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2019-10-24
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2016-04-10
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2013-06-28
Mieux connu en Occident sous le nom de derviches tourneurs, l’ordre soufi des Mevlevi fut
l’union avec le divin. La danse comprend quatre grandes parties, salam ou « saluts », correspondant à quatre états de l’âme humaine : soumission au créateur, questionnement, amour, acceptation. L’ensemble instrumental accompagnant la cérémonie comprend les instruments originels du rituel, la flûte oblique ney, image du souffle vital, le tambour sur cadre bendir, les timbales kudüm et les cymbales halile, auxquels ont été ajoutés au XIXe siècle des instruments de la musique savante ottomane tels que le luth à manche long tanbur et la cithare kanun. Les chants ayin sont organisés en répertoires selon le mode mélodique dans lequel ils sont chantés : ici, le mode bayati.
Situé à deux pas du palais de Topkapı, le couvent de Silivrikapı perpétue l’héritage de l’ancienne communauté de Galata, à Istanbul. Signe des temps, son chef spirituel Hasan Dede, 78 ans, a introduit voici une vingtaine d’années les femmes au sein de la cérémonie, renouant avec une coutume qui s’était perdue au XVIIIe siècle. Loin d’une reconstitution historique qui se voudrait l’image fantasmée d’un soufisme d’avant la révolution laïque d’Atatürk, cette cérémonie nous présente la réalité d’une communauté aujourd’hui, telle qu’elle se rassemble tous les jeudis soir pour suivre l’enseignement de son maître et célébrer le zikr et le sema.
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2012-06-12
12-15/06/2012
Samedi 12 mai à 20h30
Dimanche13 mai à 17h
Maison des Cultures du Monde, Paris 6e
mardi 15 mai 2012, 20h45
Au Théâtre, Centre culturel Jacques Duhamel
Par la Cuadrilla Mayor Qhapaq Negro de Paucartambo
Fredi Villagarcia Aquise, guiador
Chants et danse :
Adrián Farfán Torres
Andrés Genaro Ponce Garrido
Eddie Gonzalo Pizarro Pacheco
Edmundo Bragagnini Flores
Fernando Martín Mercado Zamalloa
Fernando Zenobio Navarro Lizárraga
Franco Villagarcia Gonzáles
Hugo Enrique Gutiérrez Delgado
Jaime Gallegos Cáceres
José Antonio Cáceres Valdivia
José Armando Gallegos Cáceres
Julio Alejandro Cáceres Valdivia
Mario Gallegos Cáceres
Raúl Aranibar Astete
Richard David Villafuerte Vargas
Vicente Wilfredo Olivares Arenas
Wilhen Wilfredo Olivares Chevarría, harpe andine
Sergio Villafuerte Rodríguez, flûte quena
José Manuel Cáceres Martínez, violon
Martín Quispe Molinedo, accordéon
Jorge Alfonso Gutiérrez Valdivieso, tambour bombo
La fête de la Virgen del Carmen
Chaque année, entre le 15 et le 18 juillet, Paucartambo, paisible bourg situé à 100 km à l'est de Cuzco, l'ancienne capitale Inca, reprend vie. Plusieurs milliers de participants et de visiteurs venus de Cuzco, de Lima, voire des pays voisins où ils se sont expatriés, envahissent les rues, les maisons, couchant parfois à même le sol des auberges ou campant sur les places, pour célébrer la Virgen del Carmen (Notre Dame du Mont Carmel). Plus d'une dizaine d'associations ou cuadrillas de danse participent à cette manifestation, mais les principales sont les Qhapaq Negro, les Qhapaq Qolla, les Qhapaq Chunchos, les Saqra et les Maq'ta. Plus que de simples associations, ce sont de véritables confréries religieuses comme l'indique le terme qhapaq qui signifie "chemin", "voie" en quechua.
Deux légendes relatent l'origine de la Vierge de Paucartambo. Selon la première, elle aurait été apportée par des indiens Qolla du lac Titicaca. Selon la seconde, elle aurait été apportée d'Espagne pour être la patronne de Q'osñipata, la forêt de Paucartambo peuplée par les Chunchos (terme désignant les Indiens d'Amazonie) mais faute de lieu de culte, on l'aurait déposée dans l'église de Paucartambo.
Cette fête met en scène, à travers les cuadrillas, diverses composantes de la société péruvienne :
' les Qhapaq Qolla représentent les indiens des Andes qui autrefois traversaient les hauts plateaux andins avec leurs troupeaux de lamas ;
' les Qhapaq Chunchos figurent les indiens de la forêt amazonienne toute proche. Ce sont eux qui entourent la Vierge lors de la procession, rôle qui leur est disputé par les Qhapaq Qolla ;
' les Saqra, vestiges du culte inca, sont des êtres telluriques que la tradition chrétienne a assimilé aux démons de l'enfer. Pendant la procession de la Vierge, ils errent sur les toits et les balcons des maisons, tentant d'attirer son attention. Leur présence atteste le caractère syncrétique de ce culte qui associe à la Vierge, appelée aussi Mamacha Carmen, la figure de l'ancienne déesse inca Pachamama, la Terre-Mère ;
' les Maqta ("adolescent" en quechua) sèment la pagaille partout où ils passent, sauf lors de la procession où ils assurent le service d'ordre à grand coups de fouet ;
' les Qhapaq Negro constituent quant à eux la cuadrilla la mieux organisée et celle dont le répertoire de chants et de danse est le plus riche. Ils représentent un groupe d'esclaves noirs conduits de Lima vers les mines d'argent de Potosi et qui, passant à proximité de Paucartambo au moment de la fête de la Vierge, se révoltèrent, dérobèrent des vêtements de femme et s'en allèrent participer à la fête. Ils sont les principaux adorateurs de la Vierge.
Plusieurs autres cuadrillas participent aux processions et à la fête sans en être pour autant des acteurs indispensables, dans la mesure où elles n'ont pas de lien direct avec la Vierge.
Selon le calendrier liturgique catholique romain, la fête de la Vierge du Carmel a lieu le 16 juillet.
À Paucartambo, les festivités durent environ quatre jours avec des processions à travers les rues du bourg, une grande messe en plein air sur le parvis de l'église, des jeux, des feux d'artifice, une guerrilla entre les Qhapaq Qolla et les Qhapaq Chunchos, et enfin une dernière cérémonie au cimetière où les Qhapaq Negro rendent hommage aux membres défunts de leur cuadrilla.
Les Qhapaq Negro
Le terme qhapaq negro signifie littéralement "Nègres seigneur". Cette cuadrilla a été créée en 1694 par des habitants de Paucartambo et constitue une organisation à la discipline stricte. Aujourd'hui, ses membres ne vivent plus à Paucartambo, mais on ne peut entrer dans la cuadrilla qu'à la condition d'avoir au moins un aïeul paucartambino.
Les Qhapaq Negro appartiennent à toutes les couches de la société péruvienne. On y compte par exemple le maire de Cuzco, mais aussi des ouvriers, de petits employés, des commerçants, un guide touristique, un responsable de la sécurité d'une banque de Cuzco, des étudiants, des chômeurs etc.
Le chef de la cuadrilla, le guiador Fredi Villagarcia Aquise est un ingénieur à la retraite.
Pendant les quatre jours que dure la fête, les Qhapaq Negro se retrouvent matin, midi et soir dans une maison du bourg, leur quartier général, le kargo. C'est là qu'ils prennent leurs repas sur une longue table qui peut accueillir jusqu'à 100 personnes et répètent leurs chants et leur danse. Tous les frais sont pris en charge par un fundador ou une fundadora qui a été désigné(e) lors de la fête précédente. Dans toutes les processions des Qhapaq Negro, le fundador ou la fundadora précède la cuadrilla en portant une petite statuette de la Vierge.
Devenir Qhapaq Negro est un acte mystique. En se vouant à la Vierge, le Qhapaq Negro conditionne son existence toute entière et celle de sa famille autour de cette figure essentielle du catholiscisme latin. Mais en même temps, il affirme à travers son personnage d'esclave en fuite, le libre arbitre de chaque individu.
Chaque membre de la cuadrilla confectionne lui-même son costume qui se compose d'un pantalon bouffant bleu, rouge ou orange sur lequel il porte une chemise et une tunique blanches évoquant les blouses de femme dont les esclaves s'affublèrent. À la ceinture, pendent d'un côté les chaînes qui symbolisent leur condition et de l'autre un foulard, symbole de force. Sur la poitrine, les épaules dans le dos, sont fixés des éléments brodés et ornés de perles dorées, de miroirs, d'effigies de la Vierge, tout comme sur leur chapeau rouge. Le masque, acheté à un artisan spécialisé, le mascarero, représente un visage africain aux traits exagérés, souriant, mais dont l'expression varie subtilement
d'un danseur à un autre. Enfin, ils tiennent dans leur main droite un bâton surmonté d'un poing noir sculpté, le maki, symbole de leur rébellion. Pendant toute la fête ils s'imposent par leur profonde ferveur et leur discipline quasi-militaire.
Que ce soit dans les processions ou la danse, les Qhapaq Negro sont toujours placés sur deux rangs. Le simple danseur est un caporal ; chaque rang est conduit par un mayoral élu par ses pairs et l'ensemble de la cuadrilla est dirigée par un guiador, qui est également élu. Le guiador porte un masque au traits fins qui évoque le "Negro fino" qui conduisit la rébellion ; l'instrument de son pouvoir est la matraca, une crécelle dont il se sert pour donner ses ordres.
Leur répertoire comprend des chants de procession, des chants dédiés à la Vierge qui sont exécutés dans l'église, et les chants liturgiques de la messe. Ces chants sont en espagnol et en quechua.
En outre, ils exécutent un chorégraphie, véritable ballet en douze mouvements.
Chants et danses sont accompagnés par un ensemble de musiciens professionnels loué pour la circonstance et comprenant un violon, une flûte quena, un accordéon, une harpe et une grosse caisse.
Ils jouent des morceaux traditionnels du haut-plateau andin : yaravi, huaynos', une musique qui s'est forgée au cours du XVIIIe siècle à partir des genres musicaux incas et de la musique baroque espagnole.
Pierre Bois
Programme
' Entrée de la Vierge
' Procession des Qhapaq Negro
' Chant d'entrée dans l'église
' Adoration et message du guiador (en quechua)
' Première hymne
' Deuxième hymne
' Ballet en douze mouvements :
Pasacalle (procession) ' Eslabón (maillon) ' Napaykuy (salutation à la Vierge) ' Plegaría de salutación (prosternation) ' Cruce (la croix) ' Balanceo (balancement) ' Kutiriy y Pasamano (retour et croisement de mains) ' Estrella (étoile) ' Olas (vagues) ' Cadena y Qhaswa (chaîne et ronde) ' Cordillerano (cordillérien) ' Kacharpariy y Despedida (adieux et renvoi).
' Renvoi
' Troisième hymne
La Maison des Cultures du Monde tient à remercier tout particulièrement :
M. Jean-Jacques Beaussou, ambassadeur de France au Pérou
Mme Soledad Mujica Baily, directrice adjointe de l'inventaire et des études culturelles du Pérou contemporain
M. Jean-Paul Lefèvre, sous-directeur de la diversité culturelle et du patrimoine mondial au ministère des Affaires étrangères et européennes
M. Pierre Fayard, conseiller de coopération et d'action culturelle à l'ambassade de France au Pérou
et Promperu
mardi 15 mai 2012, 20h45
Au Théâtre, Centre culturel Jacques Duhamel
En partenariat avec le Centre français du patrimoine culturel immatériel - Maison des Cultures du Monde à Vitré
dans le cadre du 16e Festival de l'Imaginaire du 9 mars au 17 juin 2012
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2012-06-08
En collaboration avec le musée du quai Branly
8-10/06/2012
Vendredi 8 et samedi 9 juin à 20h
Samedi 10 juin à 17h
Musée du quai Branly / Théâtre Claude Lévi-Strauss - Paris 7e
Ningthoujam Shyamchano Singh, maître de cérémonie
Akoijam Ibomcha Singh, tambour pung
Takhellambam Nanaotomba Singh, tambour pung
Haobam Ibomcha Singh, conques mwebung
ET AVEC :
Ahongsangbam Mangi Singh
Samom Kumar Singh
Yaikhom Manglem Singh
Laishram Birjit Singh
Manibhadra Das
Irom Jamesbond Singh
Bikram Singh Khundongbam
Nongmeikakapam Naba Singh
Thongam Tomba Singh
Wangkheimayum Amarjit Singh
Phillem Surendra Singh
Deban Ningombam Singh
Kangabam Maingou Singh
Takhelchangbam Romen Sharma
Wairokpam Santikumar Singh
"Toutes les fois que l'ordre du monde chancelle, que le désordre prévaut, je me réincarne avec tous les pouvoirs pour restaurer la foi.
Bhagavad-Gîtâ IV-7"
Parole attribuée à Krishna
Sankirtana, ou nata sankirtan est le nom d'une cérémonie rituelle dévotionnelle particulière aux communautés hindoues du Manipur, État du nord-est de l'Inde. Nata viendrait de nritya ou danse et kirtan est le chant responsorial, en choeur ou en cercle. Le Nata Sankirtan est un cercle de prières, une glorification du divin par des chants, des danses et un jeu de tambours virtuose. Dans d'autres traditions, dans d'autres cultures, c'est par la répétition du nom du divin que le récitant ou dévot lui rend hommage et peut chercher à l'atteindre. Dans cette tradition de l'hindouisme vishnouite, c'est dans la récitation et le chant de textes qui évoquent Krishna, un des avatars de Vishnu, que l'hommage est rendu. La fusion de Krishna et de son épouse Radha se concrétise en une entité appelée Chaitanya Mahaprabhu à laquelle sont dédiés les sankirtana. Saint et réformateur du Bengale, Chaitanya Mahaprabhu (1486-1534) est vénéré par les vishnouites qui le considèrent comme la réincarnation de la fusion du couple Krishna-Radha.
Cette véritable performance dévotionnelle menée par des ensembles d'hommes ou de femmes (le rituel prenant alors une autre forme) peut avoir lieu soit à la demande des particuliers, sur simple commande, ou au moment des grandes occasions rituelles des Meitei, ethnie majoritaire du Manipur.
Présent à toutes les étapes qui marquent le cycle de la vie, le rituel du sankirtana accompagne les hommes depuis leur naissance jusqu'à la mort, ainsi que lors de toutes les fêtes religieuses, notamment celles qui ont lieu au moment des équinoxes. Les grands maîtres du sankirtana comme Sri Ningthoujam Shyamchano Singh qui dirige la cérémonie organisée dans le cadre du Festival de l'Imaginaire, ou Akoijam Ibomcha Singh et Takhellambam Nanaotomba Singh reconnus comme les meilleurs tambourinaires du Manipur ont un "agenda" rempli longtemps à l'avance et sont généralement engagés à longueur d'année. Cette importance que les Manipuri accordent au rituel du sankirtana et l'implication de toute la société dans sa tenue aura permis à ce patrimoine culturel immatériel dont les origines remonteraient au moins jusqu'au XVIIe siècle de rester bien vivant et de se développer.
Les ensembles de sankirtana regroupent des maîtres confirmés et de jeunes novices. L'apprentissage se fait par une relation directe de maître à disciple.
Le sankirtana se déroule généralement dans un mandapa, cour d'un temple, ou tout simplement dans la cour d'une maison. L'audience est installée des trois côtés de l'espace sacré de la performance autour du mandala ou cercle formé par les officiants vêtus de dhotis et turbans d'un blanc immaculé, chacun muni d'une paire de cymbales kartal reliées par un ensemble de cordons rouges et verts, couleurs choisies semble-t-il par un roi il y a longtemps. Le maître de cérémonie, le mandap mapu qui est aussi le récitant et chanteur principal ouvre et clôt ce rituel mystique et extatique. La performance se passe entre les chanteurs-danseurs et les tambourinaires-danseurs, Le jeu des tambours est d'une grande virtuosité, les tambourinaires allant avec grand art du murmure imperceptible au grondement du tonnerre. Le jeu est accompagné de vigoureux bonds, de sauts acrobatiques, un jeu qui peut parfois mener le tambourinaire à un état extatique et le mettre en transe. Les chanteurs en cercle interprètent le sens des paroles chantées par une gestuelle expressive, toute en élégance, douceur et rondeur, une danse de tournoiements et de balancements qui contraste avec la vigueur des tambours. Chaque étape du rituel est marquée par les sonneries de deux conques mwebung ' la conque est un des attributs symboliques de Vishnu ' dans lesquelles le musicien souffle simultanément par les commissures de ses lèvres, une technique de jeu unique que l'on ne voit qu'au Manipur.
Le rituel commence par des offrandes de santal, noix de betel et fleurs disposées sur des feuilles de bananier, ainsi que des offrandes de tissus dont se drapent les officiants. Le sankirtana ne peut commencer sans ces offrandes et surtout sans cette distribution de tissus. Elle est faite par les trois intendants de la cérémonie (il n'y en aura que deux pour ces représentations parisiennes) qui se placeront ensuite à gauche de la scène. Traditionnellement, cette distribution des offrandes se fait
à cinq reprises. Ici, elle n'a lieu qu'au début.
À la droite, sur un carré de tissu blanc s'installe le responsable de la cérémonie qui représente Shiva car, selon la pensée vishnouite, Shiva est le premier adorateur de Krishna, et sera le garant de son bon déroulement. Quand la cérémonie se passe à la demande d'une famille, celle-ci invite un brahmane à occuper cette place. Il lui incombe de faire la première prière pour écarter toutes les forces maléfiques qui pourraient entraver le bon déroulement de la cérémonie.
La double conque mwebung marque chacune des cinq étapes de cette cérémonie dont tous les chants glorifient cette fusion de Krishna et Radha :
1- Ragatana, ou la construction du corps de la divinité par les ragas (Ta-Ri-Na qui font respectivement référence à Brahma, Vishnu et Shiva).
2- Rythme Tintal et variations.
3- Menhoba, l'ensemble des officiants se lève.
4- Mengoi, le moment du "sacrifice" symbolisé par les sept tours que feront les officiants.
5- Tanchap, ou l'Un, l'union de Radha et Krishna.
Arwad Esber
La Maison des Cultures du Monde tient à remercier tout particulièrement :
Monsieur Stéphane Martin, Président du musée du quai Branly
Mesdames Hélène Fulgence et Margot Chancerelle, Direction du développement culturel.
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2012-05-03
Jeudi 3 et vendredi 4 mai à 20h30
Maison des Cultures du Monde, Paris 6e
Sous la direction du shaykh Qemaluddin Reka
Avec :
Bilal Muka
Enes Reka
Sidit Reka
Altin Boshnjaku
Ardit Lala
Renard Ahmeti
Denis Ahmeti
Arben Bulqiza
Ylber Çuliq
Ardit Buçpapaj
Le soufisme est la mystique de l'islam, sa principale voie de réalisation spirituelle. Complément de la religion formelle, attachée à la lettre, que les derviches regardent comme l'écorce de l'islam, le soufisme constitue, en tant que religion du coeur et de l'esprit, la voie (tarîqa) qui conduit de l'écorce au noyau c'est-à-dire de la Loi religieuse (la sharî'a) à la Réalité, à la Vérité transcendante, terme de la quête mystique. Il s'agit donc d'une voie initiatique réservée à ceux qui sont prêts à renoncer au monde objectif, à mourir et à renaître en se dépouillant du moi afin de laisser la place au seul Soi divin.
La tarîqa ' le mot désigne à la fois le chemin et la confrérie ' offre les moyens d'atteindre l'union avec Dieu. Le rattachement à une tarîqa s'effectue à travers la personne du shaykh qui en assure la direction spirituelle et transmet à ses derviches la baraka, la grâce divine, qui lui a été conférée à travers la chaîne initiatique qui le relie au fondateur de la confrérie.
Les confréries soufies ont joué un rôle essentiel dans la propagation de l'islam dans les Balkans à l'époque ottomane, en particulier les Halveti et les Bektashi mais aussi les Naqshbandi, les Qadiri et les Rifai qui sont toujours présents en Albanie, en Bosnie et en Bulgarie.
La Rifaiyya est née en Irak au XIIe siècle de l'enseignement de Hazrat Sayyid Ahmad al-Kabîr al-Rifai (1120-1182). Ce descendant du prophète prône un idéal de modestie, de pauvreté, de tempérance et de bienveillance. Il prêche par l'exemple le dévouement et la compassion et son hagiographie est pleine de récits de soins aux lépreux et de guérisons miraculeuses. Mais c'est en Égypte, au XIIIe siècle, que cette tarîqa prend son essor. Au cours des deux siècles suivants, elle essaime dans tout le Moyen-Orient jusqu'en Anatolie. À partir du XVIIe, des tekke s'installent à Istanbul puis dans les Balkans, alors provinces occidentales de l'empire ottoman.
Les Rifai ont souvent été considérés comme extravagants car, au moment de l'extase, ils avaient coutume d'absorber du verre pilé, de marcher sur le feu ou de danser avec des broches et des épées plantées dans le corps. On n'a d'ailleurs jamais bien su si ces pratiques avaient été instituées par le fondateur ou étaient apparues plus tard, lors des invasions mongoles. Aujourd'hui elles tombent en désuétude et ne subsistent plus, sous une forme atténuée, qu'en Égypte et dans le golfe. En
Turquie ' où ils se virent frappés d'interdiction en 1925 ' et dans les Balkans, les Rifai ont subi l'influence d'autres confréries, mieux implantées dans les villes, comme les Mevlevi, ou dans les campagnes, notamment aux Balkans, comme les Alévi/Bektashi.
On recense aujourd'hui au moins quatre tekke rifai en Albanie : à Tirana, Shkodra, Berat et Elbasan. Sheh Qemaludin Reka dirige celle de Tirana et a autorité sur toute la communauté rifai d'Albanie. Il se réclame de la filiation spirituelle de Sheh Ahmed Shkodra, un important soufi albanais, formé en Iran et qui établit une tekke à Shkodra au début du XXe siècle. Le grand-père de Sheh Qemaludin en fut le disciple et le secrétaire.
Comme dans beaucoup de pratiques religieuses, la transmission familiale joue un rôle dans l'adhésion d'un individu à une tarîqa mais elle ne présente aucun caractère obligatoire. Trois conditions essentielles et purement individuelles sont requises : la foi (besimi tek zoti), la ferveur (përkushtimi) et un sens moral élevé (morali i lartë) car le zikr a aussi une fonction purificatrice.
Pendant le régime communiste, suite à l'interdiction de toute pratique religieuse en 1967, les Rifai furent contraints à la clandestinité et la famille Reka s'évertua à préserver le rituel en transformant sa maison en lieu de prière. Ils trouvèrent un soutien auprès du shaykh Jamal Shehu, chef spirituel des Rifai des Balkans, auquel ils rendaient parfois visite dans sa résidence de Prizren, au Kosovo. C'est lui qui nomma Sheh Qemaludin à la tête de la Rifaiyya d'Albanie. Depuis la chute du communisme, la maison des Reka est devenue leur tekke officielle et les fidèles s'y réunissent le dimanche soir pour y célébrer le zikr. Sheh Qemaludin est également musicien à l'orchestre de l'Opéra de Tirana et il prête une attention toute particulière à la qualité musicale des cérémonies qui ont lieu dans sa tekke.
La technique centrale de la contemplation repose sur l'invocation, l'oraison. La méthode soufie est basée sur le zikr, de l'arabe dhikr que l'on peut traduire par mention, rappel, remémoration. Il s'agit de la répétition incessante du nom divin et de quelques-uns de ses attributs : Allah Hu (Dieu, Toi), al-Haqq (le Vrai), al-Hayy (le Vivant), al-Qayyûm (l'Immuable), al-Wadûd (le Bien-aimant), al-Salâm (la Paix), qui mettent en oeuvre diverses techniques de respiration et de mouvements du torse et de la tête. En s'immergeant dans la répétition du Nom divin, le derviche s'assimile à Lui, de sorte que l'invocant, l'Invoqué et l'invocation ne font plus qu'un.
Mais le rituel ne se limite pas à cette dimension extatique. Outre le zikr proprement dit, la cérémonie comprend aussi des prières, des hymnes au prophète et à sa famille, des litanies accompagnées au fyell, la flûte pastorale albanaise, et aux tambours, et enfin des danses. Sheh Qemaluddin se lève et invite un des fidèles. Les deux hommes se font face. Se tenant par les pouces, puis par les épaules, ils commencent à tourner en cercle, lentement, tandis que l'assemblée poursuit la récitation haletante des attributs divins. Ils sont bientôt rejoints par deux autres. Le rythme s'accélère et la danse devient bondissante. Au-delà de la quête de l'extase, elle affirme le lien puissant qui unit les membres de la tekke au fondateur de l'ordre et à la famille du prophète dont le nom albanisé, Ehlibejt (les gens de la maison), a été donné au lieu de prières de la confrérie.
Musicalement, le zikr rifai d'Albanie préserve un style clairement oriental. Ainsi la flûte albanaise fyell est-elle traitée dans un style proche du ney turc, très différent de la musique des bergers albanais. De même, le chant fait sonner les échelles à micro-intervalles des maqâm turcoarabes, très éloignées du pentatonisme dominant la musique traditionnelle albanaise.
La cérémonie comprend deux parties. La première commence par 3 hymnes au prophète suivis d'un hymne à la famille du prophète. Vient ensuite un zikr qui alterne avec deux chants, suivi d'une litanie accompagnée à la flûte et au tambour. La seconde partie est un zikr qui alterne avec le chant et la danse.
Pierre Bois
La Maison des Cultures du Monde tient à remercier tout particulièrement Monsieur Besim Petrela et Monsieur Viktor Sharra.
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2011-05-21
Avec le soutien de la région Réunion
samedi 21 mai à 20h30
et dimanche 22 mai à 17h
Maison des Cultures du Monde
Avec l'association Obli Pa Nout' Tradisyon Tamoul
Dionis Tevanin Singaïny, vartial
Daniel Tevanin Singaïny, chant
Jan Luc Tevanin Singaïny, matalon
Allan Poinin Coulin, tarlon
Paul Ramin Mangata, tarlon
Mercey Puylaurent Julius, tarlon
Shiva Murugan, danseur
Shankaren Ramin Mangata, danseur
Michel Ringuin Velleyen, danseur
Gaulthier Ringuin Velleyen, danseur
Djîva Sadeyen, danseur
Ganesha Sadeyen, danseur
Jaygane Sadeyen, danseur
Jean Maurice Tevanin Singaïny, danseur
Quesseven Tevanin Singaïny, danseur
Vidjéyen Tevanin Singaïny, danseur
Félicien Sadeyen, choeur
Pascal Jean Fabrice Sadeyen, choeur
Jean Patrick Sadeyen, choeur
Danyel Waro, choeur
La présentation à Paris, dans le cadre du Festival de l'Imaginaire, du Narlgon me donne l'occasion de rappeler ici, le rôle essentiel qu'a joué la Maison des Civilisations et de l'Unité Réunionnaise, alors même qu'elle n'était qu'en préfiguration, pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine culturel immatériel de la Réunion.
C'est ainsi, qu'entre autres, l'inscription du Maloya sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité lui est due. Françoise Vergès et Carpanin Marimoutou n'ont pas ménagé leurs efforts pour aider au rayonnement des différentes formes d'expression culturelles de la Réunion. Aussi, c'est tout naturellement vers eux que l'équipe de la Maison des Cultures du Monde s'est tournée pour élaborer le projet d'accueil du Narlgon cette année au festival. Nous tenons à les remercier pour leur disponibilité, leur attention, leur amitié et à leur dire combien nous espérons que leur beau projet d'une Maison des Civilisations et de l'Unité Réunionnaise continue et se réalise.
Chérif Khaznadar
Président de la Maison des Cultures du Monde
Après l'abolition de l'esclavage en 1848 les "engagés", indiens originaires pour la plupart des régions du sud de l'Inde, arrivent massivement sur l'île de la Réunion pour fournir la main d'oeuvre nécessaire à l'exploitation des plantations. Ils vont également offrir à l'île et à ses habitants leurs langues, leurs cultures, leurs arts, leurs divinités, leurs rites, leurs mythes et leur vision du monde en partage.
Parmi ces nombreux apports figure le Narlgon, forme théâtrale originaire du Tamil Nadu qui puise ses sources dans le Terukuttu, théâtre populaire tamoul (présenté lors du 1er Festival de l'Imaginaire en 1997). Également appelé Narlégon ou Nardégom mais plus connu sous l'appellation de bal tamoul ou de bal malbar, cette difficulté à le nommer indique que le métissage est déjà à l'oeuvre dans la désignation même de cette forme de théâtre vernaculaire réunionnais.
Ce processus de créolisation qui sous-tend toute l'histoire et l'évolution du Narlgon depuis le XIXe siècle lui confère sa véritable singularité.
Cette tradition tamoule est à l'origine pratiquée par les travailleurs agricoles à proximité des temples érigés dans les plantations. Après leurs dures journées de labeur, ces bals leur offrent un espace de liberté, un exutoire, et leur permettent de célébrer la grandeur de l'Inde qu'ils ont dû quitter. Ils revêtent naturellement une fonction cathartique en autorisant un renversement des rôles et des statuts : serviteurs, engagés ou esclaves devenant, l'espace de la représentation, seigneurs, rois ou divinités.
Spectacle total, le Narlgon mêle scènes chantées, dansées et mimées. Au son du matalon et des tarlon, une vingtaine d'acteurs, danseurs et musiciens animent le bal. S'il fait parfois la part belle à l'improvisation, le Narlgon n'en demeure pas moins un genre codifié. Le vartial est le maître de cérémonie. Omniprésent et omniscient, il chante l'épopée en tamoul, dirige les musiciens et le choeur, introduit les personnages, résume les scènes en créole, interpelle le public, tandis que les acteurs miment en silence les actions du récit et exécutent des danses toutes en circonvolutions. Les mouvements et la mise en scène sont épurés car c'est le récit qui structure le spectacle. Le Narlgon est un théâtre de la narration.
Si le répertoire est le plus souvent issu des grandes épopées indiennes comme le Mahâbhârâta et le Râmâyana et des versions tamoules qui en dérivent, les thèmes les plus fréquemment abordés dans les bals sont à l'image des préoccupations passées et présentes des tamouls de la Réunion.
Il en va ainsi de la légende qui sera présentée à Paris en deux parties.
Le bal Vali, l'un des Narlgon les plus populaires dans l'île, raconte la naissance, l'enfance et les amours de la déesse Vali. Il pose la question de la domination et de la suprématie d'une classe sociale sur une autre et d'une possible mixité, d'un métissage heureux.
Vali, née de l'union d'une biche et d'un ascète est recueillie et élevée par le chef d'une tribu de chasseurs et sa femme. Alors qu'elle surveille les champs de millet, Mourougan, dieu majeur de l'Inde dravidienne, la remarque. Subjugué par sa beauté, il veut aussitôt l'épouser, mais doit user de multiples stratagèmes avant de conquérir son coeur. Ils devront ensuite surmonter de nombreux obstacles pour sceller leur union, mais leur amour finira par triompher.
Véritable syncrétisme de la culture tamoule et créole, le Narlgon est métissage par excellence. L'association Obli Pa Nout' Tradisyon Tamoul perpétue cette tradition moins en référence à l'Inde des origines qu'en fonction de leur histoire insulaire marquée par ce métissage. Emblème vivant mais menacé de la malbarité réunionnaise, le travail de transmission réalisé par cette association qui réunit trois générations sur scène est précieux en ces temps où Bollywood exerce sa fascination sur les plus jeunes.
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2010-04-15
15-17/04/2010
Avec les maîtres de cérémonie
Phuntsok Tensang
Tenzin Rinchen
et les moines
Tenzin Gaphel Namgyal Tsering
Losel Wangchuk
Tenzin Dharma
Lhakpa Tsering
Kalsang Norbu
Gyaltsen Thinlay
Ngawang Peljor
Lobsang Tenzin
Sonam Dakpa
Kalsang Sherap
Nawang Choephel
Phurpu Tsering
Tenzin Wangjor
Jeudi 15 avril à 20h
Vendredi 16 avril à 20h
Samedi 17 avril à 20h
Amphithéâtre de l'Opéra Bastille
Chants bouddhiques de la tradition tibétaine
Par les moines du monastère de Nechung, siège de l'Oracle d'État
Le bouddhisme tibétain appartient à la tradition Mahâyâna ou Grand Véhicule qui prône l'idéal du bodhisattva, de celui qui est assez brave pour oeuvrer pour le salut universel en renonçant à sa propre libération, sans désir de mérite personnel. Chenrezig, bodhisattva de l'amour et de la compassion, est la divinité tutélaire du Tibet et occupe aujourd'hui, après le Bouddha, la place la plus importante dans le coeur des Tibétains.
Le monastère de Nechung, siège de l'Oracle d'État consulté par le Dalaï Lama, a été reconstruit par des moines tibétains en exil à Dharamsala, dans le nord de l'Inde. Le monastère connaît une très grande affluence les jours où le Kuten, ou médium, entre en transe et que la voix de Dorjé Dragden parle à travers lui, répondant aux questions qui lui sont posées.
Les instruments à vent et à percussion, toujours en nombre pair, renforcent le caractère dramaturgique des rituels et cérémonies de prières qu'ils accompagnent. Les appels saisissants des grandes trompes en bronze dung chen qui mesurent un peu plus de deux mètres introduisent les longues notes filées des hautbois gyaling ou des rag dung, ces petites trompes de cuivre dont la sonorité rappelle qu'elles étaient autrefois façonnées dans des fémurs humains (rkang dung). Tambours sur cadre nga, cymbales, cloches drilbu ou petits tambours damaru marquent le temps.
Chants d'introduction à la cérémonie
1. Verset extrait de La sagesse fondamentale de la voie du milieu d'Acharya Nagarjuna (env. 150-250), maître renommé du bouddhisme et l'un des plus grands philosophes indiens. Il s'agit d'une louange au Bouddha (Gautama) composée dans un style inconnu jusqu'alors.
Votre corps incarne tous les bienfaits et toutes les vertus
Votre parole exauce les voeux de tous les êtres
Votre esprit voit les choses dans leur vérité
Bouddha Shakyâmouni, je me prosterne devant vous'
2. Louange au guru Padmasambhava, le grand maître qui introduisit le bouddhisme tantrique au Tibet au VIIIe siècle
- Louange à Tsongkhapa (1357-1419), grand réformateur de la tradition tibétaine. Ces deux textes sont inséparables car identiques et découlant l'un de l'autre, comme l'a démontré le cinquième Dalaï Lama (1617-1682).
3. Courte supplique adressée au quatorzième Dalaï Lama dans laquelle est demandée que soit exaucé son voeu de paix dans le monde et de bonheur pour tous les vivants.
Vous, le protecteur des êtres
Montrez clairement la voie qui réunit compassion et vacuité'
Hayagriva
4. Auto-génération sous l'aspect de la divinité Hayagriva, forme courroucée d'Avalokiteshvara (Chenrezig).
Je visualise Hayagriva, son corps est rouge, il tient dans sa main droite une dague et dans la gauche une coupe'
Prière de levée des obstacles et rites de protection de la cérémonie, des ritualistes et du mandala (diagramme cosmique servant de support à la méditation)
- Vision de la demeure de Padmasambhava et de ses Huit Manifestations décrites dans le Thukdrup Yangying Duepa. Cet ouvrage est un terma (litt. "trésor"), c'est-à-dire qu'il fut délibérément caché puis découvert au moment opportun quelques siècles plus tard, en l'occurrence par Ratna Lingpa (1403-1478).
- Sadhana : récitation intérieure ou vocalisée des mantras du guru Padmasambhava, méditation, les quatre initiations purificatrices et dissolution finale conduisant le soi à faire un avec le guru et la divinité.
- Prière d'offrande et prière de louanges suivies de quelques minutes de méditation silencieuse.
5. Une fois la divinité visualisée grâce au pouvoir de la méditation, on se prépare à convoquer le puissant protecteur, l'Oracle de Nechung, incarnation de Chenrezig. L'invocation est un terma composé par Padmasambhava et qui fut révélé par Ngadak Nyangrelwa (1136-1204), l'un des plus grands découvreurs de trésors.
- Brève prière du deuxième Dalaï Lama (1475-1542).
- Prières à Palden Lhamo, la Glorieuse Déesse, l'une des principales divinités protectrices féminines.
- Quelques versets en guise de confession.
- Offrande du tsok, le festin sacré, au Bouddha, à Padmasambhava, à Hayagriva et aux Protecteurs.
- Prière générale à tous les Protecteurs et rappel de la Prière en Sept Branches.
- Offrande de thé au Bouddha, à Padmasambhava, Hayagriva, aux Protecteurs et aux esprits du lieu ainsi qu'aux Esprits Supérieurs pour leur rappeler leur engagement dans l'enseignement du Bouddha et aux esprits affamés pour qu'ils s'engagent à préserver le Bien.
- Prières propitiatoires et prière de dévotion.
Né spontanément dans la terre pure du Bouddha
Au mandala créé par la méditation et la concentration
Je convie le protecteur du Dharma
Ainsi que les cinq groupes qui l'entourent'
Suite de prières à la divinité Avalokiteshvara (Chenrezig)
6. Ce rituel de méditation du sadhana d'Avalokiteshvara fut composé par le guru Padmasambhava. Il en fit un terma, un trésor qu'il cacha au VIIIe siècle et qui fut découvert par le célèbre découvreur Terton Rigzin Goedem (1337-1408) en un temps de grande nécessité. On l'appelle le rite de Chenrezig, la libération de tous les vivants.
À la frontière septentrionale du pays d'Oddiyana
Sur la tige de la fleur du lotus
Vous qui avez accompli toutes ces merveilles
Nous vous appelons Né du Lotus (Padmasambhava).
Le rituel commence par une supplique.
- Prière en Sept Vers de Padmasambhava.
- Extrait de la généalogie des grands maîtres de cette tradition.
- Supplique aux grands maîtres bouddhistes de l'Inde, appelés Les Six Ornements et les Deux Suprêmes.
- Verset appelant les bénédictions de tous les Bouddhas et Bodhisattvas.
- Offrande du mandala. Chacun a la vision des offrandes des différents univers, de ce qui leur est cher et de tout ce qu'ils contiennent de précieux.
- Récitation de la vision de la transformation du monde en la demeure d'Avalokiteshvara et de celle de tous les êtres en la divinité. Les moines revêtent la coiffe, attribut d'Avalokiteshvara, puis récitent son mantra sacré : Om mani padme hung.
La partie du rituel qui suit est consacrée à l'engagement dans la pratique de la vacuité, de la grande compassion, la bodhicitta (esprit d'éveil) et l'auto-génération de la divinité.
- Prière en Sept Branches (prosternations, don, confession, réjouissance, requête d'enseigner, supplique et dédicace ' cette dernière est gardée pour la conclusion de la cérémonie).
- Mantras, louanges, prière propitiatoire.
Courte prière de longue vie pour Sa Sainteté le Dalaï-Lama.
Celui qui libère les êtres à sa vue
Vous êtes un joyau pour le monde et le pays des neiges
Source de bien et de bonheur pour tous les êtres, soutien du Dharma
Puisse la roue aux mille branches de vos activités continuer de tourner !
7. Cette partie, très traditionnelle, n'est pratiquée qu'en certaines occasions par les moines de Nechung, notamment au moment de la préparation à la transe du Kuten. On en verra deux extraits.
De là-haut et dans toutes les directions
Celui qui demeure dans le Palais des Pierres Précieuses'
8. Dédicace au cours de laquelle est récité un verset fameux extrait de Ratnavali de Nagarjuna (IIe-IIIe siècle). Chacun doit prendre conscience qu'en vertu du pouvoir des mérites accumulés pendant la présente cérémonie, il s'engage envers tous les êtres vivants moins chanceux.
Grâce aux actions vertueuses
Puissent tous les êtres acquérir sagesse et mérites.
Puissent-ils réaliser les deux corps de Bouddha
Qui sont les fruits de la sagesse et des mérites.
9. Verset de Patrul Rinpoche (1808-1887) qui résume l'ensemble de son enseignement sur la Bodhisattvacarya (Marche vers l'Éveil) de Shantideva (685-763). Il prie pour que la précieuse bodhicitta (esprit d'éveil) naisse en chacun et ne cesse de grandir et que règne la paix dans le monde.
Que l'esprit précieux et altruiste atteigne l'Éveil
Qu'il se développe dans le coeur de tous
Et que pour ceux qui l'ont atteint
Il continue de croître !
10. Verset de conclusion extrait du soutra.
Que le jour et la nuit soient placés sous de bons auspices
Que la journée apporte bonheur et bien-être
Que le Bouddha, le Dharma et la Sangha (la communauté) vous bénissent
Partout et pour toujours !
Sarva Mangalam ' soyez bénis.
Durée du spectacle : environ 2 heures
La Maison des Cultures du Monde remercie Monsieur Wangpo Bashi, le Bureau du Tibet à Paris, le Vénérable Karma La (Tenzin Choephel), l'Ambassade de France en Inde, Lama Gyume et le Centre Kagyu Dzong.
La Maison des Cultures du Monde remercie également Monsieur Christophe Ghristi et toute l'équipe de l'Amphithéâtre de l'Opéra Bastille.
Équipe technique Amphithéâtre Bastille
Régisseur général : Jean-Pierre Ruiz
Lumière : Jérôme Coudoin
Son : Christian Coquillaud
Habilleuse : Khadija Azza
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2009-03-05
Maison des Cultures du Monde
Jeudi 5 mars à 20h30
Vendredi 6 mars à 10h ' spectacle éducatif pour le public scolaire
Vendredi 6 mars à 20h30
Samedi 7 mars à 20h30
Dimanche 8 mars à 17h
Entre les maisons de terre recouvertes de chaume, les enclos de bétail, les silos de maïs, la prison de paille ouverte à tous les vents, les gule (prononcer "goulé") apparaissent à la tombée du jour. Ils se rapprochent peu à peu de l'espace que délimite l'assemblée des villageois. Un choeur de femmes alterne avec une soliste, quatre à six joueurs de tambours les accompagnent.
Se présentant seuls, par deux ou par groupes, les gule se postent d'abord face à l'espace de la danse d'où ils observent avant d'être observés. Menaçants ou séduisants, attendrissants ou effrayants, les gule sont ensuite invités à danser au milieu des vivants afin d'expulser du village le principe spirituel d'un défunt.
Le gule wamkulu est une danse rituelle pratiquée par les hommes initiés aux secrets de la société nyau. Majestueuse et solennelle, cette danse marque des passages importants du cycle de la vie des Chewa, passage d'une classe d'âge à une autre, d'une saison à une autre, de l'ici-bas à l'au-delà.
Les Chewa vivent en Zambie orientale et dans certaines régions du Malawi et du Mozambique. Dans cette société matrilinéaire, l'autorité politique est exercée par les hommes, mais c'est sur les femmes que repose la responsabilité familiale. Peuple d'éleveurs et d'agriculteurs, les Chewa travaillent la terre durant la saison des pluies qui nécessite une intense activité agricole principalement tournée vers la culture du maïs, céréale à la base du nshima, sorte de porridge qui accompagne tous les repas zambiens. Pendant la saison sèche, lorsque les travaux agricoles sont terminés et les activités quotidiennes moins prenantes, les Chewa se rassemblent à Mkaika, village de l'est de la Zambie, où se trouvent le palais de la reine mère et celui du chef suprême actuel, le Kalonga Gawa Undi.
Ces retrouvailles sont l'occasion de divertissements, de moments de convivialité.
La fin de l'initiation rituelle des jeunes garçons aux secrets de la société nyau, célébrée par le gule wamkulu, est aussi au coeur de ces réjouissances.
Les masques sont en bois peint, chamarrés, ornés de plumes animales, de fibres de raphia ou de sisal et dissimulent totalement le visage et la morphologie du danseur. Certains gule portent des habits, d'autres se recouvrent le corps de terre argileuse. D'autres masques enveloppent entièrement le corps du danseur. Des fibres végétales séchées cerclent les poignets, les bras, les chevilles ou encore la taille des gule. À chaque main, ils arborent des branches aux feuilles vertes.
L'apparition de ces masques à l'imposant pouvoir évocateur inspire un grand respect. Les gule constituent des pôles d'identification puissants pour les villageois. Ils transmettent des savoirs, véhiculent les codes éthiques et sociaux des Chewa. Masques zoomorphes, masques anthropomorphes, masques hybrides, les gule abritent l'âme des morts, la puissance des ancêtres. Ils couvrent et découvrent, voilent et dévoilent, envisagent et dévisagent.
La signification morale et symbolique des masques trouve son accomplissement dans la danse.
Guidés par le rythme des tambours, les mouvements rapides et dynamiques des gule soulèvent la terre sèche d'un brun rouge qui enveloppe le danseur de mystère. Rêve ou réalité ? Les gule sont des personnages énigmatiques, intercesseurs entre le monde des vivants et le monde des esprits. Si le découpage étatique post-colonial a dessiné des frontières arbitraires, piétinant les réalités ethniques, géographiques et culturelles de cette région de l'Afrique australe, ces frontières politiques ne semblent exister que partiellement dans les représentations collectives du peuple Chewa. Aux frontières politiques répondent des frontières culturelles. Marqueur d'identité, la pratique du gule wamkulu est devenue marqueur de résistance, fabrique d'un territoire par l'imaginaire.
Florabelle Spielmann
Déroulé du spectacle
Kasinja
Ce masque apparaît toujours par couple pour annoncer le commencement du gule wamkulu. La danse de Kasinja s'accompagne de cris aigus qui rendent les voix des danseurs méconnaissables.
Mbano
Ces masques représentent un corpus d'animaux fantastiques où se mêlent et s'entremêlent chiens, loups, oiseaux, singes, cochons' Les branches aux feuillages verts qu'ils tiennent dans les mains rappellent le lien étroit qu'ils entretiennent avec la nature.
Wamsala
Figure archétypale, ce masque représente le fou du village. Son apparition se fait de manière impulsive et provoque un sentiment de peur.
Maria
Ce masque est un détournement de la figure biblique de Marie. Masque syncrétique, ce masque renvoie à la période coloniale durant laquelle les missionnaires chrétiens essayèrent d'interdire la pratique de cette tradition païenne. Nous retrouvons ici ce qu'ont souvent constaté les enquêtes menées par les anthropologues : les éléments qui focalisent la répression du dominant servent de support à la construction identitaire du dominé.
Chadzunda
Ce masque représente la figure de l'homme protecteur qui veille sur le village. Il est à la fois respecté et craint.
Kamkhalamba
Figure archétypale, ce masque représente l'ancêtre du village. Accueilli avec respect, ce masque apporte sagesse et sérénité aux villageois rassemblés.
Simon
Ce masque est une des représentations de l'homme blanc qui est ici associé à la trahison et à la tromperie.
Gologolo
Facétieux, ce masque relève les défis chantés que lui lance le choeur de femmes.
Mkhwele
Les singes font partie de l'environnement naturel des Chewa. Ils sont redoutés en période de récolte parce qu'ils sont chapardeurs.
Mbiyazodooka
Recouvert de terre argileuse, ce masque représente l'esprit des morts. Sa posture recourbée vient du fait qu'il prend son éveil depuis la terre. Il tient sur sa tête un pot en argile, pot que l'on retrouve dans la forêt comme repère pour indiquer le lieu de sépulture où se trouve enterré un défunt.
Amuna A Chilonda
Figure archétypale, ce masque représente l'infirme du village. Son infirmité est symbolisée par sa posture déséquilibrée due au fait qu'il se trouve sur une seule échasse.
Chidandale
Ce masque représente l'esprit des ancêtres de la communauté.
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2008-04-10
10-13 avril 2008. Théâtre Équestre Zingaro.
Les rituels du Nuo ont lieu chaque année au moment du Festival du Printemps, c'est à dire lors du Nouvel An chinois, dans de nombreux villages du Sud de la Chine. L'arrivée du Printemps est source de renouveau, les dieux protecteurs du village sont alors invités à descendre sur terre, à s'incarner dans des masques, afin que les villageois puissent se placer sous leur protection pour l'année à venir et leur demander de faire le « grand ménage » parmi les démons et mauvais esprits qui rôdent autour et parfois même à l'intérieur des foyers, causant toutes sortes de tracas et calamités. Ce sont eux qui seraient à l'origine des mauvaises récoltes, du mauvais temps, des maladies et de la stérilité. De grandes cérémonies d'exorcisme, qui peuvent durer jusqu'à plus d'un mois, ont alors lieu. Elles commencent dans les temples. Là, les prêtres ou chamanes préparent les autels où sont disposées des offrandes de fruits, d'encens, d'alcool, d'argent en papier et d'animaux sacrifiés pour l'occasion - souvent des poulets. Les ritualistes scandent ensuite des incantations, appelant les dieux à rendre visite aux humains et à venir s'incarner dans des masques. Si ceux-ci acceptent l'invitation, un déferlement de pétards, de cymbales et de gongs annonce leur arrivée. Dans certains villages, ce sont même des fusées qui déchirent les cieux. Plus il y a de bruit, plus les démons prennent peur. Des processions masquées traversent alors les allées étroites des villages et les chemins de campagne qui les entourent. Les dieux se rendent dans chaque maison pour apporter bonheur, fortune et prospérité. Ils dansent les uns après les autres et sont accueillis à leur tour par tous les villageois. Parfois, des scènes comiques sont jouées car le rire effraie aussi démons et fantômes. Dans certaines provinces, ces rituels sont accompagnés de représentations théâtrales, toujours masquées, où sont mis en scène des personnages de la littérature orale. Tout le village assiste à ces représentations données en offrande aux dieux, afin de les divertir. Ces rituels remontent à la haute Antiquité et ont incorporé, au fil des millénaires, de nombreux éléments du bouddhisme, du taoïsme, mais également de toutes les croyances et traditions populaires qui ont croisé leur chemin. C'est pourquoi, ces rituels varient énormément, dans leurs formes, de province en province, et même de village en village.
Nuo de Nanfeng, village de Shiyou
Nanfeng est un district de la province du Jiangxi, au Sud-Est de la Chine. Les cérémonies de Nuo qui s'y déroulent ont conservé une forme très ancienne. Ni scènes théâtralisées, ni dieux bouddhistes ou taoïstes. Seuls les dieux de la religion populaire "dansent" pour les villageois. La cérémonie d'ouverture, au cours de laquelle les ritualistes appellent les dieux, se termine par un jeté de cornes divinatoires par le maître de cérémonie. Celles-ci doivent tomber l'une face au sol et l'autre face au ciel, en représentation de l'harmonie du yin et du yang. Une fois cette cérémonie terminée, les ritualistes masqués vont en procession de maison en maison "danser" le Nuo. On nomme cette partie du rituel "monter le cheval". Le premier dieu à se manifester est Kaishan, l'ouvreur de montagnes. Puis vient Zhi Qian, le dieu des offrandes d'argent de papier. Tous les deux appellent les autres dieux à les rejoindre. Viennent alors Lei Gong, le dieu du tonnerre qui foudroie les âmes viles et indignes, puis Nuo Gong et Nuo Po, le père et la mère du Nuo qui apportent fertilité et descendance saine aux ménages. Arrivent ensuite Da Gui et Xiao Gui, les deux acolytes de Zhong Kui qui boivent ensemble. La scène est comique car ils finissent par être ivre. Tous les enfants accourent à ce moment autour d'eux pour partager leur boisson. Puis c'est au tour de Zhong Kui, le pourfendeur de démons, qui finit également ivre. Il se fait même voler son arme par Xiao Gui qu'il insulte et chasse après avoir repris ses esprits. Passé cet interlude comique, arrivent les deux frères Shuang Bolang, qui se préparent à aller en guerre. Ils s'entraînent et vénèrent leurs armes. Guan Gong, grand héros de la période des Trois Royaumes, élevé au statut de dieu pour sa bravoure, leur succède. Le rituel se termine avec la cérémonie du "suo nuo", qui a une fonction d'exorcisme. Kaishan, l'ouvreur de montagnes, et Zhong Kui, le pourfendeur de démons, agitent leurs chaînes magiques et vont chasser le petit démon, qui se débat avec force galipettes. Les ritualistes masqués "descendent du cheval" et retournent alors en procession au temple.
Nuo de Guichi, villages de Dangliyao et Xihuayao
Guichi est un district de la province du Anhui, qui se trouve à l'ouest du Jiangxi. Les cérémonies du Nuo y débutent dans la nuit du sixième jour du Nouvel An et se prolongent jusqu'à à l'aube du seizième jour. Au cours de la première nuit, les ritualistes s'isolent, se purifient et préparent leurs vêtements de cérémonie. Ils ne doivent voir ni parler à personne. A deux heures du matin, ils commencent les prières et à l'aube ils vont « ouvrir les visages » des masques. De l'alcool de riz est passé sur chacun d'eux, puis ils sont purifiés à l'encens et placés sur un autel. Les dieux sont alors appelés. Des offrandes sont faites dans plusieurs temples par un petit groupe de ritualistes, dont l'un d'eux fait tournoyer une ombrelle. Le rôle de cette dernière est très important dans le Nuo de Guichi : l'ombrelle représente le Ciel et les dieux descendent sur terre le long de son manche. Des processions conduisent les dieux sur des « palanquins aux dragons » jusqu'au temple principal où les supérieurs des temples alentour viennent leur rendre hommage. Des milliers de villageois assistent à cette cérémonie qui est suivie de danses masquées. A Guichi, des saynètes théâtralisées ont été incorporées au rituel, telle l'histoire de la victoire de Lao Yang sur l'oiseau Chiniao. Cette légende se déroule à l'époque du Royaume de Shu, il y a plus de 2000 ans. Des oiseaux avaient alors envahi le ciel, ne laissant plus la lumière passer et détruisant les récoltes. La légende raconte comment Lao Yang a mis fin à ce fléau à l'aide de son arc. Des « opéras Nuo » sont également donnés pour divertir les dieux. Est souvent jouée à cette occasion l'histoire de Liu Wen Long que sa femme accompagne sur la route de la capitale où il doit se rendre pour passer les examens mandarinaux. En chemin, ils font escale dans une auberge. Sa femme décide d'y rester pour attendre le retour de son mari. En l'absence de celui-ci, elle se fait courtiser par le gouverneur de la région, qui désire en faire sa concubine. Elle refuse de lui céder et pour se venger, il la fait tuer. De retour, son mari apprend ce qu'il s'est passé. Il porte plainte auprès du juge Bao lequel détient des pouvoirs surnaturels, dont celui de descendre aux enfers interroger les victimes des crimes qu'il juge. Cette histoire de la littérature orale possède de nombreuses variantes à travers toute la Chine. A Guichi, interviennent également des dieux empruntés au taoïsme, tels les cinq dieux-étoile de la chance, de la prospérité, de la richesse, de la longévité et du bonheur (Fu, Lu, Shou, Xi et Cai Xing), auxquels s'ajoute Kui Xing, le dieu-étoile de la réussite aux examens, à qui il suffit de toucher une personne de son pinceau pour qu'elle réussisse ses examens. Une des facettes les plus impressionnantes du Nuo de Guichi est la présence d'échassiers masqués. Ils recréent le combat qui a opposé Guan Suo, fils de Guan Gong, à la belle Bao Sanniang et à ses deux frères. Au cours du combat, Guan Suo et Bao Sanniang, pleins d'admiration mutuelle pour leur adresse et leur beauté, vont tomber amoureux. Les rituels prennent fin dans la nuit du quinzième jour du Nouvel An au cours d'une soirée où tous les villageois apportent des aliments frais qu'ils font cuire ensemble dans un énorme chaudron. Une grande fête s'ensuit où tout le village mange et boit jusqu'au petit matin, moment où les dieux sont raccompagnés. Les lanternes, drapeaux et autres accessoires qui ont servi au rituel sont alors brûlés à côté du fleuve.
Stéphanie Mas
Le Festival de l'Imaginaire remercie
Monsieur Hervé Ladsous, Ambassadeur de France en Chine, Bartabas, Jean Pathenay, Wu Yunming, Wenti
Nuo de Nanfeng
1' Invocation des dieux
2' Kaishan, l'ouvreur de montagnes
3' Zhi Qian, le dieu des offrandes d'argent de papier. Kaishan, puis Zhi Qian, appellent, chacun à son tour, les autres dieux à les rejoindre.
4' Lei Gong, le dieu du tonnerre qui foudroie les âmes viles et indignes.
5' Nuo Gong et Nuo Po, le père et la mère du Nuo qui apportent fertilité et descendance saine aux ménages.
6' Da Gui et Xiao Gui, les deux acolytes de Zhong Kui le pourfendeur de démons. Scène comique où ils boivent ensemble et finissent par être ivres.
7' Zhong Kui, le pourfendeur de démons et Xiao Gui. Celui-ci finit également ivre. Il se fait voler son arme par Xiao Gui qu'il insulte et chasse après avoir repris ses esprits.
8' Les deux frères Shuang Bolang. Ils se préparent à aller en guerre. Ils s'entraînent et vénèrent leurs armes.
9' Guan Gong, grand héros de la période des Trois Royaumes, élevé au statut de dieu pour sa bravoure.
10' "Sou Nuo", cérémonie d'exorcisme. Kaishan, l'ouvreur de montagnes et Zhong Kui, le pourfendeur de démons agitent leurs chaînes magiques et chassent le petit démon.
11' Prières.
Nuo de Guichi
1' Invocation des dieux.
2' Wusan, ou danse de l'ombrelle. Celle-ci représente le Ciel et les dieux descendent sur terre le long de son manche.
3' Victoire de Lao Yang sur l'oiseau Chiniao. Selon une légende, à l'époque du Royaume de Shu il y a plus de 2000 ans, des oiseaux avaient envahi le ciel, ne laissant plus passer la lumière et détruisant les récoltes. La légende raconte comment Lao Yang a mis fin à ce fléau à l'aide de son arc.
4' Fu, Lu, Shou, Xi et Cai Xing, les dieux-étoiles de la chance, de la prospérité, de la richesse, de la longévité et du bonheur.
Ces dieux sont empruntés au taoïsme. Ils sont rejoints par Kui Xing, étoile-dieu de la réussite aux examens. Il suffit à celui-ci de toucher une personne de son pinceau pour qu'elle réussisse ses examens.
5' Gaoqiao Ma (chevaux sur échasses), combat de Guan Suo, fils de Guan Gong, contre la belle Bao Sanniang et ses deux frères. Au cours du combat, Guan Suo et Bao Sanniang, pleins d'admiration mutuelle pour leur adresse et leur beauté, vont tomber amoureux.
6' Extrait de l'histoire de Liu Wen Long et de sa femme. Extrait d'un "opéra Nuo" donné pour divertir les dieux. Liu Wen Long, accompagné de sa femme, se rend à la capitale pour passer ses examens mandarinaux. En chemin, ils font escale dans une auberge. Sa femme décide d'y rester pour attendre son retour'
7' Guan Gong, Guan Ping (son autre fils) et Zhou Cang (son aide fidèle) chassent deux petits démons.
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2008-03-28
28-30 mars, Auditorium Saint-Germain
Avec les moines et les nonnes du temple Bongwonsa. Sous la direction du Vénérable Ku-Hae, Trésor National Vivant.
Ordre Taego du bouddhisme coréen
Avec le soutien du Ministère de la Culture et du Tourisme de Corée et du Centre Culturel Coréen de Paris
La cérémonie du Yeongsanjae est une offrande rituelle à Sakyamuni Bouddha dans l'espoir qu'il guide les vivants et les morts dans la joie de l'Eveil et de la paix éternelle. Cette cérémonie peut être demandée par des individus ou des familles; dans son contexte rituel, elle est célébrée 49 jours après un décès. Elle est alors un rite de passage de l'ici-bas vers l'au-delà, une voie de salut vers le lieu de la félicité.
Le spectacle et son contexte rituel
Le Yeongsanjae débute par le shiryon, acte de purification du temple et invocation de l'esprit du défunt. Une lente procession, composée de moines, de nonnes et de personnes de l'assistance, marche en signe de recueillement autour du temple. Des moines musiciens ouvrent cette procession. Ils sont suivis par des moines portant une urne contenant l'esprit du défunt.
Lorsque la procession regagne le temple, l'assistance se dispose en cercle. Au centre, les moines et les nonnes louent le Bouddha Compatissant par le chant, la musique et la danse. Les chants pomp'ae et les danses chakpop marquent les étapes de la cérémonie qui se déroule devant un rouleau peint représentant Sakyamuni sur la montagne Sacrée et rappelant le sutra du Lotus que Bouddha aurait prononcé en Inde au Pic du Vautour (Yeongsan, Gridhrakuta).
Le matériau musical
Les chants pomp'ae sont interprétés en langue chinoise, en solo ou en choeur. Selon la durée de la cérémonie du Yeongsanjae, les chants pomp'ae peuvent être interprétés dans les styles hossori ("simple") ou chissori ("élaboré"). Caractérisés par des mélismes, ces chants reposent sur un matériau poétique qui est prétexte à l'improvisation. Le style hossori se caractérise par l'utilisation de mélismes se déployant sur un ambitus ne dépassant pas l'octave. Attaques, vibrato, ornementations définissent l'esthétique vocale. La structure du texte poétique est le plus souvent un quatrain de cinq ou sept syllabes. Les deux premiers vers de ce quatrain sont appelés antchak, les deux derniers sont appelés patchak. Un même matériau musical sous-tend antchak et patchak. Le style chissori se caractérise par des textes en prose et une durée d'interprétation plus longue que celle du style hossori. Les chants chissori sont chantés par un choeur et peuvent être introduits ou entrecoupés de courtes phrases mélodiques exécutées par un soliste Le choix du style hossori ou chissori est également lié au déroulement du rituel. Ainsi, un même chant peut relever de différentes interprétations. Il peut être :
- récité
- interprété dans le style hossori qui requiert des ornementations mélodiques
- interprété dans le style hossori avec ajouts de tropes
- interprété dans le style chissori ce qui étend la durée de ce chant
- interprété dans le style chissori et enrichi par des interpolations musicales
Le matériau rythmique est très étendu, se réalisant selon une pulsation libre à un tempo très lent. Des cloches, des gongs et des cymbales indiquent le début ou la fin d'un chant, les modifications de la prosodie, du texte, ou de l'expression vocale. Un tambour-tonneau puk, une longue trompette droite appelée nabal et une conque forment un ensemble instrumental appelé chwita.
Le langage chorégraphique
Le langage chorégraphique s'inscrit dans une perspective rituelle, le corps travaille à partir d'une technique transmise par la tradition. Les danses chakpop sont autant de louanges aux vertus de Bouddha. Nabich'um ("danse du papillon") symbolise la métamorphose, le passage de la chrysalide au papillon. Elle est dansée par des nonnes vêtues de robes blanches aux longues manches et la tête recouverte d'une coiffe. Parach'um ("danse des cymbales") est dansée par des moines tenant des cymbales et effectuant des mouvements très lents. Popkoch'um ("danse du tambour ") met en scène un moine qui frappe sur un tambour en forme de tonneau pour libérer le défunt de ses souffrances.
Le Yeongsanjae : une pratique musicale non professionnelle
Cette rencontre entre chant, musique et danse se déploie dans un temps et un espace où la lenteur du geste chorégraphique suscite une tension, tension qui exprime moins le souci d'une esthétique de la scène que le désir de transmettre un apaisement. Pas moins de dix années d'apprentissage sont nécessaires pour maîtriser ces chants et ces danses et, de nos jours, peu nombreux sont ceux qui détiennent encore la connaissance de cet art religieux. En 1973, le gouvernement coréen a inscrit le Yeongsanjae sur la liste de son patrimoine culturel inaliénable et a confié au Temple Bongwonsa le soin de le préserver et de le transmettre. Ces représentations, qui sont une première en Europe, se dérouleront sous la direction du Vénérable Ku-Hae, Trésor National Vivant.
Florabelle Spielmann
Cérémonie dirigée par le Vénérable Ku-Hae, Trésor National Vivant
Les Maîtres :
- Très Vénérable Hwan Woo, Président de l'Association pour la préservation du Yeongsanjae et Supérieur du Temple Bongwonsa
- Vénérable Ku-Hae, Trésor National Vivant
- Sun Am, Vice-président de l'Association pour la préservation du Yeongsanjae et Supérieur adjoint du temple Bongwonsa
Déroulé de la cérémonie :
1' Do Ryang Seok , chant d'ouverture par le Vénérable Ku-Hae
2' Hong Go (tambour) par Bup Soo
3' O Jeong Ye, salut au Bouddha par l'ensemble des moines et des nonnes
4' Entrée de l'ensemble chwita composé de quatre musiciens suivis des moines et des nonnes
5' Ki Gyeong Jak Beop ou danse du papillon Nabich'um par le Vénérable Ku-Hae au gong et Hae Sa, Ha Jin, Do Kyung, Bup Yung
6' Pal Bu Geum Gang (chant chissori) par l'ensemble des moines et des nonnes
7' Myeong Balo ou danse des cymbales Parach'um par Dong Hee au gong et les moines Hyo Kwang, Yun Hoe, Bup Il, Dong In
8' Bok Cheong Gye (chant hossori) par le Vénérable Ku-Hae
9' Cheonsu Bara ou danse des cymbales Parach'um par le Vénérable Ku-Hae au gong et les moines Chung Bong, Hyo Knang, Yun Hoe, Bup Il, Dong In, Bupsoo, Heng Bum
10' Do Ryang Gye (chant hossori)
11' Danse du papillon Nabich'um par Hae sa, Ha Jin, Po Kyung, Bup Jung
12' Bup Go ou danse du tambour Popkoch'um par Dong Hee
13' Hyang Hwa Gye (offrande d'encens et de fleurs) par le Vénérable Ku-Hae au gong
14' Danse du papillon Nabich'um par Hae sa, Ha Jin, Po Kyung, Bup Jung
15' Hyang Su Na Yeol (chant hossori): Chong Bong
16' Sa Dharani (les 4 mantras) par le Vénérable Ku-Hae au gong
17' Danse des cymbales Parach'um par Chung Bong, Hyo Knang, Yun Hoe, Bup Il, Dong In, Bupsoo, Heng Bum
18' Ga Ji Gye (chant hossori) par Chong Bong
19' Hwa Cheong (chant hossori) par Dong Hee
20' Gong Deok Gye par le choeur des moines et des nonnes
21- Chant de clôture afin d'étendre la joie de l'éveil et la paix à tous les êtres
Ensemble chwita avec :
Kim Jang Kon au tambour puk
Kim Jang Kil à la Conque
Cho Bok Hyun aux cymbales
Ham Gujin au nabal, longue trompette droite
Le Festival de l'Imaginaire tient à remercier :
Chul-Min Mo, Junho Choe, Dong-Kyu Kim et Won-Gi Baek.
RENCONTRE AUTOUR DU YEONGSANJAE
Samedi 29 mars à 11h ' Auditorium Saint-Germain
Cette rencontre sera animée par les moines et les nonnes du temple Bongwonsa et donnera lieu à des présentations, des démonstrations ainsi qu'à des échanges entre les acteurs et le public.
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2008-03-24
24-27 mars 2008, Maison des Cultures du Monde
AVEC
les chanteurs : Fatumata Famanta et Moussa Diakité
les joueurs de tambour bongolo et nganga, les manipulateurs de masques et
danseurs : Adama Dembele 1 et son cousin Adama Dembele 2, Malick Dramé, Bagnini
Famanta, Bougadary Fanafo, Lasseni Jiré, Tidiane Karabenta, Madou Koné, Bokar
Konta, Moulaye Niono et Moulaye Tamboura.
Kirango est un village situé au bord du Niger, à 35 km au nord-est de la ville de Ségou, où vivent les ethnies Bozo (pêcheurs) et Bamana (agriculteurs).
Chacune de ces deux ethnies célèbre une fête autour des masques. Désignés par le même mot sogow (animal), les masques et les marionnettes associent chants, rythmes de tambours et danse. Considérés comme deux faces d'une même pièce de monnaie, masques et marionnettes sont un trait d'union entre le monde invisible du surnaturel et le monde visible des humains.
Le ton, association des jeunes du quartier, organise la fête des masques des pêcheurs Bozo du quartier Jaka. Elle a lieu tous les 10 ans lors de la circoncision des garçons d'une classe d'âge, ou lors d'une occasion particulière. Les pêcheurs appellent cette manifestation do bò (sortie du secret).
Selon la légende, les Bozo sont les descendants de Faaro, esprit de l'eau et créateur du monde. La sortie des masques et marionnettes des Bozo célèbre ce mythe des origines, leur relation aux animaux terrestres et aquatiques. Accompagnée de chants et de tambours, la danse de personnes masquées alterne avec celle des sogow, grands masques représentant des animaux tantôt mythiques, tantôt véritables.
Dans les temps précoloniaux les Bozo furent les premiers à pratiquer des défilés de sogow et sont reconnus de nos jours comme les détenteurs originels de cette tradition. L'explorateur Paul Soleillet témoigne avoir observé en 1878 un castelet couvert d'étoffe, ayant une tête d'autruche et portant sur son dos deux marionnettes. Ce castelet était installé dans une pirogue et accompagné de tambours. L'autruche figure aujourd'hui parmi les masques les plus importants chez les Bozo.
Les sogow de jour, portés par des pirogues, défilent sur le Niger. Autour d'eux nage un poisson ou un crocodile. Sur la première pirogue se trouvent le masque Gonfarinman, le méchant chimpanzé, ainsi que deux castelets couverts d'étoffe. L'un, dont le dos est orné de deux petits oiseaux, porte une tête d'oiseau (Kono). L'autre, dont le dos est orné d'un cavalier, porte une tête de cheval (So). Chanteurs et joueurs de tambour se tiennent sur la deuxième pirogue. Un castelet d'étoffe et de paille, sur lequel se dresse une tête d'antilope (Koon), occupe la troisième pirogue.
Les sogow de nuit, fabriqués en tissu, représentent des animaux aquatiques ou terrestres. Certains d'entre eux, comme les poissons (Wulujege et Saalen), les scorpions (Bunteninw) qui figurent les jumeaux, le crocodile (Bama) et le serpent (Sa) n'ont pas de pattes. Ils rampent sur le sol, manipulés par un homme caché à l'intérieur. Par contre l'hippopotame (Mari), très apprécié du public, marche sur des pattes. Tous les masques sont conduits par un homme qui agite une clochette.
Les chants qui accompagnent les masques et les danses sont interprétés en langue bamanan. Ils sont chantés deux à deux : le premier chant est lent, le deuxième plus rapide. Les paroles des chants varient selon les sogow. L'un des chants qui accompagne les poissons les compare à un miroir d'or ; un autre, qui accompagne l'hippopotame et le crocodile, redoutables animaux de chasse, parle des prouesses des Bozo comme chasseurs. Un autre encore, celui qui accompagne la danse de l'oiseau, parle de la jalousie entre les hommes, une préoccupation souvent exprimée dans les chants des Bozo.
Cette forme de théâtre total qui, entre rêve et réalité, relie le monde des esprits à celui des humains, est un reflet de l'identité culturelle des Bozo. Danses, chants, rythmes des tambours, sont des éléments précieux de leur héritage culturel, un héritage qui évolue au gré des changements sociaux que connaît cette communauté.
Elisabeth den Otter
Programme (durée : 1 heure et 15 minutes)
1) Danse Sogolon
Masques de jour :
2) Gonfarinman (Le méchant chimpanzé)
3) So (Le cheval)
4) Koon (L'antilope)
5) Kono (L'oiseau)
6) Danse Tèrè
Masques de nuit :
7) Saalen (Le poisson-capitaine)
8) Bunteninw (Les scorpions)
9) Bama (Le crocodile)
10) Wulujege (Le poisson-chien)
11) Sa (Le serpent)
12) Mari (L'hippopotame)
13) Danse Sogolon
http://web.mac.com/edotter/cd_bozoliederen/Chansons_bozo_de_Kirango.html
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2008-03-18
18 mars 2008
Dans le cadre du cycle 'Musiques de l'invisible et du silence'
Avec Mohammad Hakim, munshid (chantre)
Et les membres de la "Zawiya Hilaliya" d'Alep
Mohanad ALWAN
Mohamad MANJOUNE
Bakri BASAL
Anwar SAMMAN
Firas BILOUNI
Mahy Eddin MOSALLI
Mohamad Fateh ABO ZID
Ahmad MASHAEL
Abdulrahman HALLAK
Abdullah RIHAWI
Le soufisme est la mystique de l'islam. Il s'agit de la principale voie de réalisation spirituelle propre à cette religion. Le soufisme se fonde sur le Coran, la parole divine matérialisée dans un livre sacré, ainsi que sur la sunna ou pratique du prophète Muhammad, le modèle par excellence de tout musulman et l'Homme Parfait pour le mystique. Le soufisme a parfois été mis en opposition avec la religion formelle, attachée à la lettre, à l'aspect extérieur de la révélation, et qui constitue l'écorce de l'islam. En fait, il en est le complément, comme religion du coeur et de l'esprit, et comme dimension intérieure de l'islam. Le soufisme constitue la voie qui conduit de l'écorce au noyau, c'est-à-dire de la loi religieuse commune à tous les croyants (sharî'a) à la réalité, à la vérité transcendante, terme de la quête mystique. C'est une voie initiatique qui ne s'adresse qu'à ceux qui sont prêts à renoncer au monde objectif, elle implique une mort suivie d'une renaissance, un dépouillement du moi en vue de laisser la place au seul Soi divin (en arabe : Huwa, "Lui"). Cette voie des derviches, c'est la tarîqa, à la fois chemin et confrérie, qui offre les moyens d'atteindre l'union avec Dieu. Le rattachement à une tarîqa s'effectue à travers la personne du shaykh, le maître qui en assure la direction spirituelle. Celui-ci doit avoir franchi toutes les étapes du périlleux voyage intérieur, afin de pouvoir à son tour guider ses derviches après les avoir initiés, c'est-à-dire leur avoir transmis la baraka, la grâce divine. Pratiquement, la technique centrale de toute voie contemplative repose sur l'invocation, l'oraison, et le soufisme n'échappe pas à cette règle. Sa méthode est basée sur le dhikr ou mention, souvenir, remémoration ' sous-entendu de Dieu ' conformément à l'injonction coranique : « Ô vous qui croyez, invoquez souvent le nom de Dieu ! Louez-le matin et soir ! » (33, 41-42). Le terme dhikr dérive du syriaque dhukrana, ce qui indique que le principe existait avant l'islam. Les soufis, cependant, en ont fait une méthode tout à fait originale dont la pratique systématique est attestée dès le IXe siècle. La récitation des formules du dhikr s'appuie sur diverses techniques qui mettent en oeuvre le souffle et les mouvements du torse et de la tête. Il en résulte notamment une hyperventilation qui engendre un état de stupeur ou d'obnubilation qui favorise la concentration mentale.
Le dhikr consiste en la répétition incessante du Nom suprême, Allah, généralement accompagnée de la récitation d'autres noms désignant des qualités divines, tels que Hayy (le Vivant) et Qayyûm (le Subsistant). Il résume toute la voie : en s'immergeant totalement dans la répétition du nom divin, le derviche s'assimile à Lui, de sorte que l'invocant (dhâkir), l'Invoqué (madhkûr) et l'invocation (dhikr) ne font plus qu'un. L'identité suprême est alors réalisée, transcendant toute dualité, toute limite, et réintégrant la nature primordiale et parfaite de l'être. La conférie Qâdiriya
Né en 1077 dans une petite ville proche de la Mer Caspienne, 'Abd al-Qâdir al-Jîlâni s'établit à Bagdad à l'âge de dix-huit ans dans l'intention d'étudier le droit musulman. Quand il a terminé ses études, il disparaît pendant trente-trois ans. La légende dit qu'il passe toutes ces années à méditer, retiré dans le désert. Il réapparaît à Bagdad vers 1127 où ses disciples lui construisent une habitation à l'endroit où il enseigne et ce lieu devient le premier ribât (couvent), le premier centre qâdiri de Bagdad. Ses sermons attirent aussi bien des juifs, des chrétiens que des musulmans. Ils ont été consignés dans un livre intitulé La Conquête du Divin, qui demeure le principal ouvrage étudié au sein de la confrérie. 'Abd al-Qâdir al-Jîlâni meurt en 1166 à l'âge de quatre- vingt neuf ans et il est enterré dans son ribât, qui devient alors un lieu de pèlerinage encore très fréquenté de nos jours. Ses deux fils perpétuent son enseignement et lui donnent la mesure d'un véritable mouvement.
Au XVe siècle, cette confrérie est présente en Irak, en Syrie, en Égypte et dans toute l'Afrique du nord. La qâdiriya est aujourd'hui la plus grande confrérie du monde musulman. Elle se subdivise en de multiples branches portant chacune le nom de son fondateur. Celle qui nous intéresse ici est la khâlwatiya, fondée par al-Khâlwatî (mort en 1397). Elle se répandit en Syrie et eut une grande renommée au XVIIe siècle. Plus connue sous son nom turc de Halvéti, elle se distingue par une retraite (khâlwa) de quarante jours afin de favoriser et de faciliter l'introspection, l'amour de Dieu, mais aussi l'éducation des âmes des murîdin ou apprentis mystiques.
Le dhikr de la Zawiya Hilaliya
À Jalloum, quartier populaire de la vieille ville d'Alep, le vendredi après-midi, avant la prière du couchant, les marchands et chalands du bazar se retrouvent pour un moment unique : le dhikr. Là, dans la salle de prière de la Zawiya Hilaliya, ils célèbrent ensemble le divin. Fondée en 1680 par le Shaykh Hilal Ramî Hamdani, cette zawiya a toujours été dirigée par ses descendants inhumés dans la cour. Aujourd'hui, elle est dirigée par le Shaykh Jamal Eddine al-Hilali.
Tout au long des différentes phases qui constituent la cérémonie, les formules scandées forment un socle sonore impressionnant sur lequel viennent se superposer les chants d'invocation et de louanges du munshîd, le chantre Muhammad Hakim. Son chant obéit aux règles de la tradition des modes, des rythmes et des formes musicales du Proche-Orient : mûwashshah, qad, shghul sûfi. Muhammad Hakim, élevé depuis sa plus tendre enfance dans un milieu mystique, a fait des études de théologie et appris les mûwashshahat (poèmes chantés de tradition savante) ainsi que le répertoire religieux avec les plus grands maîtres alépins. Il est devenu l'un des principaux chantres de la Zawiya Hilaliya.
ORDRE DU DHIKR DE LA ZAWIYA HILALIYA
1-Glorification du Sublime / Ouverture du dhikr.
Cette première partie constitue la mise en place du cadre religieux du rituel. Après une litanie sur la profession de foi : Il n'y a de dieu que Dieu, prononcée par les officiants avec emphase, les adeptes chantent des louanges à Dieu, au prophète et aux fondateurs d'ordres soufis. Glorification du Sublime / Rakza. La première partie se poursuit par un intermède musical avec tambours sur cadre daf qui a pour fonction de consolider la construction du dhikr. Le munshîd chante des muwashshahat, une qasîda et des louanges (mada'eh) pour préparer les officiants à l'extase.
2-Musaddar
C'est ici que commencent les mouvements qui vont aider les derviches à entrer en extase. Le titre de cette partie dérive du mot sadar (poitrine) en raison du mouvement de torse des officiants qui s'inclinent en cadence.
3-Maqsûm (partagé, réparti)
Les officiants répètent Allahumma (Ô mon Dieu), expression qui regroupe à elle seule les 99 noms de Dieu.
Le mouvement de torse des officiants va de la droite vers la gauche, exprimant l'idée de partage, d'où le terme de maqsum.
4-At-taraqqî (élévation, ascension)
Les officiants répètent un vers sur l'éternité de Dieu, infini et préexistant à toute chose, et une prière :
"Ô Toi qui réponds à celui qui t'implore, nous te supplions d'exaucer notre prière".
5-As-sawi (d'après le nom d'un des Shaykh de la tarîqa)
Répétition du nom d'Allah avec accompagnement des tambours daf. Le soliste improvise dans le style du hadi (chant de stimulation des chameaux dans le désert) afin de mener les officiants vers la source.
6-Khammari (litt : envahi par la fièvre, bouillonnant, faire lever la pâte)
Les officiants répètent : "Ô mon Dieu, nous implorons ta clémence dans nos épreuves. Ta bienveillancedissipera les malheurs". C'est dans cette étape que les officiants atteignent en principe le summum de la pureté spirituelle, le wajd.
7-Dandana (bourdonnement)
Les officiants répètent le nom d'Allah en se balançant alternativement d'avant en arrière, puis terminent le dhikr par la profession de foi (il n'y a de dieu que Dieu).
À écouter
ZIKR QADIRI KHALWATI, Zawiya Hilaliya d'Alep
CD INÉDIT W 260109
Photo : MCM / M.N. Robert
Amphithéâtre Bastille :
Représentation : le mardi 18 mars 2008 à 20h
Durée du spectacle : 1 heure et 15 minutes, sans entracte
Équipe technique Amphithéâtre Bastille
Régisseur général : Jean-Pierre Ruiz
Lumière : Alain Bô
Son : Christian Coquillaud
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2007-03-06
-
2006-03-23
23-25 mars 2006
Avec
les chanteurs et percussionnistes
Hernin ABONG (Chef coutumier)
Augustino ABONG
Marcellin ABONG
Petro ABONG
Boniface BATIAKON
Claude HEROMALY
Joseph SOKSOK
les danseurs
Jackie ABONG
Dominique LOCKVARO
Denis LOCKVARO
Albano TOKTOK
Rodrigue MARKOT
Tito LUAN
Dominique BONGMEME
Aimé MELEUN
Abraham LEYROU
Théophile BATICKAKONE
Le Festival de l'Imaginaire tient à remercier pour leur soutien
Le Secrétariat Permanent pour le Pacifique, Fonds Pacifique : Guy de la Chevalerie
L'Ambassade de France au Vanuatu : Bernard Sexe, Conseiller Culturel
Le Gouvernement du Vanuatu
L'Alliance Française de Port-Vila : Georges Cumbo, Directeur
Vanuatu Kaljoral Senta : Ralph Regenvanu, Directeur et Marcellin Abong, Directeur adjoint.
Vanuatu ou "le pays qui se tient debout" est un archipel du Pacifique composé de plus de 80 îles et îlots. Ce sont les Grandes Cyclades de Bougainville et les Nouvelles Hébrides du Capitaine Cook. Ces îles du bout du monde ont été dominées pendant des années par un condominium franco-britannique, avant d'acquérir leur indépendance en 1980.
Depuis une quinzaine d'années, on a pu voir dans tout le Vanuatu un mouvement de jeunes, désireux de connaître leurs racines, aller retrouver les vieux de leurs villages afin qu'ils les initient. Au sud de l'île de Malakula, les jeunes issus des Small Nambas (nambas étant littéralement l'étui pénien), groupement originaire de la région de Lamap, ne se sont pas contentés d'apprendre les danses et la musique, mais ils ont voulu aussi passer par tout le processus du rituel d'initiation et d'accès au savoir.
Les danseurs et musiciens invités par le Festival de l'Imaginaire appartiennent tous à la société secrète des hommes Naluan. Ils ont décidé de présenter les danses masquées Goulong, danses qui racontent les mythes, et certains moments des rituels Naluan. Ces rituels marquent les étapes du cheminement d'un individu pour accéder à la connaissance suprême, afin de devenir parfait et pouvoir accéder au monde des esprits.
Ces danses non seulement reflètent une harmonie avec la nature mais elles signifient aussi une participation au stade suprême du pouvoir hiérarchique des hommes et un accès à la connaissance. C'est donc au sein de cette société que les anciens apprennent aux jeunes la signification des plantes, des fleurs, des astres, des vents et des directions ainsi que le pouvoir des animaux et des oiseaux sur la mer, la terre et l'espace. Ce rituel est aussi une référence au monde ancestral. La représentation se fait par une alliance de la danse, du chant, de la musique instrumentale, et de dessin sur sable, appelé sand drawing en bislama, la langue nationale du Vanuatu ou Nateush dans la langue de la région de Lamap, ce qui veut dire écriture.
Ces représentations sont l'aboutissement d'un travail de réappropriation d'une culture qui avait été menacée de disparition. Certains des masques ont été recréés à partir de ceux conservés dans les musées parisiens et photographiés exprès par Marcellin Abong, directeur adjoint du Centre Culturel du Vanuatu à Port-Vila.
Cheminement vers la connaissance
1. Appel du tambour. Les sons représentent le vide, le néant.
2. Sortie du chef, premier tracé sur sable (triangle, dessin de base qui représente la fondation de la coutume)
3. Deuxième dessin sur sable : les 3 mâts du navire du capitaine James Cook, lors de son arrivée à Port Sandwich, tout près de Lamap sur l'île de Malakula, pendant que le groupe sort un par un à la découverte de ce navire.
4. Troisième dessin sur sable qui raconte l'histoire du cheminement de la tradition.
5. Daringlalap : danse masquée de Goulong.
Le masque représente l'esprit aux grandes oreilles, Daringlalap. D'après la tradition, toute personne initiée doit être capable de compléter le dessin sur sable commencé par le gardien du monde des esprits. Daringlalap est l'homme imparfait, celui qui n'a pas pu compléter ce dessin appelé "tête de l'esprit" ou baralishepshep. Alors le gardien du monde des esprits lui en a interdit l'accès. Il est devenu un esprit maléfique. Cette danse est exécutée pour apaiser son esprit afin d'essayer de retrouver un équilibre.
6. Danse Goulong Letutuagh : danse masquée du napoléon calédonien (poisson).
Cette danse raconte l'histoire de la rencontre d'un pêcheur et de ce poisson. Au moment où l'homme allait lancer sa sagaie vers le banc de poissons, il entendit une voix l'interpeller et lui demander pourquoi il voulait les tuer alors qu'ils n'ont fait aucun mal aux hommes.
Effrayé, l'homme convoque le conseil des anciens au nakamal et leur raconte l'histoire.
Depuis ce jour, on danse le Letutuagh en reprenant le chant qui aurait été chanté par le poisson. Cette danse est une leçon pour être en harmonie avec la nature et diviniser le poisson.
7. Danse Lélé wayvé : danses du Namaingi (cérémonies de grade).
Les chants racontent des idylles de l'homme avec une femme, des histoires anciennes qui racontent son cheminement, sa montée en grade, et l'atteinte de la maturité.
8. Danse de Luan qui raconte les mythes fondateurs. Celle de Ghambat d'abord, le fondateur.
Ghambat est une entité abstraite qui a créé l'homme, puis il a créé la coutume. C'est lui qui a mis en place un modèle et un système. Ligniegnies, moitié esprit moitié humaine symbolise la femme parfaite. Elle est le complément de Ghambat, mais elle n'est pas son épouse. Nivimbur l'ogresse représente l'imperfection qui essaie de détruire la civilisation ou tout ce qui a été créé par Ghambat. Ces danses masquées ont recours au masque Luan et aux marionnettes Luan pengpeng, petits esprits protecteurs qui symbolisent aussi les cinq frères fils de Ghambat qui vont tuer l'ogresse pour permettre à l'homme de vivre.
9. Appel pour apaiser l'esprit du défunt, c'est aussi un cri d'hommage pour accompagner la personne qui a été guidée sur le chemin de la perfection.
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2006-03-13
13-14 mars 2006
La Colombie est un creuset de différentes cultures résultant notamment de la rencontre entre la civilisation espagnole colonisatrice et l'héritage africain, apporté par les esclaves à l'époque de la traite des Noirs et réélaboré par leurs descendants en quête d'identité. On évoque souvent la diversité des danses et la richesse de la tradition musicale de la Colombie pour illustrer ce métissage. Les rites funéraires eux-mêmes, que ce soient ceux des communautés afro-colombiennes du littoral Pacifique ou encore ceux du nord du pays, combinent des éléments provenant d'origines diverses, témoignant de la vigueur du legs africain et de sa faculté à resserrer les liens communautaires.
Dans la culture de la côte Pacifique, élaborée au fil du temps par les descendants des esclaves, la mort d'un adulte et celle d'un enfant n'ont pas la même signification. La mort d'un enfant est une joie puisqu'on considère que c'est l'occasion pour un ange de rejoindre ses semblables au ciel. La mort d'un adulte, au contraire, cause beaucoup de douleur par le vide qu'elle laisse dans la communauté. À ces deux types de relation à la mort correspondent deux rituels funéraires différents. À la mort d'un enfant, on célèbre un guali qui se doit d'être joyeux. Les larmes, en effet, inonderaient l'enfant et en l'alourdissant empêcheraient son ascension. Seule la mère peut donner libre cours à sa douleur. Le rite commence par un chant qui demande l'autorisation d'ouvrir la cérémonie, puis les romances alternent avec des rondes où les parrains sortent l'enfant de son cercueil pour danser avec lui. Les paroles ont généralement un contenu érotique. À la mort d'un adulte sont célébrés des alabaos (du mot alabanza, louange), chants de louanges polyphoniqes a capella. Les alabaos expriment la douleur et racontent parfois la vie du défunt. À cinq heures du matin, lorsque le rite s'achève, les chants accompagnent l'âme dans son ultime voyage. Les règles de versification des alabaos sont héritées des formes poétiques traditionnelles espagnoles comme la romance.
Les Joyeuses Ambulances (Las Alegres Ambulancias) nous invitent à quitter la côte Pacifique pour la côte Caraïbe, à une cinquantaine de kilomètres de Carthagène. C'est là que, fuyant l'esclavage, un roi africain nommé Benkos Bioho est parvenu à fonder, au début du XVIIe siècle, la première communauté libre habitée par des esclaves fugitifs : le Palenque de San Basilio. Le terme de palenque désigne le lieu où vivent des "marrons" à l'époque coloniale. Au cours de leurs quatre siècles d'existence, les Palenqueros ont développé une culture unique. Non seulement le Palenque de San Basilio est l'un des principaux foyers de la diversité musicale de la région caraïbe de Colombie, mais il est aussi avec les Philippines le seul lieu d'expression d'un créole à base hispanique. Une autre spécificité du Palenque est la cérémonie du lumbalú, rite funèbre d'origine bantoue qui regroupe des chants de femmes, des danses et des percussions aux rythmes d'une grande complexité. Pour cette veillée funèbre, on prépare un petit autel sur lequel sont placées des statuettes ou des images de la vierge et des saints. Les chants créoles se mêlent aux prières catholiques en espagnol et à l'invocation des dieux en bantou.
Ce rituel, qui permet à la lamentation personnelle et à la douleur intime de trouver une forme d'expression collective, favorise la cohésion de la communauté et met en avant le rôle des femmes, auxquelles est dévolu le déroulement entier de la cérémonie.
Gloria Triana
Le Festival de l'Imaginaire tient à remercier pour leur soutien le Ministère de la culture de Colombie, le Ministère des affaires étrangères de Colombie, l'Ambassade de Colombie en France ainsi que Mme Gloria Triana, Mme Stella Villamizar, Mme Ana Piedad Jaramillo Restrepo.
Programme
Première partie
"Guali y alabaos" de Guapi
Avec
Gladys Beatriz Bazan Garcia
Maria Juana Angulo
Ana Francisca Hernandez Montaño
Carlina Andrade de Bonilla
Ruth Marien Valencia Garcia
Alabaos, chants funéraires pour les adultes (a cappella)
1- El alivio
Qu'ils viennent tous afin que nous soulagions nos pères et nos frères de ces feux, de ces airs, de ce terrible tourment ....
2- El Rosario
3- Ay mi Jesus
Chigualo, chants funéraires pour les enfants
Ces chants sont accompagnés de rythmes aux tambours cunumo et bombo, ainsi que des guasá
4- Angelito andate al cielo
Petit ange monte au ciel, si c'était moi, si c'était moi, j'irais en cherchant le chemin, le chemin de la gloire éternelle....
5- Buen viaje
6- Chigualito chigualetero
Bunde, chant pour les saints
7- Estaba llorando
Il était là à pleurer, ne pleure pas, mon enfant s'est tu Seigneur, Pourquoi l'enfant pleure-t-il, pourquoi tant de larmes, c'est à cause des âmes qu le font tant souffrir, ne pleure pas mon enfant, il s'est tu Seigneur.
Juga, rythme de fête
8- De los pescados del agua
Cantos de boga (de bogar, ramer, chants de travail, la rame symbolisant aussi le phallus dans certaines chansons)
9- Hoy oi ve
10- Aguacerito llove
Deuxième partie
Le Lumbalú du Palenque de San Basilio
Avec Les Joyeuses Ambulances :
Dolores Salinas Caceres, chant et danse
Graciela Salgado Valdes, chant et danse
Celina Padilla de Cassiani, chant et danse
Emelina Enelda Reyes Salgado, chant et danse
Teresa Reyes Salgado, chant et danse
Tomás Teherán Salgado, Tambor alegre
Benicio Torres Reyes, Tambor llamador
Lumbalú
1- Chimancongo chimalango
2- Yopu cuenda
3- Sambangolé
Bullerengue
4- Pala escuela nene
5- Bullerengue pa' vendé
6- El lelle valde
Chalupa
7- La maldita vieja
Vieille maudite, donne-moi ta chose, ja ja ja ! ju ju ju ! Donne-moi ton petit sucre / Je brûle, jetez-moi de l'eau !
8- Macaco mata el toro
Ça fait trois jours que je ne mange pas / quatre jours que je ne bois plus d'eau aehhh / ils descendent de la montagne, ils vont chercher de l'eau / adieu Macaco, Maquatito prends le par la queue aehhh / il est courageux ce taureau !
Juegos y rondas
9- La pava
10- El loro y la lora
11- Chimbimbilí
Le 25 novembre 2005, l'espace culturel du Palenque de San Basilio a été classé avec 42 autres régions et formes artistiques du monde parmi les chefs d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité lors de la 3e proclamation faite par l'UNESCO.
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2006-03-06
6-7 mars 2006
Loangeng lino ou l'amplification du monde
Une cérémonie rituelle avec les Bissu
Poang Matoa Saïdi,
Achmad Beddu
Sitti Karibe
Mase Side
Nani Ambo Tang
Muharrang Dalle
Et les musiciens
Basri Baharuddin Sila
Abdul Bashit
Syamsuddin Bin Sattu
Muhammad Redo Basri
Le Festival de l'Imaginaire tient à remercier Andi Ummu Tunru, Batara Gowa Arts Foundation, M. Franco Laera, M. Nicolas Lainez, et tout particulièrement M. Christian Pelras et M. Gilbert Hamonic
Les prêtres Bissu du Pays bugis, au sud de l'île de Célèbes (Indonésie) sont les derniers représentants d'anciens cultes et croyances autochtones qui ont traversé plus de quatre siècles d'Islam. Hommes travestis en femmes, vivant parfois en confrérie très hiérarchisée, parlant un langage secret qui leur est propre, détenteurs de récits ésotériques réservés aux seuls initiés, affichant une bisexualité symbolique et pourtant à la charnière entre sacré et profane, les prêtres Bissu ne sont plus que quelques rares individus (environ une quinzaine parmi les 4 millions de Bugis vivants à Célèbes) à accomplir encore les anciens rituels propres à leur culture.
Contrairement à Java ou Bali, il n'est pas de tradition théâtrale à Célèbes. C'est donc un véritable rituel de propitiation, appelé ici loangeng lino (l'amplification du monde) qui est présenté. Les séquences principales, qui se succèdent en combinant présentation d'offrandes, invocations, danses, chants liturgiques et transe, visent à maintenir ou à restaurer une harmonie cosmique qui est menacée ou a été rompue. En ce déséquilibre gît, selon les Bugis, la cause de tout malheur, maladie, catastrophe ou désastre pouvant advenir.
La présentation de cette cérémonie se déroule donc de la manière suivante :
1 - Pangngaderreng, (rite préparatoire, mot formé sur ade', règle, tradition).
Prière formulée avant toute entreprise hasardeuse, afin que les résultats en soient favorables, sans rien de mauvais et que chacun en obtienne une vie meilleure.
2 - Séré Lolosu (danse des lolosu, du nom de ces accessoires représentant des coqs qui s'affrontent l'un l'autre). Symboliquement, le coq est un moyen de communication et de transfert de l'énergie vitale entre humains et divinités. L'accessoire lui-même, parfois
censé figurer un être à tête et queue d'oiseau et au corps de serpent, fait écho à de très anciennes mythologies de l'archipel, notamment bien attestées à Bornéo.
3 - Massure'
Lecture psalmodiée d'un texte évoquant les habitants des trois « mondes » constituant l'Univers bugis, à savoir le monde supérieur et inférieur où habitent les divinités, et ceux du Monde du Milieu, où habitent les humains et toutes sortes d'autres êtres vivants - autrement dit l'ensemble des âmes -, tandis qu'au delà, au ciel, seul réside Déwata Séuwaé, « le Dieu Tout Un ».
4 - Séré Lenynye-Lenynye, approximativement Danse de l'être et du non-être.
Le titre bugis de cette danse se traduirait littéralement par "il y a et il n'y a pas". Ses mouvements expriment l'idée que toute vie consiste en une dualité d'aspects antagonistes et complémentaires : l'"être-là" et le "n'être-pas-là", la vie et la mort, la jeunesse et la vieillesse, etc.
5 - Passureng-Surengngeng, «Faire des uns les frères des autres ».
Ce chant expose la relation des humains tout à la fois avec Dieu, avec les autres humains, avec la nature, et avec la surnature. Ainsi, à l'égard de l'univers et de ce qu'il contient, les humains ont-ils le devoir de maintenir des équilibres grâce à l'amour, l'estime et le respect réciproques.
6 - Séré Panampa, Danse des coiffes-corbeilles.
Le but de cette danse est de montrer comment les humains remplissent leur devoir, qui est de contribuer à l'équilibre de l'univers dans ses trois composantes (Monde d'en-Haut, du Milieu et d'en Bas). Les larges chapeaux que portent les danseurs sont pourvus de petites figurines de palmier tressées, qui symbolisent l'abondance des êtres de ce monde humain. Certaines sont aussi remplies d'offrandes - comme des grains de riz frais (cucubanna) aux quatre couleurs rituelles ; ou du riz soufflé (wenno') semblable à du pop corn - dont, dit-on, les êtres spirituels viennent picorer la partie "subtile" pendant la danse.
7 - Séré Losa-losa
Cette danse qui représente la situation de l'être humain face à son destin. Les femmes sont la source de l'énergie vitale, les hommes ne font que récolter et pêcher cette énergie'
8 - Maggiri', transe et rite d'auto-blessures.
La vérification que les prières adressées à Déwata Séuwaé ont bien été entendues est obtenue par les Bissu lorsque leurs vains efforts pour se transpercer avec leur propre tappi (ou kriss en indonésien) démontrent leur invulnérabilité. Chaque coup porté témoigne en même temps du fait que l'homme ne pourrait rien réussir sans l'aide du pouvoir divin.
8 - Pakkuru Sumange' (Rappel des esprits envolés, ou qui ont voyagé).
Rite de sortie cérémonielle.
D'une façon générale, les gestes et danses rituels accomplis ont pour but un même propos qui consiste à rétablir l'équilibre qui a été rompu entre les trois mondes (céleste, terrestre et abyssal) constitutifs de l'univers. Univers qui est en outre centré sur un axe cosmique (posi' batara ou « nombril cosmique ») ici représenté sur la scène et symbolisé dans la vie courante tout aussi bien par la plus haute montagne de l'île, le mont
Latimojong, que par le maître pilier de la maison bugis traditionnelle, le « nombril » des navires (la bonde) ou l'ombilic des diverses principautés du pays (posi' tana, « nombril du territoire »)...
Il est en effet tout un jeu de correspondances entre ces trois mondes et des réalités quotidiennes aussi distinctes que l'agencement de la maison traditionnelle (pilotis, plancher et grenier), la symbolique des nombres et des couleurs, les éléments de base composant la nature, les diverses parties du corps humain, les principales vertus et les offrandes elles-mêmes. De plus, ajoutons que monde supérieur et inférieur sont euxmêmes subdivisés en sept étages, dont chacun comporte royaumes divins et divinités spécifiques. Enfin, comme pour compliquer les choses à loisir, une autre tradition « quadripartite » est venue s'ajouter à ces correspondances au cours de l'histoire'
Mais de fait, la complexité de cet univers mental nous est en partie révélée dans un récit mythologique appelé La Galigo dont les prêtres Bissu sont, parmi leurs multiples autres activités, les gardiens. Ce cycle mythologique extraordinaire, tant par sa richesse (comportant plusieurs milliers de pages manuscrites rédigées dans une écriture propre et en langue archaïque) que par le merveilleux des aventures et des amours qui y sont comptées, est de nos jours toujours extrêmement vivant dans la population bugis et peut être considéré comme un véritable mythe culturel identitaire. C'est cette oeuvre, sans doute l'une des plus importantes du patrimoine littéraire de l'humanité, qui a été adaptée en 2003 sous forme d'un opéra-ballet par Robert Wilson et Rhoda Grauer, et qui a effectué une tournée mondiale. Puang Matoa Saidi, grand-maître des Bissu, participa à ces représentations et en assura rituellement le bon déroulement. Pour la première fois, la présence des Bissu était ainsi mise sous la lumière d'un regard international. A nouveau, Puang Saidi mènera cette fois un rituel traditionnel qui n'a jamais été montré en France (ni même hors d'Indonésie).
Gilbert Hamonic & Christian Pelras
A lire pour en savoir davantage sur les Bugis et les Bissu :
- Gene Ammarell, Bugis navigation. New Haven (Con), Yale Southeast Asian Studies
(Monograph 48), 1999 ;
- Leonard Andaya, The heritage of Arung Palakka' : a history of South Sulawesi (Celebes)
in the seventeenth century. The Hague, Nijhoff, 1981 ;
- Gilbert Hamonic, Le langage des dieux: cultes et pouvoirs préislamiques en pays bugis,
Célèbes-sud, Indonésie, Paris, CNRS, 1987 ;
- Susan B. Millar, Bugis weddings: rituals of social location in modern Indonesia, Berkeley,
University of California, Center for South and Southeast Asian Studies (Monograph 29)
1989 ;
- Christian Pelras, The Bugis. Oxford, Blackwell (The Peoples of South-East Asia and the
Pacific) 1996.
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2006-03-04
4-5 mars 2006 Théâtre Équestre Zingaro
Avec Issac Ghaderi Dokht, Baba ou maître de cérémonie
Mohammad Porkhoo
Ameneh Darvish Poor
Hassan Izadshenas
Ahmad Telendeh
Maryam Safazadeh
Zahra Karegar
Fatemeh Biabani
Reza Khoshvar
Jabrieh Niaei Salaghi
Fatemeh Safari
Mahdi Hassan Zadeh
Le détroit d'Ormuz, dont le nom évoque avant tout les conflits et les grands pétroliers, abrite dans ses eaux une île qui recèle encore bien des richesses à découvrir : l'île de Qeshm. On accède à cette terre aride qui s'étend sur 125 kilomètres au large des côtes persanes au départ de la ville de Bandar Abbas. Les côtes de l'Arabie ne sont pas très éloignées et Dubaï n'est qu'à quelques petites heures de bateau. Cette position géographique stratégique est propice à un métissage particulier. Pour ce 10e Festival de l'Imaginaire, deux aspects de la culture vivante de l'île de Qeshm seront présentés.
Chants Bâssanak À Qeshm, la cérémonie du mariage revêt une importance primordiale. Elle dure trois jours au moins, durant lesquels les mariés sont séparément préparés à la nouvelle vie qui les attend. Chez les femmes, le long moment nécessaire à la pose du henné (Hanabandan) sur les mains de la mariée est accompagné de chants. Ces chants, dits Bâssanak, sont entonnés par quatre femmes de la famille des mariés. Assises deux par deux, elles se font face et leurs chants responsoriaux disent la joie de la mère qui voit la mariée si belle, la tristesse de cette dernière qui va quitter sa famille, la naissance du premier enfant, les bonheurs de la vie à deux'
Zâr
Les Portugais s'arrêtèrent à Qeshm au XVIIe siècle et y construisirent un fort. Ils amenaient avec eux des esclaves, arrachés à la côte Est de l'Afrique. Ces esclaves ont apporté avec eux un rite de possession, le Zâr qui, pour avoir emprunté des traits aux cultures persane et arabe, n'en est pas moins resté fidèle à son origine africaine.
L'adaptation progressive des Africains au mode de vie iranien entraîna des modifications dans le déroulement de ce rituel sacré. Les effets de ce métissage sont multiples, les paroles de certaines chansons ont été traduites en arabe ou en persan, la facture des instruments a changé, substituant au style africain l'ornementation iranienne. Ces changements, cependant, ne sont que des détails et le rite du Zâr est resté fidèle à son esprit d'origine. Le rituel du Zâr permet de guérir par exorcisme ceux qui sont possédés par les génies ou les êtres invisibles appelés Bâd. Étymologiquement, Bâd signifie "le vent". En effet les Bâd habitent dans l'air, et leurs adeptes ainsi que les gens qui ont été possédés au moins une fois par un Bâd sont appelés "Les Gens de l'Air". Les Bâd jouent un rôle essentiel à l'équilibre des adeptes et sont présents aussi bien dans la vie économique que dans la vie quotidienne ou encore dans les relatirelations sociales.
Zâr est le nom du rituel, mais il existe aussi un groupe de Bâd qui s'appelle Zâr. Les Bâd se divisent en : Zâr, Mashayekh, Nouban et Leywa et chaque groupe a ses caractéristiques distinctives. Les raisons pour lesquelles on est susceptible d'être possédé par une entité invisible (génie, djinn, bâd, Zâr ') sont extrêmement diverses : transgression d'un interdit, filiation paternelle, amitié, haine... Les Bâd se manifestent de diverses manières. En général, ils causent chez le malade un désordre physique (maux de tête, maux de ventre') ou mental (dépression, tristesse'). Le malade commence par consulter un médecin. S'il ne se sent pas guéri après quelques traitements, c'est qu'un Zâr l'a possédé. En effet, les adeptes considèrent que toute maladie scientifiquement incurable est le symptôme d'une possession par un génie Zâr. Le cas doit alors être soumis, au cours d'une séance de diagnostic, au chef de rituel, nommé le Baba si c'est un homme, ou la Mama si c'est une femme. Le Baba doit d'abord déterminer si l'état du malade est bien dû à un génie puis identifier, le cas échéant, le génie qui le possède pour pouvoir l'exorciser. Une première rencontre silencieuse, appelée Mojarradi, et un peu d'encens suffisent pour savoir si la maladie est causée par un Zâr. Mais pour que le Bâd dise son nom, il faut l'invoquer au cours d'une cérémonie et le sommer de se présenter.
Le Baba demande donc à ses propres Bâd de lui accorder le temps de préparer une séance de Zâr qui est appelée "jeu" : bazi guereftan ou madjless guereftan et dure de trois à sept nuits. Le rituel commence au coucher du soleil et se déroule à l'endroit décidé par le Baba, appelé Meydân (la place). De nos jours, n'importe qui est autorisé à assister aux séances ; les Gens de l'Air aussi bien que les Sâfi, les "gens lisses", qui n'ont jamais été possédés. Pour les femmes du voisinage, c'est l'occasion de briser la monotonie de la vie quotidienne familiale.
La cérémonie commence : les participants fument un narghilé au tabac et discutent jusqu'au moment où les Dohol (tambours ordinaires, purifiés et décorés au henné) se mettent à jouer. L'assistant du Baba commence à faire des oblations d'eau de rose et à purifier l'espace avec des encens très parfumés qui s'appellent Guéshté. Ensuite tout le monde fume un narghilé non plus au tabac, mais au Gorakou, un mélange de pâte plutôt fluide (Bokhour) à base de dattes et d'un autre ingrédient que les non-initiés doivent ignorer et qui, en principe, a pour effet de faciliter la transe. Les hommes et les femmes s'assoient dans une partie du Meydân, sans se mélanger bien qu'il n'y ait pas de frontière précise entre eux. Le malade s'agenouille au milieu du Meydân. Le Baba commence à chanter des chansons dont chacune porte le nom d'un Bâd pour faire réagir le génie et l'identifier. Au rythme des Dohol. le malade toujours à genoux exécute des mouvements répétitifs, le corps légèrement penché en avant et les deux mains posées à plat par terre.
Par les mouvements rythmiques, les Zâr prennent possession du corps du malade.
Selon l'expression vernaculaire, on dit que le Zâr monte sur son cheval ou que son Zâr a commencé à danser et c'est à ce moment là que le malade entre en transe. On couvre alors le malade avec un grand drap ou tchador, généralement blanc, parce qu'on dit que quand le Zâr s'incarne son visage change, et il ne veut pas être vu. Interrogé à plusieurs reprises, le Zâr exige généralement des offrandes, un sacrifice (Ghorbâni), un kheyzarân (baguette d'osier), un tchador bien orné et propre, une bague, une séance de Zâr.
La séance du dernier jour commence l'après-midi et l'on procède normalement au sacrifice ce jour là. Tous ceux qui sont entrés en transe boivent le sang de l'animal, chaud et frais, avec l'eau de rose et le safran. En réalité, ce n'est pas la personne possédée qui boit le sang de l'animal sacrifié mais son génie qui en tire une énergie vitale.
C'est le moment le plus étonnant et le plus touchant de la séance. Presque tous les Zâr sont invoqués et chaque participant est hors de lui, en liesse, comme un cheval fou.
Pendant quelques secondes, les Bâd s'incarnent et deviennent visibles. Puis le Bâd quitte enfin sa monture et la laisse en paix, n'exigeant plus rien que sa présence intermittente aux séances pour pouvoir s'incarner à nouveau de temps à autre. Enfin, un dîner collectif préparé avec la viande du sacrifice incite les convives à oublier pour quelques heures les tracas de la vie quotidienne.
Le possédé ne se souviendra de rien, mais l'on peut dire qu'il s'est accompli spirituellement par ce rite, dans la mesure où il maîtrise désormais sa relation avec le monde surnaturel ou invisible, qui était auparavant de l'ordre de la possession "sauvage". Certes il reste possédé, mais à présent il connaît son génie, il sait son nom et ses habitudes, et il s'agit donc d'une relation claire et bien définie.
Maryam Gharassou
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2004-04-02
2-4 avril 2004
Le rituel hichima (littéralement "le cadeau") appartient à ce culte des esprits patrosi très populaire à Mayotte et pourtant largement méconnu à l'extérieur de l'île. Et si Mayotte s'est construit une notoriété comme "l'île au lagon", il serait tout aussi légitime de la nommer "l'île aux esprits" au regard du dynamisme actuel des rites de possession ! Pas moins de neuf catégories bien distinctes de génies, associées à autant de cultes spécifiques, "animent" en effet ce minuscule archipel de 374 km2. À ce jour la seule étude publiée reste celle en anglais de l'ethnologue Michael Lambek qui s'intéressa à la fin des années 1970 plus particulièrement au trumba, le rituel lié aux esprits originaires de la grande île voisine de Madagascar.
Patrosi, matrumba, mugala ou encore rahuani. Voici donc autant de djini dont nul n'ignore à Mayotte l'influence sur la vie quotidienne des humains. Cette curieuse diversité des esprits s'explique par l'extraordinaire brassage des cultures dont est issue la société mahoraise contemporaine. Le monde des djini reflète parfaitement les migrations et les influences successives qui singularisent cette île située dans le canal du Mozambique au carrefour des routes reliant l'Afrique, l'Arabie et l'Inde : les esprits patrosi ressortissent du fond bantou (IVe siècle) et de la traite continue des esclaves africains via Zanzibar, les djinns rahuani des influences perse du Shiraz et arabe d'Oman (IX-XVe siècles), les esprits matrumba de l'invasion de l'île par les dynasties de Madagascar au XIXe siècle, ou encore les génies mugala de l'inclusion de Mayotte dans l'ensemble culturel des Comores.
Le culte des patrosi tient donc de la grande culture bantoue et, de fait, on bat les mêmes tambours ngoma (nom donné par extension au culte lui-même) dans toute l'Afrique centrale et sur la côte orientale. Ce ngoma se range dans la famille des "rituels d'affliction" dont le célèbre ethnologue Victor Turner a mis en évidence le principe : l'activité religieuse est liée à l'irruption soudaine d'un invisible synonyme de malheur et de désordre. Ainsi à Mayotte lorsqu'une personne se trouve frappée d'une maladie inexpliquée et réfractaire aux thérapies "ordinaires" (plantes médicinales mais aussi biomédecine car Mayotte dispose grâce à la DASS d'un réseau perf o rmant de dispensaires), elle consultera un devin astrologue (le mwalimu). À celui-ci la tâche de découvrir le genre du génie agresseur et d'orienter le patient vers le culte approprié. Commence alors le travail du fundi wa djini (littéralement "le maître des esprits") : très patiemment, grâce à des rites appelés "médicaments" (malalao), il cherche à établir une communication avec l'esprit possesseur pour reconnaît re son appartenance familiale (les patrosi sont des génies anthropomorphes se répartissant en trois familles : les Blancs, les Rouges et les Noirs) et ensuite lui faire énoncer ses exigences (respect de certains interdits, offrandes votives, sacrifices, etc.). Véritable processus de domestication, ce cycle des médicaments doit aboutir à la tenue d'un ngoma organisé par le malade. À cette occasion, au terme d'une nuit ponctuée de danses de possession et du sacrifice d'un zébu, le génie (en fait plusieurs se manifestent fréquemment) acceptera de révéler publiquement son nom au cours d'un rite extraord i n a i rement saisissant. Une fois nommé, le génie n'est plus une entité malveillante mais un allié, l'initié est délivré de ses maux. Le culte des patrosi repose donc sur l'idée d'un adorcisme, c'est-à-dire d'une alliance possible et bénéfique avec les esprits. À ce titre il peut parfaitement être comparé au culte des gnawa du Maroc, à celui du candomblé brésilien, ou même au chamanisme sibérien.
Le hichima n'appartient pas pro p rement au cycle des médicaments. Il s'agit d'un rituel public que l'on effectue couramment en fin d'après-midi pour se propitier les patro s i. Ainsi il est fréquent qu'un adepte l'organise avant le départ de son enfant scolarisé en métropole, ou s'il 'sent' quelques mauvaises influences rôder autour de sa maisonnée. Le hichima vise en fait à capter un peu de ce fluide immatériel synonyme de vie, de force et de chance (le hacina) dont sont porteurs les esprits. Pour ce faire il convient de convier le plus de patrosi possible et de leur offrir ce qu'ils apprécient grandement, à savoir la musique des tambours, la danse, les exhortations joyeuses. Et du sucré, c'est-à-dire des offrandes de nourritures (tels que du pop corn et des gâteaux de riz au coco) et de lourds parfums. Le hichima se doit d'être une véritable fête : mieux les patrosi s'amusent, mieux on les gâte et plus bénéfique sera la force irradiée sur les humains.
La question de l'éventuelle incongruité d'un tel rituel transplanté comme "spectacle vivant" à Paris trouve ici sa réponse. Dans le ngoma l'apparition des esprits devant un public hétérogène est parfaitement courante, et les patrosise plaisent à faire admirer leur virtuosité chorégraphique et à laisser entrevoir leurs pouvoirs occultes même à une assistance incrédule. Les règles rituelles à respecter sont simples : ne pas être assis plus haut qu'eux (d'où la présence d'un canapé à côté des musiciens), se déchausser si on pénètre sur l'aire de danse et leur témoigner du respect' en les encourageant par d'enjoués "Ochocho !" et en battant des mains !
Le hichima débute doucement par des mélopées chantées dans la langue des djini et accompagnées de battement de mains. Le rythme chaloupé est ici celui des berceuses car on redoute une arrivée trop brutale des génies. En effet l'entrée dans le corps de l'initié est le plus souvent vécue douloureusement et de ce fait cette incorporation fait l'objet de toutes les attentions. Mais cette phase de transition est brève, la souffrance cède bien vite le pas à une jouissance hédoniste. En témoignent les grandes rasades de Pompéïa (une marque d'eau de Cologne) bues avec délectation, les effusions de joie, les refrains repris à tue-tête ou les pas de danse enthousiastes. Une fois le génie "monté", le possédé revêt ses vêtements rituels et adopte sa personnalité propre : ainsi Afrit se montre un vénérable vieillard, vêtu de blanc et de rouge et reconnaissable à sa lente démarche claudicante ; Zabi, drapé de rouge, est un esprit puissant et expansif qui brandit fièrement une canne signe de sa puissance magico-thérapeutique, tandis que Maoua, une de ses petites-filles, multiplie les facéties enfantines en gloussant timidement. Les costumes attestent d'une prédominance des génies masculins car les patrosi féminins adultes ne se manifestent que rarement en public en raison de leur grand sens de retenue. Quant aux patrosi de la famille des Noirs, on fait en sorte d'éviter leur venue par crainte de leur extrême dangerosité. Une fois les autres patrosi salués (l'embrassade marque la proche parenté, la main levée au-dessus de la tête le respect dû à un Ancien), chaque esprit participe à la fête. Danses et chants sont entrecoupés de discussions animées car "les familles" dispersées sur l'île dans leurs villages invisibles, sont heureuses de se retrouver ici. On échange des nouvelles, on s'enquiert des récentes apparitions chez les humains, on règle des différends, et on n'hésite pas aussi à circuler dans l'assistance pour deviser avec tout un chacun. Et les spectateurs du hichima de saisir cette opportunité offerte par le rituel pour solliciter le don divinatoire des invités. Des questions précises peuvent leur être posées, des problèmes exposés (famille, travail, santé, etc.) ou des requêtes adressées. Tout ceci n'exclut nullement qu'on se lance par ailleurs dans des plaisanteries ou des joutes orales facétieuses avec eux ! Le hichima se termine toujours lentement, sans hâte. Certes les tambours cessent de battre et les musiciens s'en vont mais les patrosi s'attardent comme s'ils voulaient encore jouir du "cadeau". Dans la pièce où sont déposées les offrandes (flacons de Pompéïa), gâteaux, sachets de pop-corn, jus de coco, 'ufs crus ou cuits etc. ), les discussions, les chants, les rires continuent à les retenir dans notre monde jusque tard dans la nuit.
Dans notre univers quotidien, fundi Attoumani, comme les autres initiés participant au hichima, sont des gens parfaitement "ordinaires" : lui-même travaille comme secrétaire de mairie, Zak est ambulancier au CHU, Cassim est employé de banque et les femmes sont de respectables mères de famille. Âgé de 40 ans, marié et père de 4 enfants, fundi Attoumani bénéficie d'une très grande notoriété dans le monde des esprits à Mayotte. Dès l'âge de huit ans l'invisible le marqua de son empreinte et hallucinations, convulsions et troubles physiques l'empêchèrent de poursuivre une scolarité normale. Soigné puis initié par la célèbre fundi Kalu de Petite Terre, il effectua son ngoma à l'âge de 23 ans : cinq patrosi se nommèrent, dont l'un, Zabi le Rouge (ici sur la photo, avec sa canne), l'enjoignit d'officier parallèlement à son travail comme voyant-guérisseur. À ce jour, Attoumani compte plus d'une centaine "d'élèves" et chaque année il se rend à La Réunion et en métropole pour prend re en charge de nouveaux malades. Mais Attoumani fut aussi frappé à l'adolescence par les génies malgaches matrumba et en 1999 il effectua le voyage à Madagascar pour célébrer son Grand Sacrifice. Ici également cinq esprits se manifestèrent exigeant qu'il guérisse aussi grâce à leurs savoirs.
BERTRAND HELL
avec Attoumani Abdallah Djaha, Raianti Said, Bacari Hamada, Ali Abdoul-Kader, Soulaimana Abdou, Zakaria Nourdine, Mariama Oumouri, Ibrahim Madi, Ayouba Zoubert, Bourouhana Abdallah, Kassimou Abdallah, Hadidja M'ssaidié, Najah Said, Zainaba Ali Nassibou, Hadidja Madi, Nouriati Hamada, Fouraha Colo.
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2004-03-26
26-28 mars 2004
Petrona Martinez - le Bullerengue de Carthagène (Colombie)
Petrona Martínez, première voix
Joselina Llerena, deuxième voix
Álvaro Llerena, tambour alegra et chant
Braulio Salgado, tambour alegra et chant
Guillermo Valencia, tambour llamador et chant
Stanly Montero, maracas et chant
Javier Ramírez, aérophone gaita
Edwin Muñoz, bombo et chant
Le bullerengue est une danse chantée réservée aux femmes et pratiquée principalement dans les provinces de Bolivar et de Cordoba, sur la côte caraïbe au nord-est de la Colombie. Il est né dans les anciens palenques, ces villages refuges des esclaves marrons. À l'occasion de la Saint-Jean et de la Saint-Pierre (24 et 29 juin), les femmes enceintes, concubines ou filles-mères, ne pouvant pas assister aux fandangos (bals populaires), se réunissaient dans les patios des maisons pour chanter, danser et battre du tambour et des mains. Une chanteuse improvisait des vers et les autres répondaient en choeur.
Le chant est rythmé par deux tambours, alegra et llamador, battus par des hommes. La alegra joue le rythme du bullerengue tandis que le llamador, plus petit, marque le tempo. De par ses origines rurales, le rythme bullerengue sentao serait le plus ancien. Avec l'urbanisation apparaissent des variations rythmiques : la cha - lupa, le sexteto et la puya, plus rapides et plus syncopés que le bullerengue sentao, et pour lesquels on utilise la tambora (un tambour à deux peaux frappé avec des baguettes) et un guache (râcleur métallique). Le bullerengue est un des rares chants exclusivement féminins de la musique traditionnelle colombienne. Les femmes en ont fait une sorte de rituel de la fécondité, évoquée par le geste de massage du ventre et des seins dans le bullerengue sentao. Certaines de ces bullerengueras, regroupées en confréries, sont devenues célèbres car elles véhiculent à travers leurs chants, leur savoir, l'histoire des leurs, leurs croyances et leurs conseils.
Petrona Martínez, née en 1939, habite à Palenquito, un hameau pauvre situé sur la route du palenque de San Basilio, non loin de Carthagène. Les palenqueros de San Basilio ont fièrement conservé de leurs ancêtres, les esclaves déportés du Sénégal ou de l'Angola, un dialecte d'origine bantoue qui contribue à affirmer leur identité et à renforcer la cohésion de leur communauté.
Petrona Martinez est issue d'une lignée de bullerengueras. Carmen Silva, son arrière grand-mère, et Orfelina Martínez, sa grand-mère, étaient très connues dans les hameaux et ce sont elles qui l'ont formée. Elle a d'abord gagné sa vie comme lavandière et chanteuse, avant de se consacrer totalement à la musique. Reconnaissant dans les musiques diffusées à la radio des rythmes de son enfance, elle décide de rassembler des musiciens en témoignage de respect pour la musique de ses ancêtres. Son groupe rencontre un grand succès et les concerts se multiplient. Quelques temps plus tard, elle découvre qu'elle est capable de composer ses propres bullerengue : elle puise son inspiration dans les faits de la vie quotidienne de Palenquito et dans une culture orale qui syncrétise les croyances d'origine africaine et le catholicisme. L'assassinat de son fils aîné la plonge dans un deuil strict qui la met à l'écart de la scène. Ce choc va confirmer sa foi dans les valeurs qui ont baigné son enfance et lorsque, quelques années plus tard, elle se remet à composer, elle renoue avec un style résolument traditionnel.
Dans les bullerengue de Petrona Martínez, il est donc question des superstitions et des légendes de ses ancêtres, de la joie d'accueillir un nouveau-né, de la douleur des veillées funèbres, de la vie quotidienne difficile mais néanmoins magique de son village. Ce qui ne l'empêche pas de composer par exemple une chanson de louanges à Celia Cruz.
Considérée en Colombie comme une reine et un trésor national, Petrona Martínez est aujourd'hui une des voix afro-américaines les plus célèbres de la côte des Caraïbes. Ce petit bout de femme, entourée par ses enfants et ses proches, tambourinaires ou choristes, séduit sur scène par son entrain et son dynamisme.
Elle a enregistré deux albums : Le bullerengue (un CD Ocora, Radio France, 1997) et Bonita que Canta, nominé pour un Latin Grammy Award en 2002.
PROGRAMME
1. Mi Tambolero
2. La Currumba
Quand sonne la currumba, elle appelle à la fête,
Quand sonnent les tambours, les hommes et les femmes des Caraïbes s'habillent de
couleurs et leur coeur se remplit de joie.
Le carnaval approche, c'est la fête de l'indépendance.
La danse s'impose avec rythme et pour toujours !
3. Tierra Santa, Terre sainte
La chanteuse règle ses comptes avec la terre, ses ancêtres, la région. C'est pour cela qu'elle chante pour sa terre natale' San Cayetano (Bolivar) et ses souvenirs tissent la toile du monde magique des fameux tamboreros (tambourinaires).
4. El Hueso, L'os.
Jeux de mots, répétitions de syllabes qui s'animent avec les tambours et forment une chanson ludique.
5. La Iguana
6. Juana la Caribe
7. Bullerengue Cortico
8. Arremachalo
Chant de labours (chalupa champêtre). Les femmes pilent le riz et se réjouissent parce que les mortiers sonnent comme les coups de tambours de la fête. Les voix des femmes soupirent en rythme qui se transforme en chant. À leur Terre bénie inondée par la nuit, les champs semés de riz et de tambours !
9. El Rey de la Cumbia
Mosaico de Puyas
10. La Vida Vale la Pena, La vie vaut la peine (chalupa).
'Quand je suis arrivé à Palenquito, j'ai vu ma vie dans un trou et je me suis consacré avec mes enfants à extraire le sable de la rivière' ' La vie, c'est le travail et c'est la raison pour laquelle on évoque le sable dans nos chansons, cette vie qui dort dans le fond des rivières pour que les hommes et les femmes de Palenquito puissent subsister. C'est le douloureux travail du corps. C'est comme une destinée, comme une douleur quotidienne' comme un mystère. Mais cette douleur inspire le chant de travail qui rend le travail et la vie moins difficile !
11. Sendero Indio, Sentier indien
'Une gaita qui naît du feu et du bois, cette gaita est graine et ovule.
La fertilité de la brousse se prête à l'inspiration.
Qu'on entende cette musique que ressent le gaitero !'
12. Baile de Negro