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Kurdistan iranien. Ali Akbar Moradi, chant et tanbûr. Abbas Bakhtiari et Pejman Hadadi, tambours daf et tombak. Spectacle

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Titre

Kurdistan iranien. Ali Akbar Moradi, chant et tanbûr. Abbas Bakhtiari et Pejman Hadadi, tambours daf et tombak. Spectacle

Date

2002-03-26

Date de fin

2002-03-27

Artistes principaux

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Musique

Description de la pratique

26-27 mars 2002
Région d'Asie occidentale, le Kurdistan, peuplé en majorité de Kurdes, s'étend du Taurus et des montagnes d'Arménie à l'ouest aux monts Zagros à l'est, et du Caucase au nord à la plaine mésopotamienne au sud. Tout au long de l'histoire, le Kurdistan s'est caractérisé par une grande diversité religieuse. Aujourd'hui encore, on y célèbre la fête préislamique du nowruz, qui marque le début de la nouvelle année à l'équinoxe de printemps. Depuis le XVIe siècle, les Kurdes se sont convertis à l'islam, majoritairement sunnite, la minorité chiite étant estimée à 7% de la population. Les deux principales confréries soufies présentes au Kurdistan sont la Qadiriyya et la Naqshbandiyya. Trois autres communautés hétérodoxes s'y sont également développées, les Alevi, les Yezidi et les Ahl-e Haqq.
Les deux dialectes principaux, le kurmanji et le sorani, appartiennent tous deux au rameau sud-ouest des langues iraniennes. La poésie chantée, cependant, fait appel à bien d'autres dialectes tels que le horami et le zaza pratiqués respectivement par les Ahl-e Haqq et les Alevi.
Le concept de musique n'existe pas en kurde et il est généralement traduit par les termes saz ou tanbûr qui désignent deux types de luth à manche long utilisés en Asie occidentale et centrale. Les pratiques musicales sont assez variables selon les régions (Turquie, ouest de l'Iran, nord de l'Irak), mais elles peuvent grosso modo se subdiviser en quatre catégories: les chants épiques, narratifs ou poétiques interprétés par des bardes qui s'accompagnent au luth (luths à manche long tanbûr ou saz, luth à manche court 'ûd), les musiques de danse chantées ou jouées par un hautbois (zurna) et un tambour cylindrique à deux faces (dohol), les chants de fête (principalement de mariage) et de travail, et la musique religieuse. Il ne saurait donc être question comme dans les traditions arabe, persane ou turque d'une tradition savante et d'une tradition populaire distinctes, mais plutôt d'une tradition à la fois savante et populaire, qui intéresse l'ensemble de la population tout en exigeant pour certains de ses genres une formation et une spécialisation de ses interprètes.
La musique kurde s'inscrit dans un contexte géoculturel qui privilégie très largement le principe modal. Tant dans les traditions arabe orientale que turque ou persane, le cheminement mélodique est commandé par un système de modes appelés maqâm. Chaque maqâm se caractérise par une échelle de notes spécifique et soumise à une hiérarchie précise; de ce fait, chaque mode véhicule un ethos qui lui est propre et qui donne sa couleur émotionnelle à la musique qui est jouée. Les Kurdes utilisent le terme maqâm dans un sens bien différent. En effet, la musique kurde utilise une seule échelle modale, à laquelle ils ne donnent pas de nom mais que leurs voisins ont tout naturellement appelée mode kurd (ou kurdi). Le terme maqâm est utilisé pour désigner des motifs mélodiques types, strictement répertoriés et auxquels sont associés des états émotionnels bien différenciés : maqâm-e sahari, maqâm-e sheykh-amiri, maqâm-e shushtari'
Les maqâm kurdes se répartissent en trois catégories : les maqâm de Kalâm, aux rythmes amples et qui servent à la prière ; les maqâm majlessi, 'de réunion', qui sont des chants sans rythme imposé, servant au récit long : épopées, histoires d'amour, problèmes sociaux' ; les maqâm madjazi, aux rythmes vifs, exprimant les joies terrestres et les feux de l'amour.
C'est sans doute au sein de la communauté des Ahl-e Haqq que l'art du tanbûr kurde a connu son plus grand développement, la musique y étant l'une des formes principales de dévotion et le tanbûr y occupant une place centrale en tant qu'instrument sacré.
Les Ahl-e Haqq sont une communauté religieuse minoritaire, dont la plupart des adeptes, au nombre d'environ un million, vivent en Iran. Leur nom peut être diversement traduit par "gens de l'Absolu", "adeptes du Vrai"'
Identifié depuis le Moyen-Âge, leur culte est considéré comme hérétique, tantôt dualiste, tantôt licencieux, par les ulémas sunnites et chiites duodécimains. Les Ahl-e Haqq font partie d'un ensemble de sectes assimilées au chiisme, regroupées par leurs adversaires sous l'épithète collectif de 'Ali Ilâhi, littér. "ceux qui déifient 'Ali". Mais dans le cas des Ahl-e Haqq, cette divinisation est relative, puisque le cousin et gendre du Prophète n'est que l'une des sept manifestations de la divinité. La dernière de ces manifestations est le fondateur de leur ordre, un mystique du XVe siècle nommé Soltan Eshâq. Le corpus des croyances des adeptes présente des affinités avec le gnosticisme, le manichéisme, le mithraïsme. Il intègre des éléments d'origine préislamique comme la transmigration des âmes et la réincarnation. Il s'inscrit dans la lignée de la religion astrale avec ses pratiques d'origine sabéenne et peut-être babylonienne.
La musique est l'une des formes principales de la dévotion religieuse. Chaque famille en entretient la pratique constante, les enfants étant familiarisés très tôt avec les chants cérémoniels. Bien qu'elle n'exclut pas la recherche de la virtuosité et la composition de maqâm sophistiqués, cette pratique ne débouche en principe pas sur une activité concertante. Elle était jusqu'à une date récente réservée à l'audition mystique. Sa structure complexe n'a donc guère été étudiée et l'on se contente d'habitude d'en référer à son enracinement dans le fonds populaire kurde.
Pour appréhender les chants et la musique d'Ali Akbar Moradi, il convient de prendre la mesure de la spécificité des traditions de la région dont il est issu. Les hauteurs de Gourân, dans la région de Kermânshâh, abritent sans doute une des subdivisions les moins connues de la secte des Ahl-e Haqq, dont il a beaucoup été question dans diverses relations de voyages mais dont on ne peut dire qu'elle ait fait l'objet d'une étude véritable car elle est difficile à contacter en raison des pressions terribles qu'elle subit de la part des ulémas, surtout des sunnites kurdes dans le passé et des chiites persans au cours des vingt dernières années. En l'absence de tradition écrite unifiée, il faudrait procéder au recoupement systématique de toutes les sources orales, qui sont de toute manière plus crédibles que les témoignages écrits des détracteurs des Ahl-e Haqq. Il est en outre très difficile de faire la part de l'authentique et de l'importé : Ali Akbar Moradi ne manque pas d'interpréter, en traduction kurde approximative, une poésie mystique persane classique qui véhicule des valeurs d'humanisme en se référant à l'islam canonique. Faut-il être plus traditionaliste que la tradition et considérer que ces textes ne devraient pas figurer dans le répertoire?
Le tanbûr est sans doute le plus ancien des instruments à cordes de l'Iran. Des représentations sur les bas-reliefs de Suse et les fragments de Teppe Banû-Yûnes attestent une origine vieille de cinq mille ans. Il est dit dans Le Livre des Rois que le héros Rostam doit en jouer pour accomplir sa quatrième épreuve. Les poètes mystiques des premiers siècles de l'hégire en mentionnent l'existence. Mowlanâ (Rûmi) dit que "la plainte du tanbûr rompt les chaînes de la vie matérielle dont nos mains sont liées".
Ce luth est pratiqué en continu par les Ahl-e Haqq depuis huit siècles. Les 70 maqâm du rituel ont environ un millénaire d'existence. La région d'élection de cette pratique instrumentale et liturgique est celle de Gourân, dans la province de Kermânshâh. Là résident des Kurdes particulièrement fidèles à leurs traditions. Toutes les cérémonies, y compris les zikr (remémorations), y sont accompagnées par le tanbûr. Les musiciens sont généralement appelés derviches même s'ils sont profanes et non initiés.
L'instrument utilisé dans la tradition des Ahl-e Haqq est le tanbûr tisfûni (de Ctésiphon, ancienne capitale sassanide). C'est un luth à manche long et fretté, à caisse piriforme, mesurant environ un mètre. Il est confectionné dans du bois de merisier et ses deux ou trois cordes de métal sont jouées avec tous les doigts.

Ali Akbar Moradi est né à Gourân, dans le Kurdistan iranien, non loin du chef lieu de province Kermânshâh. Initié par son grand-père, son apprentissage commence à l'âge de six ans. Plus tard, il suivra les cours de Seyyed Hâchem, de Kafâshyân, Alavi,
Darvishi, Hamidi et Seyyed Vali Hosseïni afin d'acquérir la maîtrise de tous les maqâm usuels du tanbûr kurde. Il donne son premier concert solo à l'âge de 14 ans, à Kermânshâh. Un an plus tard, il s'associe à deux autres musiciens, Qâdemi et Elqâssi, pour fonder le premier groupe de tanbûr au sein du département culturel de la ville. Il commence à tourner dans différentes villes d'Iran. Sa notoriété s'affirme à partir de 1981 grâce à la collaboration avec le chanteur Shahrâm Nâzeri qui l'emmène en tournée en Europe, au Canada et aux États-Unis. En 1991, il est lauréat du premier prix au Festival des instruments à cordes. À partir de 1992, il entame des recherches sur les anciens maqâm et enregistre plusieurs cassettes. Il fonde en 1998 le groupe de tanbûr Lavâtch, avec lequel il donne des concerts et enregistre une cassette. En octobre 2000, il présente un concert en compagnie de son fils au Royal Festival Hall de Londres. Outre ses recherches et tournées, il enseigne le tanbûr à Téhéran et Kermânshâh.
Abbas Bakhtiari est né en 1957 à Bandar Shapour, dans le sud de l'Iran. Initié par son père à la musique traditionnelle persane, il a appris les techniques du tambour zarb auprès du maître Hamdawi. Installé à Paris depuis 1983, il s'est perfectionné dans le chant avec Hossein Omoumi et Shahram Nâzeri. Depuis 1990 il pratique et enseigne le tambour daf qu'il a appris avec Ardechir Kamkar et Ardechir Fahimi. En 1990 il fonde à Paris le centre culturel Pouya qu'il dirige depuis lors.
Né en 1969 à Téhéran, Pejman Hadadi est un virtuose du tombak et du daf. Il a été acclamé comme "le meilleur percussionniste iranien vivant en Occident". C'est à l'âge de 10 ans qu'il commence l'apprentissage du tombak avec les maîtres Asadollah Jejazi et Bahman Rajabi. En 1990, il émigre aux États-Unis où il accompagne des ensembles de musique persane et des artistes comme Hossein Alizadeh, Parisa, Hossein Omoumi et Ali Akbar Moradi.

A écouter: Musique kurde d'Iran
ALI AKBAR MORADI
Odes mystiques et musique profane
CD W 260103

Remerciements à Abbas Bakhtiari, Centre Culturel Pouya, Joël Basternaire, Ameneh Youssefzadeh.


PROGRAMME
Ali Akbar Moradi, chant et sehtâr
Pejman Hadadi, daf et tombak
Abbas Bakhtiari, daf

Première partie
Musique mystique pour le tanbûr
Improvisations sur Hejrani et Allah waisi
Ali Akbar Moradi, chant et tanbûr
Pejman Hadadi, daf et tombak

Entracte

Deuxième partie
Musique profane kurde
Akh laylo dakh layl
Sarve naz
Ay goli men
Chaw jowani
Garian
Trio de percussions
Sorah gollakay madrassah

Contributeurs

Origine géographique

Iran
Kurdistan

Mots-clés

Date (année)

2002

Cote MCM

MCM_2002_IR_S1

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Kurdistan iranien. Ali Akbar Moradi, chant et tanbûr. Abbas Bakhtiari et Pejman Hadadi, tambours daf et tombak. Vidéos Iran 2002-03-26 Vidéo numérique
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6e Festival de l'Imaginaire 2002