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Tadjikistan. Académie du Maqâm de Douchanbé. Spectacle

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Évènement

Titre

Tadjikistan. Académie du Maqâm de Douchanbé. Spectacle

Sous-titre

Le Shashmaqâm Tadjik-Ouzbek

Date

2008-04-13

Artistes principaux

Lieu de l'évènement

Type d'évènement

Musique

Description de la pratique

Dimanche 13 avril 2008, Auditorium du Louvre

avec
Abduvali Abdurashidov, viole sato, direction artistique
Nasiba Omonbayeva, chant
Khurshed Ibrahimov, chant
Sirojiddin Djuraev, luth dutar
Djamshed Ergashev, chant et tambour doyra
Kamoliddin Khamdamov, chant et luth tanbur

La musique classique de l'Asie Centrale, déjà très développée dans l'antiquité comme l'attestent des textes chinois, atteint de nouveaux sommets à partir du XVe siècle, dans les cours princières et royales de Boukhara, Khiva, Samarcande, Qoqand, Khojand, Kashgar. Au XVIIIe siècle, la musique d'art de Boukhara se cristallise en un répertoire canonique d'environ 250 pièces vocales et instrumentales organisées en six maqâm (litt. shash-maqâm) selon un principe d'organisation modale, rythmique et structurelle qui prévaut dans toutes les musiques classiques du monde islamique depuis le Maghreb (Mauritanie comprise) jusque chez les Ouïgours du Turkestan chinois.

Chaque suite, composée dans un mode musical spécifique qui lui donne son nom (Maqâm Rast, Maqâm Dogâh, etc.), peut durer d'une à trois heures. Elle s'ouvre par des préludes instrumentaux, suivis de pièces vocales chantées en choeur homophone ou en solo dont les formes sont rigoureusement structurées. Lentes tout d'abord, puis de plus en plus rapides, ces pièces vocales alternent parfois avec des interludes instrumentaux composés ou improvisés. On peut faire un parallèle avec la suite baroque occidentale et ses ouvertures, allemandes, courantes, sarabandes, gigues et menuets, mais ici l'ordre des types de pièces est strictement déterminé à l'avance selon un modèle identique pour toutes les suites ; seuls varient le contenu mélodique et les poèmes.

Art de cour poétique et musical le shashmaqâm est pratiqué aussi bien par les Ouzbeks turcophones que par les Tadjiks iranophones et interprété par un ensemble de chanteurs et chanteuses et d'instrumentistes où prédominent les luths à long manche dutar et tanbur, le sato joué avec un archet, discrètement soutenus par la percussion d'un tambour sur cadre, la doyra.

L'esthétique sonore du shashmaqâm, très différente de celle, brillante, du mugham d'Azerbaïdjan, privilégie les timbres graves, une virtuosité contenue et la perception d'un temps en apparence suspendu. La voix se cantonne longtemps dans le bas medium avant de monter lentement vers l'aigu en même temps qu'elle gagne peu à peu en intensité et en chaleur. Musique savante par excellence, ses accents parfois tragiques éclairent magnifiquement les poésies lyriques de Hafez et des poètes de l'Âge d'or persan qui servirent de modèles aux poètes ouzbeks et tadjiks. La suite s'acheve sur des pièces plus rapides qui, dans la tradition, étaient accompagnées de danses.

La conquête de l'Asie centrale par l'Empire russe au cours du XIXe siècle puis son intégration dans l'URSS vont être source de profondes mutations dans les sociétés traditionnelles centrasiatiques. Tout d'abord, la disparition des cours princières privent la tradition classique tadjike-ouzbèke de ses principaux soutiens et celle-ci, contrirement à ce qui se passe en Iran, en Irak ou en Syrie ne parvient pas vraiment à se transférer dans les milieux plus populaires comme les cafés ou les maisons de thé. Par ailleurs, le pouvoir russe puis sociétique impose peu à peu ses modèles culturels et esthétiques, reléguant ce patrimoine pluriséculaire à un folklore de seconde zone. Il est inconcevable pour des musiciens occidentaux, qu'une traddition musicale où l'on ignore la notation et dont les compositeurs sont toujours restés anonymes, puisse être considérée comme savante ou classique. Le shashmaqâm connaît donc une période de déclin. Soit il n'est plus joué que dans les milieux très fermés par quelques vieux maîtres, soit il est enseigné dans les conservatoires selon des méthodes occidentales qui lui sont inadaptées pour nourrir des programmes culturels "nationaux" mélange hétéroclite de musiques villageoises et d'extraits de maqâm, stylisé à la manière des troupes folkloriques soviétiques.
Dès la fin de la période stalinienne, mais surtout après le démantèlement de l'Urss, quelques musiciens, tant en Ouzbékistan qu'au Tadjikistan, prennent conscience de la nécessaire revitalisation de leur patrimoine savant. Cette musique ayant toujours été transmise de manière orale, sans notation aucune, ils doivent se livrer à un véritable travail de recompilation et de collectage auprès des vieux maîtres encore vivants. S'appuyant sur le shéma organisationnel de la suite classique qui, heureusement, avait été préservé aussi bien dans la mémoire orale que dans les textes, ils reconstituent, bribe par bribe, une grande partie des pièces du répertoire et les reclassent dans chacun des six maqâm canoniques.
Désormais, quelques ensembles sont en mesure de jouer ces maqâm dans leur version intégrale, si tant est que ce terme convienne à un répertoire dont les contenus variaient d'une cour princière à une autre.

C'est tout le sens du travail mené par l'Académie du Maqâm de Douchanbé, fondée par Abduvali Abdurashidov avec le soutien de l'Aga Khan Music Initiative in Central Asia.
Cette académie renoue avec les anciens principes de l'enseignement artistique du monde islamique où l'étude de la musique était indissociable de celle de la poésie, de la prosodie, de la métaphysique, de l'éthique et de l'esthétique. Les artistes de l'Académie 'uvrent à la reconstitution et à l'interprétation du répertoire de shashmaqâm tadjik-ouzbek dans son interprétation en langue persane.

Pierre Bois


Programme :

Chapandoz-i Nava (poème de Nozima). Nasiba Omonboeva, chant.
Chapandoz est un genre vocal qui apparaît généralement dans la partie médiane du maqâm, ici le maqâm Nava.

Qushtar (composition de Turgun Alimatov, 1922-) Sirojiddin Djuraev, luth dutar
Turgun Alimatov est considéré comme le grand maître du sato. Ce musicien ouzbek fit revivre cet instrument dans les années cinquante après les années de plomb staliniennes ou le shashmaqâm était officiellement interdit. Il fut le maître d'Abduvali Abdurashidov.

Qâshqarcha-i Ushshâq-i Sadirkhân (poème de Hâfez, 1320-1389). Djamshed Ergashev et Khurshed Ibrahimov, chant. Kamoliddin Khamdamov, luth tanbur.
Qâshqarcha est un genre vocal qui est interprété dans le maqâm secondaire ushshâq parmi les dernières pièces du maqâm Nava.

Extraits du Maqâm-i Râst.
La tradition n'impose pas qu'un maqâm soit joué dans son intégralité. Son exécution prendrait plusieurs heures et chaque maqâm peut être considéré comme une 'uvre à géométrie variable. Seul l'ordre dans lequel les pièces sont interprétées doit rigoureusement respecter l'organisation générale du maqâm.
-Râst (arrangement de Turgun Alimatov). Abduvali Abdurashidov, viole sato.
Abduvali Abdurashidov a substitué à la traditionnelle pièce instrumentale qui ouvre le maqâm, cet arrangement du maître Turgun Alimatov.
-Sarakhbor-i Râst (poème de Hâfez, 1320-1389).
Dans ce célèbre ghazal, Hâfez utilise la métaphore du vin et de l'ivresse pour exprimer l'amour divin et l'extase spirituelle des soufis. La structure musicale du sarakhbor illustre parfaitement le thème poétique. Les couplets s'enchaînent sur une mélodie ascendante qui, une fois parvenue à son point culminant (awj), redescend rapidement à son point de départ.
-Quatre Tarona (poèmes anonymes).
Les tarona sont de courtes pièces vocales d'origine populaire qui servent de transition mélodique entre les grandes pièces du maqâm.
-Ufor (poème d'Amir, 1878-1922).
Ufor est un genre inspiré de la danse ou évoquant celle-ci. Le poème fut composé par Amir Muhammad Umar-Khan qui régna sur le khanat de Kokand dont le territoire comprenait plusieurs régions des États actuels d'Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Kirghizistan.
-Suporish (anonyme).
Cette pièce clôt le maqâm, tel un cercle, par un retour au début de la suite et une citation du poème de Hâfez chanté dans le sarakhbor.

Dilhiroj (poème de Najib). Nasiba Omonboeva, chant.
Cette pièce ne fait pas partie du shashmaqâm proprement dit, mais illustre les échanges qu'entretiennent depuis fort longtemps les Ouzbéks-Tadjiks et les Ouïgours du Turkestan chinois (Xinjiang). Ces derniers possèdent également une tradition classique (le muqâm) et cette pièce leur a été très probablement empruntée.

Ufor-i Uzzâl et Mavrigi (poème de Rudaki (859-941) et poème anonyme).
Le concert se termine par un ufor dans le mode uzzâl, extrait du maqâm Buzrak, et un mavrigi de la tradition populaire citadine.

Contributeurs

Origine géographique

Tadjikistan

Mots-clés

Date (année)

2008

Cote MCM

MCM_2008_TJ_S1

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Titre Localisation Date Type
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