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Egypte. Les Musiciens du Nil. Spectacle

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Évènement

Titre

Egypte. Les Musiciens du Nil. Spectacle

Date

1986-01-14

Date de fin

1986-01-18

Artistes principaux

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Musique

Description de la pratique

Maison des Cultures du Monde, 14-18 janvier 1986
26 janvier Marne la Vallée, 31 janvier Toulouse; 1er février Marseille , 4 février Sartrouville , 5 février Poitiers.

Les Musiciens du Nil. Formation de Rabab et formation de Mizmar.

Venus des profondeurs de la Haute Egypte, portant d'épaisses "gallabiyas" sombres, majestueusement enturbannés dans leur rêve ancestral, les Musiciens du Nil, depuis maintenant une dizaine d'années, sillonnent l'Europe au gré des festivals et manifestations culturelles.
Leurs concerts au-delà de la simple rencontre ethnique sont une bouffée de spontanéité. Ponctuée par une rafale de percussions, l'âcreté magique de sonorités oubliées provoque de véritables frissons acoustiques.
C'est dans les campements des tribus nomades de la Péninsule arabique qu'a pris naissance la musique arabe, et, c'est ponctué par la démarche des chameaux que les premiers chants bédouins firent leur apparition (hidâ).
Lorsque à la veille de l'expansion islamique, prit fin la période de la Djâhiliyâ (période préislamique), cette musique s'intégra à l'essor musulman qui dépasse largement son cadre religieux, créant au-delà des frontières une véritable révolution culturelle, synthèse et pôle des aspirations artistiques des pays conquis.
La musique populaire actuelle s'apparente donc bien à l'ancienne musique tribale, du moins sous son angle culturel auquel s'ajoute sa propre personnalité de paysanne millénaire.
La Haute-Egypte jusqu'à nos jours a su conserver un contexte social proche de l'institution tribale. Une certaine partie de la population rurale est du reste composée de familles descendant en droite ligne de tribus de l'Hedjaz.
La structure même de quelques villages en place depuis le néolithique n'hésite pas à restituer une notion de territoire rappelant ces lointaines origines.
A travers le peuple égyptien nous trouvons toujours la vivacité d'une musique savamment transmise par de nombreux musiciens professionnels sillonnant le pays. Ceux-ci se produisent dans les villages lors des différentes fêtes traditionnelles religieuses ou profanes la demande des villageois.
Ces musiciens qu'ils soient d'origine tzigane (rattachés aux tribus des Halabi et des Nawaran) ou simplement d'origine arabe jouissent d'un statut social particulier. Adulés et souvent en même temps mal considérés à cause de leur profession, ils sont victimes d'une ambiguïté, celle d'une société prise entre son expression individuelle et une éthique très stricte .

"Les Musiciens du Nil" : leur origine.
En Haute-Egypte, les musiciens professionnels assurent tous la fonction de divertissement dans le cadre des fêtes cycliques de la vie paysanne et religieuse, telles que mariages, circoncision, "mouled" (fêtes votives aux saints locaux ). La plupart d'entre eux sont originaires de groupes tziganes qui se distinguent très nettement du reste de la population rurale et notamment des clans arabes.
Comme dans notre société européenne, ces groupes occupent une fonction sociale particulière, leur nomadisme et leur errance les ont poussé à assumer les mêmes occupations que chez nous.
Parmi les principaux clans, les plus connus sont les Halab (de Alep, la ville syrienne): forgerons, marchands d'ânes et forains, les Salaltah (sing. Sallàt), souvent musiciens, les Nawar (sing. Nour) spécialisés dans la danse, les Bahlawàn, anciens jongleurs et montreurs de singe et les Masàlib (sing. Maslub), marchands ambulants et musiciens , ainsi que chasseurs de serpents. Les Ghajars, eux, vivent plutôt au Nord de 1'Egypte.
A l'inverse des tziganes européens, les gitans égyptiens se sont, malgré tout, assimilés plus vite la société arabo-musulmane qui les a toujours officiellement ignorés. Leur langue,notamment, a disparu plus vite qu'en Europe et, de nos jours, par un souci latent et inconscient d'assimilation, ils portent tous un nom musulman ou copte. La langue qui leur est restée s'appelle ''rotàni" (langue secrète ou incompréhensible) et consiste en un vocabulaire relativement restreint.
Parallèlement, ceci en particulier chez les Nawar, on trouve l'utilisation du "farsi", la langue persane qui attesterait ainsi leur passage ancien dans cette région lorsqu'ils vinrent de l'Inde.
Les Nawar furent, d'après la légende condamnatrice, chassés de l'enceinte de La Mecque après que l'on eut accusé leur ancêtre Abou Nour d'avoir volé les lampes huile dont il avait la charge.
Reliés aussi au Sultan Baramkah, à l'époque où les Barmécides persans régnaient sur l'Egypte, ils produisirent toutes les danseuses des rues appelées "ghawazi" (sing. Ghàziyah ).
Certains autres groupes ethniques se sont associés aux gitans, tels les Matàqil (sing. Metqal), qui seraient originaires d'anciennes familles nubiennes liées à l'esclavage autrefois.
Les Matàqil, à l'heure actuelle, sont devenus les maîtres de la "rababa" en Egypte; venus de Louxor (Abou Djoud), ils sont les principaux membres des "Musiciens du Nil".

La ràbabah (pl. rabab)
Le terme "ràbabah'' désigne en Egypte une vièle à 2 cordes en crin de cheval. La caisse de résonance de cet instrument est faite d'une noix de coco (djoza al hind) et est l'élément clé de cet instrument puisqu'elle détermine sa sonorité. Celle-ci doit être "entàya" (mâle), puissante et aiguë à l'opposé d'une sonorité "dakar" (femelle), étouffée. A l'un des pôles ouvert de la noix, une peau de chèvre ou, plus récemment, une peau de poisson d'eau douce ou de mer (Bayad, Garmout, 'Aout, butti, etc...) est tendue.
La perforation ou l'ouverture de la noix parfait la sonorité. Généralement, lorsqu'il s'agit d'une noix fermée et uniquement perforée (à l'aide d'une pique de fer chauffée), l'on a affaire à la fonction première de la "rababah", en l'occurrence celle d'accompagnement du poète épique (chaër) qui requiert une sonorité plus grave. Par contre, lorsque celle-ci est ouverte, son timbre plus aigu la destine plus à sa deuxième fonction, c'est-à-dire un rôle plus instrumental et plus axé sur l'accompagnement du chanteur populaire (morani chaabeya) dont la voix couvre un registre plus vaste.
La noix de coco est fixée au manche de l'instrument par l'intermédiaire d'une pique de fer qui la traverse pour venir s'enfoncer dans l'extrémité inférieure du manche.
Le manche ('amoud : colonne, sa'id, qualb: coeur ) est de forme sphérique et est en bois d'ébène (zan) ; il se mesure par l'écartement des doigts du musicien, il doit couvrir de sa base jusqu'à la partie supérieure juste avant le "magri" ou "gadwal" réservé aux chevilles (asfour: moineau, delab ou moftah: clé), l'équivalent d'un fetre soit lorsque la main est écartée du pouce à l'index et d'un chèbre, du pouce à l'auriculaire.
Le minaret (ma'dhanah), partie purement ornementale, termine le manche.
Les deux cordes de crin de cheval, la plupart du temps noires, doivent être prélevées sur un cheval vivant, alors que le chevalet est le ka'b (dés).
La première corde mélodique, plus fine, est la "qawwal" (celle qui parle), alors que la seconde est la "raddad" (celle qui répond) ; elle est uniquement frottée à vide par la corde de crin de l'archet.
La ràbabah égyptienne s'apparente en fait surtout à la vièle à 4 cordes (métalliques de nos jours) irakienne, la "djoza" ou encore au Kamantcheh persan, aussi à 4 cordes.
La rababah s'accorde à la quarte ou éventuellement à la tierce (do - sol).

Programme:
1. Pièce instrumentale sur le thème "Zarhat al-Louxor", précédée d'un "taksim".
Tout instrumental est précédé d'un "taksim", sorte d'improvisation libre et non mesurée, jouée par le "raïs" (leader et soliste) pendant que les autres musiciens maintiennent un bourdon.
Dans l'instrumental proprement dit, le caractère improvisé réside uniquement dans le choix de mélodies se référant à des chants traditionnels connus par le "raïs" et suivi instinctivement par le groupe. Ces mélodies sont, à la guise du "Raïs" alternées par des formules responsoriales et rythmiques, réservées à la danse.

2. Chant par Nadi Othman
Nadi Othman est originaire du clan des "Masalib"; tout comme Chamandi Tewfick, il occupe la double fonction de chanteur populaire (morani chaabeyya) et poète épique ( cha'er).
Le chanteur populaire précède généralement un chant "dor" par un "maoual", introduction à caractère narratif et poétique où celui-ci loue l'assemblée à un mariage ou aborde un discours moraliste incluant le leitmotiv, "yà leil, yà leil , yà 'aïni" (O nuit, O mes yeux). Les chants scandés, interprétés dans l'arabe bédouin de Haute Egypte (saïdi) sont toujours soumis à un processus de création de la part de tel ou tel chanteur, avant de se répandre dans la région.
Le poète épique, par contre, est spécialisé dans l'épopée hilaienne et l'émigration des tribus nomades arabes des fils de croissant de lune (hilal : croissant de lune) du Plateau du Nedj jusqu'en Afrique du Nord. Cette épopée, basée sur des faits historiques prenant place au milieu du XIeme siècle, a pour personnage-clé Abou Zàid Al Hilali, le chevalier noir-pie (la tête noire et le corps blanc) et raconte son exploration avec ses deux fils-neveux, ses trois neveux Mori, Ychya et Younes vers Tunis. La geste hilalienne véhicule le dernier témoignage de la vie bédouine à laquelle se réfère idéologiquement une partie importante de la population arabe de Haute Egypte. Malheureusement, alors qu'autrefois chaque poète était spécialisé dans un type d'épopée (le Chevalier Anter, etc�) aujourd'hui, il n'y a quasiment aucune succession aux poètes hilaliens.

3. Solo de "daraboukka" par Hanafi Mohammed Ali
La Daraboukka ou tabla (tabl) ou encore doholla ou ika est une percussion membrane unique maintenue sur une caisse en terre cuite ouverte et tubulaire. C'est la percussion commune du monde arabe mais, la daraboukka égyptienne est réputée pour sa membrane en peau de poisson (tout comme celle de la rababa) bien que les musiciens populaires lui préfèrent souvent la peau de mouton ou de chèvre à cause de sa plus grande résistance et de son coût plus modique.
Cet instrument, contrairement aux autres, est répandu à tous les échelons sociaux et musicaux, des ensembles savants de "takht" (formation classique arabe composée d'un violon, oud, ney et qanoun) jusqu'aux groupes improvisés que forment les villageoises lors des fêtes.
La daraboukka, dans le cadre de l'ensemble de rabab, est relativement récente et a supplanté quelque peu le "tàr", grand tambour sur cadre circulaire à une membrane, particulièrement utilisé pour le conte épique. Ceci est sans doute la résultante des possibilités techniques qu'elle offre, d'un meilleur rendu des "tek" (sons aigus) et "doums" (sons graves), bases de la rythmique arabe.

4. Taksim d'arghoul par Moustafa Abdel-Aziz
L'arghoul, cette double clarinette en roseau est sans doute l'instrument le plus typiquement égyptien, sa ressemblance frappante avec quelques tubes cylindriques en roseau datant (d'après le chercheur allemand Hans Hickmann) de la Ve et VIe dynasties l'attestent, ces tubes, reliés entre eux par des rubans de tissus et de cordelettes augmentés d'une matière résineuse correspondant la technique actuelle de fabrication de l'arghoul et de ligation des tuyaux à l'aide d'une ficelle enduite de cire mêlée de la résine (poix).
L'arghoul, dont le mot viendrait de "urgün", le mot arabe pour orgue, se distingue des autres doubles clarinettes en roseau par un bourdon qui peut s'additionner de plusieurs segments ou rallonges afin d'en modifier la tonalité (au maximum trois).
Chacun des deux tuyaux possède un avant-corps plus étroit (rakàks ou lôam), partie intermédiaire donc entre ces deux derniers (que ce soit celui, mélodique percé de six trous : le "badan" ou celui du bourdon : "radàd al àrdiah). Le chalumeau proprement dit s'appelle "al balous" (pl.: bawaliss).
Il existe essentiellement trois types d'arghoul : le grand arghoul (arghoul alkebir) dont le bourdon avec ses trois segments peut atteindre la longueur de 2,50 m, le moyen arghoul (arghoul al soghayr ou petit arghoul en arabe) et le petit arghoul (arghoul al asghar, le plus petit ou orma).
Le plus grand, à cause de sa difficulté, due à l'écartement des doigts et à la capacité respiratoire requise puisque le musicien doit pratiquer le souffle continu circulaire, a quasiment disparu de nos jours.
Mustafa Abdel Aziz, originaire de Beni Mazar près de Minia en Moyenne Egypte, est l'un des tous derniers grands joueurs de l'arghoul, petit et moyen.

5. Chant par Chamandi Tewfick Metqâl
Chamandi Tewfick est le patriarche des Matàqil. Comme jailli d'une page des "Mille et une nuits", perdu dans son univers nomade, il décrit, par exemple, la beauté d'Aziza, princesse du Sultan Maabat, tombée amoureuse de Younes, le neveu d'Abou Zeid, ses yeux de gazelle, sa chevelure d'or, son nez de datte et ses lèvres de rubis.

6. Danse de la rababah par Mohammed Mourad
La danse de la rababah, d'inspiration récente, est l'apanage exclusif du clan des Mataqil. Inspirée un peu de la danse des soufis lors du Dhikr (cérémonie collective) qui a toujours eu lieu, en Egypte en public dans la rue, le danseur jouant de la "rababah" posée sur le sommet de la tête, tournoie.

DEUXIEME PARTIE
Ensemble de "Mizmar baladi"

Le mizmar:
En Haute Egypte, c'est le mizmar de taille moyenne qui est essentiellement utilisé de nos jours dans les ensembles dits de "tabla baladi" (du nom du gros tambour qui l'accompagne) ou "mizmar baladi" (baladi, en arabe égyptien, est l'adjectif qui se réfère à la culture paysanne de village).
Le mizmar, en Haute Egypte, s'appelle aussi mizmar "saïdi" (de Haute Egypte), chalabiyya ou mizmar turky (en référence à la Turquie, à l'origine de son développement en Egypte).
Il est en bois d'abricotier (michmich) ou exceptionnellement en bois de cerisier ('karuz) .
L'instrument, quelle que soit sa taille, est divisé en plusieurs parties. Le corps principal est de forme conique et se termine par un pavillon (le godah), éventuellement cerclé de métal ou d'argent et perforé de minuscules trous d'intonation, sa partie inférieure (par souci d'esthétisme et de préservation) est entourée d'une peau de patte de mouton ou de chèvre enfilée.
Il y a sept trous sur la face supérieure et un sur la face inférieure.
Le tube (le làzq) est la partie intermédiaire entre le corps et le bocal métallique (le mat'am) qui permet de fixer à l'aide d'un fil rouge l'anche triangulaire en roseau (qachaï).
Pour permettre un meilleur appui des lèvres, une rondelle de calebasse fait corps avec le bocal. Le musicien possède (reliés par un cordon rouge) d'autres bocaux de rechange ainsi que quelques anches aplaties entre deux lamelles de bambou (al-fàslah) .
Comme pour l'arghoul, la technique est celle du souffle circulaire.

Les musiciens :
Les "zoummarin" sont tous originaires du village de Djàradjos au nord de Louxor ; professionnels aussi, ils ne sont pas tziganes comme les autres et se disent d'origine "badawi" (bédouine) donc arabe et sont du reste mieux considérés pour cette raison.
Leur ancêtre commun qui remonte à sept générations serait le point de départ de leur tradition musicale. Il y a encore dix ans, il y avait à Djaradjos plus de 80 instrumentistes ; aujourd'hui, avec l'émigration ouvrière vers les pays du Golfe, il n'y en a plus qu'une quinzaine.

1. Pièce instrumentale par Mohammed Abou Rhadji
Mohammed Abou Rhadji est une légende vivante en Haute Egypte et est considéré par chacun comme une sorte de génie du mizmar, il faut le reconnaître à juste titre d'ailleurs tant il a su allier finesse et rigueur à son jeu. On dit qu'il est le seul capable de psalmodier "la fatihah" (première sourate du Coran) avec son instrument.
Le raïs dirige son groupe de la même manière que le raïs d'un ensemble de rabab (voir plus haut).
Le deuxième musicien (le radad, celui qui répond) soit joue à l'unisson, soit répond par des formules responsorielles précises, le troisième maintient le bourdon (qassa).
Le quatrième musicien joue du "tabla baladi" ce tambour à double membrane est frappé l'aide d'une baguette épaisse et aplanie à son extrémité en bois de citronnier (lamoun) (zorma) et d'une très fine tige de palme (chèbre) .
A un certain moment, l'instrumentiste remplace la baguette par sa paume qu'il frappe au centre de la membrane (alqafla) ou encore ornemente son jeu en faisant glisser son majeur humecté contre la peau.

2. "Sibs"
Le "sibs" est un petit hautbois au registre plus aigu ; cet instrument,qui n'est guère utilisé maintenant, a donné son nom aussi à un morceau instrumental joué exclusivement par le raïs .
De nos jours, la seule occasion d'entendre cet instrument est lorsque, pour des raisons de sécurité, afin d'éviter des fêtes trop importantes, susceptibles d'engendrer des "règlements de comptes" meurtriers entre familles arabes, on remplace l'ensemble de "mizmar" très puissant par un sibs et deux arghoul.

3. Danse du bâton
La fonction principale des zoumarrin est surtout l'accompagnement de la danse. Le bâton est un peu l'arme du "fellah" qui ne saurait sortir sans celui-ci. La nuit, il sert à se protéger notamment des hordes de chiens moitié sauvages qui errent dans la campagne.
Recouvert à son extrémité par une peau de patte de mouton, il est aussi un peu un emblème guerrier, témoin des temps nomadiques et de l'épée.
La danse du bâton est, avant tout, un duel avec des règles précises qui peut être interprété par n'importe quel paysan.

Alain Weber

Contributeurs

Origine géographique

Egypte

Mots-clés

Date (année)

1986

Cote MCM

MCM_1986_EG_S2

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Egypte. Les Musiciens du Nil. Affiche Egypte 1986-01-14 Affiche
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Saison 1986 1986