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2010-03-20
Chorégraphie et mise en scène de Diana Theocharidis
Musique de Pablo Ortiz et Kaija Saariaho
Samedi 20 mars à 20h30
Dimanche 21 mars à 17h
au CENTQUATRE
Chorégraphie, Diana Theocharidis
Musique, Kaija Saariaho, Pablo Ortiz
Violoncelle, Anssi Karttunen
Danseurs, Jorge Dermitzakis, An'bal Jiménez, Romina Pedroli
Scénographie, Emilio Basald'a
Lumières, Gonzalo Cordova
Costumes, Luciana Gutman
Coordination artistique, Luciana Milione
Assistant à la direction, Pablo Fontdevila
Musiques
Kaija Saariaho, Sept Papillons
Pablo Ortiz, Manzi
Pablo Ortiz, Five Little Milonguitas
Kaija Saariaho, Spins and Spells
Pablo Ortiz, Bianco
Pablo Ortiz, Le Dernier Tango Argentin
Kaija Saariaho, Petals
Pablo Ortiz, El Jefe
Créé en 2003, Transcripción est un spectacle de Diana Theocharidis pour deux danseurs et une danseuse (Jorge Dermitzakis, Aníbal Jiménez et Romina Pedroli). Née de la longue correspondance avec son compatriote le compositeur Pablo Ortiz, cette pièce est le point de rencontre entre esthétiques contemporaines et tango ' tango argentin, tango finlandais ', entre artistes et jeu d'ombres, à la croisée des disciplines, des sensibilités et des cultures.
Transcripción est aussi la rencontre de trois mondes : celui de Diana Theocharidis, chorégraphe argentine d´origine grecque et ceux de Pablo Ortiz et de Kaija Saariaho. Pablo Ortiz voyage à travers son oeuvre, mêlant la mémoire du tango argentin à celle du tango finlandais. Par leur abstraction, les trois soli pour violoncelle de la finlandaise Kaija Saariaho jouent avec une métaphore à la fois forte et éthérée.
La scène est un plan d'eau où les danseurs évoluent, répondant tant à la musique qu'à leurs propres ombres. Paysage mémoriel, où l'eau, élément central, primordial, efface les frontières, l'espace scénique met en images, en mouvements, le monde des deux compositeurs.
Dans cet espace conçu par Diana Theocharidis, l'eau renvoie à un univers de souvenirs personnels et collectifs, à la mémoire et à l'oubli. Pour elle, "l'eau est le territoire des souvenirs ; le territoire de la mémoire et des troubles de la mémoire. L'eau éloigne, sépare, éclate en images, reflète, submerge et transmet. Elle laisse entrevoir des restes, cachés sous sa surface. Un paysage qui contient, en désordre ' ou au moins dans un ordre non évident ' le monde entier, et dans lequel les frontières s´effacent, comme s´effacent les limites entre les eaux. Musiques presque oubliées, danses perdues, fragments de danses argentines traditionnelles et d'anciennes danses grecques. J'imaginai dès le début l'eau comme un lieu élémentaire, capable de contenir sous une forme discontinue ' et toujours incomplète ' cet univers de mémoires personnelles et collectives. Écrire est, d'une certaine manière, transcrire. Se souvenir, c'est aussi réécrire. Les sons et les mouvements passent d'un instrument à un autre, d'une époque à une autre, de langues étrangères à des langues connues, familières, à travers des lieux différents et des sujets différents. La mémoire est un nouveau commencement, comme l´eau, qui dessine une nouvelle carte pour des espaces connus et qui comprend cet ensemble de fragments".
Tout est retranscrit, ou transformé, au passage d'un monde à l'autre, à travers les interprètes : le violoncelliste finlandais Anssi Karttunen ' qui fait le lien entre les tangos finlandais et argentin mais aussi entre les deux compositeurs ', Jorge Dermitzakis né à Buenos Aires mais d'origine grecque, qui passe avec aisance de la danse traditionnelle grecque au tango argentin, Aníbal Jiménez, danseur traditionnel argentin, et Romina Pedroli, danseuse contemporaine.
Au violoncelle, sur une estrade au-dessus de l'eau, Anssi Karttunen interprète, alternativement et presque sans interruption, des pièces de Pablo Ortiz et Kaija Saariaho. Il est accompagné d'une bande son, comme un second instrument sur la scène. Là encore, effacement des lignes, disparition des distances musicales, culturelles, géographiques. Géographiques parce que Finlande et Argentine, qu'un océan sépare, sont liées par un amour commun, l'amour du tango. L'âme finlandaise, que l'on dit volontiers mélancolique, fit sienne, voilà près d'un siècle, cette complainte des bas-fonds de Buenos Aires qu'est d'abord le tango. En Finlande, toujours en mode mineur, le tango se fait plus nostalgique encore, ode à une nature ' forcément irréelle ', chant des jours passés, regret d'un passé révolu.
Au coeur de Transcripción, c'est bien le passé et le souvenir que l'on rencontre, personnel ou collectif, enfoui ou ressurgi, toujours réécrit, retranscrit.
Le caractère résolument pluridisciplinaire de l'oeuvre de Diana Theocharidis, chorégraphe, metteur en scène et danseuse originaire de Buenos Aires, renvoie d'abord à la pluridisciplinarité de sa formation. En effet, elle a étudié la danse contemporaine au Théâtre San Martin auprès de maîtres tels que Ana Itleman, Reante Scottelius et Ana Maria Stekelman. Mais elle a également suivi des études de piano et d'analyse musicale. Elle est, en outre, diplômée en philosophie et psychologie de l'Université de Buenos Aires. En 1989, elle crée la compagnie Espacio Contemporaneo, et rassemble autour d'elle des artistes de techniques et expressions diverses. Son travail est alors principalement orienté vers les pièces longues dirigées sur de la musique contemporaine. Elle y intègre des artistes de tous âges et d'horizons divers : chanteurs, artistes de cirque, gymnastes, skaters'
Avec Espacio Contemporaneo, Diana Theocharidis a été invitée à participer à divers festivals internationaux comme le Festival Musica Antica e Contemporanea (Torino-Saluzzo), Rassegna di Danza Contemporanea e Nuove Tendenze (Rome), Congreso Latinoamericano de Danza (Caracas), Festival de Danza Independiente (Santiago, Chile), Buenos Aires en Porto Alegre. Elle a aussi participé à plusieurs éditions du Festival International de Théâtre de Buenos Aires.
Parmi ses principales créations chorégraphiques Homenaje a Scelsi (1989), Urania (1990), Reflejos (1993), Cuarteto para el Fin del Tiempo (1995), The Bells of Sleep (1995), Khora (1997), Isabel (?Y sabe él?) (1997), Kassia (1998) Sul cominciare, sul finire (1999), Beethoven Op. 133 (2001,) Hellas (2008).
Diana Theocharidis a également dirigé le Centre expérimental du Teatro Colón à Buenos Aires et a reçu pour son travail le prix de l'Association des Critiques de Théâtre (ACE).
Pablo Ortiz est un compositeur argentin qui vit et travaille aux Etats-Unis depuis plus de vingt ans. C'est auprès de Mario Davidovski, à l'Université de Columbia, que Pablo Ortiz obtient son doctorat en musique. Alors que, dans les années 1970 et 1980, le sérialisme est généralement perçu comme l'alpha et l'oméga de la musique savante, Ortiz s'en détourne rapidement pour se consacrer à un travail ancré dans la musique populaire argentine qu'il veut aussi rigoureux et intellectuellement stimulant qu'attractif sur le plan esthétique. Depuis le milieu des années 1990, il a créé une série d'oeuvres autour de la mémoire et du tango, arrangeant des fragments de tangos célèbres dans des contextes abstraits.
En 1993 Pablo Ortiz reçoit la bourse Guggenheim et en 1996, le Prix Charles-Ives de l'Académie Américaine des Arts et des Lettres laquelle lui décerne en 2008 son Grand Prix. Il est actuellement professeur de composition à l'Université de Californie à Davis après avoir été de 1990 à 1994 professeur de composition et co-directeur de l'Electronic Music Studio de l'Université de Pittsburgh. Sa musique a été jouée par de prestigieux ensembles comme le Philharmonique de Buenos Aires, le Quatuor Arditti, l'Ensemble Contrechamps de Genève, Music Mobile, Continuum, Les Percussions de Strasbourg. Ses oeuvres ont été données dans de grands festivals internationaux comme Aspekte de Salzburg, Extasis à Genève, Musica à Strasbourg, pour n'en citer que quelques uns.
En 2004, la Gerbode Foundation lui commande Oscuro pour le San Francisco Contemporary Music Players. Plus récemment, plusieurs de ses oeuvres sont créées par de prestigieux ensembles et musiciens, comme Heat Wave, oeuvre écrite pour Joel Sachs et le New Juilliard Ensemble, Suomalainen tango pour orchestre, créée par l'Orchestre national de Catalogne (Espagne) et Trois tangos en marge créée par le trio Kovacik, Dann, Karttunen au Musée National Reina Sofia de Madrid.
Kaija Saariaho a étudié la musique à l'Académie Sibelius de Helsinki avec Paavo Heininen, à Fribourg avec Brian Ferneyhough et avec Klaus Huber aux cours d'été de Darmstadt puis en 1982, à Paris, à l'IRCAM, auprès de Pierre Boulez. C'est là qu'elle se lie avec les compositeurs français de musique spectrale : passionnée par les oeuvres de Tristan Murail et Gérard Grisey, elle fonde avec de jeunes compositeurs finlandais comme Magnus Lindberg et d'autres une association dont le nom est un mot d'ordre : Korvat auki (en français "ouvrez vos oreilles"). C'est sans doute grâce à ce groupe que la Finlande occupe aujourd'hui une place privilégiée dans la musique contemporaine.
Plus récemment, Kaija Saariaho s'est tournée vers l'écriture pour opéra avec notamment L'Amour de loin, sur un livret d'Amin Maalouf, créé en 2000 au Festival de Salzburg dans une mise en scène de Peter Sellars. Puis Adriana Mater, toujours sur un livret d'Amin Maalouf et une mise en scène de Peter Sellars, créé en mars 2006 à l'Opéra Bastille.
D'origine finlandaise, Anssi Karttunen appartient à l'élite des violoncellistes internationaux. Avec virtuosité et un style très personnel, il interprète un répertoire aussi vaste que varié, qui s'étend de la musique ancienne aux oeuvres contemporaines les plus récentes. Vibrant défenseur de la musique contemporaine, sa collaboration avec de nombreux compositeurs a contribué au développement de la technique de l'instrument, et a incité beaucoup d'entre eux à écrire des oeuvres pour lui (Usko Meriläinen, Magnus Lindberg, Kaija Saariaho, Tan Dun, Rolf Wallin, Denis Cohen, Luca Francesconi, Oliver Knussen etc.). Sa passion pour son instrument le conduit également à la recherche et à la redécouverte de nombreux chefs d'oeuvres oubliés.
En 1999, il créa le concerto que lui avait dédié Magnus Lindberg, en 2000 Mania d'Esa-Pekka Salonen, en 2001 le Concerto de Martin Matalon, en 2004 le Concerto de Luca Francesconi, en 2007 Notes on Light de Kaija Saariaho et en 2008 Mirage toujours de Kaija Saariaho.
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2009-03-30
30/03/09-01/04/09
Avec l'ensemble Baramgot
dirigé par Won Il, tambour, hautbois taepyeongso
Pak Suna, cithare kayageum, cymbales kkwaenggwari
Park Woojae, cithare komungo, gong jing
Lee Aram, flûte daegeum, tambour buk
Kim Ju Hong, chant
Trésor National Vivant, Yong-bu Ha est un grand danseur coréen contemporain. Il faut l'avoir vu danser pour saisir ce que l'on peut décrire comme "la grâce virile", une élégance masculine ancrée dans la terre, aérienne, subtile.
Reconnu comme le meilleur interprète du Miryang Baekjung Noli, un des éléments du patrimoine culturel immatériel de la Corée, Yong-bu Ha a contribué à populariser cet épisode essentiel de la journée dédiée à Bouddha dans la région du Miryang (sud de la Corée) où il est né. Il n'a que quatre ans quand son grand-père, Bo-kyung Ha, qui fut lui aussi Trésor National commence à le former et à lui transmettre son art. Yong-bu Ha lui rendra un hommage lors de ces représentations parisiennes.
Transmission. En Corée, cette notion est d'une haute importance : chaque aspect de l'héritage culturel, chaque danse, chaque musique, chaque rituel sont à juste titre considérés comme des composantes essentielles d'un ensemble plus vaste qui constitue la civilisation. Ces éléments de la culture coréenne sont d'autant plus vénérés qu'ils ont traversé les vicissitudes d'une histoire souvent douloureuse.
Les danses coréennes et les musiques qui les accompagnaient faisaient généralement partie de rituels chamaniques, de cérémonies ou de célébrations dédiées aux divinités. Au fil du temps, les parties dansées de ces rituels se sont développées de manière indépendante pour devenir un genre en soi, le corps et le mouvement donnant la parole à une sensibilité esthétique et à une conception particulière de la relation au monde.
Yong-bu Ha interprétera un programme de danses masculines, comme le Yangban Chum (chum signifie danse), considéré par les Coréens comme le parangon de leur tradition chorégraphique. C'est la danse des hommes nobles empreinte d'élégance et de retenue. Beombu Chum est une danse de la classe roturière de Miryang. Cette pièce informelle au rythme puissant et enlevé était dansée en plein air. Miryang Buk Chum est une prière pour les cinq éléments, pour le bien-être des paysans, pour leurs récoltes, pour la multiplication du bétail ainsi que pour Obok (les cinq bénédictions). Le rythme, plus lent et solennel, prend toute sa splendeur au moment du Jeongjundong, appelé aussi "Mouvements du Silence", qui se caractérise par un délicat et précis mouvement d'ouverture et de fermeture.
Yong-bu Ha a su aussi créer son propre langage en puisant dans l'essence de la danse traditionnelle coréenne. Sa propre gestuelle, toute dans un dialogue avec la terre, dans un mouvement libre et tendu à la fois, revient à l'essence de ce mouvement d'une élégance extrême, quasi emblématique de la danse traditionnelle coréenne. Une sorte de respiration sublimée comme si le danseur quittait son ancrage au sol pour s'élever vers une dimension plus spirituelle.
Yong-bu Ha est accompagné par l'ensemble Baramgot dont le nom signifie "le vent au point de rencontre entre la terre et la mer". C'est l'un des meilleurs groupes de musique coréens actuels. Dirigé par le jeune compositeur et musicien Won Il, il excelle aussi bien dans le jeu de la musique traditionnelle que dans le répertoire contemporain, réinterprétant librement le Sinawi, la musique improvisée traditionnelle, ou créant un nouveau monde de sons libres.
Yong-bu Ha, Won Il et les musiciens de l'ensemble Baramgot ont su forger leur propre personnalité artistique en respectant leur héritage culturel et en regardant le monde qui les entoure pour mener avec lui un dialogue et un échange créatifs.
C'est à un retour sur ses cinquante ans de vie artistique que Yong-bu Ha convie le public du Festival de l'Imaginaire, revenant à ses racines pour tracer à partir d'elles de possibles nouvelles voies.
Arwad Esber
PROGRAMME :
Introduction musicale
Chaeolim de Won Il
Cette pièce réunit dans une approche contemporaine deux formes musicales traditionnelles, le Gyeonggi dodanggut et le sinawi. Le Gyeonggi dodanggut est un genre musical joué et exécuté pendant les kut ou rituels d'exorcisme. Le sinawi est une improvisation musicale collective d'origine chamanique.
Yangban-Chum
Cette danse élégante réservée à la noblesse, expression d'une joie retenue, est considérée par les Coréens comme la danse masculine par excellence. Yong-bu Ha la revisite en y intégrant des mouvements des danses masquées Dutbeogi-Chum de la province de Miryang et quelques éléments des danses de la province de Yeongnam.
Beombu-Chum
Dans la province du Miryang, Beombu désigne la classe moyenne. Le Beombu-Chum est une danse de plein air accompagnée par le Jajinmori-Jangdan, un rythme traditionnel qui reflète la nature gaie et joyeuse des gens de Miryang.
Miryang Buk-Chum
Miryang Buk-Chum est une prière pour les cinq éléments, pour le bien-être des paysans, leurs récoltes, la multiplication du bétail ainsi que pour Obok (les cinq bénédictions). Elle fait partie de l'ensemble de danses Miryang-Baekjung-Noli, Elément Important du Patrimoine Culturel Coréen n° 68.
Yeong-Mu
Cette danse est un "précipité" des trois danses ' Yangban-Chum, Beombu-Chum, Buk-Chum ' dans lesquelles Yong-bu Ha s'est illustré. Plus qu'une chorégraphie, Yong-bu Ha y voit un rituel en hommage aux ancêtres et abandonne son corps à la musique.
Amphithéâtre Bastille :
Représentations : lundi 30 et mardi 31 mars 2009 à 20h
Équipe technique Amphithéâtre Bastille
Régisseur général : Jean-Pierre Ruiz
Lumière : Jérome Coudoin
Son : Christian Coquillaud
Habilleuse : Coralie Pozo-Castillo
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2009-03-27
Amphithéâtre Bastille :
Représentations : vendredi 27, samedi 28 et dimanche 29 mars 2009 à 20h
Durée du spectacle : 1h20 environ
Son Altesse Royale G.R.Ay Koes Moertiyah Wandansari, direction artistique
Princesse Ayu Koes Indriyah, rôle principal
Princesse Rumbai Kusuma Dewayani, second rôle principal
et les danseuses
Fitriana Kusumawati
Eko Kadarsih
Princesse Salindri Kusuma Dyah Ayu
Princesse Sri Retno Handayani
Wiwik Dyah Laksminingrum
Anggun Nurdianasari
Ika Prasetyaningsih
Hartoyo, maquillages
Rahayu Supanggah, direction musicale
Peni Candra Rini, chant
Mulyani Soepono, chant
et les musiciens du Gamelan Garasi Seni Benawa
Saptono
Sri Joko Raharjo
Joko Purwanto
Suraji
Kuwat
Supardi Atmo Sukarto
Sukamso Gondodarsono
Singgih Sri Cundamanik
I Nyoman Sukerna
Waluyo Sastro Sukarno
Darsono
Wakidi Dwidjomartono
Purbo Asmoro
Danse sacrée et secrète du kraton de Surakarta, le bedhoyo représente sans doute le summum du raffinement dans les arts de Solo, le symbole de l'élégance du palais royal. Cet art aristocratique est interprété par neuf danseuses, princesses de la famille royale à l'occasion de l'anniversaire de l'accès au trône du roi, ou pour un mariage princier. Le bedhoyo raconte une histoire sans que la chorégraphie soit pour autant descriptive ou narrative. C'est ce qui fait toute la grâce et le suprême raffinement des danses de Solo, aux mouvements codifiés qui rappellent l'art des mudra.
La légende fait remonter la forme actuelle du bedhoyo au règne du Sultan Agung Mataram (1613-1645), mais aucun document ne permet de l'attester, ceux-ci datant de la fin du XVIIIe siècle. Selon cette légende le bedhoyo serait d'origine divine. Le Bedhoyo Ketawang décrit la rencontre entre Panembahan Senopati, premier roi de Mataram avec Kanjeng Ratu Kidul, la puissante et belle déesse, reine de la mer du Sud.
Quand la Reine des esprits découvre qu'elle est atteinte par la lèpre, désespérée elle fuit vers les mers du Sud. C'est là que l'ancêtre du roi actuel lui rend régulièrement visite pour la consoler. Amoureuse, elle lui demande de rester et de partager le trône avec elle. Elle danse un bedhoyo. Il décline sa demande mais lui promet en revanche que tous ses descendants l'épouseront. Un de ses petits-fils, Sultan Agung, charmé par le Bedhoyo Ketawang dansé à la cour de Kanjeng Ratu Kidul lui demande de l'enseigner à ses danseuses favorites. Elle lui promet de venir chaque année transmettre cet art à de jeunes danseuses. La musique du gamelan et le chant qui accompagnent cette chorégraphie créent une atmosphère qui évoque le vent de la mer. Les neuf danseuses représentent l'esprit de la déesse. L'observateur averti peut en un moment de grâce voir apparaître une dixième danseuse, invisible au commun des mortels !
Plusieurs interdits accompagnent le Bedhoyo Ketawang qui est dansé uniquement dans l'enceinte du palais par de jeunes princesses encore vierges. Les danseuses, habillées comme de jeunes mariées, doivent jeûner et suivre un rituel de purification plusieurs jours avant la cérémonie. Les répétitions ne peuvent avoir lieu que tous les 35 jours selon le calendrier javanais. Toutes les répétitions et surtout la représentation doivent être précédées d'offrandes. Quand le texte des chants doit être recopié, quelques erreurs sont intentionnellement glissées afin d'éviter de faire une copie exacte du texte sacré car pendant toute répétition ou représentation, il y a trace de la présence de Ratu Kidul.
Quand la Princesse Moertiyah Wandansari souhaite faire travailler de manière intensive les jeunes danseuses sur le Bedhoyo Ketawang, elle leur fait répéter le Bedhoyo Duradasih : c'est en effet une des plus belles chorégraphies de la cour de Surakarta. Créée il y a plus de 200 ans, elle fait toujours partie du répertoire du palais.
La cour de Surakarta a été fondée en 1745 par Paku Buwono II et depuis cette époque, plusieurs activités de la cour relevant des arts, rituels et cérémonies ont été fidèlement maintenues. Le Bedhoyo Duradasih a été créé par son petit-fils Paku Buwono IV en 1780, avant son accession au trône. La chorégraphie et le poème chanté sont une déclaration d'amour à sa femme, une princesse de l'île voisine de Madura (d'où le préfixe dura dans le titre de la danse). C'est aussi un hommage à son père le roi Paku Buwono III.
Outre le gamelan, ce bedhoyo est accompagné par un kemanak, gong en bronze dont on dit que le son mélodieux rappelle le chant du paon. Les parties chantées jouent un rôle important car ce sont elles qui permettent au public de comprendre le récit.
L'importance de l'accompagnement musical est illustrée par le fait que chaque danse porte le nom de la composition ou gending qui l'accompagne. Une des caractéristiques de la musique de bedhoyo réside dans la présence d'un choeur chantant une mélodie qui peut être interprétée à des tempi différents. Ce choeur, qui a sa partie propre dans l'orchestre, est considéré comme un instrument à l'égal des autres au sein du gamelan.
La philosophie est importante dans la culture javanaise, celle-ci étant basée sur la recherche de l'harmonie et de l'équilibre. Les mouvements gracieux des danseuses portent à la méditation et créent une atmosphère relaxante et apaisante. La chorégraphie du bedhoyo symbolise l'être humain qui recherche la perfection et doit à un moment dans sa vie se détacher de tous ses désirs, se fermer complètement à l'extérieur pour se retirer en son être profond. Les maîtres de ballet répètent inlassablement aux jeunes danseuses qu'elles doivent oublier leur individualité et danser « comme un seul et même corps », la disposition des danseuses et leurs déplacements au cours du bedhoyo symbolise en effet le corps, leurs emplacements et rôles sont appelés tête, coeur, nuque, poitrine, flancs, etc.
Les danses de cour de Solo créent une atmosphère particulière, le spectateur émerveillé est transporté par tant de grâce, enivré par le mouvement d'équilibre dans le déséquilibre, répétitif sans être jamais le même, chorégraphie prenante comme les vagues de la mer dans lesquelles l'amoureux de la grâce se noie volontiers dans sa quête quasi mystique du beau.
Arwad Esber
En première partie le Gamelan Garasi Seni Benawa dirigé par Rahayu Supanggah interprétera de courtes pièces de ce grand artiste et compositeur indonésien.
Rahayu Supanggah est l'une des principales figures du monde culturel indonésien. Grand maître et connaisseur des musiques traditionnelles, notamment des musiques de gamelan de Java Centre, Rahayu Supanggah est aussi considéré comme un pionnier de la musique contemporaine indonésienne. Né dans une famille de dalang, il a grandi dans un milieu artistique et culturel traditionnel. Il a d'abord choisi d'être musicien, et c'est ainsi qu'il se définit en premier. Docteur en ethnomusicologie, Rahayu Supanggah enseigne à l'Institut Seni Indonesia de Surakarta. Il a été professeur invité dans de multiples universités en France, Suisse, Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Par ailleurs, il a travaillé avec d'éminents metteurs en scène comme Peter Brook ' Mahâbârâta (1994) ' ou encore Robert Wilson ' I La Galigo (2004) '. Sa composition de la bande originale du film Opera Jawa a reçu en 2006 le prix SACEM Meilleure création sonore et musicale lors du 28e Festival des 3 continents de Nantes. Depuis 2007, il coordonne la mise en place d'un département d'enseignement du gamelan au Southbank Centre de Londres.
Le Garage des Arts Benawa (Garasi Seni Benawa) est une association culturelle ouverte aux professionnels de la culture, amateurs d'art, artistes débutants et confirmés. Spécialisé dans le domaine des arts de la scène traditionnels et contemporains, le GSB favorise également les échanges avec de nombreuses autres formes d'expression artistique. Ses activités de formation, création et rencontres sont ouvertes à tous et se tiennent dans la maison de Rahayu Supanggah.
1. Timasan Bedaya Temanten
Le bedhoyo Timasan est généralement joué en dehors du kraton pour les mariages des membres ordinaires de la communauté. Ceci se traduit par un certain nombre d'éléments « populaires » dans la musique comme le soran, un style de jeu puissant et rapide, et le ciblon, une technique de percussion à variations.
2. Anane ana (Raison d'être)
Les syllabes Nang ning nung nang sont considérées par les Javanais comme le signal du commencement de la vie ici-bas. Dès avant sa naissance, un enfant reconnaît les sons (la musique) avant les formes (mouvement et danse). Cette composition tente de s'interroger sur les sons fondamentaux de la musique et les débuts de la vie dans la communauté javanaise. La vie, c'est jouer et s'aimer et ' pourquoi pas ' rire aussi.
3. Ja Slingkuh
Cette composition est extraite de la musique du film Opera Jawa du réalisateur Garin Nugroho (2006). Elle accompagne une scène où le personnage de Siti, sur le point de s'engager dans une relation amoureuse avec le riche et puissant Sudira, se trouve en proie à l'anxiété, au doute et à la confusion à cause de son mari Setya, homme faible et déprimé par ses difficultés économiques et la fatigue.
Équipe technique Amphithéâtre Bastille
Régisseur général : Jean-Pierre Ruiz
Lumière : Jérome Coudoin
Son : Christian Coquillaud
Habilleuse : Coralie Pozo-Castillo
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2009-03-19
Jeudi 19 mars à 20h30
Vendredi 20 mars à 20h30
Maison des Cultures du Monde
Danseur aux multiples facettes, Eko Supriyanto s'est forgé un langage chorégraphique riche d'un savoir-faire composite qui émerveille par la puissance du corps en mouvement.
Ce corps frêle, musclé et nerveux dégage une force impressionnante. Danseur de talent, explorateur des mouvements et des formes, son travail est porté par son désir de parcourir et d'explorer d'autres cultures, parcours qui lui permet aussi de se découvrir lui-même.
Né en 1970 à Kalimantan, partie indonésienne de l'île de Bornéo dont son père est originaire, Eko se nourrit d'abord des danses de Magelang, Java Centre, ville proche du temple de Borobudur, où il a grandi. C'est là que dès l'âge de sept ans il pratique avec son grand-père maternel le Pencak Silat, un art martial que l'on retrouve dans toute l'aire culturelle malaise et que l'on suppose originaire de l'île de Sumatra. A l'académie des Beaux-Arts de Solo (ISI Surakarta), où il enseigne actuellement, il acquiert une solide formation en danse classique de Java, notamment la danse de cour de Solo (ou Surakarta) par laquelle s'illustrent aujourd'hui encore les palais et les familles royales de cette ville. Quelques années plus tard une bourse de la Ford Foundation lui permet de compléter cette formation par un cycle d'études au Département des Beaux-Arts de la University of California, Los Angeles (UCLA). Il y retournera au printemps 1997 comme Professeur invité au Département des arts et des cultures du monde pour y dispenser un enseignement théorique et pratique des danses de cour de Surakarta.
Décloisonnant les genres, Eko Supriyanto excelle aussi bien comme danseur de ballet que dans l'improvisation chorégraphique, alliant les techniques de danse traditionnelle et moderne tandis que les arts martiaux participent aussi de son langage chorégraphique. Cette pluridisciplinarité se reflète dans son parcours artistique : en 1994 et 1996, il se produit dans le cadre du Festival de danse d'Indonésie ; en 1997, il est un invité d'honneur du Sutra Dance Theater de Kuala Lumpur ; en 1998 il danse à Paris au théâtre du Châtelet dans Le Grand Macabre de György Ligeti mis en scène par Peter Sellars ; en 2002, il participe au Festival de danse contemporaine d'Asie à Osaka. Parallèlement, il collabore activement avec des chorégraphes indonésiens et coréens tels que Sen Hea Ha, S. Pamardi, Sardono W. Kusumo ou encore S. Maridi, contribuant ainsi à une réflexion sur la danse contemporaine et son développement en tenant compte des bases traditionnelles ou classiques ainsi que du contexte propres aux différentes cultures asiatiques.
Eko Supriyanto explore tous les possibles et toutes les ouvertures que peut lui procurer la danse. Il va même jusqu'à former en 2001 un duo avec Madonna lors de son Drowned World Tour ou bien il travaille comme conseiller chorégraphique à Los Angeles pour la création et la tournée américaine du Roi Lion mis en scène par Julie Taymor. Il signe la chorégraphie de The Flowering Tree de John Adams mis en scène par Peter Sellars et créé à Vienne pour le 250e anniversaire de la naissance de Mozart. Eko est aussi l'interprète de l'un des rôles principaux d'Opera Jawa, film réalisé par l'Indonésien Garin Nugroho en 2006 où se mêlent modernité artistique et traditions chantées et dansées indonésiennes sur fond de gamelan. Il est le fondateur et directeur artistique du Solo Dance Studio, une compagnie de danse regroupant un ensemble d'artistes qui partagent le désir de rechercher la place du corps et du mouvement dans toutes les traditions indonésiennes.
Possible Dewa Ruci, création pour le Festival de l'Imaginaire, s'inspire du long poème Dewa Ruci, une interprétation javanaise, imprégnée de notions de soufisme musulman d'un épisode du Mahâbharâta, souvent interprétée dans le cadre de représentations de théâtre d'ombres Wayang Kulit. Au cours de cet épisode, Bhima, l'un des frères Pandava, est envoyé par son maître quérir la Prawitasari, eau sacrée et pure, essence du savoir et symbole de la perfection de la vie. Bhima plonge dans l'océan en quête de la sagesse et y rencontre Dewa Ruci, le dieu de la mer. Son maître vendu à ses ennemis, voulait qu'il se noie. Il lui avait dit d'entrer dans l'océan pour y trouver la source de l'eau de vie. Mais Bhima survécut, Dewa Ruci l'accueillit dans son corps en le faisant entrer par son oreille ; là, Bhima vit un océan immense, un ciel sans limites, et le dieu lui enseigna le secret de l'essence de la vie. C'est un voyage intérieur qu'entreprend Bhima qui va relever tous les défis et trouver paix, harmonie et équilibre. Dans sa chorégraphie, Eko Supriyanto s'intéresse aux deux facettes du caractère de Bhima, le bon et le mauvais, à cette dualité de l'être humain, et à la quête de la pureté de l'après tout en étant ancré dans l'ici. Pour Eko Supriyanto, c'est une recherche de l'identité, de soi, le retour à l'essence du spirituel et du sacré pour entreprendre, aujourd'hui, le voyage dans la réalité de la vie. Cette quête de Dewa Ruci est aussi la sienne, son parcours dans la danse, la recherche de sa propre identité.
Arwad Esber
Chorégraphie, Eko Supriyanto
Musique composée et interprétée par Gusur, Bucek, Itok, Suban et Ayang
Lumières, Tria Vita
Costumes, Joko SSP
www.solodancestudio.org
Texte dit en javanais par Eko Supriyanto dans Possible Dewa Ruci
1- Un jeune homme quitte son île natale pour étudier dans une autre île del'archipel.
Il rencontre une jeune femme. Ils s'aiment et décident de se marier. Il la ramène chez lui pour la présenter à ses parents mais ceux-ci manifestent leur mécontentement et leur désaccord car la jeune fille est originaire d'une autre île. Les deux amoureux sont tristes, très tristes.
2- Lors d'un séjour à Paris pour travailler sur un opéra, je résidais avec d'autres amis dans un hôtel près du Châtelet. Tous les jours je me rendais à pied au théâtre. C'était assez loin, et plusieurs amis qui travaillaient sur la même production m'ont suggéré de prendre un train, le métro. Mais je n'aime pas les trains, ils sont si bruyants, Jugggggg,, kokkkkkkk, juggggg,,, kokkkk
3- Le jeune couple a un enfant. Comme les parents de la jeune femme ne se sont pas opposés à ce mariage, ils décident de retourner s'installer sur l'île de la mère.
Le bébé grandit, ses parents lui donnent beaucoup d'amour.
Tout en grandissant, le garçon apprend la danse. Il se nourrit de différentes traditions, les porte en lui, au plus intime de son corps.
4- Un jour j'ai voulu me rendre place de la Bastille pour rencontrer une amie. Elle m'a recommandé de prendre le métro, mais j'ai préféré marcher. Fatigué, je demande à un agent de police : "savez-vous comment je peux aller à pied à la Bastille ?" Il me répond : "c'est trop loin, prenez le métro". "Un métro ?", dis-je.
"Oui", dit-il. Mais je n'aime pas prendre le train, les trains sont si bruyants. Ce n'est que le lendemain que j'ai réalisé que les trains de Paris sont si doux, ils ne font pas de bruit, ils m'ont semblé si calmes, très doux.
5- Le bébé grandit. Un jour il demande à ses parents où il est né. Son père lui répond qu'il est né à Bornéo. Le garçon veut y aller mais son père n'est plus là, il est trop tard. Maintenant le garçon a 39 ans et il n'a jamais été là-bas, où il est né, à Bornéo.
6- Mon voyage s'est achevé quand j'ai réalisé que mes parents étaient partis. Garder une tradition en vie et la dépasser pour progresser, c'est comme un voyage en mer. Trouver une nouvelle manière de me regarder, de me trouver, me retrouver, tel Bhima qui plongea dans l'océan en quête de la sagesse et y rencontra Dewa Ruci. Son maître voulait qu'il se noie. Mais Bhima survécut.
On peut penser que Bhima et moi avons en commun ce cheminement, ce voyage pour retrouver notre être. Tout comme vous, nous parcourons ces chemins pour nous construire.
Mon Dewa Ruci est toujours possible.
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2007-03-26
26-27 mars 2007 à 20h30
Miguel Angel Berna, chorégraphie et danse
Alberto Artigas, direction musicale, bandurria et láud
Lourdes Escusol, chant
Guillermo Guimeno, guitare espagnole
Miguel Angel Fraile, gaita aragonaise
Josué Barrés, cájon et tinaja
Sergio Claveras Lopez, régie
Jose Manuel Glaria, son
Mariano Cariñena, lumière
Rasmia est une expression aragonaise qui veut dire endurance, fermeté et inflexibilité dans l'entreprise d'un projet. Ce n'est pas un hasard si Miguel Angel Berna a choisi ce titre pour son solo.
Miguel Angel Berna est un danseur qui s'est immergé dans les danses populaires pour en extraire l'essence en y apportant sa propre vision, pour les vivre selon sa propre sensibilité. C'est à partir des danses populaires aragonaises, plus particulièrement de la jota, que Berna crée ses chorégraphies qu'il qualifie lui-même de danse populaire contemporaine espagnole.
La jota est la danse par excellence de l'Aragon, une danse de bal et de théâtre exécutée par un ou plusieurs couples. Telle qu'elle est connue aujourd'hui, elle serait une synthèse d'éléments divers dont il n'est pas aisé de retrouver les origines exactes. L'étymologie du mot jota ne semble pas plus claire : pour certains, son origine serait maure et voudrait dire « pas de danse ». La jota est dansée par un ou plusieurs couples qui se font face. Bras levés, chaussures souples aux pieds, les danseurs alternent les frappes de pieds, les pas au sol et les sauts. Dans son Dictionnaire thématique des musiques du monde, Etienne Bours en donne cette définition :
"Danse "nationale" de l'Aragon en Espagne, la jota a des origines anciennes qui remontent au XVIIIe siècle avec certitude, mais probablement également à des formes plus anciennes. Elle pourrait être dérivée de la passacaille. C'est une danse de couple au rythme ternaire rapide. Elle est de toutes les fêtes, y compris religieuses. Souvent jouée sur des instruments à cordes (guitares, láud, bandurria), elle est également chantée et accompagnée de percussions (castagnettes et tambourin). Elle est aussi présente en de nombreuses autres régions d'Espagne : Navarre, Murcie, Alicante, Valence, présentant des variantes selon les régions. Elle peut même présenter plusieurs formes en une seule région comme c'est le cas dans les Asturies. On dit que la jota aurait donné naissance aux alegrias (forme de cantiñas) de la région de Cadix. Les coplas sont des quatrains octosyllabiques dont les paroles cachent souvent des sous-entendus. En Aragon, le chant de la jota se divise en trois catégories : celui de danse, celui de rue et celui de style ' ce dernier étant plus lent et plus ornementé".
Né en 1968 à Saragosse, Miguel Angel Berna danse la jota dès l'âge de huit ans. Il remporte à 16 ans le 2e prix de danse du concours officiel de jota de Saragosse mais il se représente l'année suivante et obtient cette fois le 1er prix. En 1989 il prend la direction de la Compagnie de danses traditionnelles "El Cachirulo". Entre temps, il continue sa formation en suivant des classes de danse classique avec Maria de Avila, et de flamenco avec Rafael de Cordoba.
En 1990 il fonde sa première compagnie, Danza Viva. Avec cette compagnie s'ouvre devant Miguel Angel Berna une nouvelle ère de créations, de chorégraphies et de tournées internationales.
Signalons qu'en juin 1993, alors qu'il présente sa chorégraphie Entre Dos au concours de danse espagnole et flamenca au Théâtre Albeniz de Madrid, il remporte le prix du meilleur danseur avec les félicitations du jury. Depuis lors il parcourt les scènes du monde entier.
Berna a participé au dernier long métrage de Carlos Saura, Iberia. Dans une interview, Carlos Saura dira que Berna "fait beaucoup penser à Antonio Gadès, ils sont tous les deux si fragiles, comme un oiseau qui pourrait subitement se casser. Pendant la danse, il arrive à Berna ce qui arrivait aussi à Gadès, il se transforme complètement. D'autres artistes ou interprètes sont peut-être plus célèbres, mais Berna comme Gadès les dépassent car ils sont auréolés de cette magie particulière aux grands artistes, ils possèdent une force mystérieuse qui ressort quand ils sont sur scène". Et Carlos Saura de poursuivre : "ce fut une sacrée rencontre. J'ai compris que Berna faisait avec la musique ce que je fais avec le cinéma. D'une certaine façon, il m'a dépassé parce qu'il a fait en sorte que la jota soit quelque chose qui relève de l'action, du vivant, et pas seulement une pièce folklorique de musée. La jota, c'est le père et la mère du flamenco, de la seguiriya manchega, de la sévillane : il y a une espèce de relation mystérieuse, profonde, et Miguel Angel Berna, dans ses spectacles, passe d'une façon très naturelle de la jota au flamenco".
Virtuose de la jota aragonaise, élégant et séducteur dans sa danse solitaire, Miguel Angel Berna se situe à la frontière des danses populaires et de la musique traditionnelle. Il trace sa voie avec une danse moderne par essence. Ce soliste se saisit de la jota aragonaise, il en absorbe l'essence pour restituer toute sa modernité dans des créations contemporaines.
Ses chorégraphies ne sont pas seulement des spectacles de danse, elles sont aussi des expériences musicales en hommage à la tradition, Berna accordant autant d'importance et d'attention à la musique et à la présence des musiciens qui partagent l'espace scénique avec lui.
Il faut voir Miguel Angel Berna dans un solo inspiré de la jota, il faut le voir jouer des castagnettes pareil à nul autre, magistral, les tenant "avec le coeur", pour saisir l'élégance de ce danseur et toute la portée de sa danse rénovatrice, anti-conventionnelle, "acérée", imprégnée de sensualité masculine et de suavité virile. Les bras levés, il fait claquer ses castagnettes avec une rapidité époustouflante, aussi vite que son pouls, aussi vite que son coeur, et le public tenu en haleine le rejoint dans cette frénésie.
Miguel Angel Berna s'est nourri non seulement de la jota, mais aussi de différentes danses populaires, de flamenco, de danse classique, il a su créer un style très personnel. Il ouvre une voie et s'inscrit dans une réflexion sur les traditions.
Rasmia. Solo pour un danseur et un ensemble de jota, une création de Miguel Angel Berna.
Introducción (Alberto Artigas)
Mora
Seguidilla (Alberto Artigas)
Estilo castañuela (popular)
Raices (Alberto Artigas)
Variaciones (Alberto Artigas)
Mascun (Juaquin Pardinilla)
La templanza (Jaime Capeña, Fletes)
Solo de gaita (Miguel Angel Fraile, Fletes, Josué)
Alma de Saracusta (Maria Jose Hernandez, Miguel Angel Fraile, Alberto Artigas)
Rasmia (Alberto Artigas)
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2006-04-07
7-9 avril 2006
Avec les danseurs
Eli NATAOU
Emile PAWA
Albert POANI
Denis POANI
Sylvio POANI
David POARACAGU
Henri POARACAGU
Philippe POARACAGU
René POARACAGU
Adolphe POARAOUPOEPOE
Yannick TEPATA
Amédé WELLET
Ignace WELLET
Jérémie WELLET
Philemond WELLET
Rodrigue WELLET
Simon POANI, chef des danseurs
Et les chanteurs
Benoît BOULAY
Endrick MAYAT
La Nouvelle-Calédonie est un des archipels de la Mélanésie qui constituent une des trois parties de l'Océanie. C'est un pays d'Outre-Mer rattaché à la France, d'environ 19100 km situé dans l'Océan Pacifique à 1500 km à l'est de l'Australie et à 2000 km au nord de la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Calédonie est appelée aussi familièrement "le Caillou" ou "Kanaky". Centrée autour d'une île principale, la Grande Terre, elle comprend également plusieurs ensembles d'îles plus petites, les îles Belep au nord de la Grande Terre, l'île des Pins au sud, les îles Loyauté à l'est (Ouvéa, Lifou, Tiga et Maré) et plus loin à l'ouest, l'archipel des îles Chesterfield et les récifs de Bellone.
La Nouvelle-Calédonie est peuplée de différents groupes ethniques et linguistiques. Les danseurs appartiennent à la tribu de Pwöpwöp, ou Bopope, une ethnie minoritaire qui vit sur le territoire de Koohnê, au nord de la Grande Terre. Leur langue est le Camuki. Les chanteurs d'ae ae eux sont originaires de la tribu de Werap, de la côte est de Grande Terre, non loin de Hienghène. Ils chantent dans leur langue, le Fwai.
Danses guerrières des Pwöpwöp
Pour les Kanaks, la danse et la guerre sont fondamentalement liées. Bien entendu, toute victoire guerrière se célèbre par une danse. Plus encore, la danse prépare psychologiquement et physiquement au combat. Lors des guerres tribales, les Anciens organisaient une danse pour sélectionner les guerriers et tester leurs aptitudes physiques. Inversement, la guerre donne à la danse un modèle de puissance si bien que les danses en rond ou "pilou-pilou", qui consistaient à l'époque précoloniale en un échange de démonstrations de danses entre tribus, ont été interdites par les colons et les missionnaires, effrayés par leur aspect de violence et leur tendance à dégénérer en conflit armé. Guerre et danse partagent le même idéal de discipline, et l'on peut penser que l'importance accordée à la synchronisation des mouvements des danseurs est liée à l'importance de la précision des gestes des guerriers. Le chef de danse y veille en permanence. Il passe régulièrement entre ses danseurs pour inspecter, ajuster, corriger les positions. On dit aussi que les guerriers étaient sous l'influence d'un breuvage secret, et les petits coups donnés par le maître de danse les ramène "sur terre". Mais l'indice le plus évident du lien formel existant entre la danse et la guerre dans la culture kanake est le transfert d'objets symboliques d'une forme expressive à l'autre. Le plus significatif de ces objets est le bouquet de danse (pwêêti) qui outre son rôle esthétique sert aussi à conclure des alliances de guerre. Les bouquets de danse peuvent être de simples bouquets de paille, mais la plupart d'entre eux sont réalisés avec beaucoup de soin et forment un anneau d'où s'échappent des filaments végétaux. Pendant la danse, le bouquet est tenu à la main et peut être fixé au poignet avec une cordelette, pour éviter que le danseur ne le perde. La tenue du danseur est la même que celle du guerrier : sagaies, casse-têtes et frondes les caractérisent aussi bien l'un que l'autre. Ni l'un ni l'autre ne portait de vêtement spécifique à l'origine ; aujourd'hui danseurs et guerriers se dessinent des lignes banches ou noires sur le dos parfois après s'être préalablement noirci tout le corps avec des fruits de bancoulier.
Les jupes de danse sont confectionnées avec de jeunes branches de bourao, dont on extrait des filaments d'environ 1,5m. Ces filaments sont ensuite noués et disposés en rang serrés sur une cordelette portée autour de la taille du danseur. Le rythme est marqué par le martèlement du sol par les pieds des danseurs, et par les bwanjep, des battoirs en écorce qui ressemblent à des bourses de forme triangulaire. Le danseur tient deux bwanjep et les frappe l'un contre l'autre. Les bwanjep sont fabriqués avec l'écorce de figuier et bourrés de matières végétales. L'acoustique des pas, les sifflements, les chuintements et les cris des danseurs sont les seuls sons qui accompagnent les différentes séquences des danses.
Chants ae ae
On ne connaît pas avec certitude l'origine de l'appellation des chants ae ae. Peutêtre la répétition quasi litanique de ces deux syllabes a-t-elle conduit les colons à nommer ces chants de ce nom ? Quoi qu'il en soit, toutes les histoires kanakes sur ce sujet racontent que les chants ae ae ont l'eau pour origine rythmique et sonore. La performance des chanteurs est extrêmement physique, puisqu'il leur faut théoriquement chanter la nuit entière. Pour se donner de la force, le chanteur a recours à des "médicaments" qui sont aussi ceux des guerriers. L'initiation se fait du père au fils, ou de l'oncle aux neveux. L'apprenti doit être de bonne santé et avoir une connaissance approfondie de la langue ainsi qu'un certain talent pour composer de nouveaux airs. Les chants ae ae laissent en effet une certaine liberté dans la manière d'interpréter la mélodie, ce qui donne l'occasion à de nombreuses improvisations. Les chants ae ae ne sont, du point de vue musicologique, ni des respons ni des canons. Les hommes chantent en alternance, mais avec de longues parties de chevauchement, accompagnées de percussions selon un tempo binaire précis, dit "rythme du pilou". Le rôle principal de cette alternance consiste à faire couvrir au deuxième chanteur les pauses du premier. Les deux chanteurs d'un ae ae chantent dans le même registre (il n'y a pas de relation basse-ténor), mais un chant parallèle peut s'établir pendant quelques instants. Les deux parties sont, des points de vue rythmique et harmonique, assez indépendantes.
d'après Raymond Ammann
Bibliographie
Raymond Ammann, Danses et musiques kanak, édité par l'ADCK, Nouméa 1997
Raymond Ammann, Les danses kanak, une introduction, édité par l'ADCK, Nouméa 1994
Programme
I-Chants ae ae
II-Danses guerrières des Pwöpwöp
L'arrivée des européens en Nouvelle-Calédonie provoqua des guerres entre clans et familles, entre ceux qui soutenaient la présence des européens et les autres.
À cette époque, un vieux de la Côte Est se cachait pour éviter la guerre. Un jour, il entend le cri, l'aboiement du cagou (oiseau endémique de la Nouvelle-Calédonie qui ressemble à un petit coq). Il s'approche du lieu d'où provient le cri et aperçoit un cagou sur un rocher. Le cagou se met à danser. Après l'avoir observé, le vieux décide de l'attraper pour le garder avec lui. Ainsi, lorsque les gens passent par le sentier devant chez ce vieux et qu'ils parlent Camuki (une des langues de Nouvelle-Calédonie parlée par les Pwöpwöp), le cagou apparaît. Par contre, lorsque les gens passent par le même sentier et qu'ils s'expriment en français, le cagou disparaît. Il ne réapparaît que lorsque les gens s'expriment en Camuki. Le vieux se rend compte que ce cagou est particulier et qu'il n'est pas comme les autres.
Une nuit, il fait un rêve qui lui fait comprendre la signification des danses du cagou. Celles-ci ont un lien direct avec les guerres qui se déroulaient à cette époque.
À partir de ce moment-là, le vieux crée différentes figures de danse :
- 1 ' Départ des guerriers des tribus pour la guerre.
- 2 ' Les guerriers qui s'allient avec les blancs chassent les familles et les renvoient dans les clans, dans les tribus, c'est-à-dire dans des régions reculées.
- 3 ' Les combats éclatent entre les guerriers des tribus et ceux qui servent les européens.
- 4 ' Assoiffés, fatigués, les guerriers qui reviennent de la guerre vont se désaltérer à la rivière.
- 5 ' Les guerriers entendent la buse (Baolei) qui crie dans le ciel et celle-ci leur montre les endroits où se trouvent les cadavres de ceux qui sont morts à la guerre.
- 6 ' La guerre est terminée, les gens oublient le passé, les familles se réconcilient ainsi que les clans (danse du pilou).
Le Festival de l'Imaginaire tient à remercier pour leur soutien
Le Centre Culturel Tjibaou, M. Octave Togna, M. Emmanuel Kasarherou, M. Jean-Marc Ventoume, Le Haut Commissariat de Nouvelle-Calédonie / délégation de la culture, M. Jean-Jacques Garnier, La Province Nord, L'Association POA BOA VI THILA, Le Centre culturel provincial de Koohnê, Mme Sonia Meuret-Kondolo, M. Gilbert Tein Le Fonds commun d'aide à l'Outre-Mer du Ministère de la Culture et de la communication et du Ministère de l'Outre-Mer.
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2006-03-09
9-10 mars 2006
YoGaMoi, un voyage de l'obscurité vers la lumière
Une création de et avec Irene Akiko Iida
Claudio Valdés Kuri, conseil en création et à la mise en scène
Diego Pinon, conseil en mouvement
Gilberto Soberanes, production
Fabrina Melón, coordination
Matías Gorlero, création des lumières
Carlos Cortés, musique et bande son
Irene Akiko Iida, costumes
Elisa Kato et Chiyoko Iida, réalisation des costumes
Manuel Carrasco, assistant son
Felipe Lara, réalisation du masque
Mario Krishner, photos et vidéo
Sachiko Iida, design graphique
Irène Akiko Iida remercie Chérif Khaznadar, Toshiaki Iida, Kenji Yoshida, Jean-François Doussin, Sayo Hirota, Yutaka Hoshina, Jarmila Dostalova, José López Guido, Igor Lozada, Maria Elena Alejandre, Arturo Tames, Kanji Iida.
Le Festival de l'Imaginaire remercie Claudio Valdés Kuri, Fabrina Melón, Teatro de Ciertos Habitantes.
Irene Akiko Iida est née à Mexico de parents japonais. Après avoir achevé ses études au lycée, elle quitte le Mexique pour Osaka, au Japon, où elle entre à l'École de Takarazuka (Takarazuka Ongaku Gakko). Le Takarazuka, qui est une forme de théâtre très populaire, met en scène exclusivement des femmes qui dansent, chantent et jouent les rôles féminins et masculins. En 1981, sa formation achevée, elle participe comme actrice à la compagnie de Takarazuka, sous le nom d'Irene Sachikaze. En 1987, tout en continuant ses activités théâtrales, elle entre à l'École Hanayagi de danses japonaises traditionnelles, une institution centenaire extrêmement réputée, pour approfondir sa connaissance de la culture japonaise et se spécialiser dans la danse Kabuki. Suivant les conseils de Rokuharu Hanayagi, elle prend le nom d'Irene Hanayagi.
En 1997, pour commémorer le centenaire de la migration japonaise au Mexique, Irene Akiko Iida monte dans son pays natal une représentation musicale : Juan, el Momotaro, dont elle est à la fois la co-auteure, la directrice, la chorégraphe et la productrice. Elle a créé, depuis, aussi bien des pièces de théâtre que des spectacles musicaux. À l'occasion du Festival de l'Imaginaire de 2004, Irene Akiko Idia avait interprété le rôle du benshi, narrateur japonais traditionnel, pour accompagner un film essentiel du cinéma muet mexicain : El Automovil Gris, d'Enrique Rosas. Le spectacle, conçu et mis en scène par Claudio Valdés Kuri, avait été l'occasion d'une rencontre inédite et saisissante entre les deux univers culturels. Saisi par son interprétation Chérif Khaznadar lui demande alors de songer à un "one woman show". Elle accepte cette invitation et la voilà ainsi revenue à Paris avec cette création sur la notion d'identité. Le titre, YoGaMoi fait en effet référence au sujet dans les trois langues : espagnole, japonaise et française.
La performance explorera ces trois cultures à travers toutes les techniques du corps dont s'est imbibée Irene Akiko Iida au cours de sa carrière. Elle décide d'entreprendre un voyage périlleux à la recherche de ses divers moi, avec pour tout bagage les expériences accumulées au fil des ans. Son voyage se transforme en une véritable mise en abyme, un croisement de milliers d'autres trajectoires. Elle rencontre d'innombrables miroirs de son intérieur, reflétant jusqu'à l'infini ses caractéristiques les plus intimes et les plus négatives, ses affinités ou ses rejets. Dans son souvenir, les visages à la fois ordinaires et expressifs des anciennes estampes Ukiyoe se fondent les uns dans les autres et elle s'imagine elle-même se transformer insensiblement en homme, en femme, en vieil homme, en adolescent, en enfant, en monstre. Le masque tombe révélant la partie obscure et cachée du moi ; elle est tour à tour le trompeur et le trompé.
C'est alors qu'elle comprend le sens de cette phrase : Il y a cinq ans tu étais peut-être ce qu'il est lui aujourd'hui, et je serai moi peut-être demain ce que tu es toi aujourd'hui.
Synopsis : Solo pour actrice dansante, un voyage de l'obscurité vers la lumière
1e mouvement :
Danse : « L'obscurité de l'obscurité ». Un être perdu dans l'obscurité
2e mouvement :
Un voyage dans le métro : Les miroirs du métro. La rencontre de moi en toi et de toi en moi.
3e mouvement :
Danse : Filets de lumière. Un être en marche vers la lumière
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2006-02-23
23-26 février 2006
AVEC LES DANSEUSES
Rury Avianti
Indriarni Gunawan
Rusini Hendro Purnomo Sidi
Pertiwi
Novianti Sofia Iskandar
Suyati Tarwo Sumosutargyo
ET LES DANSEURS
Daryono Darmo Rejono
Samsuri Sutarna
Umiyati Sri Warsini, chant
ET LES MUSICIENS
Sri Hartono
Sujadi Sastro Muljono
Sukarno Brotodiharjo
Suwardi
Sukarno Martowiyono
Iyoso Dirjosumarno
Wiyono Harjo Sutomo
Hali Jarwoyoso
Les musiciens jouent sur le gamelan Pelog et Slendro de l'Association Margayudan.
Le Festival de l'Imaginaire tient à remercier Son Altesse Royale le Prince Herwasto Kusumo, l'Ambassade d'Indonésie en France, Mme Maria Darmaningsih, Directrice de la Joglosemar Arts Foundation-Jakarta, Mme Esti Andrini, Mme Anita Ediyati, l'Association Margayudan, Mme Laurence Fayet, Mme Nicole Scotto, M. Jean-Pierre Chazal.
Située à 65 km au nord-est de Yogjakarta, sur l'île de Java, l'ancienne cité royale de Solo- aujourd'hui Surakarta - rivalise avec cette dernière comme centre de la culture javanaise. Elle est la capitale de l'ancien royaume de Mataram qui au XVIIe siècle contrôlait les deux tiers de Java, le sud de Bornéo et la côte orientale de Sumatra. Islamisée dès le XVIe siècle, elle a conservé néanmoins sa culture hindouiste qui alimente jusqu'aujourd'hui l'art de la danse. Tous les membres de la famille royale prennent une part active à la vie du ballet, comme librettistes, chorégraphes, danseurs et musiciens.
Le Sultanat de Mangkunegaran est créé le 24 février 1757 suite à un violent différent entre le sultan de Surakarta, Pakubuwono II, et son neveu Raden Mas Said, membre de l'aristocratie de Surakarta, qui deviendra le Prince Adipati Arya Mangkunagoro I. L'actuel souverain, le neuvième dans la lignée des souverains de Mangkunegaran, fils de Mangkunagoro VIII, a succédé à son père en 1988. À l'instar des tous les rois et princes d'Indonésie depuis l'indépendance de ce pays, Mangkunagoro IX n'a pas de réel pouvoir exécutif mais il jouit d'un pouvoir moral auprès de la population de Surakarta.
Le sultanat de Mangkunegaran connaît depuis le XVIIIe siècle un développement rapide grâce à une culture très dense résultant d'un intéressant syncrétisme entre les formes traditionnelles issues de l'animisme local, venues avec l'Hindouisme de l'Inde et mêlées aux pratiques de l'Islam. Transmises fidèlement de génération en génération, les expressions s'enrichissent par des apports nouveaux. Les Princes et les Sultans se font un devoir de soutenir et de créer. Ainsi la danse, la musique (avec les Gamelan royaux), la langue, la philosophie, la sculpture et l'architecture constituent un ensemble patrimonial évolutif qui fixe la mémoire collective, en même temps qu'il forge une dynamique. En ce qui concerne la danse en particulier, Mangkunegaran est à l'origine d'un style qui porte son nom. Les danses javanaises qui, pendant des siècles, constituent la base des fêtes et des cérémonies du Palais exigent, en plus d'une formation longue et stricte, concentration, dynamisme, contrôle de soi ainsi qu'une discipline intense accompagnée souvent d'une identification au rôle. C'est pourquoi les danseurs-acteurs ainsi que les musiciens appartiennent parfois à la famille royale ou font partie de sa suite.
Tenues à l'écart des bouleversements sociaux grâce à une pratique en milieu clos dans le cadre intime des kraton, les palais royaux, ces danses, accompagnées par un somptueux gamelan, associent la rigueur des gestes codés à la grâce et à la poésie d'une expression saisissante.
Souvent narratives, les danses s'appuient autant sur les récits très anciens des grands voyages initiatiques et magiques que sur les deux épopées hindouistes du Râmâyana et du Mahâbhârata, transposées selon les codes locaux. Elles ont été également influencées par le théâtre d'ombres et le théâtre dansé. L'histoire de la famille royale se confond avec celle du palais de Mangkunegaran pour forger une suite qui se sacralise avec le temps.
La gestuelle des mains rappelle les attitudes des statues du Bouddha du Temple de Borobudur. Les mouvements, très codifiés, ne sont pas sans rappeler dans leur principe l'art des mudra de la danse indienne. Ainsi, c'est le cou qui bouge et non la tête, les yeux voient mais ne regardent pas, le déhanchement du bassin assure la stabilité du corps au moment du passage d'un pied sur l'autre, tandis que les jambes demeurent toujours ouvertes, les doigts de pied élégamment relevés' Chaque geste est signifiant, ainsi dans la danse Tari Gatot Kaca Dadung Awuk, glisser sur la pointe des pieds signifie l'envol.
Les vêtements de brocart, très ajustés, sont couverts d'éléments souples, rubans, ceintures qui accentuent le graphisme des mouvements et soulignent leur rapidité ou leur lenteur.
Deux grands styles se distinguent : Beksan Putri, la danse des femmes, pleine de grâce, et Beksan Kakung, la danse des hommes au sein de laquelle nous trouvons ces deux variantes :
- Beksan Gagah, exécutée avec force, par des danseurs, elle laisse souvent pointer des accents de rudesse et de grossièreté.
- Beksan Alus, exécutée quelquefois par des femmes qui jouent des rôles masculins, cette danse se caractérise par sa fluidité et son obstination.
Les danses sacrées ou profanes du palais tendent toujours à placer les participants et les spectateurs sous des auspices favorables. Ainsi, sous différents noms et par différents mouvements codés, la déesse Sri est invoquée pour protéger et pour guérir. Elle est associée au riz et à la fertilité.
Les monarques actifs ayant apporté une pierre à l'édifice de la culture javanaise de Mangkunegaran sont :
-Le roi Mangkunagoro Ier (1757-1795) qui crée des danses sacrées pour le Palais de Surakarta dont la plus connue, Bedaya Anglir Mendung se compose de sept danseuses, d'un gamelan et d'un choeur de femmes.
-Le roi Mangkunagoro II (1796-1835) qui, plus scénographe que chorégraphe fait construire le Palais dans l'esprit d'un lieu de création et de représentation des danses du style Mangkunegaran avec une terrasse couverte, une maison centrale et des appartements pour la famille royale.
-Le roi Mangkunagoro IV (1853-1881), homme de lettres et philosophe en même temps que guerrier et économiste, contribue au développement des danses Mangkunegaran avec la création d'un opéra traditionnel basé sur l'histoire des rois et des héros, le Langendriyan.
-Le roi Mangkunagoro V (il régna de 1881 à 1896) enrichit également le répertoire avec les danses d'amour et les danses masquées telles que Gatot Kaca Gandrung, Klono Topeng, Bondo Yudo'
La ville de Solo peut s'enorgueillir aujourd'hui de sa réputation de centre de la création artistique contemporaine indonésienne. Quant aux jeunes danseurs de la cour, issus de tous les milieux et des différentes classes de la société, ils conjuguent avec aisance leur appartenance aux ballets de cour et leur participation à diverses créations chorégraphiques contemporaines.
Outre les jeunes danseurs, seront présentes deux danseuses importantes de l'Ensemble de Mangkunegaran : Rusini Hendro Purnomo Sidi est née en 1949. Ses parents étaient des figures légendaires du Wayang Orang. Rusini commence à danser dès son plus jeune âge, puis elles rejoint l'ensemble de danse du Palais Kasunana de Yogyakarta tout en enseignant la danse à l'Institut des Arts de Solo (STSI). C'est en 1988 qu'elle rejoint le corps de ballet du Palais de Mangkunegaran.
Ibu Suyati Tarwo Sumosutargyo est la véritable mémoire vivante du corps de ballet de Mangkunegaran. Née en 1933, mère de 12 enfants, elle a 28 petits-enfants et 7 arrière petits-enfants. Dès l'âge de 10 ans elle devient une Abdi Dalem Langen Projo à Mangkunegaran, c'est-à-dire qu'elle "travaille à l'intérieur du Palais de Mangkunegaran" avec comme seul devoir celui d'apprendre les danses dans le style de Mangkunegaran.
C'était à l'époque du roi Mangkunagoro VII, au mariage duquel elle a dansé avec Ibu Bei Minto Laras. Ibu Tarwo qui vivait dans le palais, où elle partageait un dortoir avec 12 autres petites villageoises de son âge, se souvient avec émotion du roi et de son épouse qui supervisaient en personne les répétitions et rectifiaient les erreurs des danseuses. Ibu Tarwo est aujourd'hui professeur de danse et maîtresse de ballet du Palais de Mangkunegaran. Ibu Tarwo et Ibu Rusini danseront des chorégraphies relativement anciennes qui ont été recréées à partir des notes et des manuscrits de la bibliothèque du Palais.
PROGRAMME DES JEUDI 23 ET SAMEDI 25 FÉVRIER :
1/ Serimpi Pandhelori, avec Rury Avianti, Novianti Sofia Iskandar, Pertiwi, Indriarni Gunawan
2/ Tari Sancoyo Kusumowicitro, avec Daryono Darmo Rejono et Samsuri Sutarna
3/ Tari Srikandhi Larasati, avec Suyati Tarwo Sumosutargyo et Rusini Hendro Purnomo Sidi
4/ Gambyong Retno Kusumo, avec Rury Avianti, Novianti Sofia Iskandar, Pertiwi, Indriarni Gunawan
PROGRAMME DES VENDREDI 24 ET DIMANCHE 26 FÉVRIER :
1/ Beksan Mondro Asmoro, avec Daryono Darmo Rejono, Samsuri Sutarna, Rury Avianti, Pertiwi
2/ Tari Golek Montro, avec Suyati Tarwo Sumosutargyo et Rusini Hendro Purnomo Sidi
3/ Gambyong Retno Kusumo, avec Novianti Sofia Iskandar et Indriarni Gunawan
4/ Tari Gatot Kaca Dadung Awuk, avec Daryono Darmo Rejono et Samsuri Sutarna
1- Serimpi Pandhelori (30 minutes) :
Chorégraphié à l'époque du roi Mangkunagoro VII.
Le serimpi est une danse exécutée dans une parfaite harmonie par quatre danseuses qui symbolisent les quatre directions : nord, sud, est, ouest. Le thème d'un serimpi est généralement un combat entre 2 opposants à l'issue duquel il n'y a ni gagnant ni perdant. L'histoire est racontée par le chanteur (wiraswara) ou la chanteuse (pesindhen). Chaque serimpi se distingue par la partie vocale qui relate des épisodes différents extraits des Wayang Menak (le cycle des récits de la vie des saints hommes qui ont islamisé Java) ainsi que par la composition musicale qui donne son titre à la danse (ici Serimpi Pandhelori). Le Beksan Serimpi Pandhelori est une danse qui raconte l'histoire de Sang Dyah Sirtupelahi, fille de Sri Karsinah. Elle monte sur l'aigle Garuda et vole dans les airs à la recherche de son mari Sang Ambyah qui a été enlevé par Prabu Kanyun, le roi de Parang Akik. À Parang Akik, Kusuma Sudaraweti, la jeune soeur du roi, se lève un matin après avoir vu en rêve que son destin était de devenir l'épouse de ce même Sang Ambyah justement enlevé par son frère. Le mariage est annoncé et les préparatifs pour la cérémonie commencent. Mais avant de retrouver son époux, Kusuma Sudaraweti rencontre Sang Dyah Sirtupelahi, et le combat entre les deux rivales est inévitable. Aucune des deux jeunes femmes ne gagne le combat, et elles acceptent toutes les deux de se partager le même époux.
2- Tari Sancoyo Kusumowicitro (20 minutes) :
Chorégraphiée à l'époque de Mangkunagoro IV (1855-1881) elle subit quelques changements et remaniements à l'époque de Mangkunagoro VII.
Cette danse est un duo qui reflète la différence entre les caractères de deux personnages.
Ici, un combat entre Sancaya et Kusumowicitro. Sous prétexte que Kusumowicitro est un dissident, Sancaya le provoque en combat. Mais, en réalité, c'est parce qu'il convoite Dewi Soma, princesse du royaume Mataram et épouse de Kusumowicitro. La danse de Sancaya exprime son caractère violent, alors que Kusumowicitro est plus doux. Le combat s'achève par la mort de Sancaya atteint par la flèche aux pouvoirs surnaturels Les danseurs chantent ici en dansant. C'est une caractéristique du Palais de Mangkunegaran qui avait progressivement disparu au début du XXe siècle, et qui est remise à l'honneur depuis quelques années.
3- Tari Srikandhi Larasati (20 minutes) :
Cette danse, chorégraphiée à l'époque de Mangkunagoro V est une danse de couple ou duo. Elle est tirée d'un épisode du Wayang intitulé Srikandhi Meguru Manah. Elle raconte l'histoire d'une femme, Srikandhi, élève de Raden Janoko, très arrogante et fière de ses pouvoirs qui la rendent invincible. Un jour, Raden Janoko demande à Srikandhi de devenir
son épouse. Elle accepte à condition que Raden Janoko trouve une femme qui soit plus forte qu'elle et capable de la vaincre en duel. Raden Janoko amène Dewi Larasati, une de ses épouses, afin qu'elle affronte Srikandhi au cours d'un combat. Contre toute attente, c'est Dewi Larasati qui gagne au combat, et Srikandhi accepte donc de devenir l'épouse
de Raden Janoko.
4- Tari Gambyong Retno Kusumo (15 minutes) :
Chorégraphiquement parlant, le Gambyong Retno Kusumo est un solo mais il est assez souvent interprété par un groupe de danseuses. La chorégraphie a été conçue par Nyi Bei Minto Laras en 1960 à l'époque de Mangkunagoro VIII. Nyi Bei Minto Laras était une célèbre danseuse, tant pour les danses du Palais de Mangkunegaran que pour le Wayang
Wong. C'est une danse qui met en scène les mouvements d'une jeune fille qui offre sa beauté aux regards. Cette danse est généralement interprétée en guise d'accueil.
5- Beksan Mondro Asmoro (20 minutes) / Chorégraphiée à l'époque de Mangkunagoro V.
C'est une pièce pour quatre danseurs interprétant chacun un personnage différent. Bagawan Kapiraya le singe blanc, et sa fille Tejawati d'un côté, Bagawan Mandrasa le géant et sa fille Pujawati de l'autre, s'en vont à la recherche de Bambang Wijanarka car les deux jeunes filles ont eu un songe leur prédisant qu'elles épouseraient Bambang Wijanarka. La situation s'envenime entre les deux parties, et c'est le combat, père contre père, fille contre fille, jusqu'au moment où ils réalisent qu'ils n'ont pas trouvé l'homme de leur rêve et tout le monde repart à sa recherche. La particularité de cette chorégraphie réside dans les dialogues chantés par les danseurs, ce qui en fait un beksan unique.
6- Tari Golek Montro (20 minutes)
Le golek est un solo qui peut aussi être dansé par un ensemble. Cette danse, chorégraphiée par le roi Mangkunagoro VII illustre les mouvements d'une jeune adolescente qui se prépare, le ngadi salira (mise en beauté du corps) et le ngadi busana (beauté des vêtements) sont dansés dans le style kenes tout en espièglerie et coquetterie qui reflètent son caractère d'adolescente.
7- Tari Gatot Kaca Dadung Awuk (15 minutes)
Créée à l'époque de Mangkunagoro V et réarrangée à l'époque de Mangkunagoro VII, cette danse est tirée d'une version javanaise du Mahâbhârata qui diffère de la version indienne. À la demande de Dewi Sembadra, la fiancée de Raden Arjuna, Raden Gatutkaca (dans la version javanaise il serait le fils de Bhima, un des cinq frères Pandava) se prépare
à aider ce dernier à rassembler 40 buffles noirs aux pieds blancs. Ces buffles si particuliers appartiennent à Dadung Awuk. Raden Gatutkaca essaie de les lui emprunter mais leur propriétaire ne veut rien entendre. Un combat s'engage entre les deux personnages dont l'issue est favorable à Raden Gatutkaca. Dans cette danse Raden Dadung Awuk utilise
un fouet en guise d'arme.
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2005-03-14
14-16 mars 2005
Avec l'aide du Conseil des Affaires Culturelles, les ensembles cultivant le genre Nanguan ont connu depuis une quinzaine d'années un vaste essor à Taïwan.
L'Ensemble Han Tang Yuefu, fondé en 1983 à Tapei à l'initiative de la célèbre cahnteuse de Nanguan Chen Mei-O, se distingue par sa fidélité à la tradition, ses qualités artistiques et sa grande capacité d'innovation et de création.
Les premières années de la compagnie furent consacrées à la recherche. Il s'agissait alors de réaffirmer la place du genre Nanguan dans l'histoire musicale, de remonter aux sources de cette tradition par l'étude des classiques et de former des musiciens et des chanteurs de talent capables d'apporter un sang nouveau tout en assurant la relève d'une tradition en voie d'extinction. C'est dans un esprit véritablement scientifique, avec un souci culturel réel fondé sur les caractéristiques de ce patrimoine millénaire, tout à fait exceptionnel dans les arts vivants, que le Han Tang Yuefu a renouvelé, avec une technique élaborée, un style tout d'élégance et de profondeur.
Tout en s'appliquant à préserver l'esprit de la tradition de la musique Nanguan, le Han Tang Yuefu s'est également intéressé à l'évolution de Théâtre du Jardin des Poiriers (Liyuan), genre théâtral qui s'est développé dans le sud de la Chine sous les dynasties Song et Yuan (XII-XIV siècles). Oubliant volontairement l'aspect narratif du Théâtre de Jardin des poiriers, le Han Tang Yuefu n'en a gardé que la grâce des mouvements de danse et la beauté des chants qu'il marie harmonieusement à la musique Nanguan. Cette démarche a abouti à la création de plusieurs pièces, dont le Miroir aux litchis constitue un exemple particulièrement réussi.
Voilà plus de 10 ans que la compagnie Han Tang Yuefu a acquis une notoriété internationale, répondant à l'invitation de nombreuses institutions musicologiques à travers le monde, et participant aux festivals internationaux les plus prestigieux en Europe (Festival d'Avignon 1998, Biennale de Lyon 2000, Espagne, Pays-Bas, ...), en Asie (Japon, Singapour, Malaisie, Chine, ...) et aux Etats-Unis (New York 2003). A chacun de ces spectacles, les critiques comme le public ont été séduits, presque hypnotisés, par la beauté ineffable et le charme étrange qu'il dégageait.
Auréolée de prix et inscrite, depuis 1995 au "Programme international d'Aide aux arts de la scène" du Conseil National des Affaires Culturelles, la compagnie a pu réaliser son voeu le plus cher en enregistrant l'édition complète des 64 partitions de musique classique Nanguan, garantissant ainsi la sauvegarde d'un des éléments les plus précieux du patrimoine de l'humanité.
La musique Nanguan et le Théâtre du Jardin des Poiriers.
Le lieu d'origine du Nanguan (littéralement "vents du Sud") est la ville de Quanzhou qui, durant les dynasties Tang et Song, abritait des aristocrates que les guerres civiles incessantes avaient chassé de leurs terres d'origine du nord de la Chine. Grâce à l'isolement de cette région et à la prospérité économique que connut Quanzhou en tant que ville portuaire ouverte, ses habitants furent en mesure de conserver leur langue et avec elle de préserver les arts raffinés de la musique courtoise, les danses, les drames, les coutumes ancestraux qui partout ailleurs se perdirent rapidement. Précieusement conservés, ces trésors étaient admirés non seulement par les aristocrates et les érudits mais aussi par le peuple, très attaché à son histoire et sa culture.
Très vite la musique Nanguan a été assimilée par le Théâtre du Jardin des Poiriers, qui fleurit sous la dynastie des Tang au VIIIe siècle de notre ère. Le répertoire de ce théâtre était joué par des troupes de jeunes garçons ou de jeunes filles (jamais mixtes), entraînés spécialement à ces fins.
Le Miroir aux litchis : histoire d'amour entre Chen San et Wunian.
Chen San était descendant d'une riche et noble famille de Quanzhou. Un jour, alors qu'il traversait la ville de Chaozhou durant la nuit de la fête des lampions, il aperçut la douce et gracieuse Huang Wunian qui, à son balcon, jouait avec sa servante Yichun. Wunian laissa tomber une branche de litchis afin de montrer son amour. Chen San s'empressa de la ramasser et la gerda précieusement. Eperdument amoureux de la jeune femme, il se fit engager comme domestique par la famille Huang pour trois ans. Les deux amants habitaient désormais dans la même demeure, mais il ne leur était pas possible de s'approcher. La belle Wunian était promise à un autre et affectait des dehors de froideur et d'indifférence qui désespéraient son soupirant. Chen San en souffrait si cruellement que surmontant les élans de son amour, il prit la décision de retourner chez lui. La sevante Yichun lui révéla alors en secret les sentiments que sa maîtresse dissimulait à son égard. Avec l'aide de la servante, les amants s'enfuirent ensemble, à la veille du mariage arrangé pour Wunian.
Programme
I. Chun Ying Zhuan (La fête des lampions, la branche de litchis)
II. Shuang Yan Ying (La promenade dans le jardin, la confidence de Wunian)
III. Chueh Ta Chih (La danse du parapluie où Yichun retient Chen San)
IV Zhe Gu Fei (La fuite des amants)
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2005-03-09
9-17 mars 2005
Dans le cadre du neuvième Festival de l'Imaginaire et sur l'initiative de Monsieur Chérif Khaznadar, directeur de la Maison des Cultures du Monde, trois troupes des arts vivants de Taïwan présenteront leurs meilleurs spectacles en ce printemps 2005 au public parisien, apportant ainsi leur contribution à l'enrichissement de notre imaginaire collectif.
En France, la Maison des Cultures du Monde a été la première institution, depuis sa création en 1982, à avoir remarqué la particularité de la multiple culture taïwanaise et à la présenter à son public. Taïwan est en effet une terre de métissage : à la culture des aborigènes, premiers habitants de l'île de Formose, s'est mêlée celle de l'immigration chinoise du XVIIe siècle qui a progressivement acquis sa spécificité taïwanaise et, enfin, celle des Hakka qui s'y installèrent également au XVIIe siècle mais qui ont préservé leurs propres traditions.
Les 3 troupes présentées reflètent parfaitement cette diversité.
La troupe de marionnettes de Liao Wen-Ho est non seulement représentative d'un art très populaire à Taïwan mais est aussi unique en son genre, avec ses marionnettes géantes et des effets spéciaux obtenus grâce aux nouvelles technologies.
Dans un tout autre registre, l'Ensemble Han Tang Yuefu, fleuron de la musique Nanguan et du Théâtre du Jardin des Poiriers, apporte une interprétation toute en finesse et en précision d'une célèbre pièce du répertoire classique.
La troupe de Bayin de Chung Yun-Hui, quant à elle, clame haut et fort l'authenticité de la musique Hakka.
La diversité culturelle est une notion, chère à la France, que nous partageons pleinement. Nous la défendons par des mesures concrètes en faveur des arts traditionnels ou des peuples minoritaires menacés d'extinction. Conscients qu'il y va de l'identité d'un peuple et des individus qui le composent, nous veillons constamment à ce que ces traditions puissent être perpétuées par des actions de recherche, de diffusion et de formation.
A ce titre, nous tenons à saluer la Maison des Cultures du Monde pour le travail exemplaire qu'elle a accompli dans ce domaine. Nous saluons également l'Académie des Sciences morales et politiques de l'Institut de France, avec laquelle nous travaillons au sein de la fondation culturelle franco-taïwanaise que nous avons fondé ensemble, afin de jeter des ponts entre nos cultures et de mieux préparer l'avenir de nos sociétés.
CHEN Chi-Nan, Ministre du Conseil National des Affaires Culturelles de Taïwan.
L'année 2005 marque le dixième anniversaire des relations culturelles et d'amitié entre le Conseil National des Affaires Culturelles de Taïwan et l'Académie des Sciences morales et politiques. C'est en effet en 1995 qu'ont été pris, entre nos deux institutions, les premiers contacts qui allaient conduire à la création, un an plus tard, de la Fondation culturelle franco-chinoise, devenue Fondation culturelle franco-taïwanaise en 2002.
La disponibilité de nos partenaires taïwanais pour faire mieux connaître les nombreuses facettes de leur riche culture, alliée à la curiosité intellectuelle qui anime les Académiciens, a trouvé, depuis lors, sa pleine expression dans l'attribution annuelle du Prix culturel franco-taïwanais.
Il nous est en effet apparu utile, voire indispensable, d'encourager et de récompenser ceux qui, individuellement ou collectivement, par leurs recherches et leur action, contribuent à faciliter et à intensifier les échanges intellectuels et artistiques entre Taïwan et la France, tant il est vrai que l'on ne peut estimer que ce que l'on connaît bien.
La moisson de lauréats, récoltée dans des champs variés - lexicologie, éducation, arts vivants, ethnosociologie, traduction - est de qualité. Sans doute apparaîtra-t-il judicieux dans un proche avenir d'étendre les compétences territoriales du jury de la Fondation culturelle franco-taïwanaise à d'autres pays européens, car la vitalité de la société et de la culture taïwanaise suscitent et méritent de susciter une curiosité qui dépasse les frontières françaises.
Respect de la tradition, audace innovatrice, syncrétisme culturel contemporain nourri d'une histoire culturellement stratifiée et recherche identitaire, tels sont à nos yeux les éléments qui, ensemble, donnent sa forme incomparable à la réalité taïwanaise. Puissent-ils inciter, par le truchement de la Fondation culturelle franco-taïwanaise, nombre de chercheurs et d'artistes à les explorer et à les faire connaître !
Pierre Messmer, Chancelier de l'Institut de France, de l'Académie française, membre de l'Académie des Sciences morales et politiques, ancien Premier Ministre.
Depuis sa création en 1982, la Maison des Cultures du Monde s'est attachée à faire connaître au public français l'immense diversité des formes culturelles de notre planète, et ce n'est pas par hasard si, dès cette année-là, Taïwan fut plus d'une fois à l'affiche de cette institution.
En effet, l'île de Taïwan est un de ces espaces où se trouvent concentrées, comme en un conservatoire, des cultures de diverses origines qui s'y sont rencontrées, mêlées, enrichies de leurs différences.
Aujourd'hui on peut y trouver - à côté des expressions culturelles des peuples aborigènes et de celles venues du continent - cette culture de la rencontre et du métissage qui devient l'une des composantes importantes de la diversité des cultures de Taïwan.
Le cycle spécial consacré à Taïwan que présente cette année la Maison des Cultures du Monde dans le cadre du neuvième Festival de l'Imaginaire ne dérogera pas à la règle puisqu'il pourra permettre au public de découvrir deux troupes qui ne s'étaient jamais présentées en France et une nouvelle création d'une troupe internationalement célèbre.
Depuis 1982, la très grande majorité des formes culturelles traditionnelles de Taïwan a été présentée à Paris. Le temps est venu d'explorer toutes les expressions qui naissent de la prodigieuse créativité de ses artistes.
Chérif Khaznadar, Directeur de la Maison des Cultures du Monde
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2001-03-06
6-7 mars 2001
Le Japon n'est pas un pays de culture unique comme on a souvent tendance à le cro i re, mais un pays traversé depuis l'aube de son histoire par de nom - breuses civilisations. Les missionnaires hispano-portugais qui débarquent sur les rivages japonais aux XVe et XVIe siècles apportent dans leur sillage de nou - velles connaissances techniques, scientifiques et artistiques. Après 300 ans de repli pendant l'ère d'Edo (Sakoku), l'occidentalisation explose à la fin du siè - cle dernier, suivie par l'occupation américaine après 1945. La culture japo - naise va alors entretenir avec l'Occident une relation ambiguë empreinte tout à la fois d'attirance et de rejet, dont le butô viendra témoigner.
Première partie : Tsukushi-maï, un art chorégraphique tiré de l'oubli Danse ancienne de l'île méridionale de Kyushu, le Tsukushi-maï n'a pas connu la fortune d'autres danses et théâtres dansés reconnus officiellement tels que le Bugaku (danse impériale), le Nô (protégé par le shôgun), le Kabuki ou encore le Jiuta-maï.
Les chercheurs pensent qu'en raison d'un pouvoir central oppressant, cette danse d'origine noble a été transmise pendant des siècles par des saltimbanques considérés comme des non-humains.
Voici une cinquantaine d'années, Kojusaï Nishiyamamura décide de sortir de l'oubli cet art chorégraphique longtemps ignoré et menacé de disparition. Son père, un riche notable, est un grand amateur d'art. Il prend sous sa protection un musicien devenu aveugle à la suite d'un empoisonnement. Ce musicien est l'un des derniers capables de danser le Tsukushi-maï. Âgée de neuf ans seulement, la jeune Kojusaï Nishiyamamura prend des leçons de danse avec le musicien qui ne peut pas la voir exécuter les mouvements mais qui, en entendant le son et le bruit des pas parvient pourtant à corriger ses erreurs.
On retrouve dans le Tsukushi-maï des traces de la Route de la Soie maritime, que ce soient des pas que l'on ne trouve pas dans d'autres danses japonaises et qui viennent probablement des îles de l'Asie du sud-est, ou l'usage du luth sha - misen, héritier du sanxien chinois. Certains spécialistes ont même décelé une influence européenne dans certaines attitudes, certains sauts, qui n'ont pas cours dans la chorégraphie traditionnelle japonaise, mais évoquent en revanche les danses de la Renaissance.
Le Tsukushi-maï comprend deux genres distincts : le Kan-maï et le Kugutsu-maï. Le Kan-maï est dansé lors des rituels shintoïstes. Quelle que soit l'import a n c e du public qui assiste à la performance, le danseur doit se concentrer exclusivement sur le fait que sa danse est une offrande à Dieu. C'est pourquoi il commence par exprimer sa gratitude devant l'autel, tournant ainsi le dos au public.
Le Kugutsu-maï est au contraire une danse de divertissement, parfois pleine d'humour, qui raconte une histoire, emprunte les traits d'un animal ou ironise sur un gouvernant.
D'autres pièces de Tsukushi-maï viennent se placer entre ces deux genres, telles la danse qui se déroule à l'extérieur du sanctuaire, ou encore celle qui a lieu dans les maisons pour bénir l'assistance.
1. Koryu Shiki Genji
Danse de cérémonie pour l'accueil des navires chinois, inspirée des danses de cour.
par Satujo Mizokuchi et Mayuju Baba.
2. Kumo-no-ue (Kan-maï)
Le serviteur d'un homme honorable est envoyé en mission. À son retour, il apprend que son maître est mort. Il danse son chagrin.
par Muratoshi Nishiyamamura.
3. Chikubu-shima
Un homme et une femme vont se recueillir au temple de Chikubu, sur le lac de Biwako. Ils racontent l'origine de Benzaiten, qui est vénérée dans ce temple.
Puis ils se dévoilent. L'on découvre alors que la femme est Benzaiten ellemême, et l'homme, le dieu dragon de Biwako.
par Tsunatoshi Nishiyamamura et Michiko Iwata.
4. Kyushu Tsurigane-gusa (Kugutsu-maï)
À l'occasion de l'installation d'une nouvelle cloche, une jeune fille doit être sacrifiée. Les lamentations déchirantes de sa mère convainquent les organisateurs d'annuler le sacrifice et de rendre la cloche.
par Kojusaï Nishiyamamura, fondatrice de l'Ecole Nishiyamamura, et Tsunatoshi Nishiyamamura.
Shizu Watanabe, chant et cithare koto
Michiko Iwata, chant et luth shamisen
Deuxième partie : Tzigane Japan, création Butô de Sumako Koseki
L'origine du mot butô est associée à la danse des paysans dans le culte shinto. La situation du Japon des années cinquante a placé ce mot dans un nouveau contexte, marqué d'une part par une réaction violente à l'occidentalisation et à la suppression de la mémoire du corps, de l'irrationnel, et sous l'influence d'autre part des courants mondiaux tels que les happenings, les mouvements underground et de la pensée européenne, notamment française
(Genet, Bataille, Artaud et le Théâtre de la cruauté).
Ainsi naît le butô sous l'impulsion de Kazuo Ohno et de Tatsumi Hijikata.
Au son de musiques hybrides, la danse se déroule a contrario lente et saccadée, le corps souvent nu, exposé dans des postures de douleur qui rappellent les tragédies d'Hiroshima et de Nagasaki. La gestuelle évoque à la fois le nouveau-né et l'agonisant, le blessé et celui qui retrouve la lumière. Depuis plusieurs années, le genre a explosé en de multiples tendances et révélé maints artistes. Après des études de psychologie et une formation de butô à Tokyo, la danseuse et chorégraphe Sumako Koseki traverse l'Europe. Ses expériences en Europe, au Festival de Nancy, au Festival de Palerme, ses collaborations avec Grotowski, Eugenio Barba, Philippe Adrien, Adel Hakim, Bernard Noël et nombre d'autres artistes vont marquer son art.
C'est ainsi que, partageant son temps entre Tokyo et Paris, elle se forge un style personnel, bâti sur le butô qu'elle définit comme "la danse qui veut toucher l'au-delà" et nourri de ses expériences diverses et cosmopolites.
Tzigane Japan est né d'une réflexion personnelle sur la particularité et l'universalité de l'art de son pays, ainsi que sur les notions de tradition et de contemporanéité. l'oeuvre traverse, en tableaux de plusieurs couleurs, les saisons de la vie tout en témoignant l'attirance qu'exerce la musique tzigane sur cette artiste nomade.
Tzigane Japan, inspiré d'un Air Bohémien de Pablo Sarasate.
1. "Noir" - Départ ou Retour'
2. "Blanc" - Source ou la Blancheur qui subit'
3. "Rouge" - Tzigane Japan
4. "(un autre) Blanc" - (une autre) Blancheur, (un autre) Départ'
Le Festival de l'Imaginaire remercie Sumako Koseki pour sa prospection du Tsukushi-maï.
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2000-11-13
13-14 novembre 2000.
Sous le haut patronage de Madame la Ministre de la Culture et de la Communication et dans le cadre de la célébration du 20e anniversaire du Centre Culturel Coréen.
A cours de son histoire qui s'étend sur quelques millénaires, la musique coréenne s'est forgé un style, un son qui la rendent immédiatement reconnaissable. Nourrie par les échanges que la péninsule entretint avec ses voisins, principalement la Chine, elle incorpora nombre d'éléments étrangers qu'elle refaçonna à sa manière. Et aujourd'hui, alors que la musique occidentale connaît une grande faveur dans la société coréenne, notre pays continue comme par le passé de s'efforcer à enrichir sa tradition tout en s'ouvrant aux arts étrangers. Pour comprendre la musique coréenne, il faut savoir que celle-ci se compose de deux branches principales: la musique classique ou la musique d'art et la musique populaire. En tant que musique des lettrés, la musique d'art coréenne peut être comparée à la musique classique occidentale. La musique populaire, elle, était jouée par les gens du peuple. A quelques exceptions près, la première est considérée comme une "musique pour la tête" et la seconde comme une "musique pour le coeur". La musique classique nous fait pénétrer dans un état de calme et de méditation, alors que la musique populaire apporte, à travers ses rythmes, un sentiment de joie et de jubilation. Si l'on devait appliquer des termes occidentaux à la musique coréenne, on pourrait qualifier la première branche de "classique" et la seconde de "romantique".
La musique et la philosophie coréennes sont étroitement liées. Ce rapport se manifeste notamment dans une certaine perception du temps musical. Le rôle de l'improvisation, le caractère continu de cette musique, jusqu'à sa forme, la couleur et la disposition des instruments dans l'orchestre.
A l'écoute de la plupart des pièces traditionnelles, principalement le répertoire classique, on est frappé par la lenteur du tempo, chaque temps pouvant durer près de trois secondes. Ceci s'explique par le fait que si le tempo en musique occidentale se fonde sur la pulsation cardiaque, celui de la musique coréenne s'appuie sur la respiration, synonyme de vie, de santé et moyen de contrôle des émotions. Ainsi on peut opposer les musiques occidentale et coréenne par le fait que la première est vivante, active, "cardiaque", et la seconde profonde, méditative, "pulmonaire". Ce caractère méditatif est renforcé par l'importance que revêt l'improvisation. Transmise oralement de génération en génération, la musique traditionnelle coréenne permettait à ses interprètes d'y incorporer des éléments nouveaux et originaux qui, tout au long de son histoire, ont contribué à la faire évoluer, faire naître de nouveaux répertoires, ceci jusqu'à une époque tout à fait récente ainsi qu'en témoigne l'apparition du Samulnori dans les années soixante, musique de percussions inspirée des rythmes populaires. Un autre aspect important de cette musique réside dans sa continuité. Les pièces sont généralement composées de plusieurs parties qui s'enchaînent sans interruption. Enfin, la disposition, les couleurs et le rôle de l'orchestre constituent en quelque sorte une représentation visuelle et sonore de la philosophie du yin et de yang et des rapports de dualité des forces cosmiques négative et positive.
Institut National Coréen de Musique et Danse Traditionnelles
De toutes les musiques d'Asie qu'il nous est donné d'entendre aujourd'hui, celles de Corée sont incontestablement parmi les plus attachantes, que ce soit pour leur beauté formelle, leur diversité, la passion que l'on sent sourdre derrière une réserve imposée par la bienséance aristocratique, et qui explose parfois en notes dramatiques d'une extrême intensité. On peut alors se demander pourquoi elles sont si mal connues en France. La Culture coréenne est bien autre chose que celle d'un pays industrialisé. Véritable civilisation, elle s'est forgée tout au long de l'histoire plusieurs fois millénaire d'un peuple et d'une région, au contact certes de ses voisins chinois et japonais, mais avec un constant souci d'affirmer son originalité. Ce n'est pas par un hasard si dès le VIIe siècle un ensemble de musique classique coréenne demeurait en résidence à la cour de l'empereur de Chine et allait se produire au Japon, exerçant l'influence que l'on sait sur le développement de la musique de cour japonaise. Si la facture instrumentale révèle clairement l'appartenance de la Corée aux cultures est-asiatiques, l'histoire des genres et des répertoires nous prouve à l'évidence la spécificité de son identité musicale. Ainsi, à l'époque du royaume de Silla unifié (668-935), l'estime des lettrés coréens pour la civilisation chinoise les conduit à adopter la culture et les moeurs de la dynastie Tang et notamment le répertoire de musique de cour qui reçoit le nom de tang-ak, littéralement: "musique tang". Mais simultanément, la cour de Corée crée un autre répertoire, proprement coréen celui-là, la hyang-ak. Or, les siècles passant, on voit le tang-ak se transformer, se coréaniser pour finalement décliner et pratiquement disparaître dès les premiers siècles de la dynastie Choson(1392-1910) au profit du hyang-ak. On assiste là à un cas exemplaire d'absorption, de réappropriation puis d'élimination de formes culturelles exogènes.
Certains musicologues et musiciens coréens considèrent que sur de nombreux points, la musique coréenne est en définitive plus proche de la musique indienne que des musiques chinoise ou japonaise, que ce soit pour l'importance donnée à l'inprovisation, ou pour ce mûrissement si particulier de son (shigimsae) qui fait intervenir un travail à la fois précis et souple sur l'attaque, le timbre, l'enveloppe et la dynamique.
Mais c'est peut-être le profond enracinement de l'âme coréenne dans la nature qui donne la clef de l'essence de cette musique. Les influences manifestes du bouddhisme et du confucianisme ne sont jamais parvenues à effacer le fond chamanique dont les pratiquent de meurent toujours vivantes aujourd'hui. Evocatrices de paysages aux formes tourmentées, les techniques vocales et instrumentales, combinant plénitude et âpreté, renvoient le peuple coréen à ses origines sibériennes et au chant profond des bardes. L'auteur du Livre de la Musique (1492) le résume ainsi: "La musique naît dans le néant originel et se développe dans la nature. Elle est donc cause d'une émotion profonde dans le coeur de l'homme mais aussi d'une compréhension mutuelle et d'une compassion dans son esprit". Ces quelques lignes résument bien une esthétique musicale fondée sur le rapport dialectique entre intelligence et émotion, entre homme et nature.
Pierre Bois / Maison des Cultures du Monde
L'institut National Coréen de Musique et Danse Traditionnelles fait aujourd'hui partie du Ministère de la Culture et du Tourisme. Mais son origine remonte à L'institut National de Musique (Umsongso) qui fut créé dans le courant du VIe siècle. La reine Chindok du Royaume de Silla (57 av. JC-935 ap. JC) renforça cet institut en augmentant le nombre de musiciens. Sous le royaume de Koryo (918-1392), deux instituts de musique furent fondés: Chonakso et Taeakso. Ils furent réunis au début du règne de la dynastie Choson (1392-1910) sous le nom de Aakso puis de Cnagakwon. Ces instituts avaient pour mission de fournir les musiciens, chanteurs et danseurs lors des célébrations importantes, de former les artistes et de produire des compositions nouvelles.
PROGRAMME
-Danse populaire Changguchum, danse des tambours en forme de sablier.
-Musique instrumentale: suite de chansons populaires
-Musique de cour: Cheongseonggok, pour flûte traversière taegeum et flûte droite à encoche tanso.
-Danse populaire Puch'aech'um, Danse des éventails.
-Danse de cour Pakchommu.
-Danse masquée populaire Pongsan T'alch'um.
-Musique instrumentale populaire: Sanjo en trio, pour ajaeng (cithare à archet), kyageum (cithare à douze cordes), komungo (cithare à six cordes).
-Musique populaire: Pungmullori. A la fois une danse et un jeu instrumental dans lequel sont utilisés le petit gong kkwenggari, le tambour en forme de sablier changgo, le tambour en forme de tonneau puk, le grand gong ching, le petit tambour sogo et le hautbois t'aep'yongso
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2000-06-21
21-22 juin 2000
Littéralement, jiuta-mai signifie la danse (mai) des chants (uta) de la terre/campagne (ji). À l'époque d'Edo, au XVIIIe siècle, le principal genre vocal s'appelait naga-uta. C'était le chant du théâtre populaire, essentiellement du kabuki. Dans le Kansai, région de Kyôto et d'Osaka, se développa simultanément une autre forme de musique vocale appelée ji-uta. La danse jiuta-mai est née de cette musique.
Contrairement aux autres danses qui se présentaient sur scène, le jiutamai était pratiqué dans les maisons privées : chez les courtisanes et les geishas ou dans les maisons bourgeoises. Aujourd'hui encore, lorsque le jiuta-mai est donné sur scène, les artistes symbolisent une ambiance domestique en utilisant pour seul décor des bougies et deux paravents.
Le style et le répertoire du jiuta-mai se fonde sur quatre sources différentes : les hongyomono, thèmes de pièces de nô, dont les textes sous-tendent certaines danses (Kane ga Misaki, Kanawa) ; le tsuyamono, style de chants d'amour exprimant les états et les sentiments de la femme
amoureuse (chagrin, mélancolie, solitude, espoir, désespoir) ; le sakumono, danse comique dont les thèmes sont souvent tirés du théâtre kyogen (Nezumi no Michiyuki) ; le tegotomono, partie instrumentale relevant du genre sankyoku (musique de chambre pour koto, shamisen et shakuhachi), qui occupe une place importante à l'intérieur du jiuta.
Le danseur de jiuta-mai est généralement un acteur de kabuki (capable d'interpréter des rôles féminins) ou une geisha. Depuis la fin de la guerre, le jiuta-mai a connu un regain de popularité, non seulement dans le Kansai, sa région d'origine, où sont basées ses principales écoles :
Yoshimura et Yamamura à Osaka, Inoue à Kyôto, mais aussi à Tôkyô où est venue s'installer l'école Kanzaki.
La musique qui accompagne le jiuta-mai appartient au genre sankyoku ou "musique pour trois instruments". Le sankyoku date de l'époque d'Edo et peut être considéré comme la musique de chambre classique japonaise. À partir du jiuta, essentiellement composé de chants accompagnés
au luth shamisen, le grand maître de la cithare koto Ikuta Kengyo a établi vers la fin du XVIIe siècle un répertoire pour koto, sangen (shamisen) et vièle kokyu, cette dernière fut ensuite remplacée par la flûte shakuhachi. Une des caractéristiques du sankyoku tient au fait qu'en dépit de ses origines vocales, la partie instrumentale y occupe une place prépondérante.
Les Japonais ont coutume de dire que dans le sankyoku, le koto représente l'ossature, le shamisen, la chair, et le shakuhachi, la peau.
PROGRAMME
Yuki (La neige) par Koyu YOSHIMURA
Tsuyamono de la fin du XVIIIe siècle, écrit par Geisya Soseki et composé par Minezaki Kôto.
La mélancolie d'une femme retirée du monde, qui se réveille un soir de neige et se souvient avec tristesse de ses amours de jeunesse.
Kane ga Misaki (La cloche du cap) par Ranmaru FUJIMA
Tegotomono tiré de Dôjyoji de nô, début du XVIIIe siècle (anonyme).
Une jeune fille tombe amoureuse d'un moine qui, pour échapper à cet amour, part se cacher dans la cloche d'un monastère. La jeune fille se change en un grand serpent et le poursuit jusqu'à la cloche autour de laquelle elle s'enroule. La flamme de sa passion brûle la cloche et le moine.
entracte
Tsuru no Sugomori par Keisuke ZENYOJI
solo de flûte shakuhachi
Kanawa (La couronne de fer) par Hideichi KANZAKI (Koichi Kano)
Hongyomono tiré de Kanawa de nô, XVIIIe siècle.
Vers minuit, une femme s'apprête à devenir un démon pour torturer son mari et sa maîtresse. Mais au sanctuaire shintô, le prêtre l'exorcise.
Nezumi no Michiyuki (Le double suicide des souris) par Yukimaro YOSHIMURA et Koyu YOSHIMURA
Tukurimono du XVIIIe siècle (anonyme).
Parodie d'une célèbre pièce de kabuki avec un double suicide amoureux.
Deux souris se jettent dans un bassin pour se donner la mort.
Hiroyuki SHIRAKI, koto et shamisen
Kazuhiro ISEKI, koto et shamisen
Remerciements au Service Culturel de l'Ambassade du Japon et à Monsieur Hideaki Mizukoshi.
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2000-06-15
15 -18 juin 2000
Le Chhau de Seraikella
Chhau signifie "homme", "jeu théâtral", "combat", "ombre", "masque". Dans plusieurs villages et villes du nord-est de l'lnde, des danses rituelles exécutées à l'occasion du Chaïtra Parva, fête religieuse de printemps, célèbrent la fécondité et l'union de Shiva et de Shakti, les énergies mâle et femelle.
À l'origine, au Bengale, en Orissa et au Bihar, les chhau valorisés comme des expressions d'arts martiaux, sont pratiqués par des hommes initiés, les bhakta, dans le but de remplir une fonction sacrée en même temps qu'un contrôle de la force et des réflexes. Il existe aujourd'hui trois formes principales de Chhau :
-le chhau de Mayurbanj
-le chhau de Purulia
-le chhau de Seraikella
Dans l'Etat du Bihar, entre le palais des princes de Seraikella et la rivière Kharkaï se déroulent à la mi-avril le chhau qui constitue une partie de la fête de Chaïtra Parva. À Seraikella, depuis le début du XXe siècle, le Chhau n'est plus exécuté par les ritualistes bhakta mais par des danseurs profanes (exclusivement des hommes, même pour les personnages féminins) qui exercent des métiers divers tout en s'entraînant à la danse sous la conduite d'un guru. Au cours des années vingt, le prince de Seraikella, à l'instar de ses ancêtres, prenait une part active au déroulement des différentes étapes du Chaïtra Parva, mais c'était aussi un esthète. Il aimait passionnément la danse et voyageait beaucoup. C'est ainsi qu'il eut l'idée de couvrir le visage des danseurs de chhau de masques très stylisés (au lieu des masques à l'expressivité violente de la région de Purulia) et de structurer les pas de cette danse issue des arts martiaux de la région.
Les danseurs ne se présentent plus qu'en solo ou en duo. En outre, le masque ne comportant que deux très petits orifices à la base des narines, il ne permet pas aux danseurs des exécutions de plus de quelques minutes. Ils voient mal et respirent difficilement.
Ainsi, d'un rituel aux dessins chorégraphiques semi-improvisés, la danse chhau de Seraikella devient une manifestation profane et spectaculaire, ainsi qu'une expression désormais considérée comme classique.
Malgré le changement d'orientation, le répertoire de la danse chhau de Seraikella comporte des sujets religieux : scènes de l'histoire de Chandra Baga ou comment le dieu soleil poursuit la vierge-lune, scène des ancêtres divins, Shiva et Parvati, parade de Mayur, le paon sacré, etc.
L'analyse des fonctions des mouvements révèle une inspiration puisée dans des actions humaines ou animales ainsi que la mise en place d'un système symbolique contenant des éléments anecdotiques et narratifs et des souvenirs de comportements tribaux. Contrairement à certaines écoles classiques de danse indienne, les pieds et les jambes constituent les parties les plus expressives du corps.
L'ensemble musical intervenant en plein air comprend :
' une grande timbale dhumsa (ou naqara)
' un tambour à deux peaux dhol
' un hautbois shahnai
' une flûte traversière bansuri
Références bibliographiques
Françoise Gründ, Danses Chhau de l'lnde, Presses Orientalistes de France et Maison des Cultures du Monde, Paris,1985.
Françoise Gründ, "La dernière lubie des Maharajah", in Internationale de l'Imaginaire n°13 : Jeux de dieux jeux de rois, Actes Sud/Babel, Arles, 1999.
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1999-04-09
2 avril, Rouen
6 avril, Grenoble
9-11 avril 1999, Paris
9-13 juin, Réunion
12-13 juillet, Martinique
Mission au Zimbabwe du 8-16 juin 1998 de Françoise Gründ.
Jusqu'en 1920, les makishi, au Zimbabwe et dans les différents pays d'alentour, n'étaient exécutées qu'à l'occasion des rites de circoncision. Aujourd'hui, elles jouent parfois le rôle de danses sociales ou de danses de divertissement à cause de la beauté des créations graphiques des masques repérées par les individus extérieurs aux groupes concernés, mais aussi parce que les sociétés du Zimbabwe connaissent de profondes mutations.
Le Zimbabwe, ancienne Rhodésie, acquiert son indépendance en 1980. Situé en Afrique Australe, entre les fleuves Zambèze et Limpopo, il se trouve entouré par la Zambie, l'Afrique du Sud et le Botswana. La Namibie, l'Angola et le Zaïre sont tout proches. S'étendant au nord du Tropique du Capricorne, le pays, trois fois grand comme l'Angleterre, son ex-colonisatrice, ne possède aucun accès à la mer. Il constitue une sorte de grand plateau dont la quasi-totalité se trouve à plus de trois cents mètres au-dessus du niveau de la mer. Il possède des ressources minières, (or, argent, émeraudes) et agricoles. De grandes fermes exploitent le maïs, le café, le coton et les fleurs.
Les Shona et les Ndébélé composent la majorité de la population. Les Zoulou se répartissent dans le sud, à la frontière de l'Afrique du Sud. Plusieurs minorités se regroupent le long du fleuve, autours des chutes Victoria : les Tinga (les plus nombreux), les Mubunda, les Muluvalé, les Mulozi, les Muchokwé (le pluriel dans les langues bantoues est signalé par le préfixe mu).
En ce qui concerne les quatre derniers nommés, il s'agit de peuples anciens dont l'origine territoriale serait en premier lieu l'Angola, puis la Zambie et le Zaïre (surtout pour les Muchokwé). Chasseurs-cueilleurs, ils auraient suivi les migrations de gibier vers l'eau. Une autre raison de leur itinérance serait à rechercher dans leur tempérament de guerriers et de conquérants.
L'organisation de ces sociétés stabilisées au Zimbabwe depuis la fin du xixe siècle pour certains et les deux premières décennies du xxe siècle pour les autres (Mubunda et Muchokwé), est patrilinéaire et se centre autour du pivot du rite de circoncision qui clôt la période d'apprentissage des garçons entrant dans la communauté des hommes. Ici, le monde des hommes représente la connaissance tandis que le monde des femmes est celui du chagrin. C'est à l'issue de la circoncision mais aussi de la thimba ou cicatrisation de la plaie que de grandes danses masquées sont exécutées uniquement par les hommes adultes : les makishi.
Le mot makishi (singulier likishi) est utilisé pour "danses masquées" ou "danseurs masqués" ou "costumes et masques de danseurs masqués".
Les motivations des makishi
Caractérisées par le mukunda (circoncision et société secrète de la circoncision), les communautés mâles des peuples de la région se répartissent en deux catégories :
-Les non-circoncis ou vilima (singulier chilima) qui prennent très peu part aux décisions du groupe et ne peuvent jamais occuper des positions sociales fortes. C'est le cas des Tinga qui se sont mêlés aux Mubunda, Mulavale, Mulozi et Muchokwé.
-Les circoncis ou vilombola (singulier chilombola) qui jouent un rôle actif dans le groupe. Ils sont aussi les seuls à pouvoir prendre part aux danses makishi.
Le but des makishi consiste à représenter un modèle de la vieille société bunda, luvale, lozi et chokwé et de fournir aux jeunes gens qui rejoignent le groupe des adultes, une visualisation codée et dramatique des enseignements acquis dans les camps d'initiation.
Les makishi constituent donc des formes spectaculaires de la régénérescence. Elles se basent sur le jeu de vingt-deux masques principaux auxquels ne cessent de s'ajouter de nouveaux masques, la tradition demeurant vivante dans les villages et l'inspiration des artistes-facteurs de masques, efficace :
-Linyampa ou Lipumbu : le chef du camp d'initiation (à visage de bois).
-Ndumba ya Nuru ou Kaleluwa : un esprit dirigeant une société secrète et n'ayant qu'un seul enfant.
-Chindanda ou Chikusa : le fils à coiffe phallique.
-Mulombwe ou Mwanampembo : la jeune femme.
-Inamabunda : la mère.
-Kalulukazyi : la vieille femme.
-Liathindumuka : l'homme gras.
-Kayengenyenge : l'homme au corps tordu et chef des makishi.
-Limunga : l'hydrocéphale.
-Kajenjela : un chasseur.
-Sachihongo : un chasseur.
-Katéyé : l'homme orgueilleux.
-Chawa : l'orateur.
-Chitanga : le farceur.
-Liweluwulu : le play-boy et parfois l'autruche.
-Kaluwa : le marcheur.
-Likulukulenge : le danseur et le maître de la transe.
-Hungo ou Mbongo : le grand danseur sur échasses.
-Kanolo : le pêcheur.
-Ngandu : le crocodile.
-Numba : le lion.
-Muchawa : le cousin des circoncis.
-Muvundu : le féroce capitaine du camp d'initiation.
-Samasengo : le vainqueur de la douleur.
-Salimazo : le limeur de dents.
-Samatwitwi : l'écouteur ou l'espion.
-Chiléa : l'entraîneur à la danse.
-Ndondo : la femme enceinte.
-Malanda : l'homme mort loin de chez lui.
-Mbalamba : l'homme foudroyé par l'éclair.
Toutes ces figures ne sont pas celles de héros, mais des prototypes qui représentent le peuple à travers la visualisation des ancêtres (à l'exception des animaux qui ne sont pas des ancêtres). Il s'agit d'un théâtre des générations transmis par la société secrète des mukanda.
Le caractère de la danse
Il existe une hiérarchie entre les masques. Certains sont présents mais dansent très peu. Ils demeurent les garants de l'efficacité des makishi. Les masques obéissent à un ordre dans leur apparition en public. Généralement, Kayengeyenge sort le premier de la brousse et débouche sur l'espace libre entre les cases. Il est armé d'un chasse-mouche qu'il agite sans arrêt. Sa présence peut être doublée par celle de Liyampa. Ces deux masques se contentent de faire signe aux autres masques. Ils peuvent aussi calmer les makishi qui entrent trop rapidement en transe. Les makishi Kajenjela et Kaluwe, lorsque l'instant de la circoncision approche, ont la charge de maintenir les mères loin des garçons. Leur danse prend alors un caractère violent. Ils chassent les femmes avec des bâtons. Le plus souvent cette scène est un simulacre. Ce sont encore eux qui, au moment de la thimba ou cicatrisation, emmènent les circoncis à la rivière, pour leur premier bain d'hommes. Aucune femme ne doit être présente. La danse contient alors des mouvements scrutateurs, le corps du likishi se balançant de la droite vers la gauche.
Lorsque les garçons retournent au village, c'est sous l'escorte des masques facétieux qui sautent, se retournent, marchent à reculons, bousculent les circoncis et les gens du village. Les makishi ou ancêtres qui sortent de leur tombe pour danser doivent aussi faire rire les nouveaux membres de la société.
En général les makishi dansent en solo, ou parfois en couple. Il est rare que six ou sept danseurs évoluent en même temps. Ce fait est dû à la répartition très précise des fonctions. De même, la plupart des makishi sortent le soir ou la nuit. Ils sont alors éclairés par des torches. La vision devient parcellaire. C'est ce qui expliquerait les formes très développées des masques-coiffures, identifiables même dans la demi-obscurité et le caractère particulier à chaque danse. Ainsi un likishi représentant un caractère masculin dansera en ondulant des hanches et portera même une ceinture-bourrelet qui amplifiera ce mouvement, tandis qu'un likishi représentant un caractère féminin exécutera d'importants mouvements d'épaules.
Les makishi dansent exceptionnellement en groupe de six lorsqu'ils prennent en charge le rituel de l'héritage du nom attribué à chaque initié. Ils se tiennent alors avec le nouveau circoncis et son père sous l'arbre mayombo. Une danse constituée par des piétinements sur place et accompagnée d'incantations consacre la cérémonie qui se déroule de jour, après un sacrifice et une montée vers la transe de plusieurs makishi et de quelques spectateurs. Les sacrifices consistent en bouillie de mil, en poulets et en chèvres.
Les camps d'initiation
Les sacrifices comme les danses sont exécutés en dehors du camp d'initiation. Celui-ci réservé uniquement à l'apprentissage et aux épreuves des jeunes garçons avant la circoncision, consiste en un enclos carré d'une vingtaine de mètres de côté, entouré d'une haie d'épines. Des talismans tressés suspendus aux branches des arbres alentours empêcheraient les fauves d'approcher.
Dans le village de Chezya près de Hwange, dans la province du Nord-Matébéléland, les garçons subissent les épreuves et la circoncision par groupe de huit. Ainsi, à l'intérieur du camp, huit rectangles sont délimités par des baguettes fichées dans le sol. Ils représentent les couches des garçons, à même la terre, sans aucune protection. Les baguettes sont surmontées par huit chapeaux d'initiation au décor linéaire et dont les graphismes ressemblent à ceux des masques. Cette coiffure sera le seul vêtement des enfants qui vivent (autrefois plusieurs mois, aujourd'hui plusieurs semaines) dans la nudité totale. Les futurs initiés ne doivent sortir du camp sous aucun prétexte. Si l'un d'eux tombe malade ou meurt, personne ne l'apprend au village jusqu'à la première sortie des circoncis accompagnés par les makishi.
Les matériaux des makishi
Il y a une dizaine d'années, les costumes, sortes de collants tricotés, ainsi que les masques étaient faits d'un tressage de fines lanières d'écorces. Celles-ci étaient teintes en rouge, blanc et noir, ces couleurs provenant de substances minérales et végétales. Aujourd'hui, les lois concernant la protection de la nature au Zimbabwe, imposent aux villageois l'obligation de s'abstenir d'utiliser les arbres et les plantes. Ainsi les costumes sont désormais fabriqués en coton tricoté. Les masques sont en jute teinte. Les couleurs blanche et noire sont d'origine industrielle. Seule la couleur rouge provient d'un minéral pilé.
Les instruments de musique
Ce qui semble étrange dans cet univers de représentation uniquement masculine, c'est la présence des femmes comme chanteuses et claqueuses de mabaya. Les mabaya sont de petits blocs rectangulaires de bois dur et sonore. Les chanteuses au nombre de six à dix en tiennent un dans chaque main et les claquent vigoureusement l'un contre l'autre.
Le chant est responsorial. Le ou la soliste entonne une mélodie reprise par les choeurs, à l'unisson ou en voix parallèles. Les autres musiciens, tous des hommes, formeraient, en quelque sorte, le pôle positif de l'ensemble musical. Ils frappent de longs tambours à une peau, couchés sur le sol et qui par ordre de grandeur décroissante, portent les noms suivants : tangi, chimpololo, patipati et machakili (ces noms sont en bunda parce que le village de Chezya est peuplé en majorité par des Mubunda).
Françoise Gründ
discographie
la voix des masques de zambie
rituels d'initiation Makishi et Nyau
1 CD Arion (ARN 58413)
PROGRAMME
1. Tundanji, première danse des nouveaux circoncis.
2. Mwaso, danse du likishi qui acceuille les jeunes garçons.
3. Ndenda Likulukulenge, danse de Ndenda (le chasseur) avec Likulukulenge (le maître de la transe).
4. Ngandu Kanolo, danse de Ngandu (le crocrodile) avec Kanolo (le pêcheur).
5. Luvweluvwelu, danse des pères des makishi.
6. Chibunda, danse d'acceuil du likishi arrivant au cimetière.
7. Kanyengenyenge, danse du balayeur qui efface les empreintes des danseurs.
8. Zi Mbongo, danse des esprits des makishi.
9. Kalelwa, chikuza et kaluwe, danse de kalelwa (le père) qui ensigne à chikuza (le fils) comment danser tandis que Kaluwe (la mère) les regarde.
10. Zingimutwe, danse du conseiller du chef, qui est aussi le goûteur de bière.
11. Fwifwi, dernière danse marquant la fin du mukanda. Danse du chef.
Remerciements à M. Bernard Hoarau et l'Ambassade de France au Zimbabwe, M. Christian Sauttereau et l'Alliance Française de Harare, M. Jean-Hubert Martin et M. Philippe Garcia de la Rosa.
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1999-03-31
31mars-1avril 1999
L'île d'Okinawa, longue d'une centaine de kilomètres, constitue le centre culturel et politique du long archipel des Ryûkyû qui s'étend depuis Taiwan jusqu'au Japon. Tout au long de son histoire, Okinawa a affirmé une force et une originalité culturelles que sa taille et son relief escarpé ne laissaient pas présager. Pourtant, la culture des arts vivants d'Okinawa, si forte soit-elle, demeure encore mal connue aujourd'hui et, cette première présentation des arts de cour d'Okinawa à Paris est une découverte aussi bien pour nombre de spécialistes que pour le public français en général.
Okinawa doit sa forte identité culturelle à une unification politique et sociale qui se fit dès le xve siècle sous l'autorité des rois de la dynastie chinoise Shô. Ceux-ci s'efforcèrent de faire de leur île un pôle d'échanges commerciaux et culturels entre la Chine et toutes les régions littorales et insulaires de la Mer de Chine. Au xviie siècle, l'île et le reste de l'archipel passèrent sous le contrôle du Japon qui y établit la dynastie Ryûkyû. De ce fait, les traditions musicales et théâtrales d'Okinawa s'inscrivent clairement, mais de manière originale, dans le grand courant est-asiatique (Chine, Corée, Japon).
Si la tradition chantée d'Okinawa (les bushi) a acquis une certaine notoriété tant au Japon qu'à l'étranger, il n'en va pas de même de sa tradition de danses et de théâtre de cour. Les danses de cour se sont principalement développées à partir du xviiie siècle sous l'égide de la dynastie Ryûkyû. Elles ont été regroupées sous le terme générique de ukansen odori. Il était coutume, à chaque fois qu'un roi de la dynastie Ryukyu était intronisé, qu'un représentant officiel chinois soit invité à bord d'un navire appelé Ukansen où on lui offrait un banquet et un divertissement de musique et de danses. L'ukansen odori comprend d'une part les danses proprement dites ou haodori, et d'autre part le kumiodori, théâtre musical et dansé.
DANSES DE COUR : HAODORI
' Wakashu Kuti-bushi
"Le grand pin aux épaisses feuilles verdoyantes sûrement ne changera pas.
À chaque printemps la couleur de son feuillage gagne en splendeur."
Cette danse fait partie des wakashu odori (danses des garçons), qui étaient autrefois exécutées par des adolescents. Expression de la confiance en soi et dans l'avenir, cette danse avait un caractère propitiatoire.
' Kashikaki
"Dévidant le fil, épais ou mince, je tisserai pour mon aimé une robe aussi fine que les ailes d'un dragon volant."
Le genre onna odori (danses de femmes) comprend entre autres les Sept danses classiques de femmes qui furent chorégraphiées au xviiie siècle par Tamagusuku Chukun, le créateur du kumiodori. La pièce Kashikaki est l'une d'entre elles. Autrefois, la coutume voulait que les femmes de haut rang tissent les vêtements de leur famille. Il s'agissait d'un long processus qui commençait par le filage. Ce sont ces mouvements qui ont inspiré cette pièce chorégraphique.
' Shudun
Entrée : Nakama-bushi
"Bien que souffrant les tourments de l'amour,
Avec qui pourrais-je partager mes sentiments ?
Poussée par votre souvenir,
Je dois m'échapper en secret pour vous voir."
Danse principale : Shudun-bushi
"Vous et moi partageant un traversin '
Que cela est cruel, ce n'est qu'un rêve.
La lune se noie à l'ouest
Au milieu d'une nuit d'hiver."
Sortie : Shongane-bushi
"Si vous pensez à moi, après notre séparation,
Que cela vous soit une consolation,
Car mon odeur, après nos nuits d'intimité
Imprègne désormais votre manche."
Des Sept danses classiques de femmes, Shudun est considérée comme la plus belle. Cette danse, qui dépeint l'angoisse amoureuse d'une femme menacée par l'âge, requiert une grande maîtrise technique et beaucoup de subtilité pour rendre le caractère psychologique du personnage sans tomber dans le pathétique de mauvais aloi. Avec une grande économie de moyens, la danseuse provoque l'émotion par ses jeux de physionomie et ses mouvements de mains. Ainsi, dans la danse principale, certaines techniques comme le mouvement triangulaire de l''il, le geste du traversin ou les mains qui embrassent sont utilisées pour exprimer le chagrin et l'attente du personnage.
' Nufa-bushi
"Insupportable la pensée d'une nuit séparés !
Se peut-il que vos sentiments soient allés à une autre ?
Se glisser avec amertume à votre côté : tel est le chemin de l'amour."
Autre sommet du genre onna odori, cette danse incorpore à la fois des mouvements symboliques et figuratifs. La première partie est marquée par une tension émotionnelle très forte qui se relâche peu à peu dans la seconde partie. Divers gestes tels que le shirakumute (le geste du nuage blanc) ou le tsukimite (le geste de la contemplation de la lune) sont utilisés pour dessiner un portrait émotionnel de ce personnage féminin.
THÉÂTRE DE COUR : KUMIODORI
Théâtre musical, le kumiodori fut créé au XVIIIe siècle par Tamagusuku Chukun, le plus célèbre dramaturge d'Okinawa. La particularité du kumiodori réside dans le métissage de différents arts classiques japonais (nô, kyogen, kabuki et ningyojoruri). Après s'être imprégné de ces grands genres classiques, Chukun les combina avec les formes particulières à Okinawa, créant ainsi une expression théâtrale nouvelle. Sur les quelque soixante pièces que Tamagusuku Chukun et ses successeurs écrivirent pour le kumiodori, on lui doit notamment : Shu-ushinkaneiri, Mekarushi, Onnamonogurui, Koukounomaki et Nido Tekiuchi (également appelée Gosamaru katakiuchi) qui est présentée ici. Cette pièce, l'une de ses premières, fut créée au Festival des Chrysanthèmes en septembre 1719. Elle raconte comment deux jeunes frères réussissent, en se faisant passer pour de jeunes danseuses, à assassiner le seigneur causa la mort de leur père.
Autrefois, comme dans le kabuki, les rôles féminins du kumiodori étaient tenus par des hommes, mais aujourd'hui, les femmes jouent leur propre rôle ainsi que ceux des adolescents. Les scènes se déroulent sous forme dialoguée, dans un style déclamatoire qui n'est pas sans rappeler le nô.
La pièce est accompagnée par une musique de scène (ji-utai) qui comprend des chants et des pièces instrumentales. Les différentes mélodies caractérisent le statut d'un personnage, précisent une situation ou un état psychologique. Ainsi, la pièce Ajitegoto pour luth sanshin, accompagne l'entrée ou la sortie d'un aji (seigneur local), le chant Suki-bushi exprime la piété filiale, et le chant Ichinto-bushi exprime le destin fatal de l'homme. Les chants sont souvent utilisés de manière métaphorique : ainsi dans l'une des scènes de Nido Tekiuchi, les deux frères se préparent à tuer leur ennemi ; cette attente est illustrée par un chant de cour d'amour, Habera-bushi qui, à travers la description d'un papillon voletant autour d'une fleur, exprime l'attente impatiente de deux amants.
LES INSTRUMENTS
L'ensemble instrumental se compose de quatre luths sanshin, d'une cithare kutu, d'une vièle kucho, d'une flûte traversière fue et de deux tambours daiku.
Le sanshin (dérivé du sanxien chinois) est un luth à manche long et à trois cordes qui se développa ensuite à Honshu sous le nom de shamisen. Le sanshin d'Okinawa est un peu plus petit que le shamisen, de plus il est joué avec un petit plectre de corne (bachi) au lieu du grand plectre utilisé à Honshu. Il en résulte un style de jeu beaucoup plus mélodique et moins axé sur le placage d'accords que celui que l'on a l'habitude d'entendre dans la musique classique japonaise. Cet instrument est le plus courant à Okinawa et il est pratiqué par toutes les couches de la société.
Le kutu n'est autre que la cithare à treize cordes koto (dont on trouve des cousins en Chine, en Corée et au Vietnam). Les instruments sont d'ailleurs souvent importés de Honshu. Construit dans du bois de paulownia, l'instrument se compose d'une table rectangulaire sur laquelle est fixée une table d'harmonie bombée. Les cordes en soie sont tendues sur la table d'harmonie, accordées grâce à des chevalets mobiles et pincées avec la pulpe des doigts ou percutées avec l'ongle.
Le kucho est une petite vièle à trois cordes comparable au kokyu japonais. Cet instrument avait disparu peu après la guerre, et ce n'est qu'en 1972 que des associations culturelles d'Okinawa parvinrent à le faire revivre.
Le fuye est une flûte traversière en bambou dont le jeu improvisé s'inspire du style utilisé dans le nô.
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1999-03-22
22 au 24 mars 1999.
De toutes les musiques d'Asie qu'il nous est donné d'entendre aujourd'hui, celles de Corée sont incontestablement parmi les plus attachantes, que ce soit pour leur beauté formelle, leur diversité, la passion que l'on sent sourdre derrière une réserve imposée par la bienséance aristocratique, et qui explose parfois en notes dramatiques d'une extrême intensité. On peut alors se demander pourquoi elles sont si mal connues en France.
La culture coréenne est bien autre chose que celle d'un pays récemment industrialisé. Véritable civilisation, elle s'est forgée tout au long de l'histoire plusieurs fois millénaire d'un peuple et d'une région, au contact certes de ses voisins chinois et japonais, mais avec un constant besoin d'affirmer son originalité. Ce n'est pas un hasard si dès le VIIe siècle un ensemble de musique classique coréenne demeurait en résidence à la cour des Tang et allait se produire au Japon, exerçant l'influence que l'on sait sur le développement du gagaku, la musique de cour japonaise.
Si la facture instrumentale révèle clairement l'appartenance de la Corée aux cultures est-asiatiques, l'histoire des genres et des répertoires nous prouve à l'évidence la spécificité de son identité musicale. Ainsi, à l'époque du royaume de Silla unifié (668-935), l'estime des lettrés coréens pour la civilisation chinoise les conduit à adopter la culture et les m'urs de la dynastie Tang et notamment le répertoire de musique de cour qui reçoit le nom de tang-ak, littéralement : "musique tang". Mais simultanément, la cour de Corée développe un autre répertoire, proprement coréen celui-là, le hyang-ak. Or, les siècles passant, on voit le tang-ak se transformer, se "coréaniser" pour finalement décliner et pratiquement disparaître dès les premiers siècles de la dynastie Choson (1392-1910) au profit du hyang-ak. On assiste là à un cas exemplaire d'absorption, de réappropriation puis d'élimination de formes culturelles exogènes.
Certains musicologues et musiciens coréens considèrent que sur de nombreux points, la musique coréenne est en définitive plus proche de la musique indienne que des musiques chinoise ou japonaise, que ce soit pour l'importance donnée à l'improvisation, ou pour ce mûrissement si particulier du son (shigimsae) qui fait intervenir un travail à la fois précis et souple sur l'attaque, le timbre, l'enveloppe et la dynamique.
Mais c'est peut-être le profond enracinement de l'âme coréenne dans la nature qui donne la clef de l'essence de cette musique. Les influences manifestes du bouddhisme et du confucianisme ne sont jamais parvenues à effacer le fond chamanique dont les pratiques demeurent toujours vivantes aujourd'hui. Evocatrices de paysages aux formes tourmentées, les techniques vocales et instrumentales, combinant plénitude et âpreté, renvoient le peuple coréen à ses origines sibériennes et au chant profond des bardes. L'auteur du Livre de la Musique (1492) le résume ainsi : « La musique naît dans le néant originel et se développe dans la nature. Elle est donc cause d'une émotion profonde dans le coeur de l'homme mais aussi d'une compréhension mutuelle et d'une compassion dans son esprit ». Ces quelques lignes résument bien une esthétique musicale fondée sur le rapport dialectique entre émotion et intelligence, homme et nature.
La musique vocale : kagok, sijo et kasa
Le kagok, le sijo et le kasa sont apparus vers le xviie siècle et leur répertoire fut fixé lorsqu'ils furent introduits au palais pour compenser le déclin des musiques de cour, causé par les invasions japonaise et mandchoue.
Le kagok est une forme vocale cyclique. Son répertoire comprend vingt-sept chants qui se répartissent en fonction des modes musicaux et du sexe de l'interprète, treize chants sont interprétés par les hommes, treize par les femmes, et le dernier est exécuté en duo mixte. Chaque poème, dont la brièveté fait penser au haiku japonais, comprend trois vers, chaque vers se composant de quatre mots de trois à cinq syllabes. L'exécution musicale cependant n'épouse pas la forme du poème puisqu'elle le subdivise en cinq parties mélodiques encadrées par un prélude et un postlude instrumentaux (taeyoum), et les troisième et quatrième parties étant séparées par un interlude (chungyoum).
Le kagok est généralement accompagné par un petit ensemble instrumental comprenant la cithare komung'o, la flûte traversière taegum, le hautbois p'iri, la vièle à deux cordes haegum et le tambour en forme de sablier changgo. L'accompagnement s'organise en strates superposées qui lui donnent toute son épaisseur, faite de timbres mélangés et mouvants : la cithare se concentre sur la stricte exécution de la mélodie, qui est ornementée par la flûte et le hautbois, et soutenue par une pédale sonore à la vièle, tandis que le tambour assure une discrète ponctuation rythmique. La voix se développe en longues notes tenues, filées ou finement ornementées. Dans cet enchaînement de mélismes d'une exquise délicatesse, le poème éclate, le sens s'abolit, ne reste plus que la musique.
Le sijo est un chant lyrique qui était autrefois accompagné par le seul tambour en forme de sablier changgo. Aujourd'hui, comme il est souvent interprété en concert dans un programme de kagok, l'usage veut qu'il soit accompagné par un petit ensemble instrumental. Son style d'interprétation est assez proche du kagok, mais les lignes mélodiques y sont plus simples, les mélismes vocaux cédant la place à un étonnant travail de vibrato et à de subtils changements d'intensité.
Le kasa est un long chant narratif qui peut être accompagné par le tambour changgo ou par l'ensemble instrumental. Son répertoire comprend douze pièces dont la plupart sont strophiques. Le style d'interprétation se caractérise par un usage important du falsetto et un jeu de variation sur les voyelles qui l'apparente au chant bouddhique.
Salp'uri, danse chamanique
Le chamanisme est la religion la plus ancienne de Corée. L'introduction du bouddhisme au ive siècle puis la domination de la pensée néo-confucianiste pendant toute la période de Choson, ne sont jamais parvenus à le faire disparaître, et aujourd'hui encore, le chamanisme demeure très vivant dans maintes régions du pays. Le terme salp'uri signifie : "exorcisme d'une calamité". Danse religieuse, le salp'uri participait des cérémonies dirigées par les chamanes mudang. Son caractère artistique lui a valu d'entrer au répertoire de la danse classique coréenne. Danse d'exorcisme, le salp'uri présente une somme de sentiments divers (la tristesse, la résignation, la révolte, la colère, la lutte contre les mauvais esprits et contre les hommes). La danseuse soliste porte la robe blanche traditionnelle et une longue écharpe de soie qui symbolise le chemin que les morts doivent emprunter grâce à l'aide de la chamane. La danse procède par ruptures : la danseuse se déplace en glissant sur le sol puis s'immobilise après un tournoiement rapide. Après l'exécution d'un salp'uri, tous les participants se considèrent purifiés.
Musique et danse de cour
La tradition de cour coréenne s'est forgée tout au long de l'histoire du pays en syncrétisant des éléments importés de Chine depuis le début de notre ère avec des formes autochtones. Sous la dynastie de Choson, le répertoire de cour aak comprenait des musiques lentes et solennelles exécutées devant les sanctuaires royaux, lors des banquets royaux et pour accompagner les processions royales. Elles sont interprétées par de grands ensembles mêlant les instruments à cordes, les hautbois, les flûtes et diverses percussions : cliquettes, gongs, tambours'
Les danses de cour coréennes, d'une grande beauté, se caractérisent par le hiératisme et la noblesse élégante des gestes, l'harmonie géométrique des mouvements d'ensemble et la richesse des costumes de soie. Ce sont généralement des danses à programme inspirées de sujets historiques ou héroïques, ou des évocations bucoliques.
Pierre Bois
Cho Sung-Rae, direction
Lee Jun-Ah, chant
Lee Jae-Hyung
tambour chwago
Hwang Kyu-Sang
hautbois p'iri et
orgue-à-bouche saenghwang
Kim Byong-Oh
chant et flûte sogum
Lee Gun-Hoy
hautbois p'iri
Lee Jong-Gil
cithare kayagum
Kim Chang-Gon
cithare à archet ajaeng
Kim Sang-Jun
flûte traversière taegum
Park Seung-Hee
tambour-sablier changgo
et hautbois p'iri
Kim Jeong-Seung
flûte traversière taegum
et flûte droite tanso
Kim Jun-Hee
vièle haegum
Yoon Sung-Hye
cithare komun'go
Choi Yeon-Hyeong
danse
Hong Hyun-Soo
tambour-sablier changgo
Programme
Première partie ' Chant classique coréen
1.
-Sijo (chant court de style lyrique) : "Ch'ôngjoya..."
-Kasa (chant long de style narratif et lyrique) : "Ch'unmyôngok".
Chant et flûte taegum
Le sijo est un chant construit sur un court poème de trois vers. La forme originelle, appelée py'ông sijo, a donné naissance à deux formes dérivées : le chirum sijo et le sasol sijo. Sur le plan musical, le sijo se démarque très nettement des autres genres vocaux coréens et se caractérise notamment par une mélodie-type qui peut être chantée sur des poèmes différents.
La pièce Ch'ôngjoya décrit les sentiments d'une femme qui devine la passion de son soupirant à travers le chuchotis de l'oiseau bleu ch'ongjo.
Le kasa est un long chant narratif ; son texte est beaucoup plus long que ceux du kagok (chant lyrique classique) ou du sijo.
La pièce Ch'unmyongok dépeint, dans un style pictural, l'élan du sentiment amoureux lors d'une belle journée de printemps.
2. Kasa (chant long de style narratif et lyrique) : "Chukjisa".
Chant et hautbois p'iri
À travers une description de paysages, de coutumes et autres traits révélateurs de l'humanité des gens du peuple, cette pièce est une évocation de l'esprit de l'homme et de ses relations à la nature.
3. Yoch'ang-Kagok (chant lyrique pour voix de femme) : "Isaktaeyop" suivi de "P'yonsaktaeyop"
Chant et ensemble
Le kagok est un long cycle vocal accompagné par un ensemble d'instruments à vent et à cordes. Il était très apprécié des lettrés et des aristocrates au temps de la dynastie Choson (1392 ' 1910). Utilisant la forme poétique du sijo (poème de trois vers), le kagok se compose de cinq mouvements, d'un interlude et d'un prélude au chant suivant. Le répertoire de kagok se répartit selon deux modes musicaux : ujo (comparable au mode majeur) et kyemyonjo (comparable au mode mineur).
Remarquable d'élégance et de majesté, Isaktaeyop est une des pièces lentes du répertoire de kagok. La seconde pièce, P'yonsaktaeyop, est une représentation de l'amour pur, éternel, et une métaphore florale de la nature humaine.
4. Namyoch'ang Kagok (chant lyrique pour voix mixtes) : "Taep'yongga".
Chant et ensemble
Evocation de la paix universelle, ce kagok est le seul qui soit composé pour voix de femme et voix d'homme.
entracte
Seconde partie ' Musique instrumentale classique et danses
1. Duo pour saenghwang (orgue-à-bouche) et tanso (flûte droite en bambou) : "Yomyangch'un".
Fréquemment jouée dans une adaptation pour orgue-à-bouche et flûte, cette pièce composée dans le mode kyemyonjo, a été empruntée au répertoire de kagok. Elle mêle harmonieusement les sons tantôt brillants tantôt mystérieux de l'orgue-à-bouche à la clarté cristalline de la flûte, dans une ambiance pastorale et printanière.
2. Danse de cour "Ch'unaengjon" (Le chant du rossignol au printemps).
Cette danse en solo fut créée à l'époque du prince Hyomyong dans la dernière période de la dynastie Choson (XVIIIe siècle). Description du vol du loriot, elle peut être dansée par un homme ou par une femme. Dans le second cas, la danseuse porte une robe jaune qui s'inspire du plumage du loriot et une couronne de fleurs.
3. Solo de taegum (flûte traversière en bambou) : "Ch'ongsonggok".
Cette pièce est l'une des plus célèbres du répertoire pour flûte taegum, la grande flûte traversière en bambou, et pour tanso, la flûte droite à encoche. Son titre fait référence aux timbres clairs et aigus des instruments.
4. Danse Salp'uri.
Le terme salp'uri signifie littéralement : "exorcisme d'une calamité" et désigne une danse de tradition chamanique. La danseuse soliste porte la robe blanche traditionnelle et une longue écharpe de soie. La danse se fonde sur un rythme à 12/8, également appelé salp'uri. Dans une atmosphère mystérieuse et suggestive, la danseuse se meut en silence, déclenchant diverses émotions par les seuls mouvements de son corps et de son écharpe. Le style du salp'uri peut varier selon les danseuses, cependant il doit toujours respecter l'esprit de la danse et sa fonction : porter l'agonie et l'extase du voyage de la vie.
5. "Ch'imhyangmu" pour kayagum solo (comp. Hwang Byung-Ki).
Le titre de cette 'uvre, composée en 1974 pour la cithare à douze cordes kayagum, fait référence à une danse exécutée dans les fumées de l'encens. La musique met en valeur l'affinité des images affectives dans les cultures indienne et coréenne et évoque le temps du royaume de Silla (57 av. J.-C. ' 935 ap. J.-C.), quand l'art bouddhique sublimait la beauté en exaltation religieuse.
6. Musique de cour Aak : "Sujech'on" (Une vie aussi éternelle que le ciel)
Cette 'uvre majestueuse et élégante est la plus représentative du répertoire de cour coréen. Elle accompagnait autrefois les processions royales et les danses de cour. Sur le plan musical, elle fait appel au principe du yonum, selon lequel chaque phrase mélodique conduite par le p'iri (hautbois en bambou) est relayée par tous les autres instruments de l'ensemble.
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1997-11-17
Mardi 17 novembre 1998
Une création avec
Guillaume de Chassy, piano, composition
Magali Pietri, voix, percussions
Bailadora flamenca exceptionnellement douée, Ana Yerno a choisi de sortir des sentiers battus en compagnie de deux artistes hors normes, à sa mesure: le pianiste Guillaume de Chassy propose un monde d'harmonies raffinées et le lyrisme d'une musique nourrie par les compositeurs du début du siècle, le jazz et les mélodies traditionnelles ; la chanteuse Magali Pietri, elle même issue du blues et du Jazz, a trempé depuis sa voix chaude et puissante dans le Conte Jondo andalou et les couleurs orientales.
Ainsi entourée, Ana Yerno peut déployer toute la férocité rythmique, le tragique et la sensualité d'une danse à la fois originale et profondément enracinée dans le Flamenco.
A la confluence de ces diverses cultures, Tres a trouvé son identité et sa force.
Ana Yerno ou le goût du risque: histoire d'une création
Formée dans la plus pure tradition flamenca de Grenade, Ana Yerno, née de père espagnol et de mère tchèque, a monté son premier spectacle avec le guitariste Antonio Ruiz, les chanteurs Pepito Montealegre et Cristo Cortès et le percussionniste Pascal Rolando.
Cette formation, qui a tourné dans la France entière, a établi Ana Yerno, pour les aficionados, comme l'une des bailaoras les plus prometteuses de sa génération: rigueur rythmique implacable, expressivité et présence scénique hors du commun, avec, déjà une volonté de s'émanciper de la tradition flamenca, pour certains, le souvenir de la grande Carmen Amaya.
Une carrière toute tracée s'offre alors à Ana Yerno, et les propositions abondent: mais c'est compter sans sa curiosité et son goût du risque'
Rencontres et ouvertures
Ana rencontre Magali Pietri et Guillaume de Chassy lors d'un concert de jazz qu'ils donnent ensemble, fin 1996. Ces derniers viennent d'enregistrer leur deuxième CD, un hommage à Thélonious Monk, et cherchent, eux aussi, à renouveler leur langage musical. La danseuse flamenca découvre là un nouveau monde et si une grande amitié naît avec la chanteuse, c'est avec le pianiste qu'un premier duo est envisagé.
Guillaume de Chassy est à cette époque aussi peu expert en flamenco qu'Ana Yerno l'est en jazz, mais il est coutumier des rencontres insolites: en témoignent ses collaborations avec des musiciens indiens ou classiques. Il lui suffit de voir une seule fois la danseuse sur scène pour être aussitôt convaincu du formidable potentiel qu'elle détient.
Les deux comparses travaillent activement à l'élaboration d'un langage commun, et les premiers résultats encourageants ne se font guère attendre.
La musique, entièrement originale, s'est adaptée à l'écriture rythmique de la danse flamenca: bulerias, tangos, seguiriya' mais les mélodies et les harmonies sont restée, elles, fort éloignées des couleurs andalouses et procèdent plus du jazz moderne ou de la musique classique du début du siècle (Debussy, Scriabine, Bartok, en autres). Elles dénotent une sensibilité et un raffinement sonore à cent lieues de la superbe brutalité flamenca. Elles inspirent à la danseuse une expressivité nouvelle, d'essence plus féminine et poétique, et l'entraînent à une utilisation de l'espace scénique qu'elle ne soupçonnait pas jusqu'alors.
Quelques mois plus tard, Ana Yerno retrouve Magali Piétri avec qui elle commence aussi un travail en duo. La chanteuse-percussionniste a décidé à cette époque de s'éloigner du jazz, et cherche une nouveau style vocal, qui lui ressemble plus profondément. Mêlant à sa forte culture jazz et blues les influences des traditions Arabo-andalouses, mais aussi d'Europe de l'Est et d'Afrique, elle amène à la danseuse le charisme de sa voix et la puissance de son rythme.
Avec elle, Ana Yerno transcende l'aspect le plus animal de sa danse: chorégraphie au sol, évocation du scorpion, du taureau et de Lilith, l'Ange Noir. Elle développe encore ses qualités de percussionniste corporelle (pieds/mains)
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1997-06-07
7 juin
Raices Profundas.
Cette compagnie de musique et de danse établie à La Havane fait revivre la grande tradition artistique cubaine, son objectif majeur étant de la conserver, de la protéger et de contribuer ainsi à son enrichissement tout en lui donnant ses lettres de noblesse.
La compagnie Raices Profundas a été fondée en 1975 par le chorégraphe Juan de Dios Ramos, professeur de danses populaires et traditionnelles. Sa carrière artistique, très précoce, s'est construite autour de la danse, du chant et de la percussion. En 1962, Juan de Dios Ramos entre dans le Ballet Folklorique National de Cuba comme danseur étoile et participe à de nombreux festivals et événements internationaux. Le répertoire de la compagnie est contré sur les manifestations musicales afro-cubaines, tant rituelles que profanes. La compagnie s'est déjà produite an Amérique, en Afrique et au Japon. Elle se produit en France pour la première fois au cours d'une grande tournée européenne.
1. Les danses de la Tumba francesca.
Ces danses sont nées lorsque des colons français fuyant les révoltes d'esclaves à Saint-Domingue (fin du XVIIIe siècle) s'établirent à Cuba avec leurs domestiques. A cette époque, les français dansaient le menuet, la contredanse et la gavotte et leurs serviteurs les imitaient en s'accompagnant sur des tambours d'Afrique. C'est dans ce contexte qu'est née la Tumba francesca. Ce cycle chorégraphique comprend : le Mason, figures dansantes qui dérivent de la contredanse haïtienne ; le Yubà, danse de couples entrelacés et le Fronté, danse masculine individuelle.
2. Le dialogue des tambours.
Cette séquence démontre la complexité de l'univers des percussions cubaines avec ses principaux instruments rythmiques : les tambours batà (lyà, ltolele et lkonkolo), les congas, les maràcas, le chekeré et les claves.
3. Danses de la Santeria.
Quatre séquences mettent en jeu les figures principales des divinités de la Regla de Ocha, religion cubaine qui s'est forgée sous l'influence des esclaves d'origine Yoruba. Chaque tableau représente une des divinités : Ochun, la déesse de l'amour, du miel et de la richesse ; Oggun, le guerrier, seigneur des terres et des montagnes ; Yemaya, déesse de la mer et Chango, incarnation du Don Juan cubain.
4. La Rumba
Cette danse profane présente trois variantes principales : le Guaganco, danse de couple inspirée de l'union charnelle de l'homme et de la femme ; le Yambu, chorégraphie parodique du Guaganco ; et la Columbia, danse masculine très spectaculaire.
5. Danse des esclaves marrons
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1997-06-03
Mardi 3 juin 1997
Ana La China: danse
Jaime Heredia « El Parron »: chant
Manuel de Malena: chant
Marina Heredia: chant
Domingo de los Santos: guitare
Luis de la Tota: cajon y palmas
1. Bulerias: Guitare, cajon y palmas
2. Martinetes: Chant solo par Jaime Heredia « El Parron » et Manuel de Malena
3. Seguiriyas: danse
4. Alegrias: chant par Marina Heredia, guitare, cajon y palmas
5. Tangos: chant par Marina Heredia, guitare, cajon y palmas
6. Fandangos: chant par Manuel de Malena, guitare, cajon y palmas
7. Malaguenas: chant par Manuel de Malena, guitare, cajon y palmas
8. Bulerias: chant solo par Marina Heredia
9. Tarentas: Chant par Jaime Heredia « El Parron », guitare, cajon y palmas
10. Soleà: danse
11. Fin de fiesta
Un spectacle flamboyant avec la grande danseuse Ana La China. Enracinée dans la pure tradition flamenca, mais ouverte aussi aux développements contemporains, sa démarche est un exemple magistral de l'ampleur de l'esthétique flamenca.
"Flamenco" est le terme générique par lequel on désigne une forme de chant (cante), de danse (baile) et de musique pour guitare (toque) de l'Andalousie. Il est aussi connu sous le terme de cante jondo (chant profond). Les origines du flamenco ont fait l'objet de nombreuses études et de spéculations plus philologiques que musicologiques. Plusieurs hypothèses ont été avancées sans que l'on puisse aujourd'hui en déterminer véritablement les origines. On sait toutefois que les gitans ont joué un rôle important dans le développement et la diffusion du flamenco, mais ils n'en furent pas les seuls créateurs. Ils ont apporté à cet art une expression poétique et musicale particulière, qui s'enracinait dans la pauvreté et reflétait la douleur de leur existence misérable.
Historiquement, le flamenco s'est développé principalement à Triana (le quartier gitan de Séville), Cadiz et Jerez de la Frontera, tout d'abord sur les jeux de travail et dans les réunions familiales puis, du fait de sa popularité, dans les fêtes publiques et les tavernes. Comme la société cultivée rejetait cette musique, ses principaux interprètes sont restés les gitans, les gens du peuple et les paysans. Chanté et dansé sur le coup d'une inspiration ou d'un "état", le flamenco n'a pas été formalisé avant le début du 19e siècle. En 1842 fut créé le premier café cantante. Ce type d'établissement se répandit rapidement en Andalousie, entraînant une prise de conscience de la beauté de cette expression musicale dans les classes intellectuelles et bourgeoises. Vers 1850 le cante flamenco était devenu tellement populaire qu'il était chanté dans les cafés cantantes de Cadiz, Jerez, Malaga et Séville. À côté du style cante jondo largement prédominant, apparurent d'autres formes destinées à satisfaire un public de plus en plus large. On assista alors à une professionnalisation du flamenco mais aussi à une commercialisation et à une normalisation qui étaient les premiers signes d'un déclin qui allait se poursuivre jusqu'à la Deuxième Guerre Mondiale. Ce n'est qu'en 1957 que le flamenco connut une renaissance égale à l'époque des cafés cantantes et qu'apparurent de nouveaux grands artistes.
Le flamenco comprend tout un corpus de formes "canoniques" liées à l'origine à une région d'Andalousie, mais dont les plus importantes (soleares, siguiriyas, bulerias, alegrias, fandangos, tientos et tangos') sont entrées dans le domaine commun. Chaque artiste se doit de les maîtriser et d'en développer sa version propre, souvent identifiable par un "air" particulier qui le cas échéant fera école.
Le flamenco ne s'est jamais figé dans son expression. Chaque génération a contribué à l'enrichir et à la renouveler, les grands artistes et interprètes lui imprimant la marque de leur créativité et des influences propres à leurs époques.
Ana La China, danse
Ana La China débute sa formation de danseuse à Séville avec Manolo Marin et Angelita Vargas. Elle travaille plusieurs années avec José Torres El Gurri et Salsa Flamenca, ensemble gitan andalou à Genève, ainsi qu'avec les chanteurs Antonio et Manuel Malena et la danseuse Ana Parilla. Elle s'établit à grenade en 1992 et tourne en Espagne et à l'étranger avec Alfredo Lago, Antonio Malena, Juan Carmona et Chicharrito. Depuis 1993, elle approfondit sa collaboration avec des musiciens de Grenade : Rafael Habichuela, Antonio Solera, Jaime Heredia, Pedro Carmona et Miguel Angel Cortes notamment, avec lesquels elle se produit au festival Noche del Albaicin, à la Pena de la Plateria, à la Casa Patas de Madrid, ainsi qu'en France, au Portugal, en Suisse et en Italie.
Le style de La China se caractérise par sa grande profondeur expressive, notamment dans les formes les plus classiques de baile telles que soleà, siguirillas et bulerias. Le spectacle qu'elle propose est exemplaire. Enracinée dans la pure tradition flamenca, mais ouverte aux développements contemporains les plus créatifs, sa démarche est un exemple magistral de l'ampleur de l'esthétique flamenca. Bravant les tabous, pour le spectacle Memoria flamenca, Ana La China a osé l'hérésie de se lancer, vêtue d'un pantalon, dans une farruca (farouche, réservée aux hommes).
Son style sobre, ses gestes ronds, souples et sensuels plongent le spectateur dans la plus pure tradition du flamenco "'farouche et sensuelle, belle comme l'amour, mais visage impassible même quand elle martèle le sol avec une sorte de frénésie sauvage, mains mobiles comme des oiseaux, corps souple comme une liane et dont les arabesques fugitives dessinées dans l'espace sont de brefs poèmes pour dire, avec un mélange de pudeur de d'audaces à la fois, toute la fierté d'un peuple'" G.L, La république du Centre, Janvier 93.
Jaime Heredia "El Parron", chant
Gitan du Sacromonte de Grenade, Jaime Heredia vient d'une famille de forgerons. Dès son enfance, il baigne dans l'ambiance du flamenco, au contact notamment de sa mère La Rochina, une chanteuse professionnelle de renom. Chanteur intuitif au style jondo par excellence, il est professionnel depuis l'âge de quinze ans et travaille notamment avec les danseurs Manolete et La Negra Montoya pour le spectacle Macama Jonda ; sa forte personnalité le fait reconnaître comme un chanteur "à l'ancienne" doté d'une puissance expressive peu commune.
Marina Heredia, chant
Née en 1980, la fille de Jaime Heredia chante en public depuis l'âge de onze ans ; très tôt, elle se fait remarquer par son sens du rythme, la justesse de sa voix et son respect de la tradition flamenca la plus pure. Elle excelle tout particulièrement dans les palos rythmés comme tangos et bulerias.
Antonio de Malena, chant
Également chanteur de la vieille école, Antonio Malena vient de Jerez de la Frontera, un des berceaux du flamenco, où il est l'un des piliers des penas et des fiestas. Il travaille souvent avec des artistes de renom tels que Moraito Chico, Ana Parilla, Angelita Vargas ou La Tati. Chanteur particulièrement apprécié pour son duende ravageur, il a notamment participé au disque Jerez : Fiesta y Cante Jondo, édité à Paris dans la collection Flamenco Vivo.
Miguel Angel Cortés, guitare
Né en 1972, Miguel Angel Cortès commence l'étude de la guitare à l'âge de six ans, avec son frère Paco Cortès. Dès l'âge de huit ans, il joue dans les Zambras, les spectacles donnés dans les grottes du Sacromonte, quartier gitan de Grenade. Une formation guitaristique très complète l'amène, dès l'âge de quatorze ans, à être sollicité comme guitariste aussi bien par des chanteurs que par des danseurs tels que Manolete, Antonio Canales, Mariquilla ou Javier Baron.
À l'âge de dix-huit ans, il commence à travailler avec son frère et la chanteuse Carmen Linares, avec lesquels il effectue des tournées dans toute l'Europe, au Proche-Orient et en Amérique Latine. En 1994, il obtient le deuxième prix au "Certamen de Guitarra Paco de Lucia" à Madrid, et débute sa collaboration avec Ana La China. L'année suivante il fonde son propre groupe et joue avec Enrique Morente. Le style de Miguel Angel Cortès se caractérise par une imagination féconde au service d'un style très créatif, qui s'exprime aussi bien dans le flamenco le plus pur que, occasionnellement, dans des expériences de rencontre et de fusion avec d'autres styles.
Discographie:
- Paco Cortès, Calle del Agua, (Cambaya Records, 1992)
- Carmen Linares, Canciones populares antiguas recopiladas por Frederico Garcia Lorca, Audiovis, 1994
- Carmen Linares, Desde el Alma, Flamenco en vivo, World Network, 1994
- 1. Certamen de Guitarra Espanola "Paco de Lucia", Polygram, 1995
Luis de la Tota, Cajon et Palmas.
Gitan de Jerez Luis de la Tota est un des percussionnistes les plus appréciés du monde flamenco, tant au cajon qu'aux palmas. En 1994, il est invité à participer au spectacle de Joé Merce. Il est également un poète apprécié et compose de nombreuses letras pour les chanteurs de Jerez.