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Turquie. Chant soufi et musique instrumentale ottomane. (Paris). Spectacle

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Titre

Turquie. Chant soufi et musique instrumentale ottomane. (Paris). Spectacle

Date

2006-04-01

Artistes principaux

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Musique

Description de la pratique

Samedi 1er avril 2006
par Nezih Uzel, chant et tambour bendir
Kudsi Erguner, flûte ney
Derya Turkan, vièle kemençe
Alper Uzkur, luth tanbur
Hakan Güngör, cithare kanun

La grande tradition poétique et musicale ottomane doit énormément aux pratiques rituelles soufies du zikr (remémoration) et du sema (concert spirituel). Ce n'est donc pas un hasard si le panthéon de la musique turque regorge depuis le XVIe siècle de poètes et musiciens soufis. Un système de notation élaboré a permis de conserver ces pièces jusqu'à nos jours et ce concert se propose d'en dévoiler les plus rares.
Mystique de l'islam, le soufisme en est la principale voie de réalisation spirituelle. La technique centrale de la contemplation repose sur l'oraison qui prend le nom de zikr ("remémoration"). Dans certaines confréries, le zikr est inséparable du sema, le concert spirituel. Son origine est attribuée à Mawlana Jalal al-Din Rumi (XIIIe s.), fondateur de mevlevi auquel on doit l'élaboration d'une musique liturgique originale et unique dans le monde islamique. Par le chant, la musique instrumentale et la danse, le derviche parvient à un état où l'invocant, l'Invoqué et l'invocation ne font plus qu'un. Les litanies interprétées dans ce concert sont des ilahi, odes mystiques relevant notamment de la tradition des mevlevi, mieux connus sous le nom de "derviches tourneurs".
Istanbul fut de tous temps réputée pour la richesse de sa vie musicale. Seul peuple islamique à employer systématiquement la notation musicale dès le XVIIe s. , les Ottomans inventèrent à partir de l'héritage arabopersan la suite de concert fasil qui combinait diverses formes vocales et instrumentales : préludes et postludes instrumentaux, improvisations instrumentales et vocales, et compositions vocales diverses. Les pièces de fasil ne sont pas réservées au seul concert profane ; elles sont également jouées dans le contexte mystique du sema soufi.

Ce concert met l'accent sur le répertoire instrumental qui se compose pour l'essentiel de peshrev et de saz semai. Les peshrev et les saz semai sont joués en prélude, interlude ou postlude dans les suites classiques. Il existe deux sortes de peshrev : les peshrev du fasil, la suite classique ottomane, et les peshrev du sema, le concert spirituel. Ces derniers sont joués au début des cérémonies dans une partie appelée mukabala (litt. l'essentiel) au cours de laquelle les derviches se saluent en signe de reconnaissance mystique. Les peshrev du sema sont composés sur des cycles rythmiques extrêmement longs (56 ou 2 x 28 temps) appelés devr kebir. La cérémonie est clôturée par un son peshrev. Les saz semai, composés sur un rythme à 10 temps, se présentent un peu comme un rondeau (strophes-refrain) et sont joués en clôture de la suite classique ou à la fin d'un sema.

Nezih Uzel et Kudsi Erguner se connaissent depuis leur tendre enfance, lorsqu'ils fréquentaient assidûment la "tekke des Ouzbeks" qui accueillait les pèlerins d'Asie centrale. C'est là, auprès du Sheikh Uzbek Kangay, qu'ils apprirent dimanche après dimanche le répertoire de chants mystiques qui sera présenté dans ce concert. Pour les pièces instrumentales, Kudsi Erguner a réuni auprès de lui la fine fleur des jeunes instrumentistes d'Istanbul. Le programme est organisé sous la forme de plusieurs suites modales. Dans chacun des modes (maqam), les suites débutent et finissent par des pièces instrumentales qui encadrent une série d'ilahi.
Pierre Bois

Programme
Maqam Rast
Peshrev Düsems
Attribué au célèbre philosophe Al-Farabi (Xe siècle), ce peshrev est probablement le plus ancien prélude du répertoire instrumental oriental.

Ilahi
Musique et poème anonymes
L'océan de la clémence a débordé
Toutes les rebelles s'y sont noyées.
Les Quatre livres révélés nous disent :
« Il n'est d'autre divinité que le Dieu Unique ».

Ilahi
Poème et musique de Seyhulislam Es'ad Efendi (1685-1753).
Ce théologien de renom fut aussi un linguiste, un poète et un musicien. Seules sept de ses compositions nous sont parvenues.
Puisque tu sais que la maison de Dieu est dans le coeur du fidèle]
Sage est celui qui met le nom de Dieu dans ses invocations
Il y a tout, chez le fils d'Adam, demande lui la vérité
Ne sois pas Ibis le bandit, chez le fils d'Adam il y a le secret Divine]

Ilahi
Poème de Sheyh Kamil, musique de Zekai Dede (1825-1897).
Ismail Dede et son disciple Zekai Dede sont des figures majeures de l'histoire de la musique ottomane. C'est à eux et à leur enseignement que l'on doit une grande partie de l'héritage musical savant et soufi.
Demandons pardon pour nos péchés
Ô Dieu, aucune autre divinité ne peut pardonner
Accorde-nous ta pitié
Au secours Ô Dieu
Si Tu ne nous pardonnes pas, qui peut le faire ?
Ô Dieu, Ô Allah.

Mahur Saz semai
composé par Gazi Giray Han (1554-1607)
Ce khan de Crimée, descendant de Cengiz Khan, fut aussi poète, calligraphe et compositeur.

Maqam Segah
Peshrev
composé par Tanburi Osman bey (1816-1885) Osman Bey appartient à la lignée des grands maîtres du tanbur (luth à long manche). Il servit à la cour de Mahmud II (1808-1839) lui aussi musicien et disciple de la confrérie mevlevi.

Ilahi
Poème de Seyyid Seyfullah ( ? - 1601), musique anonyme.
Maître de la confrérie halveti d'Istanbul, ses écrits font
partie des chefs-d''uvre de la littérature soufie.
Cet amour est un océan
Il n'a point de bord ni de limite.
Ma preuve en est le secret du Coran
Ceux qui la connaissent ignorent la honte.
Observe l'oeuvre de Mansour (Hallaj) :
Se faire suivre par le peuple,

Clamer dans les tourments (de la torture) : « Je suis Dieu»
Ce n'est pas de la déraison.

Ilahi
Poème et musique anonymes.
Notre guide est sur nos têtes
Notre maître majestueux.
Il est royal et beau
Notre maître majestueux.

Ilahi
Poème et musique anonymes.
Je sens dès l'aube
Le parfum du prophète qui approche.
Au matin des sages
Le parfum du prophète qui approche.

Niyaz Ayini
Poème et musique anonymes.
Cet ilahi est chanté à la fin de chaque cérémonie mevlevi.
J'ai transformé mon corps en un papillon qui tourne
autour du soleil de ton âme]
Je me suis laissé couler au fond de l'Océan moi qui ne suis
qu'une goutte d'eau]
Je fais tomber les feuilles de mon coeur dans les flammes de
l'amour.]
Si tu aimes Dieu ne me demande pas d'en parler.

Son Peshrev
composé par Yusuf Pasha (1821-1862).
Fils de Said Dede, ce cheikh de la tekke mevlevi d'Istanbul fut aussi un joueur de ney célèbre.
Ses 26 peshrev sont considérés comme des pièces maîtresses de la musique mevlevi.

Maqam Hijaz
Peshrev
composé par Salim Bey (1829-1885).
Élève de Said Dede et disciple de la confrérie saadiyye
d'Istanbul il composa une quinzaine de peshrev et de
saz semai dont celui-ci est sans doute le plus célèbre.


Ilahi
Poème et musique de Ali Sir-u Gani (1636-1714).
Ce maître de la confrérie gulseni d'Istanbul fut aussi un chanteur renommé. On lui attribue plusieurs milliers de chants dont ne subsiste aujourd'hui qu'une quinzaine d'ilahi.
Ô rossignol esseulé, où est ton pays ?
Dis-moi où se trouve ta rose en pleurs.
Tu n'as aimé personne en ce pays
Pourtant tu dois avoir une bien-aimée, où est-elle ?

Ilahi
Poème et musique de Aziz Mahmud Hudai (1543-1628)
Fondateur de la confrérie celvetiyye, poète et musicien, Aziz Mahmud Hudai marqua profondément l'histoire du soufisme d'Istanbul. Il vécut sous les règnes de huit sultans, notamment Suleyman II le Magnifique (1520-1566) dont il épousa la petite-fille.
Obéis aux paroles du Clément
Viens à l'unicité.
Que ta foi soit ravivée
Viens à l'unicité.

Ilahi
Poème de Yunus Emre, musique de Sheyh Kutbi Dede (1862-1913).
Ce poète mythique du soufisme turc vécut au XIIIe siècle. Ses poèmes qui se comptent par milliers, furent repris par toutes les confréries sous forme d'ilahi. Kutbi Dede fut cheikh de la tekke sünbüli d'Istanbul, à laquelle Suleyman le Magnifique avait en son temps appartenu.
En compagnie des montagnes et des rochers
Je t'évoque Ô mon bien-aimé.
À l'aube, parmi les oiseaux
Je t'évoque Ô mon bien-aimé.

Ilahi
Poème de Abdülehad Nuri (XVIIe siècle), musique anonyme
Mon coeur à chaque instant
Est chez Toi Ô Seigneur.
Les remèdes à mes chagrins
Sont chez Toi Ô Seigneur.

Ilahi
Poème de Seyyid Nesimi, musique anonyme.
Ne restons pas là, allons nous brûler au feu de l'amour.
Lançons des étincelles dans le feu de l'amour.
Les hommes d'amour ne meurent pas, ils ne pourrissent pas
en terre.]
Mais ceux qui ne sont pas brûlés par les feux de l'amour,ils
n'en savent rien.]

Hijaz Hümayun Saz Semai
composé par Veli Dede (XVIIIe siècle)
Ce joueur de ney vécut à Istanbul où il fut disciple de la confrérie mevlevi de Yenikapi.

Maqam Bayati
Peshrev
composé par Seyhzade Seyfeddin Osmanoglu (1874-1927)
Fils cadet du sultan musicien Abdelaziz (1861-1876), il fut joueur de tanbur et compositeur. Contraint de quitter la Turquie avec toute la famille impériale, il vécut les trois dernières années de sa vie à Nice. Au début de la République, nombre de ses 'uvres furent pour des raisons politiques attribuées à d'autres compositeurs, comme ce peshrev que l'on disait être de Tanburi Cemil Bey.

Cinq Ilahi dans les Maqam Bayati, Ussak et Huseyni.
1- Poème de Haci Bayram Veli,
musique de Süleyman Erguner Dede (1900-1951)
Ce maître de ney participa beaucoup à la transmission des traditions musicales soufie et savante. Lui et ses élèves, notamment son fils Ulvi Erguner, travaillèrent à une époque difficile où les politiques étaient convaincus de la nécessité d'anéantir l'héritage musical ottoman au profit de la musique occidentale.
Qu'est-il arrivé à mon coeur ?
Mon coeur est empli de ton chagrin.
Mon coeur est un incendie
Mais c'est dans ce feu qu'il a trouvé son remède.

2- Poème de Yunus Emre, musique anonyme.
Je t'aime plus que mon âme.
Il est une voie au-delà des rituels,

La religion et ses confréries sont les voies des initiés.
C'est dans cet au-delà que résident la vérité et la connaissance.]

3- Poème de Yunus Emre,
musique de Mehmed Bursevi (1720)
Bursevi était chantre de la tekke celveti de la ville de Bursa, seuls quelques-uns de ses ilahi ont été conservés.
Je viens du pays de l'éternité
Qu'ai-je à faire de cet univers éphémère ?
Puisque j'ai contemplé le visage du bien aimé
Qu'ai-je à faire des compagnons du paradis ?

4- Poème de Seyh Nasuhi (XVIIe siècle), musique anonyme.
La maison du coeur est le miroir de la vérité,
Contemple la manifestation du visage divin.
Il importe seulement d'en découvrir le sens,
Contemple la manifestation du visage divin.

5- Poème de Ibrahim Hakki Erzurumi (XVIIe siècle), musique anonyme
Ô destin, tu as logé l'âme dans le coeur,
Ô destin tu m'as enivré.
Des roches, tu as fait des jardins,
Ô destin, d'un seul grain tu as fait mille grains.
Son peshrev Bülbül Ussaki, anonyme

Maqam Saba
Ilahi
Poème et musique de Aziz Mahmud Hudai.
La faveur de ta venue est pure joie, ô messager de Dieu,
Ton apparition est un remède aux chagrins des amoureux,
ô messager de Dieu.]
C'est par toi que les amoureux ont découvert l'Être et
goûté toutes ces saveurs,]
Ton 'uvre est un don généreux aux nécessiteux, ô messager
de Dieu.]

Ilahi
Poème de Yunus Emre, musique anonyme.
Venez ô amants venez,
[En] cette maison décorée et lointaine.
J'ai jeté un regard sur ce monde,
Il ressemble à un piège.

Ilahi
Poème de Pir Sultan Abdal, musique de Koca Haydar.
Bel amant, oh nos chagrins,
N'ai-je pas dit que c'est intolérable ?
Celui-ci vend du renoncement
N'ai-je pas dit que tu ne pouvais manger ?

Ajem asiran son pesrev
composé par Huseyn Fahreddin Dede (1854-1911).
Ce maître de la tekke mevlevi d'Eyub, à Istanbul, fut un élève de Zekai Dede. Sa composition de musique liturgique mevlevi (ayin) dans le maqam Ajem asiran, dont on entendra ici la partie finale, est une pièce essentielle de ce répertoire.

Maqam Neveser
Ilahi
Poème de Seyyid Nesimi.
Je suis un humble serviteur d'Ali, Il est le roi magnanime,
Hassan est la couronne sur ma tête, Hussein est une larme
dans mes yeux.]
Imam Zeynel père éternel, est le soleil de l'intimité.
Saluts aux honorables membres de la famille de
Muhammad.]

Ferahfeza son peshrev
composé par Zeki Mehmet Aga (1776-1840).
Ce fils du célèbre joueur de tanbur Numan Aga (1750-1834) fut très estimé des sultans Selim III (1789-1808) et Mahmud II (1808-1839) tous deux musiciens et derviches. Cette pièce conclut très souvent les cérémonies des derviches tourneurs.

Kudsi Erguner

Contributeurs

Origine géographique

Turquie

Mots-clés

Date (année)

2006

Cote MCM

MCM_2006_TR_S2

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Turquie. Chant soufi et musique instrumentale ottomane. (Paris). Vidéos Turquie 2006-04-01 Vidéo numérique
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10e Festival de l'Imaginaire 2006