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Italie. Théâtre et musiques de Naples. "Io, Raffaele Viviani." d'Antonio Ghirelli et Achille Millo. Spectacle

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Évènement

Titre

Italie. Théâtre et musiques de Naples. "Io, Raffaele Viviani." d'Antonio Ghirelli et Achille Millo. Spectacle

Date

1986-11-12

Date de fin

1986-11-16

Artistes principaux

Direction artistique

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Théâtre

Description de la pratique

12-16 novembre 1986
Théâtre et musiques de Naples
"Io, Raffaele Viviani..."
Spectacle d'Antonio Ghirelli et Achille Millo
avec Achille Millo, Antonio Casagrande, Marina Pagano et Franco Acampora.
Paolo Casagrande (piano), Giovanni Pescatori (guitare)
Arrangement musical, Roberto de Simone
Directeur technique , Luigi Sabatino.
DRAMATURGIE en collaboration avec la MAISON DES CULTURES DU MONDE et le concours de l'Ente Teatrale Italiano de Rome et de l'Institut Culturel Italien de Paris

Synopsis du spectacle proposé par Valeria Tasca.
PREMIER TEMPS
Le spectacle commence à rideau ouvert, sur une scène de théâre à l'abandon. Les acteurs se préparent. L'un d'eux prend, dans une caisse de costumes, les Mémoires de Viviani, dont il commence à lire les souvenirs d'enfance, qui s'enchaînent à des vers évoquant les jeux des scugnizzi (gamins des rues). Les voix se multiplient pour chanter la rumba degli scugnizzi, qui s'achève sur la décision du jeune Viviani d'apprendre à lire et à écrire pour raconter la vie des gens de sa terre.
La rue
Les métiers ambulants côtoient les vagabonds : le bonimenteur rabattant le client pour une taverne, le marchand de vin, le vendeur de boissons fraîches, l'affamé dont on pourrait voir le squelette par transparence, le marchand de fruits de mer, le balayeur, le loueur de tambourin. A la nuit tombée, surgissent les plus malheureux, dont la prostituée, désespérément éprise de celui qui a causé sa perte, et le marchand de chiffons tout dépenaillé, qui envie les malfrats (La malavita) qui se la coulent douce.
L'amour
Pour l'amoureux, la femme aimée est le rayon de soleil qui entre au matin dans la maison. Mais malheur à celle qui s'est éprise d'un jaloux. Plus enviable est le sort des jeunes gens tout feu tout flamme qui s'étreignent sans même savoir comment ils s'appellent, ou du couple désargenté qui va se marier sans satin ni dentelles.
Le travail
Les maçons se lamentent du mauvais temps qui retarde le travail et du mauvais sort qui leur fait construire la maison des autres mais jamais la leur. Le pire, pourtant, c'est l'accident qui précipite du cinquième étage un père de famille, dont personne n'ose annoncer la mort à sa femme.
Les pêcheurs travaillent toute la nuit dans la tempête et tirent leurs filets en remerciant la Madone
Les bohémiens aussi sont chair et sueur. Toujours errant, ils font cent métier de gagne-petit, et celui qui meurt est abandonné en chemin.
Les paysans, brûlés par l'air et par le soleil, labourent une terre qui ne leur appartient pas : seule leur fatigue leur appartient.
Quand la misère devient intolérable, ils embarquent pour l'Amérique. Le port s'anime et s'éclaire comme pour la fête de Piedigrotta, dont on entend les chants joyeusement païens interrompus par la reprise du chant de travail des paysans

DEUXIEME TEMPS
Les mauvais garçons
Les guappi font régner leur loi ou du moins s'en donnent les apparences. Ainsj le duo d'amour entre Gennarino et Nunziata est interrompu par les rodomontades de Salvatore, guappo di cartone.
Bammenella, prostituée des quartiers espagnols, se vante d'aimer un "vrai dur" et de l'entretenir. N'empêche qu'il est près non seulement à la laisser tomber mais à lui réclamer les menus cadeaux qu'il lui a faits et qu'il n'a pas encore payés.
Viviani a cependant de la compassion pour les gouapes en prison, surtout quand ils sont soutenus du dehors par le dévouement d'une jeune femme,
Le tableau de Naples serait incomplet sans quelques images de ce music-hall populaire où les plus grands artistes napolitains ont fait leurs classes. Il ne manque même pas au répertoire les chansons à thèmes patriotiques sur la guerre en Tripolitaine.
Ils servent à introduire l'épilogue sur la guerre et la paix, sur la vie et la mort.


Achille Millo, Antonio Casagrande, MarinaPagano, Franco Acampora jouent, racontent et chantent l'histoire de l'acteur et auteur napolitain le plus novateur de ce début du siècle.
Créateur d'une fresque surprenante de la ville de Naples et de la vie qu'on y mène, drôle et douloureuse à la fois, Viviani, poète, musicien,chanteur et fameux "macchiettista", a été le premier à mettre en oeuvre les techniques du théâtre épique moderne.

COMMENT EST NE CE SPECTACLE
Nous l'avions en nous, ce spectacle, depuis toujours.
La Naples qui nous intéresse a toujours été et continue à être celle de Raffaele Viviani.
Les amis de 1940, Millo, moi-même, sommes alors tombés amoureux de lui, et nous ne nous en sommes plus détachés.
Nous nous étions aperçus que le régime le haïssait et nous, nous l'aimions pour les mêmes raisons :le dialecte et la vérité.
Les fascistes détestaient Viviani par ce qu'il récitait en dialecte et disait la vérité sur notre peuple : il préférait les balais aux mandolines et les prostituées aux bourgeoises diplômées de piano, si cela lui permettait de crier au monde l'enfer qu'était Naples pour 90% de ses habitants. Ils le détestaient parce qu'à la place du pittoresque qui fait rire et qui soulage, il mettait la cruauté:celle qui dénonce la misère comme fille du privilège et de l'injustice.
Ils le tenaient dans la plus haute antipathie parce que Viviani, avec ses verbes, ses substantifs, ses adjectifs, arrachait leur masque ; alors ils lui ôtèrent la parole.
Il y a longtemps, Millo et moi, avions présenté à la télévision un spectacle qui était le portrait de Naples comme Viviani l'avait fait, paroles et musique. Ce spectacle eut un succès modeste. Nous avons alors pensé qu'il fallait élargir et, en même temps, concentrer le tir: porter le spectacle au théâtre et passer du portrait de notre ville à un thème plus élevé, c'est-à-dire la vie, l'histoire, le monde poétique et humain de ce grand artiste.
"Io, Raffaele Viviani" est un spectacle qui naît de lui même. Les acteurs arrivent au théâtre pour un essai et découvrent Viviani comme s'ils trouvaient vers, prose et musique en fouillant dans ses papiers : manuscrits, documents, souvenirs, lettres. D'ailleurs, lui aussi travaillait ainsi.
Viviani travaillait sur les personnages et sur les situations comme le faisait Pirandello, les brossant à peine dans le vers ou dans le "sketch", puis les développant plus dramatiquement dans la logique du théâtre.
Mais son art rappelle plutôt celui de Bertolt Brecht : même approche, passionnée et rageuse, des injustices sociales d'une Naples qui a toujours été décrite avec des tons pastels ; même mélange de tragique et de comique, de texte dit et de musique, de lyrique et de bouffon. Même l'utilisation du dialecte, qui, d'habitude, étouffe le discours, s'élève, en Viviani, vers la redécouverte d'une langue vraiment populaire, avec tout ce qu'elle contient de violence, d'âpreté, d'humour, de désespoir, comme peut l'être la vie des braves gens qui la parlent.
Aussi grâce à son auteur, ce spectacle est devenu la révolte d'un artiste et d'une ville qui refusent la tradition folklorique. Chaque mot de "Io, Raffaele Viviani" est tiré du théâtre, des vers, des pages de ce grand "scugnizzo", et se fondent tous dans une grande ballade populaire, une tarentelle de sons et de voix.
Antonio GHIRELLI (1970)

LE VRAI VISAGE DE NAPLES- RAFFAELE VIVIANI (1888-1950)
Enfant de la balle, Viviani, est né dans la province de Naples en 1888.
Son père était "costumier" et dirigeait des petits théâtres locaux où alternaient les spectacles de "varietà" et de marionnettes.
Le jeune Raffaele débute dès son plus jeune âge, se formant dans tous les types de spectacles populaires : en exécutant ses propres numéros et en chantant seul, ou en duo avec sa soeur Luisella.
C'est à l'école du théâtre et de la misère que Viviani se forme ayant pour camarades les jongleurs affamés, des misérables cirques ambulants de l'époque.
En 1905, il obtient son premier succès en interprétant dans un vrai théâtre la "macchietta" du "Scugnizzo" (une sorte de poulbot napolitain). Il a dix sept ans et sa route est tracé : il sera "macchiettista" mais aussi créateur d'un nouveau genre. Les auteurs de "Lo scugnizzo" avaient mis en scène un garçon du peuple avec toutes ses misères mais vu de l'extérieur ; c'étaient des auteurs bourgeois qui racontaient avec une ironie paternaliste des choses dont ils avaient entendu parler. Viviani sera le premier à mettre en scène ce monde vu de l'intérieur à travers ses expériences et ses douleurs personnelles.
Ses "macchiette" ne sont plus seulement des caricatures ; chacune d'elles représent un homme, avec son destin, ses douleurs, ses joies, ses défauts, ses aspirations, ses déceptions. Chacune est partie intégrante d'un tout, d'une fresque complète et surprenante de la ville de Naples.
C'est ainsi que naissent "O Saponariello", "O Scopatore", O Marenariello", "O Malamente"...

Pendant la première guerre mondiale, le spectacle de "Varietà" fut interdit ; Viviani se met alors à transformer ses compositions de"macchiette" en représentations dramatiques. Il débute en 1917, au Théâtre Umberto de Naples avec "O'Vico".
De l'ébauche il passe à la pièce en un acte, avec des changements de scène rapides (qui est la forme spécifique de sa dramaturgie) ; puis à la pièce en deux actes et enfin à la pièce en trois actes.
Tout de suite, il insère dans le texte des chansons, des numéros de "Varietà", des compositions mimiques, des danses, et s'aperçoit que cela crée un rapport d'entente profonde avec le public. Ce qui n'était que des motifs épars du théâtre de "Varietà" prenait une allure unitaire et cohérente grâce à cet "encadrement" mis à leur disposition. L'"encadrement" est structurellement semblable à celui qui réunissait les numéros de "Varietà" : il s'agit, en effet, d'une suite de scènes, plus ou moins liées entre elles, qui saisissent des types et des situations. Ce qui est nouveau, ce sont les types et les situations représentés par Raffaele Viviani : la ville de Naples essentiellement ; non pas une Naples de carte postale en couleurs, avec ses lieux communs et ses fausses consolations, mais une Naples énorme, tourmentée, une grande métropole marine qui vit la nuit, dans les ruelles, dans les gares, sur le port : une Naples en noir et blanc.
L'autre élément dramatique qui distingue et rend unique le théâtre napolitain de Viviani est son attitude totalement dépourvue de paternalisme envers les pauvres, les laissés pour compte, les marginaux, ceux qui vivent d'expédient : la ville et la misère rendent les hommes ennemis, développent leur méchanceté, leur égoïsme. Ainsi, le cadre général de la ville de Naples est exactement le contraire du cadre conventionnel et renvoie à des réflexions plus radicales sur le rapport entre l'homme et la ville moderne.
Le type d'écriture dramatique de Viviani a tout autant d'importance : sur une base vériste il organise tout un tissu vocal de variations et de contrepoints qui s'élèvent lyriquement et s'abaissent dans le fond noir du mot :
ce sont les cris des marchands ambulants, les dialogues à mi-voix, le chant "off" pour annoncer une entrée en scène, l'arrêt du chant sur scène, la reprise sur un dialogue réaliste, le tout dans un napolitain rigoureux dépourvu de mièvreries musicales. La grande leçon de Viviani réside dans ce type d'écriture scénique, ouverte, et qui, donc, peut se multiplier ; une écriture dont la trame n'est qu'expressive et représentative, n'a pas de thèse à démontrer, n'obéit pas à d'autres lois qu'à celle de sa propre présence en scène.
Viviani est vite conscient de cette découverte et compose entre 1918 et 1928, quelques-uns de ses chefs d'oeuvre : "Scalo marittimo", "Caffé di notte e giorno", "Vetturino da nolo", "La musica dei ciechi", Guappo 'e cartone", "L'ultimo scugnizzo", "Il circo Sgueglia" entre autres. Ce sont les années où Viviani acteur-auteur obtient un grand succès en Amérique du Sud et où il est découvert par Gorki de passage à Sorrente.
A partir de 1928, Viviani va écrire des pièces dont le drame sera en quelque sorte conçu en dehors de la scène.
C'est "Morte di Carnevale" et "Nullatenenti" (les indigents, les non-nantis). Les héros de cette dernière pièce sont deux chômeurs qui s'efforcent de fonder une famille : les critiques y ont vu la première forme consciente de "drame social" chez Viviani. Suivent "L'imbroglione onesto" (l'escroc honnête) unique pièce qui ne soit pas écrite en dialecte, et, en 1933, "I vecchi di san Gennaro" (Un asile de vieillards). Mais l'activité de Viviani se heurte au fascisme qui proscrit le dialecte, il continue son travail sans pouvoir organiser de "saison théâtrale".
C'est l'époque où il apparaît grand acteur, avec un don de mime exceptionnel, dans des films et des comédies : dans "L'ultimo Scugnizzo" sur une mise en scène de Germano Righelli, dans "Miseria e nobiltà" de Eduardo Scarpetta et dans "Chicchignola" de Petrolini ; dans des pièces de Pirandello comme "La patente", "Pensaci Giacomino", "Bellavita" ; dans une farce d'Antonio Pettito, où il joue Pulcinella.
Après la guerre, Viviani, qui pourrait reprendre librement son activité, est malade et fatigué. Il remanie cependant des pièces déjà écrites en élabore de nouvelles, "I muratori" (les maçons) et surtout "I dieci comandamenti" une grande fresque en dix tableaux.
C'est dans cette période de la guerre et de l'après-guerre que culmine, selon les critiques, le théâtre social de Viviani. Lui-même en avait d'ailleurs conscience et indéniablement ce contexte existe, mais "à l'état pur" pourrait-on dire et jamais comme intention idéologique.
On peut regretter de n'avoir que des témoignages écrits de ce que fut Viviani acteur. Les indications scéniques de ses pièces minutieuses, précises nous laissent deviner le secret de ses mises en scènes. Leur rythme, leur vivacité doivent beaucoup à sa technique dramaturgique (qui annonce une technique cinématographique aux séquences alternées, aux plans multiples, à la répétition et à la construction d'un même fait en partant de différent points de vue.
Et il y a surtout chez Viviani cette habileté magique à créer une atmosphère de cauchemar qui teinte et transforme tout ce qui se passe sur la scène, cette technique particulière des "récits contraires" qui lui permet de tirer le meilleur effet dramatique d'une réplique ou d'une scène comique.
Grand acteur et grand directeur de troupe, Viviani a été chorégraphe et musicien. Voici ce qu'écrit S. D'Amico du jeu de l'acteur Viviani : "Son scungnizzo, son vagabond, ne sont pas un acteur en train de jouer le scugnizzo, le
balayeur ou le vagabond, ce sont réellement un scugnizzo, un vagabond, fixé pour l'éternité dans leur quintessence".
C'est à cet art qu'il a formé la troupe sur laquelle il régnait avec le génie à la fois enjoué et amer, avec l'expression violente et égarée de sa voix rauque et dramatique, de son masque tourmenté et puissant.

S'il est vrai que le corps est seul à mourir
et que l'âme renaît en un autre corps,
l'homme que je suis, qu'a-t-il d'abord été ?
mouton, bourricot ou serpent ?

Et que serai-je ensuite ? une graine ?
un arbre ? un fruit délicieux ?
Va-t'en savoir où je me trouverai
seul dans un coin ou au milieu des gens.

Mais à tout cela je ne veux pas penser :
je sais que je suis moi, que j'ai vécu,
avec tout le bon comme le mauvais.
Et pour ce que je suis, je m'estime content
car ensuite, même si je ne suis rien,
je serai toujours un homme qui a vu le jour.
Raffaele Viviani, 1945.


A voir dans le programme papier :
Quelques témoignages sur Viviani et Millo
-de Vasco Pratolini
-de Paolo Ricci, L'Unità, Napoli.
-de Carlo Bernari
-de Ghigo de Chiara, L'Avanti
-de Ageo Savioli, L'Unità
-de Vito Pandolfi
(traduction par Valéria Tasca)
-de Jacques Prévert
-de Pierre Marcabru

Trois photocopies de photos.

Composition musicale, arrangements

Textes

Régie

Origine géographique

Italie

Mots-clés

Date (année)

1986

Cote MCM

MCM_1986_IT_S2

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Italie. Théâtre et musiques de Naples. Moi "Io, Raffaele Viviani." d'Antonio Ghirelli et Achille Millo. Affiche Italie 1986-11-12 Affiche
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Saison 1986 1986