le kagok est un long cycle vocal accompagné par un ensemble d'instruments à vent et à cordes. Il était très apprécié des lettrés et des aristocrates au temps de la dynastie Choson (1392 ' 1910). Utilisant la forme poétique du sijo (poème de trois vers), le kagok se compose de cinq mouvements, d'un interlude et d'un prélude au chant suivant. Le répertoire de kagok se répartit selon deux modes musicaux : ujo (comparable au mode majeur) et kyemyonjo (comparable au mode mineur).
Remarquable d'élégance et de majesté, Isaktaeyop est une des pièces lentes du répertoire de kagok. La seconde pièce, P'yonsaktaeyop, est une représentation de l'amour pur, éternel, et une métaphore florale de la nature humaine.

4. Namyoch'ang Kagok (chant lyrique pour voix mixtes) : "Taep'yongga".
Chant et ensemble
Evocation de la paix universelle, ce kagok est le seul qui soit composé pour voix de femme et voix d'homme.

entracte

Seconde partie ' Musique instrumentale classique et danses

1. Duo pour saenghwang (orgue-à-bouche) et tanso (flûte droite en bambou) : "Yomyangch'un".
Fréquemment jouée dans une adaptation pour orgue-à-bouche et flûte, cette pièce composée dans le mode kyemyonjo, a été empruntée au répertoire de kagok. Elle mêle harmonieusement les sons tantôt brillants tantôt mystérieux de l'orgue-à-bouche à la clarté cristalline de la flûte, dans une ambiance pastorale et printanière.

2. Danse de cour "Ch'unaengjon" (Le chant du rossignol au printemps).
Cette danse en solo fut créée à l'époque du prince Hyomyong dans la dernière période de la dynastie Choson (XVIIIe siècle). Description du vol du loriot, elle peut être dansée par un homme ou par une femme. Dans le second cas, la danseuse porte une robe jaune qui s'inspire du plumage du loriot et une couronne de fleurs.

3. Solo de taegum (flûte traversière en bambou) : "Ch'ongsonggok".
Cette pièce est l'une des plus célèbres du répertoire pour flûte taegum, la grande flûte traversière en bambou, et pour tanso, la flûte droite à encoche. Son titre fait référence aux timbres clairs et aigus des instruments.

4. Danse Salp'uri.
Le terme salp'uri signifie littéralement : "exorcisme d'une calamité" et désigne une danse de tradition chamanique. La danseuse soliste porte la robe blanche traditionnelle et une longue écharpe de soie. La danse se fonde sur un rythme à 12/8, également appelé salp'uri. Dans une atmosphère mystérieuse et suggestive, la danseuse se meut en silence, déclenchant diverses émotions par les seuls mouvements de son corps et de son écharpe. Le style du salp'uri peut varier selon les danseuses, cependant il doit toujours respecter l'esprit de la danse et sa fonction : porter l'agonie et l'extase du voyage de la vie.

5. "Ch'imhyangmu" pour kayagum solo (comp. Hwang Byung-Ki).
Le titre de cette 'uvre, composée en 1974 pour la cithare à douze cordes kayagum, fait référence à une danse exécutée dans les fumées de l'encens. La musique met en valeur l'affinité des images affectives dans les cultures indienne et coréenne et évoque le temps du royaume de Silla (57 av. J.-C. ' 935 ap. J.-C.), quand l'art bouddhique sublimait la beauté en exaltation religieuse.

6. Musique de cour Aak : "Sujech'on" (Une vie aussi éternelle que le ciel)
Cette 'uvre majestueuse et élégante est la plus représentative du répertoire de cour coréen. Elle accompagnait autrefois les processions royales et les danses de cour. Sur le plan musical, elle fait appel au principe du yonum, selon lequel chaque phrase mélodique conduite par le p'iri (hautbois en bambou) est relayée par tous les autres instruments de l'ensemble.

Contributeurs

Origine géographique

Corée

Mots-clés

Date (année)

1999

Cote MCM

MCM_1999_KR_S1

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Corée. Musiques des lettrés, musique et danse de cour. Photos Corée 1999-03-22 Photo numérique
Corée. Danse chamanique salp'uri et danse de cour "Ch'unaengjon" (Le chant du rossignol au printemps). Photos Corée 1999-03-22 Photo numérique
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3e Festival de l'Imaginaire 1999