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Indonésie. Cérémonie rituelle des Bissu de Sulawesi. Spectacle

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Évènement

Titre

Indonésie. Cérémonie rituelle des Bissu de Sulawesi. Spectacle

Sous-titre

Dirigée par Puang Matoa Saïdi

Date

2006-03-06

Date de fin

2006-03-07

Direction artistique

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Cérémonie, rituel

Description de la pratique

6-7 mars 2006
Loangeng lino ou l'amplification du monde
Une cérémonie rituelle avec les Bissu
Poang Matoa Saïdi,
Achmad Beddu
Sitti Karibe
Mase Side
Nani Ambo Tang
Muharrang Dalle
Et les musiciens
Basri Baharuddin Sila
Abdul Bashit
Syamsuddin Bin Sattu
Muhammad Redo Basri

Le Festival de l'Imaginaire tient à remercier Andi Ummu Tunru, Batara Gowa Arts Foundation, M. Franco Laera, M. Nicolas Lainez, et tout particulièrement M. Christian Pelras et M. Gilbert Hamonic

Les prêtres Bissu du Pays bugis, au sud de l'île de Célèbes (Indonésie) sont les derniers représentants d'anciens cultes et croyances autochtones qui ont traversé plus de quatre siècles d'Islam. Hommes travestis en femmes, vivant parfois en confrérie très hiérarchisée, parlant un langage secret qui leur est propre, détenteurs de récits ésotériques réservés aux seuls initiés, affichant une bisexualité symbolique et pourtant à la charnière entre sacré et profane, les prêtres Bissu ne sont plus que quelques rares individus (environ une quinzaine parmi les 4 millions de Bugis vivants à Célèbes) à accomplir encore les anciens rituels propres à leur culture.
Contrairement à Java ou Bali, il n'est pas de tradition théâtrale à Célèbes. C'est donc un véritable rituel de propitiation, appelé ici loangeng lino (l'amplification du monde) qui est présenté. Les séquences principales, qui se succèdent en combinant présentation d'offrandes, invocations, danses, chants liturgiques et transe, visent à maintenir ou à restaurer une harmonie cosmique qui est menacée ou a été rompue. En ce déséquilibre gît, selon les Bugis, la cause de tout malheur, maladie, catastrophe ou désastre pouvant advenir.
La présentation de cette cérémonie se déroule donc de la manière suivante :
1 - Pangngaderreng, (rite préparatoire, mot formé sur ade', règle, tradition).
Prière formulée avant toute entreprise hasardeuse, afin que les résultats en soient favorables, sans rien de mauvais et que chacun en obtienne une vie meilleure.
2 - Séré Lolosu (danse des lolosu, du nom de ces accessoires représentant des coqs qui s'affrontent l'un l'autre). Symboliquement, le coq est un moyen de communication et de transfert de l'énergie vitale entre humains et divinités. L'accessoire lui-même, parfois
censé figurer un être à tête et queue d'oiseau et au corps de serpent, fait écho à de très anciennes mythologies de l'archipel, notamment bien attestées à Bornéo.
3 - Massure'
Lecture psalmodiée d'un texte évoquant les habitants des trois « mondes » constituant l'Univers bugis, à savoir le monde supérieur et inférieur où habitent les divinités, et ceux du Monde du Milieu, où habitent les humains et toutes sortes d'autres êtres vivants - autrement dit l'ensemble des âmes -, tandis qu'au delà, au ciel, seul réside Déwata Séuwaé, « le Dieu Tout Un ».
4 - Séré Lenynye-Lenynye, approximativement Danse de l'être et du non-être.
Le titre bugis de cette danse se traduirait littéralement par "il y a et il n'y a pas". Ses mouvements expriment l'idée que toute vie consiste en une dualité d'aspects antagonistes et complémentaires : l'"être-là" et le "n'être-pas-là", la vie et la mort, la jeunesse et la vieillesse, etc.
5 - Passureng-Surengngeng, «Faire des uns les frères des autres ».
Ce chant expose la relation des humains tout à la fois avec Dieu, avec les autres humains, avec la nature, et avec la surnature. Ainsi, à l'égard de l'univers et de ce qu'il contient, les humains ont-ils le devoir de maintenir des équilibres grâce à l'amour, l'estime et le respect réciproques.
6 - Séré Panampa, Danse des coiffes-corbeilles.
Le but de cette danse est de montrer comment les humains remplissent leur devoir, qui est de contribuer à l'équilibre de l'univers dans ses trois composantes (Monde d'en-Haut, du Milieu et d'en Bas). Les larges chapeaux que portent les danseurs sont pourvus de petites figurines de palmier tressées, qui symbolisent l'abondance des êtres de ce monde humain. Certaines sont aussi remplies d'offrandes - comme des grains de riz frais (cucubanna) aux quatre couleurs rituelles ; ou du riz soufflé (wenno') semblable à du pop corn - dont, dit-on, les êtres spirituels viennent picorer la partie "subtile" pendant la danse.
7 - Séré Losa-losa
Cette danse qui représente la situation de l'être humain face à son destin. Les femmes sont la source de l'énergie vitale, les hommes ne font que récolter et pêcher cette énergie'
8 - Maggiri', transe et rite d'auto-blessures.
La vérification que les prières adressées à Déwata Séuwaé ont bien été entendues est obtenue par les Bissu lorsque leurs vains efforts pour se transpercer avec leur propre tappi (ou kriss en indonésien) démontrent leur invulnérabilité. Chaque coup porté témoigne en même temps du fait que l'homme ne pourrait rien réussir sans l'aide du pouvoir divin.
8 - Pakkuru Sumange' (Rappel des esprits envolés, ou qui ont voyagé).
Rite de sortie cérémonielle.
D'une façon générale, les gestes et danses rituels accomplis ont pour but un même propos qui consiste à rétablir l'équilibre qui a été rompu entre les trois mondes (céleste, terrestre et abyssal) constitutifs de l'univers. Univers qui est en outre centré sur un axe cosmique (posi' batara ou « nombril cosmique ») ici représenté sur la scène et symbolisé dans la vie courante tout aussi bien par la plus haute montagne de l'île, le mont
Latimojong, que par le maître pilier de la maison bugis traditionnelle, le « nombril » des navires (la bonde) ou l'ombilic des diverses principautés du pays (posi' tana, « nombril du territoire »)...
Il est en effet tout un jeu de correspondances entre ces trois mondes et des réalités quotidiennes aussi distinctes que l'agencement de la maison traditionnelle (pilotis, plancher et grenier), la symbolique des nombres et des couleurs, les éléments de base composant la nature, les diverses parties du corps humain, les principales vertus et les offrandes elles-mêmes. De plus, ajoutons que monde supérieur et inférieur sont euxmêmes subdivisés en sept étages, dont chacun comporte royaumes divins et divinités spécifiques. Enfin, comme pour compliquer les choses à loisir, une autre tradition « quadripartite » est venue s'ajouter à ces correspondances au cours de l'histoire'
Mais de fait, la complexité de cet univers mental nous est en partie révélée dans un récit mythologique appelé La Galigo dont les prêtres Bissu sont, parmi leurs multiples autres activités, les gardiens. Ce cycle mythologique extraordinaire, tant par sa richesse (comportant plusieurs milliers de pages manuscrites rédigées dans une écriture propre et en langue archaïque) que par le merveilleux des aventures et des amours qui y sont comptées, est de nos jours toujours extrêmement vivant dans la population bugis et peut être considéré comme un véritable mythe culturel identitaire. C'est cette oeuvre, sans doute l'une des plus importantes du patrimoine littéraire de l'humanité, qui a été adaptée en 2003 sous forme d'un opéra-ballet par Robert Wilson et Rhoda Grauer, et qui a effectué une tournée mondiale. Puang Matoa Saidi, grand-maître des Bissu, participa à ces représentations et en assura rituellement le bon déroulement. Pour la première fois, la présence des Bissu était ainsi mise sous la lumière d'un regard international. A nouveau, Puang Saidi mènera cette fois un rituel traditionnel qui n'a jamais été montré en France (ni même hors d'Indonésie).
Gilbert Hamonic & Christian Pelras

A lire pour en savoir davantage sur les Bugis et les Bissu :
- Gene Ammarell, Bugis navigation. New Haven (Con), Yale Southeast Asian Studies
(Monograph 48), 1999 ;
- Leonard Andaya, The heritage of Arung Palakka' : a history of South Sulawesi (Celebes)
in the seventeenth century. The Hague, Nijhoff, 1981 ;
- Gilbert Hamonic, Le langage des dieux: cultes et pouvoirs préislamiques en pays bugis,
Célèbes-sud, Indonésie, Paris, CNRS, 1987 ;
- Susan B. Millar, Bugis weddings: rituals of social location in modern Indonesia, Berkeley,
University of California, Center for South and Southeast Asian Studies (Monograph 29)
1989 ;
- Christian Pelras, The Bugis. Oxford, Blackwell (The Peoples of South-East Asia and the
Pacific) 1996.

Contributeurs

Origine géographique

Indonésie

Mots-clés

Date (année)

2006

Cote MCM

MCM_2006_ID_S2

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