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2016-11-18
Sollicité pour mettre en valeur les danses traditionnelles des Moluques, le chorégraphe indonésien Eko Supriyanto a créé une pièce contemporaine pour sept danseurs, choisis parmi 350 jeunes hommes de la baie de Jailolo. Plongeant et dansant avec eux, observant leurs mouvements et ceux des poissons, il a conçu cette création, reflet de sa perception de la vie sous-marine et de la vie sociale de Jailolo. Dans cette transcription chorégraphiée de la danse Legu Salai du groupe Sahu, le piétinement continu des danseurs imprime à la pièce son rythme régulier et solennel, que viennent rompre des mouvements plus fluides, des formes d’expressions moins rituelles et plus contemporaines. La pièce évolue ainsi de motif en motif, telle une matière organique en perpétuelle mutation.
Les hommes alternent danse à l’unisson et danse en miroir, reflétant en cela les mouvements des bancs de poissons sur lesquels les danses traditionnelles ont pris modèle. De temps à autre, un danseur se sépare du groupe pour proposer de nouvelles formes, ensuite reprises et développées par corps principal des danseurs. L’intensité et la solidarité exprimées par ces jeunes hommes explorent le lien entre l’individu et la collectivité, que la chorégraphie de Supriyanto éclaire avec subtilité dans une création hypnotique et énergique.
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2016-11-05
Les Wagogo (sing. Gogo) habitent une région semi-montagneuse située au nord-est du district de Dodoma, capitale administrative et centre géographique de la Tanzanie. Le climat de la savane boisée, habitat des Wagogo, connaît deux saisons principales. La saison sèche (ibahu) est réservée aux travaux des champs. Pendant leur temps libre, les Wagogo s’adonnent à la pratique de genres musicaux comme simu (légendes chantées), masumbi (musique instrumentale), kunembhula mwana (berceuses), nyimbo za wadodo (chansons enfantines) et mkwajungoma (jeu du xylophone, instrumental ou dansé). C’est aussi le moment de certains rites sociaux, tels que muheme (mariages, funérailles), nhyindo (accueil des autorités, audiences, avertissements). La période des vents fin novembre annonce l’arrivée des pluies. Le rythme de la vie villageoise s’accélère peu à peu jusqu’à son apogée aux mois de juin et juillet lors des récoltes et des rites d’initiation (makumbi).
De manière générale, le chant est responsorial ou antiphonal et son matériau mélodique est toujours répété et varié. Si le soliste commence à chanter avant que le choeur ait terminé sa partie, il se produit une sorte de tuilage entre les deux, préfigurant d’autres formes plurivocales comme l’hétérophonie, le parallélisme, l’homophonie ou encore des polyphonies de type imitation et canon.
Les cycles d’un chant sont formés par un nombre pair ou impair de pulsations isochroniques (le plus souvent sur un rythme ternaire) qui sont soulignées par des battements de mains, des pas de danse ou encor e des mouvements de la tête. La ligne mélodique, normalement dédoublée en deux voix, izi ikali (aiguë) et nhunyi (medium), est constituée d’une suite d’intervalles suivant l’échelle pentatonique anhémitonique propre aux Wagogo (si-la-sol-fa-ré). Certains chants débutent sur l’intervalle ascendant fa-si, triton qui confère à la musique gogo un climat harmonique particulier. D’autres chants suivent l’échelle pentatonique anhémitonique courante (la-sol-mi-ré-do).
La culture gogo se perpétue grâce à un processus de transmission auquel tous participent. Les Wagogo ont élaboré un patrimoine musical extraordinairement riche et divers, plus collectif qu’individuel et plus fonctionnel qu’ornemental. Il comporte plusieurs répertoires et à chacun correspond un chiffre dans la langue vernaculaire, une ou plusieurs fonctions associées, un groupe vocal et/ou instrumental et d’autres paramètres constitutifs du langage musical, comme les éléments rythmiques, mélodiques et harmoniques, les procédés d’élaboration et de variation, la structure formelle et le cas échéant les techniques plurilinéaires.
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2015-12-16
Le mot samulnori ou “jeu des quatre objets” désigne deux choses. C’est d’abord un genre musical et traditionnel de Corée qui fait appel à quatre instruments à percussion : le kaenggwari (petit gong), le ching (grand gong), le changgu (tambour en forme de sablier) et le buk (tambour). C’est aussi le nom de la troupe que dirige Kim Duk-soo qui a consacré cinquante ans de sa vie aux instruments à percussions coréens.
Utilisant essentiellement les instruments à percussion, ces musiques villageoises de Corée changent de nom selon les régions et la composition instrumentale du groupe, laquelle peut se trouver élargie par rapport au quatuor de base du samulnori. Elles étaient jouées dans des circonstances diverses : à l’occasion des défilés militaires ou encore durant la période des travaux communautaires effectués dans le cadre du turye (coopérative d’entraide) ; on les entendait aussi au moment du kollip (collecte de dons de porte à porte, par les moines), ainsi qu’à l’occasion des fêtes villageoises.
Quant à “Samulnori”, la troupe de Kim Duk-soo, il s’agit d’un groupe de percussionnistes du meilleur niveau, qui se sont donné pour objectif de recueillir les rythmes traditionnels en voie de disparition dans les provinces, de créer des répertoires de musiques pour percussions jouées encore dans les campagnes et d’en faire des arrangements. Ce faisant, ils ont su donner un second souffle à ces traditions musicales de Corée et offrir aux jeunes Coréens des années 1970 une alternative à la déferlante du rock anglo-saxon...
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2015-11-28
Choi Seung-hee est la première danseuse coréenne à s’être produite à l’étranger. À cette époque en Corée, les danseuses étaient encore considérées comme des courtisanes ou des chamanes. Pourtant, tous ceux qui la virent danser furent tellement émerveillés qu’on la surnomma « la perle de l’Orient » ou encore « l’Isadora Duncan de Corée ».
Née en 1911 dans une famille aristocratique de Séoul, Choi Seung- hee découvrit la danse à l’âge de
16 ans lors d’un spectacle de Baku Ishii, pionnier de la danse moderne japonaise. Partie au Japon étudier auprès d’Ishii, elle devint très vite, sous le nom de Sai Shoki, la danseuse vedette de la compagnie. Elle donna son premier récital de danse moderne en 1930 mais quelque chose lui manquait, l’essence coréenne. Elle se lança alors dans l’apprentissage des danses traditionnelles coréennes sous la direction de Han Seong-jun et se mit à combiner danse traditionnelle et danse moderne pour créer ses versions personnelles du seungmu, de la danse du couteau, de la danse de l’éventail et de la danse du masque.
Après des représentations couronnées de succès au Japon et quelques tournages de films, elle partit en tournée aux Etats-Unis. Silhouette élancée, yeux pétillants, Choi Seung-hee fascina l’Amérique par sa sensualité et sa grâce. En 1938 elle débarque au Havre. Son interprétation de la danse choripdong à la Salle Pleyel en janvier 1939 suscite à Paris un engouement immédiat. Picasso, Matisse, Romain Rolland lui témoignent leur admiration et elle fait très vite partie du Tout-Paris.
Mais la guerre s’annonce, elle quitte Paris après une dernière représentation au théâtre de Chaillot. Après une seconde tournée aux Etats-Unis et en Amérique du sud elle retourne en Asie où elle doit danser pour les soldats japonais, ce qui lui vaudra d’être accusée de collaboration.
Lors de la partition de la péninsule quelques années plus tard, elle fait le choix de la Corée du nord avec son mari, militant socialiste. Elle y jouera un rôle majeur jusqu’à sa disparition mystérieuse à la fin des années soixante.
Personnalité controversée, Choi Seung- hee n’en fut pas moins une pionnière de la danse coréenne contemporaine. Transcendant la tradition et la modernité, l’Orient et l’Occident, elle se jouait des codes et créait une œuvre originale. Ce n’est que ces toutes dernières années que son apport artistique a été enfin reconnu, grâce notamment à sa disciple Kim Baek- bong, et il est tout naturel qu’elle ait inspiré la danseuse Yang Sun-ok, l’une des personnalités les plus originales de la danse coréenne aujourd’hui.
Spécialiste de la danse traditionnelle coréenne – elle est notamment reconnue comme détentrice de la danse Thaephyeongmwu, bien culturel immatériel n°92 – Yang Sun-ok est également réputée pour ses propres créations chorégraphiques à partir d’éléments traditionnels. Elle est donc mieux que toute autre à même de faire revivre les œuvres originales de Choi Seung-hee et nous replonger dans le souvenir de ces soirées de 1939 où Choi émerveillait le public de Pleyel et de Chaillot.
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2015-10-30
Le malambo. une danse de la plaine infinie de la Pampa argentine dont les origines remontent sans doute au XVIIe siècle.
Une danse pour hommes, pour gauchos, hommes marginaux, hommes à cheval, qui, autour du feu, dansaient des malambos effrénés.
Le bandonéon. Un instrument qui est devenu le « son » emblématique d’une ville, Buenos Aires et le symbole de la solitude essentielle de ses habitants. Pas de tango sans bandonéon. Aux origines, le tango, également, se dansait entre hommes.
Dans d ́autres régions de l ́Argentine – Salta, Santiago del Estero – le bandonéon est aussi l’instrument des danses traditionnelles rurales.
Ce spectacle est une vision du malambo à travers deux de ses interprètes exceptionnels : le danseur Aníbal Jiménez et le bandonéoniste Pablo Mainetti.
Les mouvements d’Aníbal Jiménez recueillent des souvenirs de danses perdues. Né au sein d’une famille de danseurs traditionnels, il commence à danser très jeune, parcourant toute l’Argentine, s’imbibant des diverses formes que cette danse a prises dans tout le territoire.
Pablo Mainetti, un des bandonéonistes les plus en vue de la nouvelle génération, est engagé dans une démarche esthétique qui incorpore la musique traditionnelle et la création contemporaine.
Pablo Ortiz, compositeur argentin, également lié au tango et aux musiques traditionnelles ainsi qu ́à
la musique contemporaine, crée un espace sonore qui contient le timbre du bandonéon, le rhytme du zapateo, ainsi que d ́autres sonorités et voix qui s’imbriquent pour évoquer l ́atmosphère magnétique du malambo.
Un regard contemporain sur une tradition – une musique, une danse, mais surtout un paysage, une littérature, une lecture du passé, un possible présent. Diana Theocharidis, chorégraphe argentine qui travaille depuis longtemps sur des matériaux qu’elle recherche dans les danses traditionnelles, essaye ici d’aller à l ́essentiel de cette danse qui fait partie du patrimoine culturel immatériel de l’Argentine, de son héritage, mais qui est aussi une création, une écriture vivante, toujours en transformation. Elle revisite cette forme souvent galvaudée aujourd’hui par les spectacles folkloriques et en fait ressortir la beauté rude, l’intrépidité grâce à la complicité d’Aníbal Jiménez. Ce spectacle évoque un univers où le malambo est présent au centre d’une constellation d’éléments de la culture – de l’imaginaire – argentine : la tradition et, aussi, les traductions et les lectures des personnes qui la pratiquent.
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2015-10-10
Transcendance du solo d’actrice
Extrapolation féminine du kutiyattam, cette dramaturgie savante, sacrée entre toutes par ses fonctions d’origine, a accédé aux théâtres européens depuis ces dernières décennies seulement. Loin dans le temps, seuls les Nangyar (actrice-chanteuse), Chakiar (acteur), Nambiar (musicien), castes héritières des arts cultuels, composaient la troupe de kutiyattam du temple, lieu resté inaccessible aux hors-caste. Père- fondateur des spectacles traditionnels du Kérala issus du sanscrit, le kutiyattam recèle les racines deux fois millénaires d’une science théâtrale aux multiples et suprêmes exigences transmise au fil des générations sans surseoir à ses traditions. Parmi celles-ci, la technique du regard, par le flux ambivalent du ressenti, peut atteindre l’expression duelle des yeux, l’un ému, l’autre souriant... De ce creuset fertile, préservé dans l’enclos communautaire des temples sous la férule brahmanique, émergèrent des solos aux dimensions surhumaines par la projection exacerbée et émotionnelle de la dramatisation; le solo de la Nangyar en est un exemple. Par son environnement familial, Kapila en absorba dès l’enfance toutes les substances enrichies de l’étude du mohini attam, ajoutant ainsi à la précision rigoureuse du jeu corporel et de la gestuelle la beauté esthétique inhérente à la danse. Aujourd’hui, malgré son jeune âge, sa maîtrise a atteint un sommet et acquis une renommée incontestée. Dans sa restitution mythologique, Kapila domine l’espace et fait feu de toutes les techniques de son art, depuis la source sanscrite psalmodiée : clé de l’épisode d’où émergeront les situations et les personnages qu’ils soient dieux, héros, animaux, ou démons ! Soutenue du déferlement tellurique des tambours mizhavu, par son charisme envoûtant, Kapila entraîne le spectateur aux confins de sa réceptivité sensitive.
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2014-05-25
Les pygmées habitent les forêts d’Afrique entre l’océan Atlantique et les grands Lacs et se répartissent en différents groupes comme les Baka, Bambuti, Batwa, Babongo, Efé et autres. Traditionnellement nomades, ils sont aujourd’hui en voie de sédentarisation. En République du Congo, on compte plusieurs groupes de pygmées parmi lesquels les Aka dont font partie les musiciens de l’ensemble Ndima.
Les pygmées Aka habitent quant à eux dans les forêts du nord de la République du Congo et du sud de la Centrafrique. Ils parlent le aka et tentent de préserver leur mode de vie et leur culture en dépit de l’influence croissante du modernisme en milieu rural et de la raréfaction des ressources dans une sylve peu à peu dévastée par les agriculteurs et les exploitants forestiers.Minoritaires et marginalisés, les pygmées Aka entretiennent avec leurs voisins bantous majoritaires des rapports de clientèle, voire de servage, exerçant pour leur compte différentes tâches économiques : chasse, pêche, récolte du miel sauvage, travail dans les plantations et portage.
Enfants de la forêt, les Aka savent en prendre soin car toute leur vie en dépend. Pour se nourrir, ils ont recours aux animaux et aux végétaux comestibles qui poussent à leur portée. Ils se soignent à base de plantes et d’essences diverses dont ils connaissent les vertus. Ils en font aussi usage dans leur vie sentimentale pour conquérir l’amour d’une femme, d’un homme ou pour consolider une union matrimoniale. Des objets divers sont confectionnés à base de végétaux pour servir à la chasse, à la cuisine, à la récolte du miel...
La musique fait partie du quotidien et elle est pratiquée par tous. Comme l’écrit l’ethnomusicologue Simha Arom dans l’Encyclopédie des pygmées Aka : « à entendre chanter un chœur aka, c’est-à-dire l’ensemble d’un campement, on retient l’impression d’un extraordinaire entrelacs de voix et de timbres vocaux où prédomine le procédé du jodel ». On retrouve dans leur répertoire des chants de divination, de guérison et des musiques réservées aux esprits de la forêt qui se matérialisent en public à travers des masques végétaux lors des événements auxquels ils sont chacun et nominalement conviés : rituel de chasse, levée de deuil, musiques de divertissement...
Les Aka pratiquent la polyphonie contrapuntique, technique complexe et riche qu’ils apprennent depuis leur petite enfance et qui distingue leur musique de celle de leurs voisins bantous. Ils font également usage du jodel – l’alternance de la voix de tête et de la voix de poitrine – qui constitue également un élément culturel identitaire. De même, leurs rythmes tambourinés, leurs danses, leur musique instrumentale pour harpe arquée, arc musical, flûte, témoignent d’une riche culture artistique aujourd’hui menacée d’extinction.
Le groupe Ndima (littéralement : la forêt) est composé de trois hommes et trois femmes aka originaires du village de Kombola dans le département de la Likouala en République du Congo. Il n’est pas dans la tradition pygmée de former des ensembles musicaux. Mais comme partout, certains chantent, dansent, jouent mieux que les autres. Alors, pour promouvoir leur musique et la sauvegarder, un ensemble s’est créé en 2003 dont l’effectif varie selon la disponibilité de ses membres parfois retenus par une autre activité ou, pour les femmes, par une grossesse. Soutenus et accompagnés par l’ethnologue Sorel Eta qui joue le rôle d’agent de développement local et d’impresario, Ndima a déjà publié deux CD au Congo dont un avec le soutien de l’UNESCO.
Les artistes dédient ces représentations à Simha Arom, ethnomusicologue africaniste dont les travaux ont grandement contribué à la connaissance et à la compréhension des traditions musicales des Aka.
d’après les notes de Sorel Eta et Jacqueline M. C. Thomas et al., Encyclopédie des pygmées Aka, Paris, Selaf, 1983-2011
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2013-06-14
Il est venu de l’est ! Le masque est venu de l’est ! Le chemin est tout droit, allez-y ! Vous ne pouvez pas vous perdre. C’est le chemin des morts, suivez-le ! [chant d’entrée des masques]
Le peuple dogon vit enclavé dans une région rocheuse du centre du Mali, entre plaine et plateau. La plus grande partie vit dans des habitations accrochées à la falaise de Bandiagara qui s’étend entre quatre cents et neuf cents mètres d’altitude sur plus de deux cent cinquante kilomètres, mais aussi sur le plateau et dans la plaine. Venus du pays Mandé, à cheval sur l’actuelle frontière du Burkina Faso et du Mali, au XIIIe ou au XIVe siècle, semble-t-il pour échapper à l’islamisation, ils s’installèrent dans une zone auparavant occupée par les Tellem dont ils transformèrent les anciennes habitations troglodytiques en tombeaux et bâtirent des villages en banco ponctués par des greniers à mil au toit pointu.
L’ethnologue Marcel Griaule fut un des premiers à révéler une partie de leur cosmogonie. Il semblerait qu’une cohérence remarquable s’établisse entre le langage, la musique et la danse, l’architecture, le tissage, les masques, le comportement des vivants et le culte des morts. Les Dogon, chasseurs et pêcheurs, cultivent le mil, le maïs, l’arachide, le coton et, depuis quelques décennies, de petits jardins d’oignons.
La musique et la danse religieuses des Dogon sont liées à un calendrier saisonnier pendant lequel sont pratiqués les rites des ancêtres, les rites funéraires et les rites agraires. Un événement extraordinaire rythme la vie de l’homme dogon : le sigi. Il s’agit d’un grand rituel de régénération pratiqué tous les soixante ans, approximativement la période de révolution de Po Tolo, l’Étoile du commencement, autour de Sirius, et qui dure six à sept années.
La danse et la musique du sigi sont confiées à l’awa, une société initiatique masculine chargée également d’accomplir les levées de deuil ou dama, moment central des rites funéraires.
Tous les deux ou trois ans, lorsque plusieurs personnes sont mortes dans un ensemble de villages, se déroule le dama, cérémonie du départ de l’âme au cours de laquelle dansent les masques. Chorégraphie processionnaire dans les lacis étagés des villages, le dama est entrecoupé de stations dans les différentes places. Il peut durer une demi-journée ou une semaine entière. Un par un, les membres de l’awa apparaissent, portant des masques de bois peints de couleurs vives et des cagoules-muselières d’étoffe ornée de cauris. Ils forment un cercle entre les maisons des morts avant que l’un d’eux ne vienne occuper le centre par une danse acrobatique. La ronde se brise ensuite et les masques interviennent par couple ou bien un à un. Tout d’abord vient la « sœur des masques » Satimbe, surmontée d’une marionnette de 60 cm de hauteur, aux bras écartés. Elle représente la femme qui utilisa la première les fibres rouges pour se masquer et effrayer les hommes.
Ceux-ci lui reprirent les fibres, affirmant ainsi leur autorité, mais lui donnèrent le nom de Satimbe, sœur des masques. Ensuite, selon un ordre variable, arrivent des types humains et sociaux : les jeunes femmes bambara et peule au visage couvert de cauris, une jeune fille dogon montée sur des échassses, le chasseur, le goitreux (un mal répandu du fait de la carence en iode), le colporteur, le guérisseur chargé de purifier l’espace rituel, un Peul ; des animaux : coq, poule de rochers, lièvre, buffle, hyène reconnaissable à son masque à pois, babouin ; masques ésotériques enfin, comme le kanaga dont la signification demeure incertaine, les initiés conservant jalousement leurs secrets : outarde komolo tebu pour les uns, antilope pour d’autres, symbole cosmique pour les derniers, et enfin le sirige, la « maison à étages », siège du lignage patrilinéaire, figurée par une planche de plusieurs mètres de haut colorée de graphismes blancs et noirs.
Chaque danseur possède un vocabulaire chorégraphique qui correspond à son masque. L’agilité prodigieuse des participants permet de reconnaître des mouvements tels que réception sur un pied, ressort sur une jambe, envolée, pas glissés, écartements, tremblement des membres, rebondissement. Le tout ponctué de glapissements à la manière du chacal, personnage central de la mythologie dogon.
À chaque masque correspond aussi un chant et un rythme, parfois deux. L’ensemble musical est composé de voix et de percussions diverses qui vont toujours par paires. Les tambours cylindriques à deux peaux, dont une seule des deux faces est frappée avec deux baguettes courbes : boy na (le grand) et boy tolo (le petit), et les tambours d’aisselle à tension variable gom boy forment le cœur rythmique de la musique des masques. Les voix se répartissent entre plusieurs solistes qui entonnent le chant tour à tour, un chœur qui leur répond et des crieurs qui lancent à intervalles irréguliers des cris d’animaux pour encourager les musiciens et les danseurs et marquer peut-être la présence des esprits des masques.
Les danseurs et les musiciens appartiennent à la société initiatique awa de la commune de Sangha. Ce groupe de villages perchés sur le plateau dogon est considéré comme la capitale culturelle du pays dogon en raison notamment de ses liens historiques avec les anthropologues Marcel Griaule, Germaine Dieterlen et Jean Rouch.
Il n’est pas possible de dire à l’avance dans quel ordre sortiront les masques. On laissera donc le spectateur les reconnaître à partir des photographies reproduites dans ce programme.
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2013-06-08
Le fest-noz, mot breton signifiant «fête de nuit», a pour origine une pratique rurale ancestrale consistant à se rassembler après des travaux collectifs pour des soirées de danse accompagnées de chants ou de musiques instrumentales.
Tombé en désuétude après la seconde guerre mondiale, le fest-noz devra attendre quelques décennies avant de connaître une renaissance, profitant du succès de la musique celtique portée par Alan Stivell. Beaucoup de jeunes découvrent la musique et la danse bretonnes et s’en emparent : le fest-noz devient une manifestation urbaine. De nombreuses associations en organisent parfois dans un but militant ou même lucratif.
Ce premier effet de mode passé, ces rassemblements se raréfient à la fin des années 1970. Toutefois, au cours des années 1980 et 1990, musiciens et danseurs bretons se réapproprient leur culture en l’approfondissant et en la consolidant, et le fest- noz retrouve une grande popularité à la fin des années 1990. Ce fort mouvement culturel breton préservera la vitalité de cette pratique et assurera le renouvellement de ses répertoires de musique et de danses qui comptent plusieurs centaines de variantes et des milliers d’airs.
En effet, si la transmission traditionnelle s’effectuait par immersion, observation et imitation, le travail de collectage réalisé par des centaines de passionnés a permis de recueillir de nombreux répertoires et de jeter les bases de nouveaux modes de transmission. Environ un millier de fest-noz ont lieu tous les ans, certains pouvant attirer jusqu’à plusieurs milliers de musiciens, chanteurs et danseurs.
Aujourd’hui, le fest-noz est au centre d’un intense bouillonnement d’expériences musicales et a généré une véritable économie culturelle. De nombreuses rencontres ont lieu entre chanteurs, musiciens et danseurs de Bretagne et d’autres cultures, et l’essor du fest-noz est devenu dans de nombreux villages un moyen d’intégration efficace.
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2013-04-22
UNE MUSIQUE DE RÉJOUISSANCE
Aux confins du désert du Taklamakan (Chine), l’étonnante tradition de la musique ouïgoure frappe par sa liberté et sa vigueur.
Le Xinjiang est un immense territoire situé au nord-ouest de la Chine. Cet univers impressionnant de déserts, de rivières et de glaciers est le berceau d’une civilisation turque issue des Huns, les Ouïgours, dont l’existence est attestée sous la forme d’une confédération clanique dès le Ve siècle de notre ère. Tour à tour chamanistes, bouddhistes, manichéistes et enfin musulmans, les Ouïgours vont utiliser deux systèmes d’écriture, et à ce titre, s’affirmer dès le IXe siècle comme les civilisateurs de leurs voisins turco-mongols. À la même époque, des musiciens ouïgours jouent à la cour impériale des Tang. Mais c’est cinq siècles plus tard, sous l’influence de la culture islamique et persane, que commence à fleurir dans les cités de Kashgar, Yarkand et Tourfan un art vocal, instrumental et poétique savant, tandis que des formes rurales et populaires voient le jour à Kumul et chez les Dolan. Sous-groupe ouïgour se réclamant d’une origine mongole, les Dolan occupent les oasis bordant le sud et l’ouest du désert du Taklamakan et tirent leur subsistance de l’élevage de moutons et de l’agriculture. Leur musique, le dolan muqam, est avant tout une musique de fête et de réjouissance jouée lors des mashrap. Ces grands rassemblements festifs et ritualisés se déroulent après les récoltes, pour un mariage, une circoncision ou tout autre événement heureux, et sont l’occasion de festoyer, de faire de la musique, de danser et de jouer à divers jeux de société et d’adresse. La fête se déroule dans un grand espace carré, les musiciens occupant l’un des quatre côtés et les danseurs évoluant au centre.
L’ensemble se compose de chanteurs solistes (muqamqi) et d’instrumentistes : un rawap, luth à manche long à trois cordes mélodiques et quinze cordes sympathiques, une vièle ghijak, à une corde en crin de cheval et dix à douze cordes sympathiques en métal, une cithare qalun, à dix-huit cordes doubles pincées avec un long plectre de bois tendre. Les tambours sur cadre dap sont frappés par les chanteurs. Chaque musicien interprète à sa manière la mélodie commune. Il en résulte un effet d’hétérophonie répondant à un choix esthétique délibéré, une recherche d’épaisseur sonore qui s’est aujourd’hui perdue dans beaucoup d’autres musiques du monde islamique. Quant aux chanteurs, ils font preuve d’une telle ardeur dans le chant et d’une telle énergie dans le jeu des tambours que nombre de musicologues chinois n’ont pas hésité à qualifier cette musique de « jazz ouïgour ».
Le dolan muqam se présente sous la forme de suites vocales et instrumentales accompagnées de danse et jouées dans plusieurs modes musicaux qui leur donne leurs noms : bash, zil, chöl, ötang, hudek, dugamet, bom, sim et jula. Chaque suite dure une dizaine de minutes et se compose de quatre ou cinq parties enchaînées sans interruption et allant s’accélérant jusqu’à la frénésie : muqaddima, introduction vocale non mesurée ; chikitma, pièce en 6/4 ; sanam, pièce en 4/4 ; saliqa, pièce en 4/4 ; serilma, en 4/4 ou 5/8. Les poèmes ne sont pas fixés à l’avance, mais ils ne sont pas non plus improvisés. Puisés dans un corpus poétique, les distiques ou les quatrains sont « lancés » spontanément par le chanteur soliste et se succèdent sans vraiment de continuité thématique, si ce n’est celle de l’amour, généralement déçu ou contrarié.
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2013-04-06
Différentes selon les régions, ces traditions vocales partagent néanmoins un certain nombre de traits communs. Tout d’abord, elles occupent une place prééminente, reléguant au second plan la musique instrumentale. Le principe de la polyphonie domine tous les genres vocaux, sauf ceux exécutés en solo (chants de cavalier, berceuses, chants de travail solitaire) et le chant homophonique (chœur à l’unisson) n’existe pas. La polyphonie géorgienne se compose généralement de trois voix qui sont identifiées beaucoup plus par le rôle qu’elles jouent que par leur registre, même si on peut les classer grosso modo en basse, baryton et ténor. Le chant polyphonique est pratiqué aussi bien par les femmes que par les hommes, mais le répertoire masculin est beaucoup plus vaste. Un des traits principaux de la polyphonie vocale géorgienne est l’abondance d’accords dissonants construits sur des invervalles de seconde, de quarte, de quinte et de septième. Traditionnellement, seule la partie de basse est chantée par un groupe, alors que les parties supérieures sont toujours chantées par des solistes.
La Svanétie est l’une des quinze régions de la Géorgie. Elle se situe dans la partie nord-ouest du pays, sur la plus haute chaîne du Grand Caucase dont certains sommets dépassent les 5 000 mètres d’altitude. Les Svanes (ou shuan ainsi qu’ils se nomment entre eux) sont environ 48 000 en Svanétie mais on ignore le nombre de ceux qui vivent en dehors de leur région d’origine. Ils possèdent leur propre langue, le svane, qui appartient au groupe caucasique du sud (kartvélien) comme le géorgien, le mingrélien et le laze. On constate en outre d’importantes différences dialectales entre la Basse-Svanétie et la Haute-Svanétie. Les villages de Haute-Svanétie sont les plus hauts et les plus inaccessibles de toute la Géorgie ; le plus élevé, Ushguli, est à 2 200 mètres d’altitude.
L’activité économique des Svanes est traditionnellement fondée sur l’agriculture (principalement le blé), l’élevage et la chasse qui complète leur alimentation carnée. Par ailleurs, les Svanes entretiennent depuis longtemps des relations commerciales informelles avec leurs voisins mingréliens, géorgiens, balkars, etc. Du fait de son isolement, la Svanétie a conservé maints traits archaïques, tant en architecture que dans les domaines des croyances, de la structure sociale ou de la culture traditionnelle. Depuis le début du xxe siècle, l’introduction de l’électricité, de la radio et de la télévision, l’éducation (en langue géorgienne) et la possibilité de vivre un peu partout en Géorgie et en ex-Union Soviétique, enfin plus récemment le développement du tourisme en montagne, ont certes entraîné des changements sociaux ; les Svanes n’en gardent pas moins un fort attachement à leurs valeurs et coutumes traditionnelles.
Le chant choral est la forme musicale dominante. Tous les chants traditionnels (à l’exception des berceuses et de certains chants funèbres) sont exécutés en polyphonie à trois voix. La plupart des chants sont antiphonaux (alternance de deux chœurs de taille égale). Certains chants, notamment épico-historiques, peuvent être accompagnés par la vièle chuniri et par la harpe changi. Le changi est considéré comme un instrument féminin, même si les hommes peuvent en jouer, tandis que le chuniri est exclusivement masculin.
L’intervalle de quinte (par exemple : do - sol) revêt une importance toute spéciale dans la musique géorgienne et a donné naissance à des échelles diatoniques de cinq degrés qui sont comprises dans
cet intervalle (par exemple : do - ré [ou réb] - mi [ou mib] - fa [ou fa#] - sol). Si l’on ajoute à cela qu’à part la quinte, tous les autres intervalles ne coïncident pas avec les intervalles tempérés, il ne faut pas s’étonner si les progressions d’accords sonnent étrangement pour des oreilles européennes. Nombre de chansons sont aussi dansées sous forme de rondes auxquelles participent tous les chanteurs. Dans la danse svane, toute l’action est concentrée dans le bas du corps à partir de la taille. Les danseurs gardent leurs mains posées sur leurs poignards ou leurs ceintures et ne bougent ni les bras ni les épaules. Dans les rondes (perkhuli), les danseurs se tiennent les uns les autres par la main ou la ceinture. Il existe aussi des danses en solo dans lesquelles les danseurs marchent ou sautent en faisant des pointes.
Le programme de ce concert couvre différentes périodes du répertoire traditionnel svane. Certains, comme Lile, Kviria et Lemchili, sont considérés comme des trésors très anciens et évoquent les croyances et pratiques pré-chrétiennes. D’autres, en revanche, comme Shairi Mikheil Khergianze et Kojre Makhvshi furent composés dans les années 1970 et 1980 par des chanteurs traditionnels svanes. L’auditeur pourra ainsi apprécier la fascinante continuité de la musique svane, de ses plus anciens témoignages à ses compositions récentes.
d’après Joseph Jordania et Frank kane
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2013-03-27
Faute d’informations plus précises, on situe la naissance du hayachine take kagura à la fin de l’époque médiévale (xvie siècle). Mais c’est pendant la période d’Edo (1603-1867) qu’il connut son véritable essor. Le clan Nanbu qui gouvernait la région attribuait un caractère sacré au mont Hayachine. Au pied de la montagne avait été bâti un temple bouddhiste, le Myosenji. Il fut décidé que ce temple deviendrait le sanctuaire shinto-bouddhique de Hayachine et que les officiants y pratiqueraient l’art du kagura. À l’époque Meiji, la politique de séparation entre le shintoïsme et le bouddhisme eut pour effet la destruction du sanctuaire et l’interdiction de pratiquer les danses rituelles. Les habitants du village de Take, tout proche, se réapproprièrent en secret cette pratique et en assurèrent jusqu’à aujourd’hui la sauvegarde. Dans ce petit village de treize maisons bâties au pied du mont Hayachine, le kagura est d’abord un rituel de purification et ensuite un divertissement pour les divinités et pour les hommes, la divinité la plus marquante étant le daigongen, incarnation du mont Hayachine. Ces danses rituelles s’inscrivent donc dans un complexe d’anciennes croyances animistes et de Yoshida shinto, une secte shintoïste qui émergea au xviiie siècle et fut influencée par le bouddhisme ésotérique.
Le take kagura est représenté les 31 juillet et 1er août lors de la fête du sanctuaire de Hayachine, le 3 janvier pour le Nouvel An et aux fêtes annuelles des différents villages de la préfecture d’Iwate. Mais des membres de la troupe de take kagura se déplacent aussi de maison en maison pendant la période de repiquage du riz au printemps. Au cours de ces représentations domestiques appelées yado-kagura ou kado uchi (jouer à la porte), ils effectuent un rite de purification et dansent quelques scènes à l’intérieur des maisons, en particulier la danse du gongen (photo) . À la fin, les membres de la troupe distribuent un talisman à chaque famille.
Le répertoire de Take compte près de soixante-dix kagura, abstraits ou narratifs, certains masqués, d’autres non. Lors des grandes fêtes, le spectacle se déroule pendant plusieurs heures sur une petite scène à l’entrée du sanctuaire. Celle-ci est repérée par quatre piliers entourés d’une cordelette à laquelle sont accrochés des origami sacrés et elle est interdite aux non-praticiens. Au fond, un rideau noir porte l’inscription “temple de Hayachine” et les emblèmes de deux grues affrontées : les acteurs entrent par là. À l’avant-scène dos au public ou, comme ici, sur le côté, le tambourinaire flanqué de deux joueurs de cymbales, dirige la représentation, chantant parfois ou déclamant des bouts de dialogue. Un flûtiste et les narrateurs-chanteurs restent cachés derrière le rideau de fond, ce sont les voix des dieux.
Les danseurs entrent par le fond, jouant parfois avec le rideau. Leurs costumes, masques, coiffures et accessoires dépendent du personnage qu’ils représentent et de son statut, homme, femme, dieu ou déesse, guerrier... Mais presque tous portent la grande coiffe kabuto qui représente une poule ou un coq, oiseau bénéfique, avec ses grandes ailes qui battent pendant la danse. Les acteurs incarnant une divinité portent une bande de papier kuji à leurs médius.
Une représentation rituelle dure plusieurs heures. Elle s’ouvre invariablement par six shikimai, danses de purification, d’invocation des défunts et de divination et s’achève obligatoirement par le gongenmai, la danse du lion noir, et un rite d’offrande d’eau, de riz et de saké aux points cardinaux, après quoi plus personne ne revient dans l’espace sacré. Entre les deux, s’enchaînent divers répertoires. Les onnamai, lents et gracieux, mettent en scène des personnages féminins généralement célestes. Les kamimai sont les danses des divinités japonaises. Leurs arguments proviennent de deux ouvrages du viiie siècle : Chroniques des choses anciennes et Annales du Japon sur les origines historiques et la mythologie du Japon. Les aramai ou danses furieuses, rapides et violentes, n’ont pas d’argument. Ce sont plutôt des danses d’exorcisme. Selon les uns, elles reflètent l’influence des yamabushi, ascètes montagnards et guerriers, et selon d’autres, celle du bouddhisme tantrique. Il peut y avoir aussi des récits de guerriers et de samouraïs et des dialogues comiques kyogen.
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2012-06-12
12-15/06/2012
Samedi 12 mai à 20h30
Dimanche13 mai à 17h
Maison des Cultures du Monde, Paris 6e
mardi 15 mai 2012, 20h45
Au Théâtre, Centre culturel Jacques Duhamel
Par la Cuadrilla Mayor Qhapaq Negro de Paucartambo
Fredi Villagarcia Aquise, guiador
Chants et danse :
Adrián Farfán Torres
Andrés Genaro Ponce Garrido
Eddie Gonzalo Pizarro Pacheco
Edmundo Bragagnini Flores
Fernando Martín Mercado Zamalloa
Fernando Zenobio Navarro Lizárraga
Franco Villagarcia Gonzáles
Hugo Enrique Gutiérrez Delgado
Jaime Gallegos Cáceres
José Antonio Cáceres Valdivia
José Armando Gallegos Cáceres
Julio Alejandro Cáceres Valdivia
Mario Gallegos Cáceres
Raúl Aranibar Astete
Richard David Villafuerte Vargas
Vicente Wilfredo Olivares Arenas
Wilhen Wilfredo Olivares Chevarría, harpe andine
Sergio Villafuerte Rodríguez, flûte quena
José Manuel Cáceres Martínez, violon
Martín Quispe Molinedo, accordéon
Jorge Alfonso Gutiérrez Valdivieso, tambour bombo
La fête de la Virgen del Carmen
Chaque année, entre le 15 et le 18 juillet, Paucartambo, paisible bourg situé à 100 km à l'est de Cuzco, l'ancienne capitale Inca, reprend vie. Plusieurs milliers de participants et de visiteurs venus de Cuzco, de Lima, voire des pays voisins où ils se sont expatriés, envahissent les rues, les maisons, couchant parfois à même le sol des auberges ou campant sur les places, pour célébrer la Virgen del Carmen (Notre Dame du Mont Carmel). Plus d'une dizaine d'associations ou cuadrillas de danse participent à cette manifestation, mais les principales sont les Qhapaq Negro, les Qhapaq Qolla, les Qhapaq Chunchos, les Saqra et les Maq'ta. Plus que de simples associations, ce sont de véritables confréries religieuses comme l'indique le terme qhapaq qui signifie "chemin", "voie" en quechua.
Deux légendes relatent l'origine de la Vierge de Paucartambo. Selon la première, elle aurait été apportée par des indiens Qolla du lac Titicaca. Selon la seconde, elle aurait été apportée d'Espagne pour être la patronne de Q'osñipata, la forêt de Paucartambo peuplée par les Chunchos (terme désignant les Indiens d'Amazonie) mais faute de lieu de culte, on l'aurait déposée dans l'église de Paucartambo.
Cette fête met en scène, à travers les cuadrillas, diverses composantes de la société péruvienne :
' les Qhapaq Qolla représentent les indiens des Andes qui autrefois traversaient les hauts plateaux andins avec leurs troupeaux de lamas ;
' les Qhapaq Chunchos figurent les indiens de la forêt amazonienne toute proche. Ce sont eux qui entourent la Vierge lors de la procession, rôle qui leur est disputé par les Qhapaq Qolla ;
' les Saqra, vestiges du culte inca, sont des êtres telluriques que la tradition chrétienne a assimilé aux démons de l'enfer. Pendant la procession de la Vierge, ils errent sur les toits et les balcons des maisons, tentant d'attirer son attention. Leur présence atteste le caractère syncrétique de ce culte qui associe à la Vierge, appelée aussi Mamacha Carmen, la figure de l'ancienne déesse inca Pachamama, la Terre-Mère ;
' les Maqta ("adolescent" en quechua) sèment la pagaille partout où ils passent, sauf lors de la procession où ils assurent le service d'ordre à grand coups de fouet ;
' les Qhapaq Negro constituent quant à eux la cuadrilla la mieux organisée et celle dont le répertoire de chants et de danse est le plus riche. Ils représentent un groupe d'esclaves noirs conduits de Lima vers les mines d'argent de Potosi et qui, passant à proximité de Paucartambo au moment de la fête de la Vierge, se révoltèrent, dérobèrent des vêtements de femme et s'en allèrent participer à la fête. Ils sont les principaux adorateurs de la Vierge.
Plusieurs autres cuadrillas participent aux processions et à la fête sans en être pour autant des acteurs indispensables, dans la mesure où elles n'ont pas de lien direct avec la Vierge.
Selon le calendrier liturgique catholique romain, la fête de la Vierge du Carmel a lieu le 16 juillet.
À Paucartambo, les festivités durent environ quatre jours avec des processions à travers les rues du bourg, une grande messe en plein air sur le parvis de l'église, des jeux, des feux d'artifice, une guerrilla entre les Qhapaq Qolla et les Qhapaq Chunchos, et enfin une dernière cérémonie au cimetière où les Qhapaq Negro rendent hommage aux membres défunts de leur cuadrilla.
Les Qhapaq Negro
Le terme qhapaq negro signifie littéralement "Nègres seigneur". Cette cuadrilla a été créée en 1694 par des habitants de Paucartambo et constitue une organisation à la discipline stricte. Aujourd'hui, ses membres ne vivent plus à Paucartambo, mais on ne peut entrer dans la cuadrilla qu'à la condition d'avoir au moins un aïeul paucartambino.
Les Qhapaq Negro appartiennent à toutes les couches de la société péruvienne. On y compte par exemple le maire de Cuzco, mais aussi des ouvriers, de petits employés, des commerçants, un guide touristique, un responsable de la sécurité d'une banque de Cuzco, des étudiants, des chômeurs etc.
Le chef de la cuadrilla, le guiador Fredi Villagarcia Aquise est un ingénieur à la retraite.
Pendant les quatre jours que dure la fête, les Qhapaq Negro se retrouvent matin, midi et soir dans une maison du bourg, leur quartier général, le kargo. C'est là qu'ils prennent leurs repas sur une longue table qui peut accueillir jusqu'à 100 personnes et répètent leurs chants et leur danse. Tous les frais sont pris en charge par un fundador ou une fundadora qui a été désigné(e) lors de la fête précédente. Dans toutes les processions des Qhapaq Negro, le fundador ou la fundadora précède la cuadrilla en portant une petite statuette de la Vierge.
Devenir Qhapaq Negro est un acte mystique. En se vouant à la Vierge, le Qhapaq Negro conditionne son existence toute entière et celle de sa famille autour de cette figure essentielle du catholiscisme latin. Mais en même temps, il affirme à travers son personnage d'esclave en fuite, le libre arbitre de chaque individu.
Chaque membre de la cuadrilla confectionne lui-même son costume qui se compose d'un pantalon bouffant bleu, rouge ou orange sur lequel il porte une chemise et une tunique blanches évoquant les blouses de femme dont les esclaves s'affublèrent. À la ceinture, pendent d'un côté les chaînes qui symbolisent leur condition et de l'autre un foulard, symbole de force. Sur la poitrine, les épaules dans le dos, sont fixés des éléments brodés et ornés de perles dorées, de miroirs, d'effigies de la Vierge, tout comme sur leur chapeau rouge. Le masque, acheté à un artisan spécialisé, le mascarero, représente un visage africain aux traits exagérés, souriant, mais dont l'expression varie subtilement
d'un danseur à un autre. Enfin, ils tiennent dans leur main droite un bâton surmonté d'un poing noir sculpté, le maki, symbole de leur rébellion. Pendant toute la fête ils s'imposent par leur profonde ferveur et leur discipline quasi-militaire.
Que ce soit dans les processions ou la danse, les Qhapaq Negro sont toujours placés sur deux rangs. Le simple danseur est un caporal ; chaque rang est conduit par un mayoral élu par ses pairs et l'ensemble de la cuadrilla est dirigée par un guiador, qui est également élu. Le guiador porte un masque au traits fins qui évoque le "Negro fino" qui conduisit la rébellion ; l'instrument de son pouvoir est la matraca, une crécelle dont il se sert pour donner ses ordres.
Leur répertoire comprend des chants de procession, des chants dédiés à la Vierge qui sont exécutés dans l'église, et les chants liturgiques de la messe. Ces chants sont en espagnol et en quechua.
En outre, ils exécutent un chorégraphie, véritable ballet en douze mouvements.
Chants et danses sont accompagnés par un ensemble de musiciens professionnels loué pour la circonstance et comprenant un violon, une flûte quena, un accordéon, une harpe et une grosse caisse.
Ils jouent des morceaux traditionnels du haut-plateau andin : yaravi, huaynos', une musique qui s'est forgée au cours du XVIIIe siècle à partir des genres musicaux incas et de la musique baroque espagnole.
Pierre Bois
Programme
' Entrée de la Vierge
' Procession des Qhapaq Negro
' Chant d'entrée dans l'église
' Adoration et message du guiador (en quechua)
' Première hymne
' Deuxième hymne
' Ballet en douze mouvements :
Pasacalle (procession) ' Eslabón (maillon) ' Napaykuy (salutation à la Vierge) ' Plegaría de salutación (prosternation) ' Cruce (la croix) ' Balanceo (balancement) ' Kutiriy y Pasamano (retour et croisement de mains) ' Estrella (étoile) ' Olas (vagues) ' Cadena y Qhaswa (chaîne et ronde) ' Cordillerano (cordillérien) ' Kacharpariy y Despedida (adieux et renvoi).
' Renvoi
' Troisième hymne
La Maison des Cultures du Monde tient à remercier tout particulièrement :
M. Jean-Jacques Beaussou, ambassadeur de France au Pérou
Mme Soledad Mujica Baily, directrice adjointe de l'inventaire et des études culturelles du Pérou contemporain
M. Jean-Paul Lefèvre, sous-directeur de la diversité culturelle et du patrimoine mondial au ministère des Affaires étrangères et européennes
M. Pierre Fayard, conseiller de coopération et d'action culturelle à l'ambassade de France au Pérou
et Promperu
mardi 15 mai 2012, 20h45
Au Théâtre, Centre culturel Jacques Duhamel
En partenariat avec le Centre français du patrimoine culturel immatériel - Maison des Cultures du Monde à Vitré
dans le cadre du 16e Festival de l'Imaginaire du 9 mars au 17 juin 2012
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2012-05-19
19-20/05/2012
Samedi 19 mai à 20h30
Dimanche 20 mai à 17h
Maison des Cultures du Monde, Paris 6e
Vidha Lal, danse
Vinod Gandharv, chant et harmonium
Pandit Mukesh Sharma, luth sarod
Ghulam Ali, viole sarangi
Ilmas Husain Khan, tabla
Arshad Khan, tambour pakhawaj
Gilles Bourquin, tampura
À l'origine, ce sont des ménestrels itinérants, kathakaar ou kathika, qui chantent, dansent et miment en musique les kathas, récits mythologiques hindous. Dans une première période, l'art de la danse kathak se développe dans les temples des grands centres hindous du nord de l'Inde : Ayodhya, Bénarès, avec un fort ancrage dévotionnel. Puis, au XVIIe siècle, avec l'éclosion de l'empire moghol et des multiples royaumes périphériques, le kathak devient un art de cour, ou le lustre de la culture arabo-persane vient enrichir l'héritage indien.
À l'orée de l'ère moderne, après les derniers feux des grandes cours du XIXe siècle où la musique classique légère a conquis une forte audience populaire, le kathak enrichit son répertoire vocal dans le foisonnement romantique des thumri et ghazal, et la virtuosité rythmique des tarana, tout en excellant dans la chorégraphie des innombrables événements de la vie de Krishna.
Deux grandes écoles animent aujourd'hui la tradition kathak : Lucknow et Jaïpur. Ces deux styles, relativement proches, sont enseignés conjointement à la Kathak Kendra de Delhi. Le premier met l'accent sur la mise en scène et l'expression narrative, le second sur la technique rythmique. Évoquons surtout la magie des deux plus grand danseurs de ces dernières décades:
Durga Lal à Jaïpur et Birju Maharaj, dont l'arrière grand-père Durga Prasad fut le maître de khatak du dernier nabab de Lucknow, Wajid Ali Shah, exilé en 1856.
C'est donc à Delhi que Vidha Lal, aujourd'hui âgée de 29 ans, a accompli sa formation sous l'égide de Geetanjali Lal, une prestigieuse danseuse de Jaïpur, et porte brillamment le flambeau de la nouvelle génération.
De toutes les danses classiques de l'Inde, le kathak est celle qui privilégie le plus l'aspect rythmique. Parmi les instruments qui accompagnent la danseuse, le tabla est prépondérant. Complice indispensable, il impulse aux pas de la danseuse un langage rythmique commun.
Ustad Ilmas Hussein Khan, actuel chef de l'école de tabla de Lucknow, est ici secondé au tambour pakhawaj par Arshad Khan, petit neveu du légendaire Ahmed Jan Thirakwa.
La partie mélodique est assurée par le chanteur Vinod Gandharv, grand interprète de ghazal,
Ghulam Ali à la viole sarangi et Pandit Mukesh Sharma au luth sarod.
Ces deux derniers nous donnent l'occasion d'entendre, en première partie, un grand khyalinstrumental en duo, dans un raga classique hindoustani. Duo peu fréquent, il rassemble deux instruments aux timbres très différents.
Le sarod, issu du croisement du grand luth indien (dhrupad rabâb ?) et du robâb afghan, est l'instrument qui a le plus évolué depuis un siècle ; doté depuis peu d'une grande touche métallique qui lui confère un son brillant et puissant, il est avec le sitar, le plus joué sur la scène classique instrumentale.
Originaire d'Asie centrale, le sarangi est l'instrument le plus répandu en Inde depuis 500 ans environ, et sans doute celui dont le son est le plus proche de la voix humaine, ce qui lui confère une place privilégiée dans l'accompagnement de l'art vocal tant savant que populaire. L'appareillage des cordes sympathiques (tarab, plus d'une trentaine) associé à une puissante tenue de note due à l'utilisation d'un archet au crin très épais, le dotent d'une résonance sans égale.
À l'instar de la tampura, la richesse acoustique de ces instruments est le support indispensable à la qualité tonale, critère majeur de l'art du raga.
Rendons enfin hommage aux tawaif, les courtisanes ; professionnelles du spectacle, formées aux arts, garantes pendant des siècles de la qualité de la musique, de la danse comme de la poésie, régentes du marché de la musique et de la transmission de leur art. Certaines d'entre elles, excellentes danseuses ou chanteuses de thumri, fascinaient les experts les plus conservateurs.
Pourtant, les mutations de la société indienne, à la fin du XIXe siècle, et le puritanisme indovictorien ont éteint la plupart de ces foyers de culture. Mais la mémoire des tawaif, leur legs artistique et leur aura sont toujours bien présents sur la scène indienne.
Gilles Bourquin
SAMEDI 19 MAI À 20H30
I. RÉCITAL INSTRUMENTAL
Khyal instrumental de sarod et sarangi dans le Raga Darbari
Raga du soir, Darbari est réputé pour sa gravité, sa profondeur et sa difficulté. Il est originaire de la musique carnatique (musique classique de l'Inde du sud) et aurait été introduit dans la tradition hindoustanie au XVIe siècle par Mian Tansen, le musicien légendaire de la cour de l'empereur moghol Akbar. Le khyal est la forme improvisée la plus prisée des instrumentistes hindoustanis. Il comprend un alap, présentation du mode, un jod et un jhala dans lesquels l'instrument mélodique introduit une pulsation, et un ou plusieurs gat, accompagnés par les tambours.
II. RÉCITAL DE KATHAK
chorégraphies de Vidha Lal
Ouverture : chant ghazal
Ninad
(raga Goonkali ' tala Dhamar à 14 temps)
Hommage à Shiva, seigneur des mondes. Évocation de ses attributs : le trident, le serpent autour de son cou, le Gange, la lune, les éléments cosmiques et, surtout, le son du damaru, universel, trame de cette pièce.
Andaz
Pièce typique de l'école de Jaïpur, pure technique rythmique développée sur un cycle choisi spontanément.
Tarana
(raga Darbari - tala Ektal à 12 temps)
Pièce d'expression lyrique (abhinaya) sur la composition "Nain so nain milaye rahat". L'héroïne est froissée par un amant qui la heurte, la blesse, mais elle ne peut le blâmer tant son amour la possède.
Final
Improvisation en tala Teental à 16 temps et joute entre les gunguru (grelots de chevilles de la danseuse) et les tambours.
DIMANCHE 20 MAI À 17H
I. RÉCITAL INSTRUMENTAL
Khyal instrumental de sarod et sarangi dans le Raga Madhuvanti
Madhuvanti est un raga de fin de journée réputé pour sa couleur romantique. Il aurait été emprunté à la tradition carnatique (musique classique de l'Inde du sud). Sa structure est assez particulière car son échelle ascendante est pentatonique et son échelle descendante heptatonique.
Le khyal est la forme improvisée la plus prisée des instrumentistes hindoustanis. Il comprend un alap, présentation du mode, un jod et un jhala dans lesquels l'instrument mélodique introduit une pulsation, et un ou plusieurs gat, accompagnés par les tambours.
II. RÉCITAL DE KATHAK
chorégraphies de Vidha Lal
Ouverture : chant ghazal
Ninad
(raga Goonkali ' tala Dhamar à 14 temps)
Hommage à Shiva, seigneur des mondes. Évocation de ses attributs : le trident, le serpent autour de son cou, le Gange, la lune, les éléments cosmiques et, surtout, le son du damaru, universel, trame de cette pièce.
Andaz
Pièce typique de l'école de Jaïpur, pure technique rythmique développée sur un cycle choisi spontanément.
Thumri
(raga Bhinnshadaj - tala Kaharwa à 8 temps)
Pièce d'expression lyrique (abhinaya). L'héroïne est délaissée par son amant qui ne répond plus à ses lettres. Elle se laisse aller à la mélancolie et à la douleur de la séparation.
Final
Improvisation en tala Teental à 16 temps et joute entre les gunguru (grelots de chevilles de la danseuse) et les tambours.
La lampe a été gracieusement prêtée par le centre Mandapa.
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2012-03-09
Avec le soutien du Ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme de Corée, du Arts Council Korea et du Centre culturel coréen à Paris
Vendredi 9 mars à 20h30
Samedi 10 mars à 20h30
Dimanche 11 mars à 17h
Maison des Cultures du Monde, Paris 6e
par la Bongsan Mask Dance Drama Preservation Society
Avec les acteurs :
Kim Ae Sun, la jeune chamane, la musicienne
Chang Yong Il, Chwibari le libertin
Kim Jong Yop, le vieux mari, un vieux moine
Park Sang Uoon, le vendeur de chaussures, un vieux moine
Kim Sung Hae, le valet Malttuggi, un vieux moine
Kim Jong Hae, le vieux prêtre
Ryu Dong Chul, un vieux moine
Song In Hyun, un vieux moine
Kim Eun Joo, un jeune moine
Ha Sang Hwa, la concubine, un jeune moine
Park Won Muk, un vieux moine
Jung Yoon Sik, un vieux moine
Weon Yu Suk, le lion, un vieux moine, le vieillard
Lee Eun Soon, un jeune moine
Son Byung Man, le lion, un vieux moine
Park Mi Jin, un jeune moine, la jeune danseuse, le singe, la vieille femme
et les musiciens :
Kim Ho Seok, hautbois piri
Park Yong Ho, flûte daegum
Kim Nam Eun, vièle haegum
Choi Young Jin, tambour janggn
Surtitrage en français : Han Yumi et Hervé Péjaudier
Les théâtres masqués talchum de Corée tirent leur origine d'anciennes pratiques animistes et chamaniques qui remontent à plus de mille ans. Dans cette société d'agriculteurs, le peuple révérait les dieux de la nature et célébrait des rituels agraires accompagnés de danses, de chants et d'acrobaties auxquels participaient les chamanes. L'introduction du bouddhisme au IVe siècle qui devint religion d'État sous la dynastie Goryeo (936-1391) puis celle du néo-confucianisme sous la dynastie Joseon (1391-1906) n'entamèrent pas la vitalité de ces traditions et c'est sous les Joseon que les théâtres masqués coréens prirent la forme qu'on leur connaît aujourd'hui.
Représentés à l'origine lors de l'anniversaire du Bouddha, le huitième jour du quatrième mois lunaire, ces spectacles rituels prirent part à partir du XIXe siècle à la fête de Dano qui clôt la période des semailles, célèbre la divinité du ciel et le retour du printemps. Destinés à chasser les mauvais esprits, ils se sont vite empreints d'une fonction libératrice.
Entre magie, sacré et satire sociale, ces drames dansés nous livrent, en une succession de saynètes, une image de la société rurale coréenne et de son histoire. Ils permettent au peuple d'exprimer librement ses frustrations par une inversion des rôles qui, le masque aidant, autorise toutes les audaces. Une fois travesti, le domestique Malttugi peut tourner les aristocrates en dérision et leur donner des ordres, contrarier les amours d'un riche noble et de sa jeune concubine ou jouer des tours à des bonzes dépravés. Cependant, loin d'un spectacle débridé, les danses conservent une majesté qui rappelle leurs origines rituelles.
La vulgarité et l'indécence de certaines paroles sont ainsi contrebalancées par la solennité et la gravité des chants, la majesté de la musique et le rythme des percussions.
Aujourd'hui, plusieurs de ces formes sont encore pratiquées en Corée comme le yangju pyol sandae, le hahoe pyolshin gut et le bongsan talchum. À chacune son style, ses histoires, sa facture de masques.
Le terme talchum se compose des mots chum, danse, et tal, masques. Le bongsan talchum naquit au XVIIIe siècle dans la petite ville florissante de Bongsan au nord de la province de Hwanghae (actuellement en Corée du nord). Cette ville abritait alors une foire réputée et comme elle se trouvait sur le chemin des missions diplomatiques chinoises en route pour la capitale, elle attirait des musiciens, des danseurs et des baladins qui étaient encouragés par la population à monter des troupes et présenter des spectacles. À l'origine, les masques de bongsan étaient en bois, mais ils furent rapidement remplacés par du papier mâché, un support plus facile à travailler et qui facilita l'essor de ce théâtre et son rayonnement à travers la province. Après la partition de la Corée en 1948, plusieurs détenteurs du bongsan talchum s'installèrent dans la région de Séoul où ils continuèrent de le pratiquer. À l'époque de la dictature en Corée du Sud, nombre d'étudiants eurent recours au Bongsan Talchum afin de critiquer le régime. Aujourd'hui, le Bongsan Talchum est incontournable pour tous les acteurs contemporains travaillant sur des techniques de mouvement et de gestuelle.
En 1967, cette forme fut inscrite à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel coréen comme Bien culturel important n°17 et sa sauvegarde confiée à la Bongsan Mask Dance Drama Preservation Society. Celle-ci est présidée par Madame Kim Ae Sun, Trésor national humain, dont le père, originaire de la ville de Bongsan, s'est installé en Corée du Sud avec sa famille. La jeune Kim Ae Sun était alors agée de 8 ans.
Le spectacle comprend 7 actes ou gwajang qui mêlent le chant, la musique, des dialogues et la danse. Chaque acte constitue une entité narrative dans laquelle les masques font ressortir le caractère stéréotypé des personnages traités sous l'angle de la satire. Le déroulement hétéroclite de la représentation, avec ses scènes de danse pure, ses pantomimes et ses pièces dialoguées témoigne des origines multiples de cette forme ' chamanisme, bouddhisme, danse et théâtre populaire sandae dogam ' dont les éléments se sont sédimentés au fil des générations. C'est peut-être la musique qui donne sa véritable unité au spectacle, une musique basée sur des mélodies et des rythmes populaires interprétée par un petit ensemble instrumental composé des quatre principaux instruments traditionnels coréens : le hautbois piri, la flûte traversière en bambou daegeum, la vièle à deux cordes haegeum et le tambour en forme de sablier janggu auxquels s'adjoignent parfois les gongs kkwaenggwari frappés par les danseurs.
Les sept gwajang :
1. Quatre jeunes moines saluent les divinités des quatre points cardinaux.
2. Entrée des huit bonzes qui se lamentent tour à tour sur le sort et décident de chanter et danser au lieu d'accomplir leurs devoirs monastiques.
3. Une danseuse sadang apparaît. Elle est suivie par sept saltimbanques, les gosa, qui se mettent à chanter et danser avec elle.
4. Au cours d'une séquence entièrement mimée et dansée, un vieux prêtre dont la vie fut jusque-là exemplaire, regarde avec concupiscence une jeune chamane danser et en tombe amoureux. Entrent alors un vendeur de chaussure et son singe. Il essaie de vendre au vieux prêtre une paire de vieilles sandales tout en critiquant sa conduite. Le libertin Chwibari surgit en se pavanant et dispute au prêtre les faveurs de la jeune chamane. Le prêtre ne fait pas le poids et doit céder la place. Mais voilà que la jeune chamane tombe enceinte des oeuvres du libertin. Elle lui abandonne le bébé et le bonheur un peu béat de la paternité.
5. Un lion, animal réputé chasser les mauvais esprits dans le bouddhisme, sème la terreur parmi les huit moines et le vieux prêtre. Un des moines en appelle à son pardon, promettant que désormais ils rentreront tous dans le droit chemin.
6. Le valet Malttuggi, dans un dialogue plein de sous-entendus, ridiculise trois jeunes nobles et transforme à leur insu leur logis en parc à cochons.
7. Une vieille entre en scène, à la recherche de son mari. Avisant un musicien elle lui décrit le vieux sous les traits les plus horribles qui soient. Une fois sortie, c'est son mari qui entre, lui aussi à la recherche de sa vieille qu'il décrit au musicien. Celui-ci lui dit qu'elle vient de passer et qu'il n'a qu'à l'appeler. Mais lorsque le couple se retrouve, l'épouse avise une jeune concubine qui se cache derrière son mari. Fureur de la vieille, dispute, bagarre, la vieille femme est tuée. L'homme célèbre alors un rituel chamanique pour le repos de l'âme de son épouse.
Chaque mouvement de danse du bongsan est codifié. Le cercle de la main autour de la tête s'appelle oe-sawi, les cercles de la main devant le visage puis derrière la tête, gop-sawi ; le kkaekki chum, un cercle au-dessus de la tête suivi d'un posé de la main droite sur l'épaule tandis que la main gauche se balance, est typique du personnage du libertin. De même, chaque personnage a une démarche spécifique : la vieille épouse marche en zig-zag (kaljija-kolum) ou bien se déhanche (kungkungi chum) tandis que le libertin se pavane (kodurum). Les costumes soyeux aux couleurs chatoyantes, avec leurs longues manches, accentuent la beauté des mouvements et font un contrepoint étonnant avec les figures grimaçantes des masques.
Ceux-ci sont façonnés sur des formes en bois avec des bandes de papier mâché superposées puis peintes. Pour accentuer l'effet grotesque mais aussi prémunir le village contre les maladies de peau, nombre de masques portent les stigmates de la variole, du vitiligo (tâches blanches), de la lèpre ou de la gale. La corruption des moeurs se traduit par la multiplicité des rides sur le front, l'ivrognerie par de grosses verrues' C'est sans doute une des raisons pour lesquelles les masques de bongsan étaient brûlés après la représentation au cours d'un rite d'exorcisme.
Pierre Bois
La Maison des Cultures du Monde tient à remercier tout particulièrement :
Monsieur Lee Jong-Soo, Directeur du Centre culturel coréen à Paris.
Monsieur Kim Young-San, Art Policy general, Ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme de Corée.
Monsieur Jang Yong Suk, Directeur du département de la coopération et des échanges, Arts Council Koree.
Monsieur Junho Choe, Madame Han Yumi et Monsieur Hervé Péjaudier, Monsieur Kim Sun-Kook.
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2011-12-04
II. Solos de Danse par Yang Sung-Ok
Kim Young-Gil, ajaeng
Na Young-Seon, piri
Jo Yong-Bok, janggu
Sa Ju-Hyun, haegeum
Lee Ji-Hye, gayageum
La danse traditionnelle coréenne se divise en danses de cour et danses populaires. Les danses de cour étaient exécutées lors d'événements nationaux et des banquets royaux. Ce sont des danses hiératiques, gracieuses, à la gestuelle raffinée.
Les danses populaires, à l'inverse, sont gaies, énergiques, vigoureuses. Leur objectif étant d'exprimer des émotions simples, avec un souci modéré des règles, elles ont favorisé l'expression libre. Selon les régions elles diffèrent de par leur forme, leur musique, leurs costumes. Mais toutes partagent une relation étroite avec le chamanisme, les traditions agraires et les fêtes saisonnières, et certaines ont également subi l'influence du bouddhisme. Enfin, si elles ont toutes évolué au fil des siècles en fonction de leur interprètes, elles se sont remarquablement conservées.
Ce récital présente cinq pièces du répertoire de danse en solo, celui où s'exprime le mieux l'inventivité et l'imaginaire de son interprète.
Yang Sung-Ok (née en 1954) est réputée en Corée pour l'originalité de son sens artistique et ses choix musicaux et chorégraphiques. Spécialiste de la danse traditionnelle coréenne, elle a beaucoup contribué au développement des arts du spectacle, à travers des danses créatives reprenant des éléments traditionnels.
Yang Sung-Ok est co-détentrice de la danse Taepyeongmu, bien culturel immatériel n°92 et a obtenu le prix du Ministre de la Culture, du Sport et du Tourisme coréens. Après avoir été membre de la compagnie nationale de danse et avoir participé aux festivités des jeux olympiques de Los Angeles (1984) et de Séoul (1988), elle est aujourd'hui professeur à l'université nationale des arts et directrice de la compagnie de danse Hannuri.
Prélude : Solo de hautbois piri par Na Young-Sun
1. Sanjo Chum (danse de sanjo)
Cette danse demande une très grande maîtrise technique car le danseur doit suivre avec une extrême précision tous les changements de rythme du sanjo joué à la cithare gayageum tout en donnant une impression de liberté et de charme naturel.
Musique Gayageum sanjo de l'École de Kim Yun-Deok
Gayageum : Lee Ji-Hye
Interlude : Solo de vièle haegeum par Sa Ju-Hyun
2. Salpuri
Signifiant "danse pour chasser les mauvais esprits", cette danse était à l'origine celle des rites chamaniques. Depuis, nombre d'artistes professionnels en ont fait une forme spectaculaire à part entière. La musique accompagnant les cérémonies chamaniques est aussi appelée salpuri ou encore sinawi lorsqu'elle n'est pas accompagnée de danse. Yang Sung-Ok est ici accompagnée par un sinawi à la cithare à cordes frottées ajaeng par Kim Young-Gil.
Interlude : Duo de hautbois piri et vièle haegeum par Na Young-Sun et Sa Ju-Hyun
3. Janggu chum (danse du janggu)
Le tambour en forme de sablier janggu est l'instrument de percussion le plus populaire de Corée. La danseuse le porte en bandoulière tout en dansant sur les mélodies populaires de Hangang sutharyang.
Kim Young-Gil ajaeng, Na Young-Seon piri, Sa Ju-Hyun haegeum, Jo Yong-Bok janggu.
Interlude : Sinawi en version d'ensemble
par : Kim Young-Gil ajaeng, Na Young-Seon piri, Lee Ji-Hye gayageum, Jo Yong-Bok janggu.
4. Taepyeongmu
Cette danse évoque une prière pour un règne paisible et des récoltes abondantes. Tanôt dignes et majestueux, tantôt gais et légers, les pas requièrent force, habileté et enthousiasme. Bien culturel immatériel n°92, Taepyeongmu fut transmise à Yang Sung-Ok par Kang Seon-Young.
Kim Young-Gil ajaeng, Na Young-Seon piri, Sa Ju-Hyun haegeum, Jo Yong-Bok janggu
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2011-06-10
Dans le cadre de "2011, Année des Outre-Mer"
10 au 12 juin, Musée du quai Branly, Paris
15 juin, Centre Culturel Jacques Duhamel, Vitré (35)
La fête a toujours revêtu une importance majeure aux Marquises. Elle est non seulement un ciment de la vie sociale, mais aussi, comme le dit M-N. Ottino, "la plus sûre démonstration du prestige des communautés". De tout temps, bien avant l'arrivée des européens, on se lançait dans de véritables compétitions touchant des domaines variés, la danse et la chorégraphie n'étant pas des moindres. Après une longue période de déclin, le sens de la fête, de la danse et de la compétition par les chorégraphies renaissent. La danse est l'affaire de tout le monde.
Regroupés en associations, souvent par "vallées", les Marquisiens se sont réappropriés l'esprit qui animait leurs célébrations. L'association Te Hina o Motu Haka de Nuku Hiva est l'illustration d'un regroupement de personnes partageant une passion commune : la danse. La transmission est ainsi assurée, les très jeunes sont initiés non seulement à la danse, mais aussi aux instruments et à la fabrication des costumes.
Henua Enana, ou Terre des Hommes est le nom marquisien de cet archipel de 12 îles qui couvrent 997 km2 dans l'Océan Pacifique. Les îles hautes, d'origine volcanique, ne possèdent pas de récifs coralliens. Elles furent découvertes en 1595 par le navigateur espagnol Alvaro de Mendana qui leur donna le nom de islas de las Marquesas en l'honneur de son protecteur, le Marquis de Cañete, qui était également vice-roi du Pérou. Située à 1500 km au Nord Est de Papeete, Nuku Hiva est l'île la plus étendue de l'archipel et son centre administratif.
L'évangélisation catholique commença en 1839, confortée par l'annexion française en 1842.
Nuku Hiva entra alors dans de longues années de déclin : épidémies, raids de négriers, alcoolisme et consommation d'opium : d'une population estimée à environ 12 000 habitants en 1842, il ne restait que 634 personnes en 1934 ! Il fallut attendre le début des années 1920 quand le docteur Rollin, médecin et administrateur des Marquises s'attaqua aux problèmes sanitaires avec succès, enrayant la chute de la courbe de natalité. À la fin des années 1950, la population avait doublé.
Ce que l'on rapporte aussi de cette période, c'est la profonde tristesse dans laquelle s'enlisaient les Marquisiens : la lente mais sûre évangélisation détruisit les structures traditionnelles en interdisant la pratique du tatouage, la danse et le chant. Les tiki sont détruits ou envoyés en Europe comme preuve de la conversion de la population. La culture de tradition orale ne peut résister à ce massacre et disparaît quasiment. C'est avec l'arrivée de Mgr Hervé Le Cléac'h, Evêque des Marquises, que le "réveil" se fera. Mgr Le Cléac'h se souvient avoir appris le français à l'école car, chez lui, on parlait le breton. Il se souvient aussi des punitions subies par les enfants qui prononçaient un mot de breton en classe. Sensible à ces questions, il rassemble autour de lui un groupe de jeunes instituteurs et de personnes motivées qui rêvent de défendre la langue marquisienne.
Une des figures emblématiques de ce mouvement de réveil identitaire était Lucien Kimitete, maire de Nuku Hiva de 1991 à 2002, année de sa disparition à bord d'un avion en mer. Ils créent en 1978 la première association culturelle des Marquises, un rassemblement du peuple marquisien pour la défense du patrimoine culturel : ainsi est né Te Motu Haka o Te Henua Enana (le rassemblement de la Terre des Hommes).
Motu Haka obtient la reconnaissance officielle de la langue de l'archipel et en 1999, l'Académie Marquisienne est créée. Commence alors une course contre la montre et un long travail de collecte de tout le patrimoine oral et de tous les savoirs faire auprès des anciens qui ont gardé dans leur mémoire la culture de leurs ancêtres. Cela ne fut pas toujours facile, car, en plus des questions relatives à la propriété d'un savoir faire, nombreux étaient ceux qui répugnaient à délivrer des informations devenues tabou.
Georges Teikiehuupoko relate que le recours à Mgr Le Cléac'h, qui cautionnait ce travail de collecte, était alors le seul moyen pour convaincre les réticents. C'est ainsi que l'on essaya aussi de retrouver la dynamique formelle des danses et les éléments de la culture ancestrale dont elle était l'expression.
En 1987 est organisé à Ua Pou le premier Festival des Arts des Iles Marquises. Il s'est tout de suite imposé comme un événement majeur pour la mise en valeur de l'héritage culturel et festif du peuple des Marquises. Le festival qui a lieu tous les deux ans est le moment privilégié où des groupes de danseurs de toutes les îles (un groupe pouvant regrouper jusqu'à 100 personnes qui prennent toutes part à la danse en même temps) peuvent se confronter et se défier par la danse et les chorégraphies inventives dans une atmosphère de communes réjouissances.
Car c'est bien là ce qu'il faut surtout retenir des danses marquisiennes : inventivité pour se lancer des défis, joie de la fête, bonheur de danser et fierté d'exprimer son identité marquisienne.
La Maison des Cultures du Monde tient à remercier tout particulièrement :
Mesdames Débora Kimitete, Première adjointe au Maire de Nuku Hiva, Maéva Salmon, déléguée de la Polynésie à Paris et Dorianne Témarii, Délégation de la Polynésie Française, Messieurs Georges "Toti" Teikiehuupoko, Président de l'Académie Marquisienne, Téva Quesnot, Tavana Hau (Administrateur) des Iles Marquises et Georges Marbeck.
Nous remercions pour leur confiance et leur soutien Monsieur Daniel Maximin, Commissaire, et Madame Caroline Bourgine, Conseillère, 2011 Année des Outre-Mers.
Nous remercions également Air Tahiti Nui, Air Tahiti, GIE Tahiti Tourisme, Hôtel Intercontinental Tahiti.
La Maison des Cultures du Monde remercie Monsieur Stéphane Martin, Président du musée du quai Branly et la Direction du développement culturel pour leur confiance et leur accueil.
Légende de la création des Iles Marquises
La légende de la création des îles Marquises, telle qu'elle a été contée par René Haiti Uki.
Eia i na po omua E pohue a'a Oatea me ta ia vehine o Atanua
Il y a longtemps, longtemps, le soleil brillait sur la mer,
Mais dans la mer, il n'y avait pas d'île.
Vivaient en ce temps-là Oatea et sa femme Atanua.
Ils n'avaient pas de maison.
Puisqu'il n'y avait pas d'îles
Pour construire les maisons.
Alors Atanua dit à son mari :
"On ne peut pas bien vivre sans maison".
Oatea ne répondit pas.
Il pensait :
"Comment vais-je faire pour construire une maison ?"
Oatea invoqua les dieux, ses ancêtres.
Un soir, il dit à Atanua :
"Cette nuit, je vais construire notre maison.
Maintenant, je sais comment faire".
Il faisait nuit.
La voix d'Oatea s'entendait seule dans le noir.
Il dansait et chantait :
Aka-Oa e, Aka-Nui e, Akaïti e, Aka-Pito e, Aka-Hana e, Haka-Tu te Hae.
L'invocation finie, le travail commença.
L'emplacement fut choisi : dans le milieu de l'Océan.
Deux piliers furent dressés : Ua Pou.
Une longue poutre fut placée sur les deux piliers :
Hiva Oa.
Alors il fallut assembler les piliers, la poutre.
Le toit devant et le toit en arrière, Te ka'ava ao, te ka'ava tua.
C'est Nuku Hiva.
La maison est couverte de feuilles de cocotier tressées, Fatu.
La maison était grande.
Il fallait neuf feuilles de cocotier tressées
Pour la couvrir dans sa longueur :
O Fatuiva.
C'est long le travail de tresser les feuilles de cocotier.
Et de faire de la corde avec de la bourre de coco.
Le temps passe, il passe vite.
Oatea travaille, travaille sans arrêt.
Soudain Atanua crie à son mari :
"La lumière du jour commence à éclairer l'horizon du ciel".
O Tahuata.
"Moho l'oiseau du matin chante déjà"
Mohotani.
Oatea sans s'arrêter répond :
"Je finis, il me reste à creuser un trou
Pour y mettre tout le surplus de feuilles
Et de bourre de coco" :
O Ua Huka.
Alors le soleil se lève et illumine l'Océan.
Voici la maison construite par Oatea.
Atanua sa femme s'écrie :
Ei, ei, ei, ua uo, ua uo, O Eiao.
Ua Pou,
Hiva Oa,
Nuku Hiva,
Fatu Hiva,
Mohotani,
Tahuata,
Ua Huka,
Et Eiao,
Voici donc les îles ruisselantes de lumière dans le soleil levant.
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2011-04-29
Ce programme bénéficie du soutien du Ministère de la culture, de la jeunesse et du développement des communautés des Émirats Arabes Unis.
Vendredi 29 et samedi 30 avril à 20h30
Maison des Cultures du Monde
Avec le National Folk Arts Group
Obaid Ali Abdulla, direction
Ahmed al-Ali
Hassan Ali Lagher
Sabeel Abbas Abdulla
Abdulla Abbas Abdulla
Obaid Ali Abdulla
Darwish Mohammad Hassan
Hassan Lashkari Eid
Ahmad Naqib Khamis
Mohammad Ali Hassan
Ismaeil Ali Khalaf Shams
Saeed Ali Mohammad
Juma Darwish Shaban
Masood Rashed Masood
Tariq Tarish Saif Ahmed Al Remeithi
Hassan Johar Bilal Hassan
Ahmad Mahmood Ali Ahmad
Mubarak Muhtaj Ahmed Khalaf
Eid Shukri Hassan Abdulla
Adel Ali Saleh Saeed
Mohammad Abdulla Saif Shams Al Rushaidi
Le mawled an nabi est la célébration de la naissance du prophète Muhammad. Il a lieu le 12e jour du mois rabi al-awwal chez les sunnites et le 17e chez les chiites dans presque tous les pays arabes et musulmans.
Les premières célébrations du mawled eurent lieu à la Mecque au VIIIe siècle après que sa maison fut transformée en lieu de prière. Elles se limitaient semble-t-il aux proches descendants du prophète.
Le premier mawled officiel fut organisé au Caire par un souverain fatimide (dynastie d'obédience chiite) à la fin du XIe siècle. Le rituel comprenait une procession, des récitations du Coran dans la cour du palais et une distribution de nourriture aux fonctionnaires. À la fin du XIIe siècle, le mawled apparaît dans les milieux sunnites, particulièrement en Syrie, sous la forme d'un sama' soufi accompagné de lectures de textes et de poèmes produits pour la circonstance. Au XIIIe siècle à Arbil (Irak), le mawled attire des gens de toute la région, des pavillons à étages sont construits pour loger les notables, des ensembles de musiciens participent à la fête qui se conclut par un banquet auquel tous sont invités. Par la suite la fête du mawled va se répandre progressivement dans le monde islamique, prenant des formes variables selon les cultures, pour devenir l'une des trois grandes fêtes musulmanes, même si sa légitimité est toujours controversée dans les milieux fondamentalistes.
Le mawled est donc l'occasion privilégiée de rendre hommage au prophète par des lectures de récits biographiques (sira) ainsi que des chants de louanges (madîh nabawî) qui puisent dans les mêmes répertoires que le dhikr ou le sama' soufis. C'est aussi le prétexte à consommer des sirops et pâtisseries qui symbolisent sans doute cette douceur ou bienveillance (rifq) qui doit animer les esprits.
À Abu Dhabi comme à Dubai, le mawled ne commémore pas seulement l'anniversaire du prophète mais peut également être célébré dans la nuit du jeudi au vendredi, jour de prière, ou lors d'une circoncision.
La cérémonie se déroule soit à la maison soit dans une mosquée, mais dans le second cas, elle se déroule sans tambours. Le choeur est divisé en deux rangs assis face à face. Le rang situé à droite, appelé ahl al samaa chante les versets et bat les tambours. Au centre se tient le munshid, le chantre principal. Le rang de gauche appelé al radida, répond en répétant les phrases clés et en poussant de vives exclamations. Sur certains poèmes il exécute aussi une danse assise où les corps collés les uns aux autres se balancent d'un même mouvement de droite à gauche ou d'arrière en avant en de profondes prosternations amplifiées par les larges mouvements des bras et de la tête.
Programme
En règle générale, un mawled se compose de deux parties : des chants de louanges et la sira ou récit de la vie du prophète. Ici, il se compose de trois parties.
La première partie, al-mâled, est un chant de louanges dédié à la Kaaba.
Le poème est l'oeuvre du soufi Ibn al-Farid (1181-1235) enrichie de vers supplémentaires destinés à éclairer le sens du poème.
La seconde partie, al-mawled al-Barzanji est consacrée au récit de la naissance du prophète tiré d'une biographie poétique (sira) composée par l'imam Ja'far bin Husayn Abd al-Rasul al-Barzanji (1690-1766) et connue sous le titre de Mawled al-Barzanji.
Au moment où le récit arrive à la naissance, les participants se lèvent en signe de respect.
Après une pause de quelques minutes pendant laquelle les participants ne quitteront pas la scène, la troisième partie, al-mâled al-rasul, conclut la soirée par une série de louanges au prophète (madîh nabawî).
Le National Folk Arts Group n'est pas une troupe folklorique comme son nom pourrait le laisser entendre. Conscient des enjeux posés depuis un demi-siècle à l'identité et à la culture traditionnelle émiraties par une modernisation économique à marche forcée, le ministère de la culture a encouragé cette formation à devenir un espace de transmission des patrimoines musicaux, poétiques et chorégraphiques émiratis comme cela se faisait autrefois. Toutes les générations y sont donc présentes, des aînés garants de l'authenticité des répertoires à de jeunes gens fraîchement sortis de l'adolescence.
Durée estimée du concert : 70 min
Projection du film documentaire Al Mureed de Nujoom Al Ghanem
2008, couleur, vidéo, 71 minutes (VO st anglais)
À la recherche de son histoire personnelle et d'une voie soufie, Nujoom Al Ghanem rencontre Sheikh Abdul Raheem Al-Mureed, le plus éminent soufi emirati qui vécut à Dubaï de 1902 à 2007.
Elle tente dans ce documentaire d'approcher la vie et le parcours de cet homme d'exception.
Un voyage qui commence par une nuit de mawled...
Auteure de quatre recueils de poésie, la cinéaste Nujoom Al Ghanem est reconnue comme l'une des grandes poètes emiraties d'aujourd'hui. Diplômée d'un Master cinema de l' Université de Griffith (1999) et Bachelor of Arts en production télévisuelle de l'Université d'Ohio (1996), elle a dirigé quatre films, dont Al Mureed en 2008, et a participé à de nombreux festivals et événements culturels dans le Monde Arabe et en Europe. Le prix de la meilleure réalisatrice émiratie lui a été décerné par le 5e Festival International du Film de Dubaï pour son film Al Mureed.
Vendredi 29 et samedi 30 avril à 18h - Entrée libre
La Maison des Cultures du Monde remercie
Monsieur Bilal Al-Budoor, directeur des Affaires culturelles et artistiques au Ministère de la culture, de la jeunesse et du développement des communautés des Émirats Arabes Unis
et Monsieur Khaled Al-Budoor
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2011-03-24
Dans le cadre de Namaste France,
avec le soutien de l'ICCR
Jeudi 24 et samedi 26 mars à 20h30
Dimanche 27 mars à 17h
Maison des Cultures du Monde
À l'Opéra de Lille le vendredi 25 mars.
Guru Lakpati Singh Leimapokpam, Eshei hanba ou chanteur principal pour le Sankirtan
Guru Shyamchano Singh Ningthoujam, principal duhar (danseur) pour le Sankirtan
Guru Thanil Singh Sougaijam, maître du tambour pung (Sankirtan)
Rajmohan Singh Moirangthem, chanteur Sankirtan
Arunkumar Singh Khuraijam, chanteur-danseur
Manaobi Singh Sarangthem, chant
Nanaotomba Singh Takhellambam,Basanta Singh Lairenjam, danseurs, tambour pung
Oken Singh Ahongsangbam, chant et flûte bandshi
Ibomcha Singh Akoijam, tambours pung et dholok
Ningombam Memtombi Devi, chant (orchestre)
Loken Sharma Gurumayum, pung et dholok (orchestre)
Priyashini Devi Ahongsangbam, Shangitabali Devi Moirangthem, Ratnamala Devi Laitonjam,
Sunitibala Leishangthem Devi, danseuses Lai-Haraoba et Rasa Lila
Nandarani Devi, danseuse Rasa Lila (rôle de Krishna)
Niky Namoijam, danseuse Rasa Lila (rôle de Rada)
Et avec Wangkheimayum Amarjit Singh, direction et chant
Danse et musique traditionnelles au Manipur sont toujours extrêmement vivantes et s'inscrivent à part entière non seulement dans la culture des Manipuri, mais aussi dans leur quotidien.
Le Manipur, littéralement "Pays des joyaux" est un état du Nord-est de l'Inde, situé entre la Birmanie et le Bangladesh dont la majorité des habitants se consacre au rituel hindouiste vishnouite. Ce rituel a été introduit vers le XVe siècle sur un important substrat d'anciennes croyances, cultes animistes, culte des ancêtres et des héros mythiques. Des rituels tantristes avaient auparavant été introduits au VIe siècle.
Ils ont été assimilés par la religion préexistante. Au XVe siècle, les divinités du Soleil, Sanamahi et de la Lune, Pakanghba, furent assimilées avec Shiva, les rois-serpents et les cultes vishnouites. Depuis les anciens temps, croyances et religions au Manipur ont trouvé leur expression dans les danses rituelles exécutées par la communauté au cours de grands rassemblements festifs ou dévotionnels.
Le Rasa Lila communément appelée "manipuri", est sans doute la danse la plus connue.
Elle est considérée comme une des six danses classiques emblématiques de l'Inde, au même titre que le bharata natyam ou le kathak. Aujourd'hui liées au rituel vishnouite, les musiques et danses du Manipur incarnent l'amour et la dévotion pour Krishna, un des avatars de Vishnou, celui qui est le plus célébré, considéré comme le gardien et le protecteur du monde. Les thèmes du Rasa Lila évoquent principalement les légendes relatives à l'amour divin entre Krishna et la bergère Radha, ses jeux avec ses bergères, les gopis, ou encore l'enfance et les espiègleries de Krishna. Le Rasa Lila constitue le point culminant, l'apogée du rituel Sankirtana.
Dhol dholok cholom
Dhol et dholok sont respectivement un grand tambour circulaire frappé avec une mailloche et un tambour cylindrique à deux peaux frappé à mains nues. Ces deux instruments sont utilisés pendant le Holi-Sankirtana, festival du printemps célébré au Manipur et dans d'autres régions de l'Inde.
Dhol dholok cholom est un jeu de tambours dansé au caractère viril et athlétique très affirmé.
Lai-Haraoba
Le fondement de toutes les danses du Manipur se retrouve dans le Lai-haraoba ou festival des dieux, une cérémonie de danse dédiée à plus de 500 divinités de villages et qui a lieu au mois d'avril. Les maibis, les prêtresses, habillées de blanc, symbole de bonté absolue, exécutent une danse "abstraite" mais qui peut, éventuellement, prendre la forme d'une queue de serpent, symbolisant Pakhangba, l'ancienne déesse de la Lune.
C'est dans les mouvements sinueux des maibis, dépourvus de transition soudaine ou d'exagération que l'on peut trouver les éléments les plus caractéristiques de toutes les danses du Manipur :
le corps des danseuses se meut et passe d'une position à une autre comme dans une sorte de "fondu enchaîné" ; le toucher du sol par un doux mouvement de l'orteil et les douces et sinueuses ondulations du corps sont accompagnés par l'expression à la fois douce et solennelle des danseuses.
Pung Cholom
Le prologue du Rasa Lila, le grand drame dansé du Manipur, est le Pung Cholom ou danse des tambours. Cette danse de groupe requiert au moins deux danseurs tambourinaires, le nombre pouvant aller jusqu'à cent. C'est ce qui rend son exécution encore plus difficile.
Le Pung Cholom est exécuté certains jours de fête, pour de grandes occasions comme, par exemple, la première fois que l'on donne à un nouveau-né des aliments solides, ou quand on lui perce les lobes des oreilles, au moment des rites d'initiation, des cérémonies de mariage, les décès ou anniversaires de mort. Les percussionnistes incarnent les phénomènes de la nature, comme, par exemple, le crépitement de la pluie battante, le roulement du tonnerre, le vol des oiseaux. Le Pung Cholom prépare l'espace sacré de la scène pour le Rasa Lila.
Sankirtana
Le rituel du Sankirtana ou Nata-sankirtan dont le but consiste à provoquer une transe qui place l'homme en communication avec le divin, est constitué d'un ensemble de chants, de jeux de tambours et de cymbales et de subtils mouvements de danse. Grâce à ces éléments intimement mêlés les uns aux autres, le Sankirtana représente une expression très structurée comportant toutefois des marges d'improvisation pour amener les exécutants à utiliser au mieux les techniques extatiques.
Placées sous l'autorité d'un chef, les congrégations exécutent le rituel au moment de diverses fêtes sociales ou religieuses (naissances, mariages, anniversaires de funérailles). Rarement présenté à l'étranger, le Sankirtana est un joyau qui subjugue par la beauté des poèmes chantés, les voix et les rythmes qui s'accélèrent en crescendo, et les gestes expressifs d'une sobriété épurée. Le Natasankirtan peut durer plusieurs heures.
Rasa Lila
Il est dit que quand Krishna, Rada et les gopis dansèrent le Rasa Lila, Shiva fit en sorte que rien ne perturbe la beauté de cette danse. Parvati voulant aussi la voir, Shiva choisit les belles vallées du Manipur où le Rasa Lila fut à nouveau interprété, et où il est toujours dansé depuis.
Le Rasa Lila a lieu lors de la première pleine lune d'une saison donnée. La première représentation a toujours lieu dans le plus sacré des temples du Manipur, le temple Govindaji à Imphal, la capitale.
Ce n'est qu'après cela que les Rasa Lila peuvent être donnés ailleurs. La danse commence au coucher du soleil et se termine avec l'aube.
Dévotionnel à l'origine, le manipuri est encore aujourd'hui considéré comme une expérience spirituelle et nullement comme divertissement. Il est interprété sur les parvis des temples lors de différentes fêtes religieuses, sans limitation de durée, et peut aller d'une heure à toute une nuit.
Considérée comme l'une des plus harmonieuses et plus douces, cette danse est basée sur une série de mouvements circulaires, évitant toute ligne droite, tout angle, tout mouvement incisif.
Tout en ondulations, une impression d'extrême douceur se dégage du manipuri qui ne laisse point soupçonner les efforts nécessaires au contrôle du corps. Les mudras, ou gestuelle des mains, se distinguent de celles des autres danses classiques.
Quant au potlei, le costume des danseuses qui incarnent les gopi, il aurait été conçu après que le Maharaja Bhagya Chandra (1763-1798) l'ait vu en songe. La jupe caractéristique avec son panier cylindrique, est généralement rouge, sauf celle de Rada qui est de couleur verte. Sur leurs têtes et leurs visages, un très léger voile transparent accentue l'effet de douceur sans toutefois cacher les douces expressions des danseuses.
Même si le manipuri semble être tout simple, il s'agit en réalité d'une série de mouvements complexes et intriqués : la chorégraphie d'un Rasa Lila retrace les dessins d'un antique mandala. Un centre est déterminé au gré des déplacements des danseuses entre les quatre points cardinaux. Ces mouvements et déplacements symbolisent non seulement le cosmos, la terre et l'univers, mais aussi la vie humaine. Le côté répétitif et cyclique renvoie à la rotation de la terre autour du soleil. Ces mouvements circulaires sont très importants pour la danse au Manipur. D'ailleurs, danse en meithei (langue de l'ethnie majoritaire du même nom) se dit jagoi ce qui veut dire tourner ou tournoyer.
Il y a plusieurs variantes du Rasa Lila qui sont donnés en fonction des saisons, chaque variante étant structurée en cinq parties. Pour le Festival de l'Imaginaire, et les représentations qui ont lieu au mois de mars, c'est-à-dire au printemps, on donnera un Vasanta Rasa Lila : la danse vasanta est exécutée la nuit de la pleine lune du printemps, entre février et mars. Elle retrace le cheminement de Krishna vers un bosquet sacré ; ses gopis conduites par Rada, répondent en dansant à l'appel de sa flûte magique.
Les cinq parties du Vasanta Rasa Lila sont les suivantes :
Invocation et prière
Formation sacrée du Rasa
Danse d'ouverture des personnages principaux
Le noeud dramatique de l'action
Le rituel final, offrandes et prières
Ranganiketan est un ensemble à géométrie variable. Il est dirigé par W. Amarjit Singh, qui a dédié sa vie aux arts et à la culture du Manipur. Le Festival de l'Imaginaire invite plusieurs guru accompagnés de leurs disciples :
Padmashri Guru S. Thanil Singh, âgé de 64 ans. Il est reconnu au Manipur comme le maître le plus important du tambour traditionnel pung. Guru L. Lakpati Singh, 58 ans est incontestablement le plus grand et meilleur chanteur de Nata-sankirtan dans tout le Manipur. Il a reçu plusieurs prix, dont celui de la Sangeet Natak Academy en 2001.
Guru N. Shyamchand Singh, 54 ans, est un des maîtres du cholom, un autre joyau du patrimoine du Manipur.
Arwad Esber
Sources :
- Archives de la Maison des Cultures du Monde, Centre de documentation sur les spectacles du Monde
- Aglaja Stirn - Peter van Ham. The Seven Sisters of India. Tribal Worlds between Tibet and Burma.
Prestel, 2000.
Durée estimée du concert : 1h30 environ
La Maison des Cultures du Monde remercie Madame Namrata Kumar, Premier Conseiller pour la Culture, ambassade de l'Inde à Paris,
Monsieur Jean-Marin Schuh, Premier Conseiller, ambassade de France en Inde,
Monsieur Suresh Goel, Directeur Général, ICCR
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2010-03-27
Kalamandalam Kshemavathy, danse
Kalamandalam Leelamma, danse
Samedi 27 mars à 20h30
Dimanche 28 mars à 17h
Maison des Cultures du Monde
KALAMANDALAM KSHEMAVATHY, danse
KALAMANDALAM LEELAMMA, danse
ARUN GOPINATH, chant
VIJU S. ANAND, violon
VYPEEN SATISH, tambour mridangam
TRIPUNITHURA KRISHNADAS, tambour edaykka
BRIGITTE CHATAIGNIER, cymbales nattuvan
Le Mohini Attam : du mythe à l'histoire
Le Mohini Attam (littéralement "danse de l'enchanteresse") puise son origine mythologique dans les récits consacrés à Vishnou, le dieu protecteur de la trinité hindoue. Selon la légende issue des Purana, un des textes fondateurs de l'hindouisme, le dieu Vishnou aurait pris l'apparence de la nymphe Mohini afin de convaincre les démons de lâcher l'Amrita, l'élixir d'immortalité, qu'ils avaient dérobé aux Dieux durant le barattage de la mer de lait. La particularité du mythe de Mohini est l'association de ce pouvoir de séduction à l'essence féminine, non pour défier, combattre et anéantir l'ennemi, mais pour l'enchanter et le neutraliser en utilisant la beauté et le charme.
Du point de vue historique, il règne autour de l'origine et de l'évolution de cette forme spectaculaire un mystère qui met en question les différentes explications livrées par les spécialistes. Tout au plus est-il possible d'affirmer que le Mohini Attam vient de la tradition, ancienne en Inde, des danseuses de temple appelées devadasi ou « servantes de dieu » (que l'on peut dater avec assurance au moins du IXe siècle). On retrouve une première mention de cette danse dans les textes dès 1709, mais c'est au XIXe siècle que le Mohini Attam semble avoir connu son Âge d'or, sous le règne du Maharaja Swati Tirunal, illustre compositeur qui dédia une grande partie de son oeuvre et de sa vie à la protection et à l'essor du Mohini Attam. À la mort de ce royal protecteur, cette danse tomba progressivement en discrédit. Puis elle fut condamnée en 1895 à disparaître sous le coup d'un décret des colons britanniques qui en interdit la pratique, perçue comme trop sensuelle pour le puritanisme britannique.
Cependant, dans les années 1930 c'est-à-dire en pleine colonisation, le poète Vallathol chercha non sans difficultés à rétablir la pratique de cette danse. Il venait de fonder, dans un geste identitaire de préservation du patrimoine des autochtones, l'Ecole du Kerala Kalamandalam, un lieu dédié à la transmission des arts traditionnels du Kerala. En effet, si le Kathakali n'avait pas connu d'interruption dans son histoire, il en était tout autrement pour le Mohini Attam. O'Kalyaniamma qui fut sollicitée par Vallathol pour ouvrir une première classe de Mohini Attam, déjà âgée, ne se souvenait que de quelques danses d'un répertoire tombé dans l'oubli. Après elle, grâce au travail de praticiens et d'érudits, le Mohini Attam s'est développé et enrichi d'un large répertoire, avec deux grands styles traditionnels au Kerala, celui du Kalamandalam et celui de Kalyani Kutty Amma (dont Smt. Sreedevi Rajan est aujourd'hui l'héritière).
Le Mohini Attam : une dramaturgie du sentiment
Le Mohini Attam relève du style lasya (ou féminin et gracieux) fait de mouvements circulaires, de courbes et de spirales, réalisés sur un tempo lent ou modéré. L'expression des sentiments (ou abhinaya) y tient une place centrale : les jeux du regard et du visage comme le travail des mains (avec les mudra) forment un langage gestuel d'une grande précision. Parée du costume blanc et des ornements or et jasmin traditionnels, la danseuse partage en une synergie harmonieuse avec le public des chorégraphies singulières reposant sur des chants amoureux et dévotionnels et ce faisant invoque les divinités du panthéon hindou.
Au nombre des composantes du style Kalamandalam, l'on peut citer la coiffure (chignon sur le côté, suivant l'ancienne tradition du Kerala), mais surtout la position aramandalam de base (pieds au sol écartés, genoux pliés), ou celle, samam (debout, pieds joints), les circonvolutions du buste, l'ampleur des mouvements des bras, la rigueur du rythme et l'expressivité mesurée.
Quant à la musique liée au Mohini Attam elle résulte de deux styles traditionnels : le style carnatique classique de l'Inde du Sud, aux infinies variations, et le style dit sopana, propre au Kerala, plus sobre et épuré. Sa particularité est d'être inséparable d'un chant expressif (abhinayasangueetam) en sanskrit ou en malayalam selon un mode et un rythme spécifique à chaque composition (raga et tala). Le Mohini Attam mêle, comme nous le voyons pour ce récital, les percussions ' le mridangam (tambour ovale à deux peaux), l'edaykka (petit tambour à tension variable), les cymbales (natuvangam) et le violon qui vient soutenir le chant (on peut aussi trouver la vina et la flûte). Un bourdon continu donne la tonique et la quinte à tout l'ensemble.
Au programme : deux maîtres
Ce récital de danses est aussi un hommage rendu à ces deux maîtres, Kalamandalam Leelamma et Kalamandalam Kshemavathy, deux artistes de renom qui sont dans une transmission rigoureuse du Mohini Attam et s'attachent à suivre ce style traditionnel du Kalamandalam (d'où le titre qui leur est accordé), tout en proposant des interprétations personnelles.
Si elle excelle en tant que danseuse et chorégraphe, doyenne parmi les interprètes du Mohini Attam, Kalamandalam Kshemavathy est aussi experte en Baratha Natyam et en Kuchipudi. En 1964, elle fonde sa propre école à Trichur (Kerala Kalamandiram). Son passage au Festival d'automne de 1981 marque fortement les mémoires car le Mohini Attam est alors une découverte pour le public occidental. En 1985, sa venue lors de l'Année de l'Inde, à Paris, puis à la Maison de la danse de Lyon, achève de lui donner une reconnaissance hors de son pays. Invitée à l'ARTA en 1999, avec Kalamandalam Leelamma, elle enseigne son art à un public international. Honorée par de nombreux prix du gouvernement indien (dont le Senior fellowship), Kalamandalam Kshemavathy fait aujourd'hui autorité en matière de Mohini Attam.
Kalamandalam Leelamma, quant à elle, est aujourd'hui le maître le plus reconnu du Mohini Attam tel qu'il est pratiqué et enseigné au Kerala Kalamandalam. Elle est en ce sens l'héritière et la disciple de Kalamandalam Sathyabhama. Elle enseigne depuis 1973 à l'Ecole du Kalamandalam, berceau des arts traditionnels, aujourd'hui en tant que professeur émérite au département Danse de cette école ' devenue depuis peu université. Elle est membre du comité de l'Université de Shankara Sanskrit et a créé sa propre formation (Swathichitra) dévouant son temps à la recherche et au développement du Mohini Attam ' si bien qu'elle a reçu plusieurs distinctions du Ministère de la Culture en Inde pour ses recherches de chorégraphe.
Brigitte Chataignier et Brigitte Prost
La Maison des Cultures du Monde remercie Madame Namrata Kumar (Ambassade de l'Inde à Paris), l'Indian Council for Cultural Relations et Madame Brigitte Chataignier.
A voir :
La Danse de l'Enchanteresse
Un film d'Adoor Gopalakrishnan et de Brigitte Chataignier.
Production La Vie est Belle, 2007, 1h15, couleur
Distribution Les Films du Paradoxe
Disponible en DVD à l'entracte et à la fin de la représentation.
En savoir plus : www.compagnieprana.com
PROGRAMME DU 27 MARS 2010
KALAMANDALAM KSHEMAVATHY
Chorlettu : EKADANDA
Raga : Mallika. Tala : Adi
Musique : Pannicker
Cette danse ouvre le récital par une invocation à Ganesha, le dieu à tête d'éléphant, fils de Shiva et de Parvati, également appelé Ekadanda. Protecteur des arts de la scène, il détient la sagesse et écarte les obstacles. L'aspect lasya féminin et gracieux se mêle à la douceur des sentiments. Les bras de la danseuse figurent par instants les mouvements de la trompe et le battement des oreilles tandis que ses pas reproduisent la démarche majestueuse de l'animal. Le chant se compose de syllabes rythmiques variées (chollus), qui s'enchaînent les unes aux autres et accompagnent chaque mouvement de la danseuse.
Varnam : DANISAMAJENDRA GAMINI
Raga : Todi. Tala : Adi
Musique : Maharajah Swati Tirunal
Le varnam est une composition de style carnatique qui alterne danse pure et danse expressive. Danisamajendra décrit une héroïne séparée de son bien-aimé, le dieu suprême Padmanabha (Vishnou). L'héroïne confie sa peine et ses espoirs à sa chère amie Sakhi. Le sanchari, voyage à partir du texte, s'élabore sur le thème de Kamadeva, dieu de l'amour aux flèches fleuries, qui a pris l'héroïne pour cible.
Kîrtanam : KRISHNA NEYENNE ARIYILLA
Raga : Mallika. Tala : Mallika.
Poème de Sugathakumari
Ce poème décrit une gopika, une vachère de Vrindavan, et son admiration, sa dévotion et son amour secret pour Krishna. Elle n'a jamais cherché à attirer son attention comme les autres femmes. Elle se plaint à lui et lui dit : "Ô Krishna, tu ne me connais pas !" Pourtant, quand il arrête son chariot devant sa maison, elle découvre que Krishna connaît déjà tout d'elle'
Entracte 10 minutes
KALAMANDALAM LEELAMMA
Padam : AJITA HARE
Sri Ragam. Tala Adi
Poème : Muringoor Shankaran Potti, extrait de Kuchelavritham
Ce padam met en valeur la bhakti, la dévotion. Le dévôt Kuchela s'adresse à Krishna et évoque la révélation de la Bagavad Gita au moment où Krishna conduit le char d'Arjuna sur le champ de bataille : Ajurna ne veut pas combattre les Kauravas. C'est alors que Krishna lui révèle sa forme divine et le message spirituel et philosophique'
Padam : ILATALIR SAYANA
Raga : Punnagavarali. Tala : Misra chapu
Musique : Maharajah Swati Tirunal
L'héroïne s'adresse à son bien-aimé : "Pourquoi, ô mon époux, cette pâleur subite ? Les feuilles tendres nous font une couche moelleuse... Pourquoi te dérobes-tu à nos jeux d'amour ? Est-il juste que tu me trahisses ?..."
Padam : SRIMAN NARAYANA
Raga : Bhouli. Tala : Adi
Musique : Annamacharya
Le roi-démon Hiranyakashipu veut être vénéré par son fils Prahlada. Mais celui-ci n'adore que le Dieu Vishnou. Ce padam raconte comment Hiranyakashipu est anéanti par Vishnou sous son troisième avatar, l'homme-lion Narasimha.
TILLANA
Raga Danasri. Tala : Adi
Musique : Maharajah Swati Tirunal
Le tillana, offrande de joie en invocation au dieu Vishnou est une danse rythmée par des frappes de pieds et des mouvements stylisés du corps, dans un tempo plus rapide.
MANGALAM
Prière et salut final.
Durée du spectacle : environ 1 heure et 45 minutes
PROGRAMME DU 28 MARS 2010
KALAMANDALAM LEELAMMA
Chorlettu : EKADANDA
Raga : Mallika. Tala : Adi
Musique : Rajendran Master
Cette danse ouvre le récital par une invocation à Ganesha, le dieu à tête d'éléphant, fils de Shiva et de Parvati, également appelé Ekadanda. Protecteur des arts de la scène, il détient la sagesse et écarte les obstacles. L'aspect lasya féminin et gracieux se mêle à la douceur des sentiments. Les bras de la danseuse figurent par instants les mouvements de la trompe et le battement des oreilles tandis que ses pas reproduisent la démarche majestueuse de l'animal. Le chant se compose de syllabes rythmiques variées (chollus), qui s'enchaînent les unes aux autres et accompagnent chaque mouvement de la danseuse.
Varnam : SUMASAYAKA
Raga : Kapi. Tala : Rupaka
Musique : Maharajah Swati Tirunal
Le varnam est une composition de style carnatique qui alterne danse pure et danse expressive. Sumasayaka décrit une héroïne séparée de son bien-aimé, le dieu suprême Padmanabha. Dans la première partie de la danse, la danseuse personnifie la confidente Sakhi, chargée de transmettre le message à Krishna : "Ranime, ô Madhava, la belle femme qui agonise sous les flèches de l'amour, au comble du malheur. Cette femme, mon amie, le coeur dévoré de passion, passe son temps étendue sur ta couche chatoyante, ô Dieu au nombril de lotus et souffre de mille morts."
La deuxième partie du varnam est un développement harmonieux de séquences dansées.
Padam : SRIMAN NARAYANA
Raga : Bhouli. Tala : Adi
Musique : Annamacharya
Le roi-démon Hiranyakashipu veut être vénéré par son fils Prahlada. Mais celui-ci n'adore que le Dieu Vishnou. Ce padam raconte comment Hiranyakashipu est anéanti par Vishnou sous son troisième avatar, l'homme-lion Narasimha.
Entracte 10 minutes
KALAMANDALAM KSHEMAVATHY
SAPTA NAYAKA (Les sept héroïnes)
Raga : Mallika.
Musique : Vamanan Namputhiri
Extraits de la Gitagovinda, Jaya Deva (XIIe siècle)
Ce poème traditionnel chanté et dansé, raconte l'union de Krishna et de Radha. Dans cette danse narrative, le sentiment amoureux est exprimé dans toutes ses manifestations : la confidence, la séparation et la tristesse, la colère, le désir' La danseuse personnifie tour à tour : Radha (dans les héroïnes), Sakhi (sa confidente et messagère) et Krishna.
OMANA TINGAL KETAVO
Raga : Kurinji Navarasa. Tala : Misra Chapu
Musique : Irayiman Tampi
Cette illustre berceuse, toujours chantée dans les foyers au Kerala, a été composée au XIXe siècle pour bercer l'enfant royal Swati Tirunal. Ce chant décrit l'amour d'une mère pour son enfant. Elle le compare à la beauté divine de la nature : le lustre de la lune pleine, les fleurs de lotus épanouies, le coucou chanteur, le paon qui oscille, l'arbre à souhait... Ce petit chéri, n'est-il pas descendu sur terre en revêtant une forme comparable à celle du dieu Krishna ? Par quelle grâce divine est-il arrivé ?
TILLANA
Raga : Bhupalam. Tala : Adi
Musique : Maharajah Swati Tirunal.
Le tillana, offrande de joie en invocation au dieu Vishnu est une danse rythmée par des frappes de pieds et des mouvements stylisés du corps, dans un tempo plus rapide.
MANGALAM
Prière et salut final.
Durée du spectacle : environ 1 heure et 45 minutes