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Roumanie. Mélodies profondes de Roumanie. Musiques et airs à danser de Transylvanie, des Maramures et tziganes de Valachie. Spectacle

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Évènement

Titre

Roumanie. Mélodies profondes de Roumanie. Musiques et airs à danser de Transylvanie, des Maramures et tziganes de Valachie. Spectacle

Date

1988-03-08

Date de fin

1988-03-13

Artistes principaux

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Musique

Description de la pratique

8-13 mars 1988.
8-9 mars 1988.
Musiques tsiganes par le taraf de Clejani (Valachie).
Ce groupe de violons, contrebasse, cymbalum portatif, jouit d'une solide réputation dans la plaine du Danube. Leur répertoire comporte des chansons et une grande variété de danses instrumentales.
10-11 mars 1988.
Trio Stringacii (Maramures).
Chaque musicien joue de nombreux instruments (accordéon, tambour, guitare, flûte, violon, contrebasse, tambour). Leur répertoire comporte de nombreux airs à danser et des chansons. Les Stringacii ont déjà participé à plusieurs tournées à l'étranger.
Taraf de Carei.
La musique de cet ensemble reflète la tradition paysanne. Comme celle de toute la Roumanie, la musique populaire comporte une majorité de danses. Les trois instrumentalistes sont accompagnés d'un "crieur" qui scande les indications de danse.
12-13 mars 1988.
La Banda de Soporul et la Banda de Castau (Transylvanie).
La banda est le nom qu'on donne au petit ensemble instrumental professionnel en Transylvanie (violons, contrebasse). Leurs programmes comportent essentiellement des danses instrumentales qui animent traditionnellement les festivités villageoises.

Musiques populaires de Roumanie
De la musique roumaine, on connaît surtout quelques prestigieux solistes, virtuoses de la flûte de Pan, du cymbalum ou du taragot, qui ont contribué à forger l'image d'un folklore pittoresque et aguichant, capable de susciter l'enthousiasme d'un large public. Il s'agit en fait d'un développement récent de la musique urbaine, conçu pour la salle de concert, et donc intentionnellement détaché de son contexte ordinaire. Ce phénomène de folklorisation des traditions populaires se retrouve d'ailleurs sous des formes équivalentes en de nombreux endroits du monde ; il traduit une tendance à la fois commerciale et nostalgique à maintenir artificiellement certaines valeurs du terroir, tout en adaptant leurs expressions aux besoins de la scène voire aux exigences de l'idéologie dominante.
Aux antipodes se situent les musiques des communautés rurales de Roumanie, qui perpétuent des modèles d'apparence archaïque liés aux événements de la vie individuelle, aux cycles saisonniers et aux coutumes propres à chaque région. Durant la première moitié de ce siècle, des chercheurs comme Béla Bartok et Constantin Bràiloiu s'étaient attachés à recueillir et à étudier systématiquement les répertoires villageois des différentes provinces du pays. Pressentant les transformations irréversibles qu'allait provoquer l'industrialisation des campagnes sur les mentalités, ils avaient particulièrement porté leur attention sur les musiques, qu'ils jugeaient "pures", "n'ayant subi aucune sorte d'altération", et notamment sur les chants transmis au sein de familles de paysans souvent illettrées et de ce fait relativement préservées des atteintes du modernisme. L'avenir allait dans l'ensemble leur donner raison, puisque de ces trésors ne subsistent aujourd'hui souvent que des bribes, en grande partie contaminées par l'influence des médias.
A cet égard les innombrables enregistrements effectués par Bràiloiu et ses collaborateurs lors de leurs investigations sont devenus des témoignages irremplaçables. Conservés pendant un demi-siècle dans les archives de l'Institut de folklore - aujourd'hui Institut de recherches ethnologiques et dialectologiques - de Bucarest, ils n'avaient jamais fait l'objet que de publications parcimonieuses, ne franchissant qu'avec peine les frontières du pays. Signalée dans ces pages, une récente édition discographique permet désormais de découvrir un choix significatif de ces documents sonores et de se faire une idée de la vie musicale des villages roumains dans les années trente et quarante. Après la "Collection universelle de musique populaire" (1984) et la collection de "Musique populaire suisse" (1986), cette troisième réalisation vient compléter l'hommage rendu par les Archives internationales de musique populaire du Musée d'ethnographie de Genève à leur fondateur Constantin Bràiloiu.
Mais il existe une autre catégorie de musique populaire en Roumanie, qui concrétise à certains égards une synthèse entre la musique urbaine et celle des paysans: il s'agit de l'art des làutari ruraux. En grande majorité tsiganes, ces musiciens professionnels prolongent la tradition des ménétriers attachés à la cour des anciens seigneurs et hobereaux campagnards. Chaque région, presque chaque village possède encore aujourd'hui ses làutari, fréquemment sollicités pour animer les réjouissances à l'occasion des fêtes villageoises, des baptêmes et des noces. Constitués en petits orchestres occasionnels appelés tarafuri, les làutari sont détenteurs d'un large éventail de danses instrumentales, et dans une grande partie du pays aussi de chants "de table", qu'ils interprètent notamment lors des banquets nuptiaux.
Au cours de deux voyages en Roumanie, en 1984 et 1986, nous avons eu la chance d'approcher plusieurs de ces ensembles et d'en sélectionner certains pour une série de concerts en Suisse et en France. Les cinq groupes retenus à cet effet sont, de l'avis des connaisseurs, parmi les représentants les meilleurs et les plus caractéristiques de la musique festive de trois provinces roumaines: la Valachie dans le Sud, particulièrement réputée pour ses anciennes ballades, les plaines de Transylvanie au centre du pays, dont les techniques violonistiques avaient fasciné Bartok, et enfin le Maramures, région la plus septentrionale de Roumanie, célèbre pour ses danses.
Lors de la soirée inaugurale de cette "quinzaine roumaine", Speranta
Ràdulescu, ethnomusicologue à Bucarest, nous présentera quelques aspects de la musique de son pays, en relation notamment avec l'édition discographique de Bràiloiu, à laquelle elle a activement collaboré. Les trois concerts seront en outre complétés par une conférence de Bernard Lortat-Jacob et Jacques Bouët, deux spécialistes français de la musique roumaine, et par une soirée de films de terrain en Roumanie, qui conclura la manifestation. Dans son ensemble, cet événement devrait nous permettre d'approcher une culture en grande partie méconnue malgré sa parenté linguistique - le roumain est en effet une langue latine - et de découvrir un univers musical d'une qualité et d'une diversité insoupçonnée
Laurent Aubert
Cette manifestation a été réalisée en collaboration avec les Ateliers d'Ethnomusicologie de Genève.

8-9 mars 1988.
Valachie
Le taraf de Clejani
Les làutari de Valachie
La présence de musiciens professionnels est attestée en Roumanie depuis le XVe siècle. Dès le XIXe siècle et probablement déjà avant, le métier de làutar, de ménétrier, est dans le sud du pays l'apanage des Tsiganes, alors que dans d'autres régions - la Bucovine, le Bihor, tout le nord de la Moldavie et du Pays d'Oas notamment - ce sont encore aujourd'hui fréquemment des non-Tsiganes qui l'exercent.
En Valachie, les làutari sont à la fois chanteurs et instrumentistes. Leur art se transmet héréditairement au sein des collectivités de Tsiganes sédentarisés qui vivent dans des quartiers situés en périphérie des agglomérations. Dès son enfance, le futur làutar baigne ainsi dans une ambiance musicale ; au contact de ses aînés, il s'imprègne progressivement des techniques, du répertoire et du style propres à son village et à sa région. Chaque làutar apprend à chanter et à jouer de plusieurs instruments, de façon à diversifier ses qualifications et, de ce fait, à augmenter ses chances en tant que professionnel. Lorsque son niveau musical est jugé suffisant, le jeune làutar est très vite intégré à un taraf pour parfaire sa formation "sur le tas". Souvent basé sur une cellule familiale, le taraf valaque peut être défini comme un ensemble vocal et instrumental à géométrie variable selon les circonstances et la demande. Le jeune làutar y occupe d'abord une position d'accompagnateur, puis, s'il est doué, il peut devenir soliste occasionnel avant, le cas échéant, de s'imposer comme primas, c'est-à-dire comme premier soliste et chef d'un taraf.
Le terme de taraf provient de l'arabe tarab, "émotion" il a vraisemblablement été introduit au cours de la domination turque (XVIe-XIXe siècles) qui est aussi l'époque à laquelle de nombreux Tsiganes ont émigré en Roumanie. Jusqu'au début de ce siècle le nom de tacîm - du turc takim - prévalait pour désigner le petit orchestre tsigane de Valachie, habituellement constitué d'un violon (vioarà) d'une flûte de Pan (nai) et d'un luth à manche court (cobzà). Ce n'est que récemment que la cobzà a quasiment disparu, remplacée au sein du taraf par le tympanon (tambal), puis par la guitare et l'accordéon chromatique, auxquels s'est jointe la contrebasse. Quant au nai, il s'est surtout maintenu dans la musique urbaine entre les mains de quelques virtuoses prestigieux. La vie musicale des communautés rurales offre de fréquentes occasions de jeu aux làutari. Ils sont les principaux animateurs des réjouissance villageoises, en particulier des fêtes dominicales et des mariages, dont ils sont chargés de conduire les différentes phases, rituelles et récréatives. Ils sont alors au service de l'organisateur de la noce, en principe le père de la mariée et doivent être en mesure de répondre à tout moment aux exigences de la cérémonie et aux requêtes de l'un ou l'autre des participants.
La souplesse et l'adaptabilité bien connues des musiciens tsiganes se manifeste dans un tel contexte avec une évidence patente. Leur polyvalence et leur sens de l'improvisation leur permettent de s'adapter instantanément à toute situation et de calquer leur prestation sur son évolution. Ils peuvent ainsi modifier les paroles d'une chanson ou la formation du taraf en cours de jeu, afin de s'adresser personnellement à un destinataire privilégié, ou en vue de satisfaire ses goûts connus ou supposés. Deux exécutions d'une pièce par le même interprète ne sont jamais identiques, car les circonstances sont toujours différentes . La longueur d'une chanson ou d'une danse, ainsi que le nombre et l'agencement des parties d'une suite (rînd) dépendent surtout de la réceptivité des bénéficiaires ; les motifs lyriques, les vers d'une chanson peuvent être recombinés librement ; les lignes mélodiques dont seule l'ossature est fixée par la tradition, font toujours l'objet d'une ornementation volubile et constamment renouvelée. Toutes ces fioritures (floricele), ces "couronnes" (coroane) mélodiques, combinée à d'abondants effets de vibrato et de glissando, ont contribué à identifier, parfois abusivement, ce qu'on appelle "l'interprétation tsigane" (cîntereà tigàneascà, ou 1àutareascà).
Il serait en effet faux d'attribuer ce talent des làutari à une propension ethnique. Un facteur décisif ayant contribué à modeler leur art est de toute évidence la nécessité de plaire, inhérent à leur statut de professionnels. Les làutari dépendent économiquement de la communauté qui les fait vivre, et à laquelle ils ne s'intègrent d'ailleurs jamais. La nature de leurs prestations, leur répertoire et leur style sont de ce fait constamment soumis à la loi de l'offre et de la demande, et leur auditoire ne se prive pas, le cas échéant de les remettre en question. Dans les années trente, une jeune villageoise se plaignait déjà à Constantin Bràiloiu que "les ménétriers embrouillent les chansons" ("làutarii zàpàcesc cîntecele") stigmatisant par là leur propension à "contaminer" le répertoire d'origine paysanne par des apports de provenance urbaine, à mélanger les genres ou à imposer un rythme de danse à une chanson ancienne. Justifiée selon son point de vue, cette critique souligne le fait que la muzica1àutàreasca est le résultat d'un amalgame fondu au cours des siècles à partir d'éléments de provenances diverses. Au fonds traditionnel régional se sont greffées des influences turques, reconnaissables à la tournure modale et mélismatique des mélodies et à l'usage occasionnel d'intervalles microtonaux où l'on perçoit l'écho des makam de la musique ottomane, ou encore l'emploi de formules rythmiques, d'instruments et de termes musicaux d'origine orientale. En contrepartie, d'autres caractéristiques dérivent clairement du système musical d'Europe occidentale, notamment l'adoption de la gamme tempérée comme base de référence et celle du cadre harmonique dans lequel s'inscrit l'accompagnement instrumental. Mais ce qui est propre aux làutari de Valachie, c'est la manière dont ils ont sû intégrer toutes ces influences pour en dégager une synthèse unique, dont le taraf de Clejani offre un magnifique exemple.

Le taraf de Clejani
Ion Manole : chant, violon
Nicolae Neacsu: chant, violon
Dumitru "Cacuricà" Baicu : chant, tambal
Petre Manole : tambal
Ion Fàlcaru : contrebasse, fluier
Gheorghe Anghel : violon, contrebasse
Le village de Clejani est situé dans la plaine du Danube, dans la partie centrale de la Valachie appelée Munténie à une trentaine de kilomètre au sud-ouest de Bucarest. Une cinquantaine de Tsiganes vivent aujourd'hui de la musique à Clejani. Ils jouissent d'une solide réputation dans la région et on fait souvent appel à eux de loin pour animer les fêtes et les mariages. Le style des musiciens de Clejani est caractérisé par une remarquable expressivité vocale, assortie d'une gestuelle appropriée établissant un contact direct avec leur public.
Parmi les instruments qu'ils utilisent, il faut signaler le tambal, un type de cymbalum portatif destiné à fournir l'accompagnement mélodico-rythmique du chant et du violon, ainsi que le fluier, petite flûte de berger intégrée à l'ensemble instrumental. Le répertoire du taraf de Clejani comporte des chansons, des doine au rythme libre, des ballades épiques et une grande variété de danses instrumentales qui animent traditionnellement les festivités villageoises.

A l'occasion de cette manifestation, la collection OCORA publie un nouveau disque compact consacré aux musiciens de Clejani:
Roumanie : Musique des Tsiganes de Valachie. Les làutari de Clejani. (référence Ocora C 559036)
Enregistrements réalisés à Bucarest en décembre 1986 par Thierry Fischer et Laurent Aubert au cours d'une mission effectuée pour le compte des Archives internationales de musique (AIMP) du Musée d'ethnographie de Genève et de la Radio suisse romande/Espace 2, Démarge.
Prise de son : Thierry Fischer - Textes : Laurent Aubert


ROUMANIE: MUSIQUE DE VILLAGES
Olténi - Moldavie - Transylvanie -
Collection Constantin BRAILOIU (1933- 1943)
Coffret de trois disques compacts avec plaquette illustrée
Après la "collection universelle de musique populaire enregistrée" (6 disques 33 tours, 1984) et la collection de "Musique populaire suisse" (2 disques 33 tours, 1986) qui ont obtenu conjointement en 1987 le Grand Prix international du disque de l'Académie Charles Cros, les Archives internationales de musique populaire (AIMP) proposent un nouveau choix d'enregistrements de leur fondateur Constantin Brailoiu : ROUMANIE: MUSIQUE DE VILLAGES.
Enregistrements réalisés de 1933 à 1943 par Constantin Bràiloiu et ses collaborateurs dans trois régions historiques de Roumanie: l'Olténi (Runc et les villages du Gori), la Moldavie (Fundu-Motdovei et la Bucovine) et la Transylvanie (Dràgus et le Pays de l'Olt). Edition établie à partir des archives de l'Institut de recherches ethnologiques et dialectologiques (ICED) de Bucarest.
Coffret de 3 disques compacts, contenant une plaquette bilingue français/anglais abondamment illustrée avec paroles des chansons, références à l'oeuvre écrite de, Bràiloiu, glossaire et commentaire original de Speranta Ràdulescu.
Collection dirigée par Laurent Aubert.





12-13 mars 1988.
Transylvanie
La banda de Soporul de Cîmpie
La banda de Càstàu

La banda de Transylvanie
Délimitée au nord, à l'est et au sud par la chaîne des Carpates, la Transylvanie, "pays au-delà des montagnes", passe pour être le berceau du peuple roumain.
Elle a pourtant été sous domination magyare de façon presque ininterrompue du Xe siècle à son union à la Roumanie en 1918. Ce rattachement récent n'effaça évidemment pas la diversité ethnique et linguistique de la Transylvanie, laquelle, outre sa population roumanophone, comporte des minorités hongroises, allemandes, slaves - slovaques, ruthènes et serbes - et tsiganes.
La Transylvanie a fait l'objet de nombreuses recherches musicologiques et folkloriques, notamment de la part de Béla Bartok. Dès ses premières expéditions en 1904, ce dernier avait été frappé par la manière de chanter "archaïque" des Roumains de Transylvanie, très différente de celle des Hongrois de cette région. Une des pratiques vocales les plus intéressantes à son sens était celle du chant mélismatique a cappella, dans laquelle il croyait pouvoir déceler une influence arabo-persane.
D'origine ancienne, ce chant peut être réparti en deux principaux types structurels, indistinctement appelés doinà par les gens du pays : d'une part, ce qu'il est convenu de nommer la "chanson proprement dite" (cîntec propriu zis) à forme fixe ; trois modules mélodiques indéfiniment répétés dans le même ordre, mais avec une grande liberté d'ornementation ; d'autre part, le chant dit "long" (cintec lung), ou "doinà proprement dite", reposant sur une structure variable, un nombre indéterminé de vers et un rythme non mesuré, parlando rubato, qui permet d'inépuisables variations et permutations à partir d'un nombre relativement limité de formules mélodiques fondamentales.
Dans le contexte des traditions villageoises transylvaines, le chant est en principe l'apanage des non-professionnels. L'éventail de son répertoire est très large : en plus des chansons, des doine et des ballades, il comporte toute une série de pièces liées aux événements de l'existence individuelle, notamment la berceuse (cîntec de leagàn), le chant rituel de noce (cîntec ritual de nuntà), la complainte (cîntec de dor) ou la lamentation funéraire (bocet), cette dernière ne pouvant être exécutée que par des femmes. Une autre catégorie de chants se rapporte aux différents événements du cycle annuel: chant rituel des moissons (cîntec ritual de seceris), chants de Noël (colinde) et de Nouvel-An (de Anul Nou), auxquels se rattachent les aubades (zorile) et les chansons votives (uràri).
Il existe enfin un vaste corpus de danses (jocuri) destinées à animer les fêtes villageoises et les noces. Le plus souvent instrumentales, mais parfois aussi chantées ces danses sont groupées sous forme de suites (rînduri) de trois à cinq sections, qui se succèdent de la plus lente à la plus rapide.
Bartok ne citait pas moins de quatre-vingt types différents de danse en Transylvanie.
Dans la zone centrale de Transylvanie, dont proviennent les musiciens de Soporul de Cîmpie et de Càstàu, la suite commence généralement par un "préambule" (preumblat) au rythme asymétrique (7/8), aussi appelé purtatà ou de-alunga, au cours duquel les jeunes gens sont censés inviter les jeunes filles. Différentes danses en couple dites învîrtita, "tournoiement", peuvent alors être exécutées ; la dernière qui boucle le cycle, se nomme hàrtag, "dispute", terme sous-entendant qu'il s'agit d'une danse très animée.
L'orchestre qui anime les réjouissances villageoises s'appelle dans cette région banda. Il est constitué de làutari, qui sont donc des professionnels, et dont la plupart sont des Tsiganes. Contrairement à l'usage ailleurs en Roumanie, les làutari de cette région sont exclusivement instrumentistes.
La banda comporte de un à quatre violons (ceterà), ou deux violons et un alto (brace, contrà), et depuis une cinquantaine d'années très souvent une contrebasse (gordunà). L'alto, qui n'apparaît pas dans les ensembles du sud et de l'ouest de la Transylvanie, fait dans la plaine l'objet d'un traitement particulier: il n'a que trois cordes, légèrement resserrées sur le chevalet, et accordées sol2-ré3-la2 ; son chevalet est plat, de telle manière qu'il peut jouer des accords à trois sons. Il est ainsi chargé de fournir l'accompagnement harmonico-rythmique des mélodies jouées par le violon.
Une pratique courante lors des fêtes est qu'un chanteur non-professionnel s'associe à la bandà et joue le rôle de "maître de céremonie". Il peut occasionnellement interpréter une doinà ou une "chanson de danse" (cîntec de joc) accompagné par l'orchestre, mais sa fonction principale est de stimuler les musiciens et les danseurs par des interjections impromptues, déclamées à forte voix sur le rythme imprimé par les instruments. Appelé strigàturi, ces "cris de danse" se présentent sous forme de vers de sept ou huit pieds, scandés syllabiquement, sans ligne mélodique déterminée. Le registre sémantique des strigàturi est assez large: ce peut être des incitations ou des commandes adressées aux danseurs, des répliques improvisées souvent satiriques ou licencieuses, voire obscènes, destinées à l'un ou l'autre des auditeurs, ou simplement des vers lyriques. Bartok estimait que ces strigàturi sont à la musique de danse "ce que le sel, le poivre et les autres épices sont à la nourriture".

La banda de Soporul de Cîmpie
Alexandru Ciurcui : violon
Francisc Ciurcui : violon
Tanase Gheti : contra
Iuliu Gheti : contrebasse
Vasile Soporan : chant
Banda est le nom qu'on donne en Transylvanie au petit ensemble instrumental professionnel. Il faut relever au sein de sa formation la présence d'un instrument étonnant qui avait déjà éveillé la curiosité de Bartok : la contrà, aussi appelé brace, qui est un violon alto à trois cordes et au chevalet aplani de façon à lui permettre de jouer des accords plaqués. Combinée à un jeu de contrebasse volontairement appuyé, cette technique confère à la banda de Transylvanie un son d'ensemble extrêmement homogène et caractéristique.
La banda du village de Soporul de Cîmpie, dans la plaine de Transylvanie, est dirigé par le primas (violon solo) Alexandru Ciurcui, l'un des musiciens les plus appréciés de la région. Traditionnellement, l'orchestre est purement instrumental et, lors des fêtes le répertoire vocal est interprété par un chanteur amateur, qui s'y joint spontanément le temps d'une chanson. Ceci explique que Vasile Soporan, ami de longue date des musiciens, soit le seul non-professionnel du groupe. Leur programme comporte essentiellement des cycles de danses, chantées ou instrumentales, ainsi que de très belles doine, parfois chantées a cappella.

La banda de Càstàu
Relu Sibisan : violon
Valeau Stàncioiu : violon
Lità Turdàsan : violon
Ioan Urs: violon
Ion Sibisan : contrebasse
Càstàu est un petit village montagnard, relativement isolé dans la zone carpatique de Hunedoara, en Transylvanie centrale.
Souvent bergers ou bûcherons, ses habitants ont maintenu un mode d'existence peu affecté par la vie moderne. C'est par ailleurs dans cette région que se trouvent les ruines de Sarmizegethuusa Dacica, l'ancienne capitale du Royaume des Daces.
La banda de Càstàu est un petit ensemble professionnel, exclusivement instrumental, comme c'est la coutume en Transylvanie. Les quatre violonistes (ceterasii) sont tous tour à tour solistes et accompagnateurs, et la contrebasse (gordunà) fournit à leurs mélodies une solide assise rythmique. Leur répertoire est surtout constitué de danses (hateganà, invirtità, batutà, horà, romanul, etc.), ainsi que d'airs rituels joués lors de la fête du Càlus et de versions instrumentales de chansons lyriques. Une des techniques les plus remarquables de ces musiciens est celle dite "ça din cimpoi", "à l'imitation de la cornemuse", qui offre aux musiciens une grande liberté d'improvisation.


10-11 mars 1988.
Maramures
Le taraf de Baia-Mare
Le taraf de Carei

La musique du Maramures
Région la septentrionale de Roumanie, le Maramures est un pays de forêts de sapins et de vastes pâturages ; l'artisanat du bois, l'élevage et le travail de la laine y sont restés des occupations prépondérantes, mettant en évidence certains traits culturels remontant à l'Antiquité daco-romaine.
L'environnement naturel du Maramures semble avoir joué un rôle protecteur, et sa musique se caractérise par la vivacité de sa tradition et la diversité de son répertoire, lié aux fêtes religieuses et profanes du calendrier et aux phases de la vie. Ainsi, la musique rurale du Maramures comporte tout un corpus de chansons d'une grande valeur poétique et musicale : berceuses, chants cérémoniels de baptême et de mariage, lamentations funéraires, interprétées par les pleureuses, qui accompagnent le défunt à sa dernière heure.
Les noces et les fêtes villageoises sont encore aujourd'hui animées par des musiciens professionnels, détenteurs d'un riche héritage que l'on peut répartir en deux catégories : les chansons lyriques et la musique de danse. Parmi les premières, on rencontre différents types, dont certains sont communs à l'ensemble du pays, par exemple les doine et les ballades, notamment celles relatant les exploits des fameux haïdouks, héros populaires de la lutte contre les envahisseurs et les exploiteurs des pauvres ;
d'autres sont plus spécifiques au Maramures : chansons "à écouter" (de ascultat) ; "à boire" (de bàut) ; "de route" (de pribegie), "à crier" (de strigat), etc.
Quant aux danses (jocuri), il en existe de nombreuses; certaines, appelées bàrbàtesti ou fecioresti, sont des danses masculines, individuelles ou de groupe, dont la chorégraphie faite d'entrechats, de sauts acrobatiques, de frappements de paumes contre les jambes et de trépignements énergiques, est impressionnante. Les danses mixtes sont de type învîrtità, "tournoiement" ; leur tempo est modéré et elles sont généralement exécutées en couples, parfois en petits groupes. Chaque région du Maramures et des contrées voisines possède ses propres danses. C'est le cas du Tara Làpusului, du Bihor et de la zone forestière du Codru, qui seront représenté dans ce programme.
Les deux petits orchestres qui composeront ce programme représentent à eux seuls l'ensemble du répertoire du Maramures, dont ils nous proposent un aperçu significatif, vivant et ancré dans la plus pure tradition des musiques de fête régionales.

Le taraf de Baia-Mare
Ioan Pop: chant, guitare, fluier, braci.
Petru Giurgi : violon, violon à pavillon, fluier, feuille d'arbre.
Alexandru Aurel Viman : tambour, accordéon contrebasse.
Ce trio, appelé Stringacii ("les gauchers") est détenteur d'un riche répertoire provenant de l'ensemble de la province historique du Maramures et des régions avoisinantes. Chaque musicien joue de nombreux instruments, choisis selon les nécessités internes de chaque style, de chaque morceau. Dans le Maramures central, la formation habituelle est voix - violon (vioarà) - guitare (zongorà) - tambour; dans le Codru et le Pays de Lapus, l'alto (braci) et la contrebasse (gordonà) remplacent la guitare, et le tambour; alors que dans le Bihor, on rencontre le violon à pavillon. Parfois, les musiciens utilisent aussi une flûte pastorale (fluier) et une sorte de mirliton fait d'une feuille d'arbre.
Bien qu'ayant déjà participé à plusieurs tournées à l'étranger les Stringacii tiennent toujours une part active dans la vie musicale régionale. Leur répertoire comporte de nombreux airs à danser et des chansons, qu'ils jouent dans le style propre à chaque zone, à chaque village.

Le taraf de Carei
Dumitru Iederan : violon
Andrei Deak: alto
Adalbert Ginal: contrebasse
Nicusor Muresan: chant
La musique de cet ensemble reflète la tradition paysanne du Codru, la zone forestière du département de Satu-Mare, au sud du Maramures. Le groupe s'appelle ledera ("le lierre"); il a été fondé en 1978 dans l'intention de perpétuer l'ancien style régional en le dégageant des influences étrangères qui tendent à modifier le paysage sonore des fêtes villageoises.
La musique populaire du Codru comporte une majorité de danses. Les plus caractéristiques sont le codrenescul ("à la manière du Codru"), le batrînescul ("à l'ancienne"), le romaneste ("à la roumaine"), ou encore le dantul ("danse"). Les trois instrumentistes sont accompagnés d'un chanteur, ou plutôt d'un "crieur" (strigàus), qui scande d'une voix forte et aiguë des indications de danse ou des vers satiriques et humoristiques. Le
taraf de Carei est aujourd'hui très sollicité

Origine géographique

Roumanie

Mots-clés

Date (année)

1988

Cote MCM

MCM_1988_RO_S1

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Titre Localisation Date Type
Roumanie : 3 concerts différents : Musique de Transylvanie. Mélodie des Maramures. Airs à danser de Valachie. Affiche Roumanie 1988-03-08 Affiche
Roumanie. Musique du Maramures. Taraf de Baia-Mare et Taraf de Carei. Photos Roumanie 1988-03-10 Photo numérique
Titre Localisation Date Type
Saison 1988 1988