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Afrique. De l'enfer au Paradis, l'africain a-t-il droit au conflit ? Colloque

Collection

Type de document

Évènement

Titre

Afrique. De l'enfer au Paradis, l'africain a-t-il droit au conflit ? Colloque

Date

2006-12-06

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Colloque, table-ronde

Description de la pratique

6 décembre 2006

La représentation occidentale du conflit en Afrique renvoie bien souvent à une construction manichéenne. Ce continent serait soit l'incarnation de l'enfer, perpétuellement en conflit ou au contraire le paradis sur terre, le paroxysme de la vie communautaire, d'une vie sociale construite sur l'entraide et l'entente. Comme le rappelle Janin et Marie « mais entre les guerres 'tribales', 'ethniques', civiles ou même lignagières d'une part et l'Afrique de la convivialité, de la solidarité de l'ingéniosité des pauvres et des miracles quotidiens de l'économie populaire, d'autre part, faudrait-il donc choisir ? » (Marie, Janin, 2003 :9). Ces deux représentations renvoient à une longue tradition intellectuelle des regards portés sur le continent Africain de sa découverte au 15ème siècle jusqu'à aujourd'hui. Apparemment antagonistes ces deux discours reposent sur un même postulat : celui d'une vie africaine plus proche de l'état de nature que de celui de culture. C'est bien parce qu'ils « n'ont ni roi, ni prince, ni seigneur qui leur commande » (De Belleforest, 1575 : 25) qu'ils « croupissent dans un repos impolitique » (Deslozieres, 1802 : 146), qu'il sont naturellement violents, sauvages et barbares. Et c'est autant parce que le noir ne connaît point encore « les huissiers, sergents, appariteurs et autres vermines qui rongent le genre humain, non plus que les avocats et procureurs, greffiers et autres semblables pestes » (Labat, 1730 : 375) qu'il vie « uni aux autres que par les liens d'une concorde fraternelle. » (Abbé de la Caille, 1776 : 262).
Selon cette dernière approche, que nous pourrions qualifier de rousseauiste, l'africain est exempt de toutes volontés belliqueuses, de l'envie, de la jalousie. Or ces sentiments même s'ils peuvent être diverses selon les normes culturelles n'en sont pas moins universels, transcendants la relativité des cultures. Les refuser au continent africain, c'est estimer que l'africain est situé en dehors de la culture. Bien évidemment, ce postulat est indéfendable et l'africain a comme tout individu au monde le droit d'être en conflit. Les règles de vivre ensemble en Afrique et notamment en milieu rural sont bien souvent perçues comme communautaires dans son acception pacifique. Mais s'il s'agit de vivre ensemble et d'éviter l'anomie et la destruction des liens, cette cohésion sociale se constitue également par des mésententes, des jalousies, des stratégies de luttes internes reposant bien souvent sur la sorcellerie et la malédiction.
A contrario, dans la lignée du mauvais noir, nous retrouvons cette représentation d'un continent incarnant l'enfer traversé continuellement par des conflits barbares et sauvages. De la même manière que l'africain se voit refuser la part d'animosité propre à tout individu, les conflits militaires le concernant ne résultent plus d'enjeux politiques, de considérations géostratégiques mais de problèmes ethniques. Or, le concept d'ethnie est un concept caduc, employé très souvent pour qualifier une société figée, sans dynamique historique. Mais une nouvelle fois aucune société au monde n'est figée et sans histoire. Certes, nous pouvons parler de Tutsi, de Hutus, de Bété au même titre que nous dirions les Bretons, les Basques'Toutefois, pour ces derniers, nous ne parlerons pas d'ethnie mais d'identité culturelle. Et bien souvent nous ajouterons à cette dimension, la pluridimensionnalité propre à tout individu (sexe masculin/féminin, milieu social, niveau d'étude, histoire de vie') que nous refusons généralement à l'africain, uniquement ethnique. Ainsi alors que de tels conflits seraient qualifiés de guerres civiles en Europe, ils deviennent ethniques en Afrique.
Du trop plein au pas assez, nos regards portés sur le continent africain doivent être plus complexes moins manichéen. Et une manière apparemment simple mais qui demande un décentrement serait de regarder ces vies sociale africaines avec les mêmes outils d'analyses et de compréhension que nous nous utilisons lorsqu'il s'agit de se comprendre ou de comprendre la société dans laquelle on évolue.


Cédric Touquet,
chercheur associé au Centre d'Etudes des Mondes Africains / CNRS ' Université de Provence

Textes

Origine géographique

Afrique

Mots-clés

Date (année)

2006

Cote MCM

MCM_2006_AFR_C2

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