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France. L'absente ou "Oeuvre" de Danielle Sarréra. Spectacle

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Évènement

Titre

France. L'absente ou "Oeuvre" de Danielle Sarréra. Spectacle

Date

1993-06-08

Date de fin

1993-07-01

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Théâtre

Description de la pratique

8 juin-1er juillet 1993
L'absente ou "Oeuvre" de Danielle Sarréra
Éditions le Nouveau Commerce (Juillet 1993)
Présenté au Rond-Point - Théâtre Renaud-Barrault
Mise en scène et interprétation
Claudine Hunault

Scénographie et lumière
Pierre Simonin
Conseil Artistique
Yvon Lapous
Travail sur le souffle et la voix
Christopher Barnett

Coproduction: Théâtre La Chamaille ' Nantes
ADC Théâtre de Quimper
Le Rond-Point / Théâtre Renaud-Barrault
Avec le soutien de l'ONDA

"Oeuvre" ou "L'absente"de Danielle Sarréra.
"Confession impudique" et salut aux vivants avant le dernier départ
Une fille parle
insolente et libre
comme les enfants qui comprennent
trop tôt et trop vite
des évidences cruelles.
Elle est passée déjà de l'autre côté
de la peur,
du calcul
et des compromis
chevauche la vie.
A ton premier cri déjà tu était ivre
consciente déjà que c'était pour une seule fois
et tu sais qu'on ne revient pas
Traverse toutes les régions du ciel
Transgresse les douanes les plus intimes
tu descends aux morbidités souterraines
Tu es hors d'atteinte
de la culpabilité et
des châtiments.
Tu reconnais tout désir et
tu le nommes
La tentation du Christ devient la tienne propre
Ton crachat sans violence sur l'imposture amoureuse et le bonheur normalisé te font
toucher l'enfer de l'homme
tu saisis à la frontière du sacré
comme sortant d'une insomnie,
tu saisis soudain que la même énergie surgie au coeur du pied enflamme l'être
vers l'extase ou vers le meurtre ?
Et Monsieur De Sade finalement ne disait pas autre chose
Danielle SARRERA brûle
sa maison est en feu.
Dionysos une fois pour toutes l'a arrachée au métier à tisser et
envoyée dans la montagne les cheveux défaits.
Elle court et
crie en silence.
Elle vit
Claudine Hunault

"Qui aime son être le perd ;
Qui hait son être en cet univers le garde pour la vie en pérennité"
Evangile de St Jean

La mise en scène

Le jeu est enraciné dans le corps, porté par une énergie centrée au foyer inférieur auquel Danielle Sarréra ne peut s'empêcher de revenir, lieu magique, lieu effrayant doué d'un pouvoir exhorbitant, lieu de trouble, cercueil.
Le jeu ne doit pas se laisser happer par une aspiration tendue et coupée de ses racines, privée de sa terre. L'énergie du Verbe de Sarréra est destructrice mais puissamment fécondée par la vitalité même du refus et de la condamnation : redevenir, par une mort annoncé et délibérée le maître insolent de sa vie.
La couleur du propos n'est pas celle d'une douleur sombre. Sarréra échappe à la terreur d'une vie vécue comme "une inepte chevauchée du désespoir par l'affirmation radicale et tranchante de l'inutilité totale, de l'inanité de toute action, de tout amour, affirmation si violente qu'elle prend l'allure d'une foi renversée, d' une mystique de la négation.
L'humour est inévitable par l'insolence des mots lâchés, la ruse du regard porté sur soi et par les pièges tendus à celui qui écoute.
L'insolence. Il faut rejoindre Sarréra au lieu d'où elle parle, dégagée des affects. Elle se permet toutes les intentions, sans s'attacher à aucune, de la tendresse à une brutalité stupéfiante. Elle peut tout dire -la faillite est totale et ce n'est pas grave-. Il faut trouver cette insolence, l'insolence magnifique de ceux qui, dans leur espace intérieur ont quitté la personne et peuvent souffrir sans avoir mal.
S'absenter du désir de plaire, y compris dans son expression subtile, d'autant plus à l'oeuvre qu'elle est infime, s'absenter du souci -même ténu, comme un fil continu et très fin- de vérifier la qualité et la permanence de la relation au public.
La conscience d'une communication avec le spectateur passe par l'engagement radical d'une présence dans l'instant, vibration ininterrompue. Cela est vrai de tout acte théâtral mais j'ai éprouvé, au-delà de l'intention que j'en avais, brûlée et rendue dérisoire par l'effraction du texte dans le corps, que c'est l'écriture de Sarréra qui l'exige, sous peine de vider le projet de tout sens et de toute substance.
Le pèlerinage du corps. Se tenir au coeur de l'être dans le non-savoir, tandis que le corps suit le dessin d'un parcours qui n'illustre rien mais dont les tensions et les boucles rencontrent l'errance ou l'incandescence du texte.
Pèlerinage d'un corps dans la lumière et l'obscur et qui certain soir prend la liberté d'un raccourci ou d'un détour.
L'écriture de Sarréra est plus forte que tout présupposé théorique. Elle impose et arrache.
Dans le corps de qui la dit et peut-être de qui l'entend, elle exerce de façon impitoyable sa chimie interne.
Il n'y a plus qu'à la laisser passer et rejoindre ceux qui écoutent
Il n'y a qu'à accepter le silence d'où elle sort et le silence qu'elle ouvre lorsqu'elle se casse ou s'éteint
Il faut la laisser s'échapper comme un animal et la ressaisir à l'instant juste, la garder en main, la relâcher, la laisser infuser, fuir à nouveau jusqu'au prochain retour, imprévisible et dominée cependant. Ce choix demande une gestation longue -envisageable ici car "L'Absente" mobilise peu de personnes- et des brouillons multiples d'où puissent surgir le libre parcours d'un corps et sa rencontre sensuelle avec la matière de l'espace qui le porte.
Le son. Aucun accompagnement musical ou sonore : la voix et la lumière et le silence.

Pourquoi ai-je la sensation que les écrits marqués par la tentation du suicide sont traversés par un espoir irrésistible qui n'est pas dans les mots mais dans l'aveu flambant du désir-autodestructeur ? "C'est le noyau de mon être que je veux atteindre" (P. Drieu La Rochelle). Je perçois la quête à rebours d'un en deçà de la vie, pressentiment d'un temps sans respiration, chaos trouble gros de toute forme à venir.
Oeuvre est la confession impudique d'une fille de 1 7 ans, visionnaire, mue par le désir et le dégoût. Elle puise sa parole aux sources de la mystique et du sacrilège et ses mots passent sans transition du feu à la glace.
Oeuvre a par instants la résonance d'une incantation prophétique et parfois elle vibre de colère libérée contre ceux que l'ennui guide et condamne.
Oeuvre est une provocation :
"Je me suiciderai dès qu'il sera l'heure. Vous verrez, gens heureux, que mon éclaboussure est éveillante !"
QUI EST DANIELLE SARRERA ?
Elle aurait disparu à l'âge de 17 ans en 1949, laissant "Oeuvre" que "Le Nouveau Commerce" publia en 1976. Et un bref journal écrit sur des cahiers d'écolière.
L'existence et l'identité de Danielle Sarréra demeurent une question ouverte.
"Ce matin-là, Antigone quitta le domicile paternel, jeta la clé dans le Rhône et dans la Saône et lorsque tout fut net comme une cuisine, le samedi soir, alors elle s'accroupit dans l'herbe et se laissa aller à ses folies créatrices dont le préambule à la forme d'un sexe, et dont la conclusion ne se peut lire que dans les étoiles au moment de leur explosion et de leur chute. Ce matin-là, Antigone sortit les cheveux en bataille, les bras croisés, les yeux vifs ainsi que des épées ; e t le Seigneur du Trépan (la mort ait son âme!) la regarda s'enfuir, les yeux baignés de larmes. Ce matin-là, oui, ce matin-là, Antigone sortit seule ce matin-là. Et ce fut le commencement du prodige."

Biographie de Claudine Hunault dans le programme papier.

Théâtre La Chamaille
Compagnie fondée à Nantes en 1972 par Yvon Lapous, Hervé Tougeron et Claudine Hunault, comédiens travaillant en collectif jusqu'en 1989 et développant, depuis lors des spectacles qu'ils signent de manière individuelle.

1972-1975 : Création pour enfants.
1976 -1988 : Créations collectives, montages de textes littéraires, dramatiques et d'écriture individuelles : "Bas-ventre", "Après dissipation des brumes matinales".
Mises en scène de pièces : "L'été" de Weingarten, "L'amant" et "Trahison" de Pinter, "Victimes du devoir" de Ionesco, "Le misanthrope" de Molière et Tardieu, Arrabal, Obaldia, Martin Walser, Stendhal.
Adaptations d'ouvrages littéraires : "Alice Carroll'' d'après "De l'autre côté du Miroir" de Lewis Carroll.
Tournée multiples en France, Finlande, Suède, Danemark, Pologne, Allemagne, Yougoslavie, Italie, Portugal.
Festival : F1CTEM Rennes, Avignon Off 1981, Saint-Herblain, Nancy, Wrocklaw, Edimbourg, Sarrebrück, Karlsruhe, Palerme, Lisbonne.
1989 : "Les Rêveurs" d'après Dostoïevski, mise en scène Ludwik Flaszen.
1990 : "Un homme prudent", d'après Henri Michaux, mise en scène Yvon Lapons et "Othello", de William Shakespeare, mise en scène Hervé Tougeron.
1991 : "Simplement compliqué" de Thomas Bernhard, mise en scène Yvon Lapons.
1992 : "La descente d'Orphée" de Tennessee Williams, mise en scène Yvon Lapons.
1993 : "La plaie et le couteau", d'Enzo Cormann, mise en scène Dominique Colladant.
"L'Absente", de Danielle Sarréra, mise en scène et interprétation Claudine Hunault.
1994 : "Les Sept Lears" de Howard Barker, mise en scène Yvon Lapous et Claudine Hunault.

Textes

Mise en scène

Origine géographique

France

Mots-clés

Date (année)

1993

Cote MCM

MCM_1993_FR_S4

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Titre Localisation Date Type
France. L'absente ou "Oeuvre" de Danielle Sarréra. Photos France 1993-06-08 Photo numérique
Titre Localisation Date Type
Saison 1993 1993