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Croatie. Chants populaires de l'arrière-pays dalmate. Spectacle

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Évènement

Titre

Croatie. Chants populaires de l'arrière-pays dalmate. Spectacle

Sous-titre

Kud Srijane dirigé par Jozip Tadic. (Poljica)

Date

1998-03-13

Date de fin

1998-03-15

Artistes principaux

Direction musicale

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Musique

Description de la pratique

13-15 mars 1998

Josip Tadic
Marija Tadic
Drago Paladin
Jozo Strujic
Mate Strujic
Marija Prelas
Marija Curlin
Bogoslav Buric
Zoran Strujic
Sima Curlin
Ivan Curlin
Dragica Prelas
Blanzenka Franic

Nos connaissances historiques sur la Dalmatie remontent au XIIIe siècle av. J.-C., époque où les Illyriens envahissent cette région peuplée de Thraces. Au IVe siècle, des tribus celtes venues du nord conquièrent les plaines de Pannonie jusqu'à l'Adriatique. Le mélange des Celtes et des Illyriens donne naissance à plusieurs tribus dont les Delmates.
Conquise par Tibère en l'an 9, la Dalmatie devient province romaine. En 297, l'empereur Dioclétien, d'origine dalmate, se fait bâtir un palais en bord de mer qui deviendra le coeur de la ville de Split et s'y retire en 305. Le christianisme commence à s'implanter en Dalmatie dès le premier siècle de notre ère, mais ce n'est qu'à la fin du IIIe siècle qu'il connaît un essor important en dépit des persécutions.
La fin de la période romaine en Dalmatie est marquée par l'invasion des Croates, une tribu slave originaire du Don. Jusqu'à la fin du VIIIe siècle, les tribus croates de Dalmatie sont organisées en petites principautés placées sous l'autorité politique de Byzance mais rattachées religieusement à Rome. Les églises dalmates s'unifient sous l'autorité de l'archevêché de Split. Nombre de prêtres de l'arrière-pays résistent cependant à la romanisation de la liturgie, lui préférant la langue croate et l'alphabet glagolithique, ce qui leur vaut l'appellation de prêtres glagoljasi.
En 1102, les princes croates cèdent à la pression hongroise et se soumettent au roi Koloman. Le royaume hungaro-croate vivra un peu plus de trois siècles sous la tutelle des Arpad puis des Anjou, descendants de Charles Martel.
De leur côté, les doges de Venise, soucieux de s'assurer la suprématie maritime et commerciale sur l'Adriatique s'emparent de la côte au XVe siècle et l'empreinte de la culture vénitienne marque dès lors le littoral dalmate jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, tandis que l'arrière-pays, isolé de la côte par ses montagnes, subit les assauts des Turcs établis en Bosnie.
En 1526, la plus grande partie de la Dalmatie intérieure est tombée aux mains des Turcs. La noblesse croate fait alors appel à l'archiduc Ferdinand et la Croatie entre dans le royaume des Habsbourg où elle demeurera jusqu'en 1918.
Cette introduction historique permet de mieux comprendre la diversité des traditions populaires profanes et sacrées dans la Dalmatie d'aujourd'hui. On peut les répartir en trois régions : les îles (Korcula, Hvar, Brac et Vis), la bande côtière dont la profondeur n'excède pas quelques kilomètres, enfin l'arrière-pays qui s'articule sur la chaîne karstique des Alpes dinarides.
Traditions de l'arrière-pays
L'arrière-pays dalmate est marqué géographiquement par une grande austérité. Entre les chaînes karstiques, s'étendent de longues vallées pierreuses dans lesquelles les paysans tentent de ménager quelques lopins de terre où ils font pousser des légumes et de la vigne, les entourant de murettes construites avec les pierres ramassées dans le champ. Longtemps isolées, puis soumises aux invasions ottomanes, les populations villageoises ont dû s'habituer à vivre en autarcie et ont préservé une culture traditionnelle très vivante.
La petite république de Poljica, située à 37 km au nord-est de Split, existe depuis le Xe siècle. Elle regroupe une vingtaine de villages et de hameaux, et compte aujourd'hui environ 15.000 habitants. Pendant les siècles troublés de la lutte contre les Turcs ottomans, elle dut sa survie au fait qu'elle constituait une zone-tampon entre les Turcs et les Vénitiens. Ses archives et nombre de documents que l'on peut encore retrouver chez ses habitants, montrent que jusqu'au XIXe siècle, tous les textes officiels étaient rédigés en alphabet glagolithique et que le taux d'alphabétisation s'élevait à 80% grâce à l'enseignement dispensé par les prêtres glagoljasi. Ainsi, encore aujourd'hui, chaque citoyen peut, grâce à ses archives familiales, reconstituer sa généalogie jusqu'au XVIe siècle.
La république de Poljica est dirigée par une Table, assemblée de douze notables représentant les douze provinces (katuni) de Poljica. Chaque année, le 19 avril, ces petits-ducs élisent leur duc, dont le mandat n'est renouvelable qu'une fois.
Les traditions musicales de Poljica sont assez représentatives de l'ensemble de l'arrière-pays dalmate. Les chants sont exécutés soit par les hommes soit par les femmes. Ils comprennent des kiridzije, chants de caravane dans lesquels les commerçants ambulants racontent avec humour ce qui leur est arrivé en ville, des rera, aphorismes chantés voire vociférés sur l'accompagnement d'un bourdon mobile, des ojkavica, chants de joie des femmes lors des noces et des foires annuelles, des cobanica ou chants de bergère, des chants héroïques accompagnés à la vièle gusle et interprétés dans un style qui rappelle fortement celui des bardes d'Asie centrale, enfin les danses accompagnées à la cornemuse diple.
Les chants d'ensemble sont toujours interprétés par trois personnes : un soliste et un choeur de deux personnes chantant un bourdon mobile à l'unisson. Les échelles sont étroites, les harmonies riches en chromatismes et en accords de seconde. La voix, entonnée à pleine puissance, comme un appel, se répand ensuite en vibratos et trémolos pour s'interrompre brutalement par un coup de glotte. Tous ces chants, par-delà leur diversité, nous offrent une musique expressive, à la beauté rude, qui illustre bien l'univers indomptable dans lequel vivent ces paysans depuis des siècles.
Le gusle est une vièle à une corde en crin de cheval et sa caisse de forme ovoïde est recouverte d'une peau de chèvre. Autrefois, le gusle accompagnait exclusivement les chants héroïques et des ballades tragiques. Aujourd'hui, de jeunes chanteurs ont fait évolué cette tradition en composant, dans un style musical respectueux de la tradition, des chroniques au vitriol sur la vie contemporaine et les changement politiques et économiques du pays.
Le diple est une cornemuse constituée d'un sac façonné dans une peau entière de mouton, trois pattes étant bouchées avec une dent de porc et la quatrième servant à monter les tuyaux mélodiques. Le tuyau mélodique principal comporte six trous de jeu, l'autre tuyau en comprend quatre et sert de bourdon. Le jeu du diple étant continu, il s'agit en général d'une improvisation destinée à accompagner la danse et formée d'une succession de courtes formules répétées et variées, les accentuations permettant de donner le rythme étant obtenues par des ornements sur le tuyau de bourdon.
L'ensemble du village de Srijane comprend treize chanteurs, chanteuses et musiciens. Si certains d'entre eux ont pris un travail en ville, ils demeurent néanmoins paysans dans l'âme, cultivant encore quelques lopins de terre, faisant leur vin et leur eau-de-vie et élevant des porcs qui, une fois tués et découpés, sont mis à fumer dans la "maison noire". Et c'est dans cette maison noire que, souvent, ils se réunissent pour chanter, bavarder et manger charcuterie et fromages arrosés d'un vin riche et corsé.
Le Kud Srijane est dirigé par Josip Tadic, petit-duc de la Table de Poljica et conservateur des archives de son village.


Programme

Samacki, chants de berger
Le printemps n'est pas encore arrivé et déjà chante le rossignol.
Son chant porte loin. Qu'il chante, je ne le crois pas jusqu'au moment où je vois surgir le paysan avec son sac à l'épaule.
La femme envie la montagne qui reverdit à chaque printemps,
Elle qui chaque année devient un peu plus vieille.

Ojkavica (femmes) et Kiridzinska (hommes)
Les ojkavica sont des chants de femmes, généralement des chants d'amour, composés de strophes alternant avec un refrain construit sur la syllabe "oj".
Une femme amoureuse regarde voler un faucon
Elle attend son amoureux.
Les kiridzinska sont des chants de caravaniers. Comme cette tradition a disparu, ils se chantent désormais à l'occasion des fêtes de famille. Ce sont généralement des chants héroïques, le plus souvent improvisés, à la gloire des habitants de Poljica.

Chant épique et vièle gusle
Le récit épique est généralement précédé d'une introduction destinée à capter l'attention des auditeurs. Dans cette introduction, le chanteur s'adresse à son instrument dans un style très littéraire.
Le chant commence par une description de l'hiver, période idéale pour écouter les chants épiques, car tout le monde se calfeutre confortablement dans les maisons. Puis il aborde le thème des difficultés de la vie quotidienne émaillé de références à l'histoire de la République de Poljica.

Rera
Les rera sont des aphorismes chantés sous forme de distiques. Ils peuvent être chantés aussi bien par les femmes que les hommes, mais dans des styles assez différents. Les rera des hommes sont parfois très osés voire carrément graveleux.

Rera des femmes :
Ma gorge est comme une petite cloche,
Je l'ai formée en gardant les moutons.

Rera des hommes :
Ma petite, je t'ai trouvée en train de garder les moutons
Allongée derrière les vignes'
Quand je coupe les herbes, elles reverdissent
Quand j'embrasse ma petite, elle rougit.

Chant épique des femmes
Ce style de chant est le pendant du répertoire épique des hommes, mais il se chante a cappella.
Ce chant raconte l'histoire héroïque de Mila Gojsalica qui eut lieu en 1675. Fille d'un duc de Poljica, elle fut remarquée par un pacha ottoman. Un jour, celui-ci vint voir le père de la jeune fille et lui dit que s'il ne lui donnait pas sa fille, il brûlerait Poljica. Celle-ci, pour aider son père, fit mine d'accepter et entreprit de mieux séduire le pacha. Le jour des noces, le pacha vint au village avec tous ses hommes. Heureux d'avoir pris la ville sans combattre, ils déposèrent toutes leurs munitions sous une tente et commencèrent à faire la fête à la lueur des torches. Alors, la jeune fille se saisit d'une des torches et fit sauter toutes les munitions. Elle perdit la vie dans l'explosion. Puis les hommes de Poljica attaquèrent les Turcs désarmés et les massacrèrent.
Depuis ce jour, Mila Gojsalica est considérée comme la patronne de la République de Poljica.

Jeu de doigts
Ce jeu traditionnel, ressemble dans son principe au jeu des ciseaux, pierre et papier. Les joueurs sont rassemblés en deux équipes qui se font face et doivent rapidement deviner le chiffre que va annoncer avec ses doigts leurs adversaires. Il est à noter que les chiffres de 1 à 10 sont énoncés dans un italien abâtardi.

Chants Uravanj accompagnés par la danse des bâtons par les hommes et la danse du fichu par les femmes.
Le chant des hommes est un chant de séparation :
Au revoir mon village
Et toutes les jeunes filles que j'embrassais.
Le chant des femmes est un autre genre de chant de séparation, un chant de noces :
Ma chère mère, prépare mon trousseau
Car bientôt je me marie à Srijane.

Danse de couples accompagnée par la cornemuse diple et des chants d'hommes.

Pierre Bois

NB: Une brochure de 7 pages avec des photographies couleurs des vêtements portés par les artistes est annexée au programme.

Remerciements à Madame Nansi Ivanisevic, conseiller culturel, Département de Split, Dalmatie centrale et à Monsieur Vidoslav Bagur, ethnologue.

Contributeurs

Origine géographique

Croatie

Mots-clés

Date (année)

1998

Cote MCM

MCM_1998_HR_S1

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Titre Localisation Date Type
Croatie. Chants populaires de Dalmatie. Photos Croatie 1998-03-13 Photo numérique