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Japon. Théâtre rituel masqué, Hayachine Kagura. Spectacle

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Évènement

Titre

Japon. Théâtre rituel masqué, Hayachine Kagura. Spectacle

Date

1983-06-18

Date de fin

1983-06-21

Artistes principaux

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Cérémonie, rituel

Description de la pratique

18-21 juin 1983
Lorsque la déesse solaire Amaterasu Omikami eut sa grande colère contre son jeune frère Susano-o-no-Mikoto, le dieu des mers, elle bouda la création entière et se cloîtra dans la caverne de Ame-no-Twaya. La terre entière fut ainsi privée de lumière et la vie pour les dieux et pour les hommes devint insupportable.
C'est alors que la jeune déesse Ame-no-Uzume-no-Mikoto se mit à chanter et à danser devant l'entrée de la grotte fermée par un énorme rocher.
Sa danse et son chant, comiques et parodiques, provoquèrent un rire général qui, malgré l'obscurité secoua toute l'assistance. Curieuse, la déesse du soleil entrebâilla le roc qui fermait la caverne et, aussitôt quelqu'un fit rouler la pierre dans l'abîme. C'est ainsi que la lumière réapparût sur la terre.
Le mot kagura viendrait de Kamukura (le siège des dieux). Les Kagura primitifs se déroulent de la façon suivante: un endroit choisi représente ce siège des dieux que les villageois appellent alors sur la terre en offrant les produits de la terre et de la mer. Le village entier se rassemble et chante et danse devant les dieux en signe de gratitude pour leurs diverses bénédictions. Ainsi la musique et la gestuelle des kagura peuvent être considérées comme des litanies divines
Les kagura de Hayachine (montagne sacrée ouverte par l'arrivée du bouddhisme tantrique, devenue le symbole de l'univers entier) concrétisent un culte dit de montagne, originaire des villages de Otsugunai et de Take. Cette région se situe à 600 km au nord de Tokyo. Aux temps des anciens jours disent les Japonais, les moines Yamabushi (ascètes pratiquant le mysticisme au coeur des montagnes les plus reculées jouent les kagura, c'est pourquoi les kagura de hayachine portent aussi le nom de yamabushi kagura Si tous les kagura possèdent les mêmes caractéristiques générales (musiques, danses très appuyées, masques, définition de l'aire de jeu prière), elles diffèrent d'un village à l'autre par quelques détails. Par exemple, bien que tous les masques du kagura soient un peu plus grands que l'échelle humaine, les masques des dieux des montagnes de Otsugunai ouvrent la bouche, tandis que ceux de Take ont la bouche fermée. Les danses du premier village se déroulent sur un rythme à sept temps, celles du second sur un rythme à cinq temps. Les kagura de Takachiho (dans le kyushu) nécessitent certains accessoires, alors que dans d'autres villages la scène nue est exigée.
Cependant, même si la litanie divine est dirigée par un prêtre, le kagura est exécuté par des hommes (toujours) et par des hommes non- professionnels.

Les danses
Les danses se répartissent en deux catégories : les shikimai ou danses de cérémonie et les shikigaimai ou danses ordinaires. Un kagura doit en principe commencer par une série de six shikimai. Lorsque les villageois exécutent un kagura au cours de la journée, ils dansent l'omotemai et le soir 1'urumai. Ces deux types appartiennent aux danses de cérémonies et s'allient toujours par paire. Les costumes et les accessoires utilisés sont les mêmes, bien que les personnages et le type de musique soient différents.
Les danses de shikigaimai comprennent les kaminai (danses des dieux), les aramai (danses rudes et dynamiques), les onnamai (danses des personnages féminins), les samuraimono ou banrakumai (danses des samouraïs et guerriers).
En plus, parfois, les villageois jouent les kyogen (farces) ou la fameuse danse du lion, le gongenmai.
Lorsque les exécutants se trouvent sur le point de donner un kagura, ils purifient tout d'abord l'aire de jeu (le siège des dieux) par une aspersion de saké et par des offrandes. Puis les musiciens s'installent et appellent les dieux par le chant et le jeu des instruments. Viennent ensuite les danses shikimai suivies par une pause, le nakairi au cours de laquelle les danseurs s'entretiennent avec le public depuis le podium central. Les danses de type différent sont exécutées après et durent parfois jusqu'à l'aube. La conclusion du rituel se fait avec le gongenmai danse où le dieu se rend visible sous la forme d'un lion. Les offrandes de saké et d'argent terminent cette dernière danse. Une prière spéciale destinée à renvoyer les dieux clôt la cérémonie.

La musique et le chant
Les instruments de base consistent en une flûte, un tambour et une paire de petites cymbales. La mélodie est produite par la flûte et le chant.
Le DOKO tambour conduit la musique et la danse. Le musicien frappe les deux peaux grâce à deux baguettes solides destinées à produire des rythmes vigoureux.
Le SHO (cymbales) s'accorde sur le rythme du tambour. Cet instrument accompagne presque toutes les musiques de théâtre et de rituel en Asie.
La FLUTE de bambou plus délicate de mélodie que le chant sort de derrière un rideau, place où se tient le musicien pour jouer. Le chant s'exécute aussi derrière le rideau par un ou plusieurs acteurs-danseurs, lorsqu'ils n'interviennent pas directement sur la scène.
Quelquefois, le chanteur engage un duel musical avec le tambour sur la scène.
Le chant consiste en deux éléments primordiaux : la narration qui décrit le caractère du personnage et la situation de la scène exécutée et le dialogue pour le dynamisme dramatique du danseur. Il arrive qu'au cours de ce dialogue, le joueur de tambour se mette aussi à chanter. Le chant ainsi que toute la structure du rituel présente des similitudes avec le théâtre Nô. Les airs font partie des styles de musiques traditionnelles japonaises telles que le dokyo (chant de sutra), mélodies populaires, zarenta (chants comiques). Les mots chantés se révèlent parfois difficiles à comprendre, car transmis oralement, depuis des siècles, ils tirent leur origine de différents dialectes.
Les populations japonaises réalisent immédiatement qu'un kagura va se dérouler lorsqu'ils entendent le tambour le sho et la flûte. Les acteurs de kagura marchent en procession et pénètrent dans le village.

Le siège des dieux
La scène ou aire de jeu des kagura consiste en un carré de 3,60 mètres de côté. Ces dimensions restent les mêmes, que le rituel se déroule dans un temple ou dans une maison privée. Le rideau qui pend à l'arrière de la scène se nomme shimemaku. Une épaisse tresse de paille, le shimenawa orne le haut du rideau. Toutes les entrées et les sorties se font par ce rideau.
Le public assiste au rituel sur trois côtés de la scène. Les musiciens prennent place en face du rideau en tournant le dos au public. Les acteurs de kagura, avant chaque représentation, prennent soin de décorer la scène avec les hei (papiers découpés sacrés). A partir de ce moment, la scène devient un espace consacré d'où les femmes sont strictement exclues.

Le répertoire
Dérivé en partie du culte shinto, le répertoire de kagura est beaucoup plus ancien que celui du Nô. Les histoires dérivent de la description de mythes religieux. Ces narrations dansées peuvent revêtir un caractère naïf soit comique, soit hiératique, soit parfois érotique (en ce qui concerne la danse de la jeune déesse sur le baril de saké devant la caverne, par exemple, ou le paysan ivre de saké dansant avec sa femme).
Les épopées du XIIe siècle constituent encore une source féconde pour différentes pièces de kagura.
Au XVII siècle, les fermiers injectent dans les danses quelques unes de leurs préoccupations.
Aujourd'hui, plus de soixante-dix morceaux de kagura restent encore vivants et très joués dans la région de Hayachine.
Le choix des pièces reste circonstanciel et dépend (par exemple dans les maisons privées) d'un rite de passage de fête du nouvel an, d'une bonne récolte, de la réfection de la maison etc.. . Il n'est jamais demandé à l'acteur-danseur d'entrer dans la peau du personnage mais plutôt d'établir une distanciation entre lui, son rôle et la description de l'histoire. Ce comportement influence la technique de jeu et en particulier la gestuelle qui reste toujours codée.

LES PROGRAMMES
Programme A (le 18 juin)
1) Tori Mai (La poule et le coq)
Le premier dieu et la première déesse apparaissent sur terre sous la forme d'un coq et d'une poule. Cette danse symbolisant la purification de l'espace doit être exécutée en début de séance (dans la mythologie japonaise, la poule et le coq représentent une ère nouvelle). La position accroupie domine cette danse, jouée soit par deux soit par quatre danseurs.
2) Okina Mai (Danse du vieil homme)
Le vieil homme, Okina se retrouve dans tous les théâtres traditionnels japonais. Il représente le rite de la fertilité et serait l'une des origines du Nô. L'histoire très simple montre un homme âgé (masque blanc) visitant un village et dansant pour la longévité et le bonheur. Une gestuelle particulière des mains et la position des pieds indiquent qu'il s'agit d'une danse culturelle typique d'une région de montagnes.
3) Sambaso
Le Sambaso suit toujours le Okina Mai. L'atmosphère de la danse très différente de la précédente est soutenue par un rythme rapide. L'acteur-danseur porte un masque noir. L'histoire reste sensiblement la même que celle d'Okina. Le jeu comique indique une tradition japonaise de l'utilisation du corps basée sur une technique très ancienne du mouvement. Sambaso est le fils déformé de la poule divine et du coq céleste.
4) Yama No Kami Mai (Danse des Dieux de la montagne)
Cette danse s'exprime par une gestuelle basée sur des croyances religieuses locales : porter un bâton de Hei (papiers découpés sacrés) dans la main fermée, frapper le sol, jeter un pouvoir magique, pratiquer des tournoiements répétés (pour parvenir à la transe) etc...
5) Fusho Mai a Kami Mai (Danse des Dieux féroces)
Les mouvements violents du corps, caractéristiques du Yamabushi kagura matérialisent les dieux violents, dont la vocation consiste à pacifier le monde.
6) Hataori Mai (danse de la tisserande)
Un mari part à la capitale pour se faire ascète. Sa femme reste à la maison tissant pour gagner de l'argent pour lui. Trois années passent et le mari ne revient pas. Une rumeur dit qu'il est devenu l'amant d'une femme à la ville. La tisserande court se jeter à l'eau. Toutefois, son âme ne peut trouver la paix. Elle devient fantôme. Sept jours après sa mort le mari revient. Il assure un service religieux et l'âme de sa femme va finalement au ciel. L'histoire peut être comparée à la structure d'un Nô archaïque.
7) Gongen Mai a Shiki Mai (danse du lion)
Cette danse du lion noir mythique s'exécute à la fin d'une séance de kagura. De nombreuses danses de lion existent au Japon, mais les masques noirs appartiennent à la montagne du Hayachine. L'assistance, les mains croisées, prie le lion noir, manifestation vivante du Dieu. Lorsque les acteurs de kagura dansent de porte à porte, c'est ce moment qu'ils choisissent pour recevoir de l'argent car la danse du lion pacifie la maison et, par un pouvoir magique, la préserve du mal.

Programme B (le 19 juin)
1) Tori Mai (voir programme A)
2) Matsu Mukae Mai (Danse des deux frères)
Sous les ordres de leur père-Dieu, deux frères-Dieux (Dieux Okina) partent à la recherche du pin et du bambou, symboles de la longévité. Cette danse est une partie de l'Okina-Mai (la danse du vieillard). Elle ressemble plus à une pièce de Yamabushi kagura.
3) Ura Sambaso
Un clown apparaît dans cette danse appelée aussi Mane Samba (parodie du Sambaso) . Le clown mime sans succès et avec une charge comique la danse. De temps à autre, il montre qu'il connaît les véritables pas et qu'il possède la technique. Ayant prouvé sa double nature, il sort.
4) Shime Kiri Mai. A Ura Kami Mai (danse des dieux)
La danse évoque pratiquement le même contenu que le Fusho Mai la danse des dieux féroces ; voir programme A), cependant le style de la pièce, ici, incantatoire, donne lieu à une structure plus rigoureuse.
5) Odamaki Mai - A Kami Mai (danse de la femme enceinte)
Un homme rend visite à une jeune femme toutes les nuits et par mégarde celle-ci se trouve enceinte. Elle ignore le nom de son amant puisqu'il vient la voir protégé par l'ombre de la nuit déguisé en serpent. Une nuit, elle coud un fil à ses habits et quand l'aube se lève, elle suit le fil et parvient jusqu'au temple. Elle découvre que l'homme qui prend la peau du serpent est un dieu. Cette sorte de légende très commune au Japon s'exécute ici de façon simple et familière.
6) Santan Mai - Aza Mai
L'histoire japonaise relate que les troupes du Japon se dispersent sur la Corée aux temps les plus reculés, comme dans les temps actuels. Basée sur la relation d'une campagne militaire cette danse décrit les Japonais comme légitimes et divins. Dans un certain nombre de danses, le but des acteurs-danseurs de Kagura est, au travers de la représentation, l'incarnation des dieux.
7) Gongen Mai (danse du lion) voir programme A

Programme C (le 21 juin)
1) Tori Mai (voir programme A)
2) Okina Mai (voir programme A)
3) Sambaso (voir programme A)
4) Koyakanokami Mai
Cette danse constitue une partie de Yama no kami Mai (danse des dieux de la montagne). L'enfant d'un dieu essaie par différents procédés de s'approprier le pouvoir magique en imitant son père. La structure de cette danse aérienne symbolise la grâce de l'enfance.
5) A ma kudari Mai A kami Mai
L'enfant de la déesse du soleil descend sur la terre. Cette pièce forte représente un dieu servant de guide et éclairant la route du ciel à la terre pour la descendance des dieux.
6) Kanmaki No Mai (danse de la femme amoureuse)
Cette histoire très connue se retrouve dans tout le Japon sous diverses formes traditionnelles.
Une jeune femme tombe amoureuse d'un moine Yamabushi. Etant donné le principe de sa religion, celui-ci ne peut avoir aucun contact avec les femmes. Avec ténacité, elle le poursuit cependant. Il s'enfuit et se réfugie dans un temple interdit aux femmes. Il se cache dans une cloche. La femme viole l'interdit et pénètre dans le temple. Elle frappe la cloche, se transforme en serpent et s'enroule autour de la cloche. Le serpent vomit des flammes qui faisant fondre la cloche, brûlent le Yamabushi. Survient un autre Yamabushi sage et plein d'expérience qui calme la rage de la femme-serpent par des incantations. La structure de la pièce peut se rapprocher de celle d'un Nô de Mugen, à l'exécution superbe mais éloignée de toute sophistication où l'utilisation du corps exprime tantôt la tranquillité, tantôt la folie.
7) Kurama Mai
C'est l'une des danses les plus violentes basée sur l'histoire de la guerre entre le clan Genji et le clan Heike. Cette rivalité entre les Genji et les Heike nourrit une grande partie des spectacles traditionnels japonais et la légende du héros, Yoshitsune Minamoto reste très populaire et aimé des Japonais. Cet épisode relate comment le héros, enfant, se bat contre un ennemi gigantesque.

8) Gongen Mai (danse du lion) (voir programme A)

Liste des membres du Hayachine Kagura (Troupe de Ishihatooka du style de Take)
ICHINOKURA Tamotsu
OTA Kyozo
KIKUCHI Shuzo
CHIBA Shiro
KIKUCHI Noribumi
KIKUCHI Kosei
KIKUCHI Kazuo
OTA Osamu
ODA Tamigoro
SUGAWARA Santa
ICHINOKURA Shigeo
KIKUCHI Koji
ASANUMA Sachio
KIKUCHI Kazushige
MORIJIRI Sumio

La venue en France du Hayachine Kagura a été organisée par la Maison des Cultures du Monde avec la collaboration de la Fondation du Japon et de l'Association Française d'Action Artistique dans le cadre de JAPON 83.
La tournée en Europe a été réalisée par le Comité pour les Arts Extra-Européens (E.E.A.) Les textes de cette plaquette ont été rédigés par Françoise Gründ d'après les notes de Sumis Morijiri, Kasho Kadogami et Marilyn Ivy.

Contributeurs

Origine géographique

Japon

Mots-clés

Date (année)

1983

Cote MCM

MCM_1983_JP_S8

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Titre Localisation Date Type
Japon. Théâtre rituel masqué, Hayachine Kagura. Photos Japon 1983-06-18 Photo numérique
Titre Localisation Date Type
Saison 1983 1983