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Indonésie. Gambuh, théâtre classique balinais. Mahomayana, pèlerinage au Mont Pengebel. Spectacle

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Évènement

Titre

Indonésie. Gambuh, théâtre classique balinais. Mahomayana, pèlerinage au Mont Pengebel. Spectacle

Sous-titre

Ensemble Gambuh de Kedisan

Date

2000-04-30

Artistes principaux

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Théâtre

Description de la pratique

27-30 avril 2000
Le gambuh s'est développé à l'apogée des royaumes hindouistes balinais au XVIe siècle. Il est l'ancêtre et la base de toutes les formes artistiques qui ont vu le jour à Bali pendant les siècles suivants, tant du point de vue de la danse que de l'accompagnement musical par l'orchestre de gamelan.
Les cours princières de Bali furent les héritières des fastueuses cours royales de Java qui, du VIIIe au XVe siècle, connurent une gloire immense. Des formes artistiques prestigieuses y fleurirent puisant largement leur inspiration dans des sources littéraires apportées de l'Inde ancienne par des lettrés indiens. Lors de l'islamisation de Java au XVIe siècle, la noblesse et le clergé javanais du royaume de Majapahit se réfugièrent à Bali ; ces formes artistiques furent ainsi sauvegardées et entretenues pendant des siècles.
Le gambuh est une forme de théâtre total incluant danse, musique et dialogues. Venu de Java, il reprend un thème connu de la littérature classique javanaise, le malat, grande geste historico-mythique contant les amours malheureuses du prince Panji et de sa bien-aimée, Candra Kirana, appelée Galuh par les Balinais. À Bali, cette source littéraire est en général conservée et transcrite sur des manuscrits traditionnels en feuilles de palmier rondier, les lontar. Le manuscrit contenant l'ensemble des épisodes de gambuh contient environ cent pages en langue kawi (ancien javanais) transcrites dans l'alphabet local. Il serait impossible de représenter l'ensemble de la geste et seuls certains épisodes sont joués. Le manuscrit est en général conservé pieusement par le chef ou le doyen de la troupe dans un emplacement spécial.

La représentation traditionnelle
Le gambuh reflète le code de valeurs et les normes sociales en vigueur au temps des cours princières de Java et de Bali qui connurent des alliances politiques, des mariages et de nombreux échanges. On y retrouve constamment la lutte entre le bien et le mal d'où le bien sort vainqueur. À la base, l'intrigue est toujours la même et, si elle se développe suivant différents scénarios, elle se fonde sur les mêmes schémas relationnels entre les personnages. Véritables archétypes, ils apparaissent régulièrement dans le même ordre et exécutent les mêmes chorégraphies.
Leurs noms varient mais les valeurs qu'ils représentent sont toujours les mêmes. Les costumes, les jeux de scène et les dialogues sont également stéréotypés.
Les personnages nobles s'expriment en kawi (ancien javanais), incompréhensible pour le public d'aujourd'hui. Les serviteurs, qui parlent entre eux le balinais ordinaire, ont donc un double rôle : faire rire et servir d'intermédiaires entre les personnages nobles et le public.

L'évolution du gambuh
Art de cour, le gambuh était joué dans les palais, notamment lors de la visite d'hôtes de marque. Il bénéficiait donc d'un véritable mécénat de la part des monarques qui finançaient et entretenaient ces troupes dites sekaa. Celles-ci fleurirent un peu partout à Bali pendant de nombreux siècles et plusieurs subsistent encore de nos jours.
La colonisation de Bali par les Hollandais au début du XXe siècle ' alors qu'ils dominent le reste de l'archipel depuis déjà trois cents ans ' sonne le glas des cours princières. Faute de mécènes, le gambuh tombe pratiquement dans l'oubli.
Parallèlement, d'autres formes artistiques dérivées voient le jour : le topeng (danse masquée), l'arja (opéra), ainsi que de nombreuses danses en solo. Ces nouvelles formes étant réputées plus attrayantes parce que d'un accès plus facile, l'intérêt porté au gambuh disparaît peu à peu.
Heureusement, les communautés villageoises (banjar) décident de prendre le relais afin que cette forme artistique noble et ancienne ne s'éteigne pas complètement.
Grâce à elles, le gambuh connaît un renouveau après la Deuxième Guerre Mondiale. Bien que devenu difficile d'accès pour un public populaire, en raison de la barrière de la langue, de l'aspect figé de l'intrigue et des dialogues, certains villages réussissent à faire revivre le gambuh : Batuan, Pedungan, Jungsri, Kedisan. Dans certains endroits, le gambuh fait l'objet d'une rénovation, on y ajoute de nouveaux éléments d'intrigue et des épisodes comiques chargés parfois d'une satire sociale.
Autrefois, et c'est encore le cas dans certaines troupes comme celle de Kedisan, les acteurs étaient exclusivement masculins, car il était interdit aux femmes de jouer.
Les rôles féminins étaient donc dévolus à des hommes. Actuellement au contraire, certains rôles masculins sont confiés à des femmes en raison de la nature délicate
et raffinée du personnage.
À mesure que les communautés villageoises prennent le relais des cours, le gambuh change de fonction : il entre désormais dans les spectacles des fêtes de temple (odalan) qui ont lieu tous les 210 jours selon le calendrier rituel balinais. À cette occasion, toutes sortes de contributions sont offertes aux dieux qui sont censés descendre sur terre pour une période déterminée et sont accueillis et "divertis" par les humains : offrandes, danses de transe, travail collectif dans le temple, spectacles.
De ce fait, on distingue désormais à Bali trois types de danses : tari bali (danses sacrées ou danses d'offrande), tari bebali (danses ou spectacles donnés lors des cérémonies à titre de contribution) et tari balihbalihan (spectacles purement profanes).
Le gambuh fait donc partie des tari bebali. Il est représenté dans la cour intermédiaire du temple, là-même où le présent enregistrement a été réalisé. Le spectacle est donné sur une scène improvisée et fait l'objet d'offrandes particulières visant au succès de la représentation et à la protection des coiffes de danse (gelungan).
Le gambuh de Kedisan
Kedisan est un petit village situé au centre de l'île, dans la circonscription de Sebatu, district d'Ubud, département de Gianyar.
Une fois passés le village de Sebatu, l'urbanisation de l'île se fait moins dense. La route serpente entre les rizières, sur une sorte de plateau, et pénètre en longeant le temple dans le petit village de Kedisan. Disposées de part et d'autre de cette route unique, les maisons offrent un visage bien différent de celles des autres villages. Pas de boutiques ni d'ateliers de sculpture sur bois. Le visiteur se sent transporté quelques dizaines d'années en arrière. Relativement isolé des autres villages, Kedisan vit encore aujourd'hui au rythme des cultures et des cérémonies de temple.
Le gambuh est représenté à titre de contribution à chaque fête de temple du village de Sebatu, en particulier celle du pura subak, ou temple des rizières. Ce dernier comprend un temple principal et plusieurs temples secondaires tous consacrés à des dates différentes, ce qui implique plusieurs représentations dans l'année.
La troupe de gambuh de Kedisan est composée de onze acteurs-danseurs et de douze musiciens. C'est une des dernières à perpétuer l'interprétation ancienne qui impose notamment que tous les rôles soient interprétés par des hommes.
Le chef de la troupe, Gusti Ngurah Mangku Puja, détient le manuscrit lontar gegambuhan qu'il est un des seuls à pouvoir déchiffrer. Agriculteur, prêtre bénévole chargé des rites familiaux, il est lui-même acteur, danseur et, en d'autres occasions, montreur de marionnettes (dalang).
Les acteurs ne sont pas des artistes professionnels. Comme tous les Balinais, ils ont continué de faire vivre cette forme tout en se livrant à leurs activités quotidiennes et à l'entretien de leurs rizières.
AGNÈS KORB

La musique
Le gamelan gambuh est l'ensemble musical qui accompagne le drame. Il est dirigé par deux tambours kendang. La partie mélodique est confiée à quatre grandes flûtes suling et une vièle rebab. La ponctuation est assurée par des gongs de différentes tailles, divers métallophones à lames ou à tiges, des clochettes et des cymbales.
Dans une île où prédominent les orchestres de percussions, la musique du gambuh, où se mêlent les sons des flûtes, des tambours et des idiophones, participe pour beaucoup à la spécificité esthétique de cette forme et à son originalité.
Le suling gambuh, au timbre doux et velouté, est la plus longue et donc la plus grave des flûtes balinaises. Les quatre suling jouent à l'unisson et sont doublés par le rebab, une vièle à deux cordes dont la caisse triangulaire est recouverte d'une peau en boyau de buffle. Alors que le jeu à l'unisson est assez strictement réglé entre les flûtes, l'interprétation du rebab fait preuve de beaucoup plus de liberté et d'indépendance.
La ponctuation principale est assurée par le grand gong à mamelon kempur, qui est suspendu à un cadre vertical et par un petit gong à mamelon renfoncé kajar qui est posé à terre ou sur les jambes, une main frappant le gong avec le maillet et l'autre se tenant prête à se poser sur l'instrument pour en étouffer la résonance. Le kelenang, petit gong bulbé au timbre aigu posé sur un cadre horizontal, et le kenyir, métallophone à deux ou trois lames, assurent sous la forme d'un jeu alterné une ponctuation secondaire créant ainsi un fond rythmique continu qui comble les silences du kempur et du kajar. D'autres instruments rythmiques complètent l'ensemble, deux petits tubes ou tiges de métal frappées gumanak, un jeu de clochettes gentorag, ayant la forme d'un petit arbre, et un jeu de petites cymbales ceng-ceng.
La fonction directrice est assurée par les deux tambours kendang, tambours horizontaux à deux peaux, le plus grand et le plus grave étant le wadon (femelle) et le plus petit et le plus aigu, le lanang (mâle). Le kendang wadon joue les temps principaux et le kendang lanang les temps secondaires, c'est pourtant ce dernier qui est considéré comme le tambour principal car c'est lui qui introduit les changements de tempo et de dynamique.
Les compositions instrumentales d'un drame de gambuh sont appelées gending pegambuhan. On peut les subdiviser en deux groupes : les compositions en deux mouvements, de grande dimension métrique, appelées tabuh telu et celles en un seul mouvement et à la structure métrique plus ramassée, appelées tabuh besik.
Les gending en deux mouvements (tabuh telu) se composent d'un pengawak de tempo lent suivi sans interruption d'un pangecet plus animé. Elles accompagnent les scènes calmes et les entrées des personnages principaux (alus), c'est pourquoi on les appelle aussi gending alus. Le pengawak accompagne les entrées et sert de fond sonore aux dialogues, tandis que le pangecet accompagne les parties dansées.
Les compositions en un seul mouvement (tabuh besik) sont généralement rapides et brèves. Également appelées gending kras, elles accompagnent certains passages dramatiques et les scènes d'action.
Pendant la représentation, les gending s'enchaînent sans interruption, parfois même imperceptiblement comme en fondu-enchaîné. Elles peuvent aussi être reliées par une pièce semi-improvisée (sesendon) aux flûtes et à la vièle, qui indique un changement de lieu, un moment d'indécision, une pause dans l'action, ou annonce un changement d'échelle musicale.
La musique de gambuh est pentatonique. Les quatre échelles musicales qui y sont utilisées sont construites à partir de l'échelle heptatonique sur laquelle sont accordées les flûtes. Ces quatre échelles pentatoniques : tembung (appelé aussi sunaren), selisir, baro et lebeng, sont inégalement utilisées. Les deux plus courantes sont tout d'abord le selisir, considéré comme idéal pour les compositions raffinées gending alus, puis le tembung au caractère plus sombre, jugé approprié aux scènes martiales. Le baro apparaît dans les entrées des personnages secondaires et le lebeng, assez tard dans la représentation, dans certaines scènes dramatiques.
En conclusion, ces quelques lignes de Colin McPhee (Music in Bali, 1966) résument bien le caractère de la musique du gambuh : "À mesure que les gending s'enchaînent sans répit, l'effet produit est celui d'une ligne mélodique continue, au tempo fluide, à la couleur perpétuellement changeante du fait des modulations et des changements de rythmes. Avec ses gongs à sons fixes qui, selon les échelles, sonnent différemment avec la mélodie, et son accompagnement chromatique et tintinnabulant de petits métallophones, le gamelan gambuh est un véritable ensemble atonal".
PIERRE BOIS

MAHOMAYANA, Pèlerinage au mont Pengebel
Cet épisode a été choisi en fonction du rôle donné à la représentation du gambuh dans le village de Kedisan : contribuer à la réussite de la cérémonie du temple grâce à un récit qui présente des similitudes avec la cérémonie pour laquelle il est mis en scène.
L'histoire correspond à une seule des cent pages du manuscrit, ce qui permet d'en imaginer la longueur totale. Elle met en scène un nombre limité de personnages.
Panji n'est pas le personnage central. Sous le nom de Rangga, il se cache sous les traits du premier ministre d'un roi chez qui l'ont mené ses longues pérégrinations à la recherche de sa fiancée.
Ce roi qui s'appelle Prabu est le souverain du royaume de Gagelang. Il veut célébrer une grande cérémonie de purification pour libérer le royaume de tous les dangers qui le menacent. La cour et le peuple doivent donc se rendre en procession sur le Mont Pengebel (situé à Java) afin d'y effectuer les rites nécessaires.
Après une réunion plénière de tous les dignitaires, c'est le départ. Le déroulement du pèlerinage et de la cérémonie elle-même n'est pas détaillé.
Le félon Tan Mundur (litt. Sans Peur) règne sur le royaume voisin de Pemohotan. Ennemi juré de Prabu, il attend le cortège qui revient de la cérémonie et s'apprête à lui tendre une embuscade en pleine forêt. Une bataille s'ensuit d'où Prabu et ses sujets, purifiés, sortiront vainqueurs.
1. Prélude instrumental
2. La reine et sa suivante
Apparition dansée et chantée de Condong, dame d'honneur de la reine et de noble naissance. Elle annonce l'arrivée de la reine.
Entrée de la reine Galuh qui, après une chorégraphie exécutée avec sa dame d'honneur, prend la parole. Elle annonce qu'elle doit rencontrer son époux, le roi Prabu de Gagelang, en vue des préparatifs de la cérémonie de purification mahomayana qui doit se dérouler sur le Mont Pengebel afin d'assurer paix et prospérité au royaume.
3. Le bon roi Prabu, Rangga-Panji et la cour
-L'arrivée du roi est annoncée par les deux préfets Damang et Tumenggung qui dansent ensemble dans un style comique, s'interpellant d'un '"Hé, frère, ne te tiens pas si loin de moi, viens plus près !", puis s'assoient sur le côté de la scène.
-Brève apparition de Panji, suivi par les officiers du roi arya-arya. Panji sort, les officiers dansent.
-Entrée de Panji. Sous le nom de Rangga, il est parvenu à se faire nommer premier ministre (patih) grâce à sa grande vertu et ses qualités exceptionnelles.
-Entrée en scène du roi Prabu qui effectue ensuite un solo magistral tout en chantant. Son arrivée est saluée respectueusement par les dignitaires. Il est bientôt rejoint par Semar, son serviteur et bouffon.
Après une entrée en matière chantée et dansée dont la longueur reflète bien le protocole des anciennes cours balinaises, suit un dialogue au cours duquel le roi s'entretient avec ses ministres des détails de la cérémonie qu'il va célébrer.
Les dignitaires répondent en choeur aux propos de leur souverain. Puis c'est le départ.
4. Le roi félon Tan Mundur, l'embuscade
Apparition de Tan Mundur, roi de Pemohotan. Il est lui aussi suivi de son serviteur.
Il prépare l'embuscade dans laquelle il compte faire tomber Prabu et sa cour à leur retour de pèlerinage.
5. La bataille finale
L'embuscade a lieu, elle se déroule en une série de défis et de combats soigneusement orchestrés. Le roi félon Tan Mundur est finalement vaincu par Prabu, souverain du royaume de Gagelang.
6. Postlude instrumental

L'ENSEMBLE GAMBUH DE KEDISAN
ACTEURS-DANSEURS
Gusti Ngurah Mangku Puja, Prabu
Gusti Ngurah Lawa, Galuh
Jro Mangku Brata, Rangga-Panji
I Nyoman Melek, Condong
I Nyoman Satri, Semar
Jro Mangku Rena, Tumenggung
I Wayan Bidel, Demang
Gusti Ngurah Widiantara, un officier
I Nyoman Nakti, un officier
I Nyoman Budiasa, Tan Mundur
I Made Kardita Bandem, Togog

MUSICIENS
I Made Darsana, suling
Gusti Ngurah Rijasa, suling
I Wayan Budal, suling
I Pande Putu Mangku Manggih, suling
Gusti Ngurah Toya, rebab
Gusti Ngurah Gede Mangku, kendang
Gusti Ngurah Daya, kendang
I Wayan Jegjeg, kempur et gentorag
I Made Gemuh, kajar
I Nyoman Jaya, kenyir, kelenang, gumanak
I Ketut Kecir, ceng-ceng

Un spectacle produit par la Maison des Cultures du Monde avec le concours du Centre Culturel Français de Djakarta.
Remerciements Chantal Larguier, I Nyoman Jaya, Kati Basset, Albert Boncourt, l'Alliance Française de Bali.

Contributeurs

Origine géographique

Indonésie

Mots-clés

Date (année)

2000

Cote MCM

MCM_2000_ID_S1

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Titre Localisation Date Type
Indonésie. Gambuh, théâtre classique balinais. Mahomayana, pèlerinage au Mont Pengebel. Photos Indonésie 2000-04-27 Photo numérique
Titre Localisation Date Type
4e Festival de l'Imaginaire 2000