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2019-11-16
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2019-11-01
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2018-11-11
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2016-11-20
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2016-11-05
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2015-12-16
Le mot samulnori ou “jeu des quatre objets” désigne deux choses. C’est d’abord un genre musical et traditionnel de Corée qui fait appel à quatre instruments à percussion : le kaenggwari (petit gong), le ching (grand gong), le changgu (tambour en forme de sablier) et le buk (tambour). C’est aussi le nom de la troupe que dirige Kim Duk-soo qui a consacré cinquante ans de sa vie aux instruments à percussions coréens.
Utilisant essentiellement les instruments à percussion, ces musiques villageoises de Corée changent de nom selon les régions et la composition instrumentale du groupe, laquelle peut se trouver élargie par rapport au quatuor de base du samulnori. Elles étaient jouées dans des circonstances diverses : à l’occasion des défilés militaires ou encore durant la période des travaux communautaires effectués dans le cadre du turye (coopérative d’entraide) ; on les entendait aussi au moment du kollip (collecte de dons de porte à porte, par les moines), ainsi qu’à l’occasion des fêtes villageoises.
Quant à “Samulnori”, la troupe de Kim Duk-soo, il s’agit d’un groupe de percussionnistes du meilleur niveau, qui se sont donné pour objectif de recueillir les rythmes traditionnels en voie de disparition dans les provinces, de créer des répertoires de musiques pour percussions jouées encore dans les campagnes et d’en faire des arrangements. Ce faisant, ils ont su donner un second souffle à ces traditions musicales de Corée et offrir aux jeunes Coréens des années 1970 une alternative à la déferlante du rock anglo-saxon...
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2015-11-28
Choi Seung-hee est la première danseuse coréenne à s’être produite à l’étranger. À cette époque en Corée, les danseuses étaient encore considérées comme des courtisanes ou des chamanes. Pourtant, tous ceux qui la virent danser furent tellement émerveillés qu’on la surnomma « la perle de l’Orient » ou encore « l’Isadora Duncan de Corée ».
Née en 1911 dans une famille aristocratique de Séoul, Choi Seung- hee découvrit la danse à l’âge de
16 ans lors d’un spectacle de Baku Ishii, pionnier de la danse moderne japonaise. Partie au Japon étudier auprès d’Ishii, elle devint très vite, sous le nom de Sai Shoki, la danseuse vedette de la compagnie. Elle donna son premier récital de danse moderne en 1930 mais quelque chose lui manquait, l’essence coréenne. Elle se lança alors dans l’apprentissage des danses traditionnelles coréennes sous la direction de Han Seong-jun et se mit à combiner danse traditionnelle et danse moderne pour créer ses versions personnelles du seungmu, de la danse du couteau, de la danse de l’éventail et de la danse du masque.
Après des représentations couronnées de succès au Japon et quelques tournages de films, elle partit en tournée aux Etats-Unis. Silhouette élancée, yeux pétillants, Choi Seung-hee fascina l’Amérique par sa sensualité et sa grâce. En 1938 elle débarque au Havre. Son interprétation de la danse choripdong à la Salle Pleyel en janvier 1939 suscite à Paris un engouement immédiat. Picasso, Matisse, Romain Rolland lui témoignent leur admiration et elle fait très vite partie du Tout-Paris.
Mais la guerre s’annonce, elle quitte Paris après une dernière représentation au théâtre de Chaillot. Après une seconde tournée aux Etats-Unis et en Amérique du sud elle retourne en Asie où elle doit danser pour les soldats japonais, ce qui lui vaudra d’être accusée de collaboration.
Lors de la partition de la péninsule quelques années plus tard, elle fait le choix de la Corée du nord avec son mari, militant socialiste. Elle y jouera un rôle majeur jusqu’à sa disparition mystérieuse à la fin des années soixante.
Personnalité controversée, Choi Seung- hee n’en fut pas moins une pionnière de la danse coréenne contemporaine. Transcendant la tradition et la modernité, l’Orient et l’Occident, elle se jouait des codes et créait une œuvre originale. Ce n’est que ces toutes dernières années que son apport artistique a été enfin reconnu, grâce notamment à sa disciple Kim Baek- bong, et il est tout naturel qu’elle ait inspiré la danseuse Yang Sun-ok, l’une des personnalités les plus originales de la danse coréenne aujourd’hui.
Spécialiste de la danse traditionnelle coréenne – elle est notamment reconnue comme détentrice de la danse Thaephyeongmwu, bien culturel immatériel n°92 – Yang Sun-ok est également réputée pour ses propres créations chorégraphiques à partir d’éléments traditionnels. Elle est donc mieux que toute autre à même de faire revivre les œuvres originales de Choi Seung-hee et nous replonger dans le souvenir de ces soirées de 1939 où Choi émerveillait le public de Pleyel et de Chaillot.
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2015-10-30
Le malambo. une danse de la plaine infinie de la Pampa argentine dont les origines remontent sans doute au XVIIe siècle.
Une danse pour hommes, pour gauchos, hommes marginaux, hommes à cheval, qui, autour du feu, dansaient des malambos effrénés.
Le bandonéon. Un instrument qui est devenu le « son » emblématique d’une ville, Buenos Aires et le symbole de la solitude essentielle de ses habitants. Pas de tango sans bandonéon. Aux origines, le tango, également, se dansait entre hommes.
Dans d ́autres régions de l ́Argentine – Salta, Santiago del Estero – le bandonéon est aussi l’instrument des danses traditionnelles rurales.
Ce spectacle est une vision du malambo à travers deux de ses interprètes exceptionnels : le danseur Aníbal Jiménez et le bandonéoniste Pablo Mainetti.
Les mouvements d’Aníbal Jiménez recueillent des souvenirs de danses perdues. Né au sein d’une famille de danseurs traditionnels, il commence à danser très jeune, parcourant toute l’Argentine, s’imbibant des diverses formes que cette danse a prises dans tout le territoire.
Pablo Mainetti, un des bandonéonistes les plus en vue de la nouvelle génération, est engagé dans une démarche esthétique qui incorpore la musique traditionnelle et la création contemporaine.
Pablo Ortiz, compositeur argentin, également lié au tango et aux musiques traditionnelles ainsi qu ́à
la musique contemporaine, crée un espace sonore qui contient le timbre du bandonéon, le rhytme du zapateo, ainsi que d ́autres sonorités et voix qui s’imbriquent pour évoquer l ́atmosphère magnétique du malambo.
Un regard contemporain sur une tradition – une musique, une danse, mais surtout un paysage, une littérature, une lecture du passé, un possible présent. Diana Theocharidis, chorégraphe argentine qui travaille depuis longtemps sur des matériaux qu’elle recherche dans les danses traditionnelles, essaye ici d’aller à l ́essentiel de cette danse qui fait partie du patrimoine culturel immatériel de l’Argentine, de son héritage, mais qui est aussi une création, une écriture vivante, toujours en transformation. Elle revisite cette forme souvent galvaudée aujourd’hui par les spectacles folkloriques et en fait ressortir la beauté rude, l’intrépidité grâce à la complicité d’Aníbal Jiménez. Ce spectacle évoque un univers où le malambo est présent au centre d’une constellation d’éléments de la culture – de l’imaginaire – argentine : la tradition et, aussi, les traductions et les lectures des personnes qui la pratiquent.
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2015-10-10
Transcendance du solo d’actrice
Extrapolation féminine du kutiyattam, cette dramaturgie savante, sacrée entre toutes par ses fonctions d’origine, a accédé aux théâtres européens depuis ces dernières décennies seulement. Loin dans le temps, seuls les Nangyar (actrice-chanteuse), Chakiar (acteur), Nambiar (musicien), castes héritières des arts cultuels, composaient la troupe de kutiyattam du temple, lieu resté inaccessible aux hors-caste. Père- fondateur des spectacles traditionnels du Kérala issus du sanscrit, le kutiyattam recèle les racines deux fois millénaires d’une science théâtrale aux multiples et suprêmes exigences transmise au fil des générations sans surseoir à ses traditions. Parmi celles-ci, la technique du regard, par le flux ambivalent du ressenti, peut atteindre l’expression duelle des yeux, l’un ému, l’autre souriant... De ce creuset fertile, préservé dans l’enclos communautaire des temples sous la férule brahmanique, émergèrent des solos aux dimensions surhumaines par la projection exacerbée et émotionnelle de la dramatisation; le solo de la Nangyar en est un exemple. Par son environnement familial, Kapila en absorba dès l’enfance toutes les substances enrichies de l’étude du mohini attam, ajoutant ainsi à la précision rigoureuse du jeu corporel et de la gestuelle la beauté esthétique inhérente à la danse. Aujourd’hui, malgré son jeune âge, sa maîtrise a atteint un sommet et acquis une renommée incontestée. Dans sa restitution mythologique, Kapila domine l’espace et fait feu de toutes les techniques de son art, depuis la source sanscrite psalmodiée : clé de l’épisode d’où émergeront les situations et les personnages qu’ils soient dieux, héros, animaux, ou démons ! Soutenue du déferlement tellurique des tambours mizhavu, par son charisme envoûtant, Kapila entraîne le spectateur aux confins de sa réceptivité sensitive.
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2014-05-25
Les pygmées habitent les forêts d’Afrique entre l’océan Atlantique et les grands Lacs et se répartissent en différents groupes comme les Baka, Bambuti, Batwa, Babongo, Efé et autres. Traditionnellement nomades, ils sont aujourd’hui en voie de sédentarisation. En République du Congo, on compte plusieurs groupes de pygmées parmi lesquels les Aka dont font partie les musiciens de l’ensemble Ndima.
Les pygmées Aka habitent quant à eux dans les forêts du nord de la République du Congo et du sud de la Centrafrique. Ils parlent le aka et tentent de préserver leur mode de vie et leur culture en dépit de l’influence croissante du modernisme en milieu rural et de la raréfaction des ressources dans une sylve peu à peu dévastée par les agriculteurs et les exploitants forestiers.Minoritaires et marginalisés, les pygmées Aka entretiennent avec leurs voisins bantous majoritaires des rapports de clientèle, voire de servage, exerçant pour leur compte différentes tâches économiques : chasse, pêche, récolte du miel sauvage, travail dans les plantations et portage.
Enfants de la forêt, les Aka savent en prendre soin car toute leur vie en dépend. Pour se nourrir, ils ont recours aux animaux et aux végétaux comestibles qui poussent à leur portée. Ils se soignent à base de plantes et d’essences diverses dont ils connaissent les vertus. Ils en font aussi usage dans leur vie sentimentale pour conquérir l’amour d’une femme, d’un homme ou pour consolider une union matrimoniale. Des objets divers sont confectionnés à base de végétaux pour servir à la chasse, à la cuisine, à la récolte du miel...
La musique fait partie du quotidien et elle est pratiquée par tous. Comme l’écrit l’ethnomusicologue Simha Arom dans l’Encyclopédie des pygmées Aka : « à entendre chanter un chœur aka, c’est-à-dire l’ensemble d’un campement, on retient l’impression d’un extraordinaire entrelacs de voix et de timbres vocaux où prédomine le procédé du jodel ». On retrouve dans leur répertoire des chants de divination, de guérison et des musiques réservées aux esprits de la forêt qui se matérialisent en public à travers des masques végétaux lors des événements auxquels ils sont chacun et nominalement conviés : rituel de chasse, levée de deuil, musiques de divertissement...
Les Aka pratiquent la polyphonie contrapuntique, technique complexe et riche qu’ils apprennent depuis leur petite enfance et qui distingue leur musique de celle de leurs voisins bantous. Ils font également usage du jodel – l’alternance de la voix de tête et de la voix de poitrine – qui constitue également un élément culturel identitaire. De même, leurs rythmes tambourinés, leurs danses, leur musique instrumentale pour harpe arquée, arc musical, flûte, témoignent d’une riche culture artistique aujourd’hui menacée d’extinction.
Le groupe Ndima (littéralement : la forêt) est composé de trois hommes et trois femmes aka originaires du village de Kombola dans le département de la Likouala en République du Congo. Il n’est pas dans la tradition pygmée de former des ensembles musicaux. Mais comme partout, certains chantent, dansent, jouent mieux que les autres. Alors, pour promouvoir leur musique et la sauvegarder, un ensemble s’est créé en 2003 dont l’effectif varie selon la disponibilité de ses membres parfois retenus par une autre activité ou, pour les femmes, par une grossesse. Soutenus et accompagnés par l’ethnologue Sorel Eta qui joue le rôle d’agent de développement local et d’impresario, Ndima a déjà publié deux CD au Congo dont un avec le soutien de l’UNESCO.
Les artistes dédient ces représentations à Simha Arom, ethnomusicologue africaniste dont les travaux ont grandement contribué à la connaissance et à la compréhension des traditions musicales des Aka.
d’après les notes de Sorel Eta et Jacqueline M. C. Thomas et al., Encyclopédie des pygmées Aka, Paris, Selaf, 1983-2011
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2013-06-14
Il est venu de l’est ! Le masque est venu de l’est ! Le chemin est tout droit, allez-y ! Vous ne pouvez pas vous perdre. C’est le chemin des morts, suivez-le ! [chant d’entrée des masques]
Le peuple dogon vit enclavé dans une région rocheuse du centre du Mali, entre plaine et plateau. La plus grande partie vit dans des habitations accrochées à la falaise de Bandiagara qui s’étend entre quatre cents et neuf cents mètres d’altitude sur plus de deux cent cinquante kilomètres, mais aussi sur le plateau et dans la plaine. Venus du pays Mandé, à cheval sur l’actuelle frontière du Burkina Faso et du Mali, au XIIIe ou au XIVe siècle, semble-t-il pour échapper à l’islamisation, ils s’installèrent dans une zone auparavant occupée par les Tellem dont ils transformèrent les anciennes habitations troglodytiques en tombeaux et bâtirent des villages en banco ponctués par des greniers à mil au toit pointu.
L’ethnologue Marcel Griaule fut un des premiers à révéler une partie de leur cosmogonie. Il semblerait qu’une cohérence remarquable s’établisse entre le langage, la musique et la danse, l’architecture, le tissage, les masques, le comportement des vivants et le culte des morts. Les Dogon, chasseurs et pêcheurs, cultivent le mil, le maïs, l’arachide, le coton et, depuis quelques décennies, de petits jardins d’oignons.
La musique et la danse religieuses des Dogon sont liées à un calendrier saisonnier pendant lequel sont pratiqués les rites des ancêtres, les rites funéraires et les rites agraires. Un événement extraordinaire rythme la vie de l’homme dogon : le sigi. Il s’agit d’un grand rituel de régénération pratiqué tous les soixante ans, approximativement la période de révolution de Po Tolo, l’Étoile du commencement, autour de Sirius, et qui dure six à sept années.
La danse et la musique du sigi sont confiées à l’awa, une société initiatique masculine chargée également d’accomplir les levées de deuil ou dama, moment central des rites funéraires.
Tous les deux ou trois ans, lorsque plusieurs personnes sont mortes dans un ensemble de villages, se déroule le dama, cérémonie du départ de l’âme au cours de laquelle dansent les masques. Chorégraphie processionnaire dans les lacis étagés des villages, le dama est entrecoupé de stations dans les différentes places. Il peut durer une demi-journée ou une semaine entière. Un par un, les membres de l’awa apparaissent, portant des masques de bois peints de couleurs vives et des cagoules-muselières d’étoffe ornée de cauris. Ils forment un cercle entre les maisons des morts avant que l’un d’eux ne vienne occuper le centre par une danse acrobatique. La ronde se brise ensuite et les masques interviennent par couple ou bien un à un. Tout d’abord vient la « sœur des masques » Satimbe, surmontée d’une marionnette de 60 cm de hauteur, aux bras écartés. Elle représente la femme qui utilisa la première les fibres rouges pour se masquer et effrayer les hommes.
Ceux-ci lui reprirent les fibres, affirmant ainsi leur autorité, mais lui donnèrent le nom de Satimbe, sœur des masques. Ensuite, selon un ordre variable, arrivent des types humains et sociaux : les jeunes femmes bambara et peule au visage couvert de cauris, une jeune fille dogon montée sur des échassses, le chasseur, le goitreux (un mal répandu du fait de la carence en iode), le colporteur, le guérisseur chargé de purifier l’espace rituel, un Peul ; des animaux : coq, poule de rochers, lièvre, buffle, hyène reconnaissable à son masque à pois, babouin ; masques ésotériques enfin, comme le kanaga dont la signification demeure incertaine, les initiés conservant jalousement leurs secrets : outarde komolo tebu pour les uns, antilope pour d’autres, symbole cosmique pour les derniers, et enfin le sirige, la « maison à étages », siège du lignage patrilinéaire, figurée par une planche de plusieurs mètres de haut colorée de graphismes blancs et noirs.
Chaque danseur possède un vocabulaire chorégraphique qui correspond à son masque. L’agilité prodigieuse des participants permet de reconnaître des mouvements tels que réception sur un pied, ressort sur une jambe, envolée, pas glissés, écartements, tremblement des membres, rebondissement. Le tout ponctué de glapissements à la manière du chacal, personnage central de la mythologie dogon.
À chaque masque correspond aussi un chant et un rythme, parfois deux. L’ensemble musical est composé de voix et de percussions diverses qui vont toujours par paires. Les tambours cylindriques à deux peaux, dont une seule des deux faces est frappée avec deux baguettes courbes : boy na (le grand) et boy tolo (le petit), et les tambours d’aisselle à tension variable gom boy forment le cœur rythmique de la musique des masques. Les voix se répartissent entre plusieurs solistes qui entonnent le chant tour à tour, un chœur qui leur répond et des crieurs qui lancent à intervalles irréguliers des cris d’animaux pour encourager les musiciens et les danseurs et marquer peut-être la présence des esprits des masques.
Les danseurs et les musiciens appartiennent à la société initiatique awa de la commune de Sangha. Ce groupe de villages perchés sur le plateau dogon est considéré comme la capitale culturelle du pays dogon en raison notamment de ses liens historiques avec les anthropologues Marcel Griaule, Germaine Dieterlen et Jean Rouch.
Il n’est pas possible de dire à l’avance dans quel ordre sortiront les masques. On laissera donc le spectateur les reconnaître à partir des photographies reproduites dans ce programme.
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2013-06-08
Le fest-noz, mot breton signifiant «fête de nuit», a pour origine une pratique rurale ancestrale consistant à se rassembler après des travaux collectifs pour des soirées de danse accompagnées de chants ou de musiques instrumentales.
Tombé en désuétude après la seconde guerre mondiale, le fest-noz devra attendre quelques décennies avant de connaître une renaissance, profitant du succès de la musique celtique portée par Alan Stivell. Beaucoup de jeunes découvrent la musique et la danse bretonnes et s’en emparent : le fest-noz devient une manifestation urbaine. De nombreuses associations en organisent parfois dans un but militant ou même lucratif.
Ce premier effet de mode passé, ces rassemblements se raréfient à la fin des années 1970. Toutefois, au cours des années 1980 et 1990, musiciens et danseurs bretons se réapproprient leur culture en l’approfondissant et en la consolidant, et le fest- noz retrouve une grande popularité à la fin des années 1990. Ce fort mouvement culturel breton préservera la vitalité de cette pratique et assurera le renouvellement de ses répertoires de musique et de danses qui comptent plusieurs centaines de variantes et des milliers d’airs.
En effet, si la transmission traditionnelle s’effectuait par immersion, observation et imitation, le travail de collectage réalisé par des centaines de passionnés a permis de recueillir de nombreux répertoires et de jeter les bases de nouveaux modes de transmission. Environ un millier de fest-noz ont lieu tous les ans, certains pouvant attirer jusqu’à plusieurs milliers de musiciens, chanteurs et danseurs.
Aujourd’hui, le fest-noz est au centre d’un intense bouillonnement d’expériences musicales et a généré une véritable économie culturelle. De nombreuses rencontres ont lieu entre chanteurs, musiciens et danseurs de Bretagne et d’autres cultures, et l’essor du fest-noz est devenu dans de nombreux villages un moyen d’intégration efficace.
Ce fest-noz au Théâtre équestre Zingaro rassemble les acteurs les plus reconnus en Bretagne et témoigne de la diversité des expressions que l’on peut y entendre. De la formule orchestrale récente, représentée ici par le groupe Loened Fall – centré autour de la voix de Marthe Vassallo et de Ronan Guéblez – aux formes plus anciennes, qui rappellent tous les week-ends leur modernité, à savoir les couples de chanteurs Erik Marchand / Ifig Troadeg pour la Basse Bretagne et Mathieu Hamon / Charles Quimbert pour la Haute Bretagne, sans oublier les sonneurs du pays vannetais Hervieux père et fils, le joueur de vielle Michel Colleu et l’accordéoniste Pierrick Cordonnier.
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2013-04-22
UNE MUSIQUE DE RÉJOUISSANCE
Aux confins du désert du Taklamakan (Chine), l’étonnante tradition de la musique ouïgoure frappe par sa liberté et sa vigueur.
Le Xinjiang est un immense territoire situé au nord-ouest de la Chine. Cet univers impressionnant de déserts, de rivières et de glaciers est le berceau d’une civilisation turque issue des Huns, les Ouïgours, dont l’existence est attestée sous la forme d’une confédération clanique dès le Ve siècle de notre ère. Tour à tour chamanistes, bouddhistes, manichéistes et enfin musulmans, les Ouïgours vont utiliser deux systèmes d’écriture, et à ce titre, s’affirmer dès le IXe siècle comme les civilisateurs de leurs voisins turco-mongols. À la même époque, des musiciens ouïgours jouent à la cour impériale des Tang. Mais c’est cinq siècles plus tard, sous l’influence de la culture islamique et persane, que commence à fleurir dans les cités de Kashgar, Yarkand et Tourfan un art vocal, instrumental et poétique savant, tandis que des formes rurales et populaires voient le jour à Kumul et chez les Dolan. Sous-groupe ouïgour se réclamant d’une origine mongole, les Dolan occupent les oasis bordant le sud et l’ouest du désert du Taklamakan et tirent leur subsistance de l’élevage de moutons et de l’agriculture. Leur musique, le dolan muqam, est avant tout une musique de fête et de réjouissance jouée lors des mashrap. Ces grands rassemblements festifs et ritualisés se déroulent après les récoltes, pour un mariage, une circoncision ou tout autre événement heureux, et sont l’occasion de festoyer, de faire de la musique, de danser et de jouer à divers jeux de société et d’adresse. La fête se déroule dans un grand espace carré, les musiciens occupant l’un des quatre côtés et les danseurs évoluant au centre.
L’ensemble se compose de chanteurs solistes (muqamqi) et d’instrumentistes : un rawap, luth à manche long à trois cordes mélodiques et quinze cordes sympathiques, une vièle ghijak, à une corde en crin de cheval et dix à douze cordes sympathiques en métal, une cithare qalun, à dix-huit cordes doubles pincées avec un long plectre de bois tendre. Les tambours sur cadre dap sont frappés par les chanteurs. Chaque musicien interprète à sa manière la mélodie commune. Il en résulte un effet d’hétérophonie répondant à un choix esthétique délibéré, une recherche d’épaisseur sonore qui s’est aujourd’hui perdue dans beaucoup d’autres musiques du monde islamique. Quant aux chanteurs, ils font preuve d’une telle ardeur dans le chant et d’une telle énergie dans le jeu des tambours que nombre de musicologues chinois n’ont pas hésité à qualifier cette musique de « jazz ouïgour ».
Le dolan muqam se présente sous la forme de suites vocales et instrumentales accompagnées de danse et jouées dans plusieurs modes musicaux qui leur donne leurs noms : bash, zil, chöl, ötang, hudek, dugamet, bom, sim et jula. Chaque suite dure une dizaine de minutes et se compose de quatre ou cinq parties enchaînées sans interruption et allant s’accélérant jusqu’à la frénésie : muqaddima, introduction vocale non mesurée ; chikitma, pièce en 6/4 ; sanam, pièce en 4/4 ; saliqa, pièce en 4/4 ; serilma, en 4/4 ou 5/8. Les poèmes ne sont pas fixés à l’avance, mais ils ne sont pas non plus improvisés. Puisés dans un corpus poétique, les distiques ou les quatrains sont « lancés » spontanément par le chanteur soliste et se succèdent sans vraiment de continuité thématique, si ce n’est celle de l’amour, généralement déçu ou contrarié.
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2013-04-06
Différentes selon les régions, ces traditions vocales partagent néanmoins un certain nombre de traits communs. Tout d’abord, elles occupent une place prééminente, reléguant au second plan la musique instrumentale. Le principe de la polyphonie domine tous les genres vocaux, sauf ceux exécutés en solo (chants de cavalier, berceuses, chants de travail solitaire) et le chant homophonique (chœur à l’unisson) n’existe pas. La polyphonie géorgienne se compose généralement de trois voix qui sont identifiées beaucoup plus par le rôle qu’elles jouent que par leur registre, même si on peut les classer grosso modo en basse, baryton et ténor. Le chant polyphonique est pratiqué aussi bien par les femmes que par les hommes, mais le répertoire masculin est beaucoup plus vaste. Un des traits principaux de la polyphonie vocale géorgienne est l’abondance d’accords dissonants construits sur des invervalles de seconde, de quarte, de quinte et de septième. Traditionnellement, seule la partie de basse est chantée par un groupe, alors que les parties supérieures sont toujours chantées par des solistes.
La Svanétie est l’une des quinze régions de la Géorgie. Elle se situe dans la partie nord-ouest du pays, sur la plus haute chaîne du Grand Caucase dont certains sommets dépassent les 5 000 mètres d’altitude. Les Svanes (ou shuan ainsi qu’ils se nomment entre eux) sont environ 48 000 en Svanétie mais on ignore le nombre de ceux qui vivent en dehors de leur région d’origine. Ils possèdent leur propre langue, le svane, qui appartient au groupe caucasique du sud (kartvélien) comme le géorgien, le mingrélien et le laze. On constate en outre d’importantes différences dialectales entre la Basse-Svanétie et la Haute-Svanétie. Les villages de Haute-Svanétie sont les plus hauts et les plus inaccessibles de toute la Géorgie ; le plus élevé, Ushguli, est à 2 200 mètres d’altitude.
L’activité économique des Svanes est traditionnellement fondée sur l’agriculture (principalement le blé), l’élevage et la chasse qui complète leur alimentation carnée. Par ailleurs, les Svanes entretiennent depuis longtemps des relations commerciales informelles avec leurs voisins mingréliens, géorgiens, balkars, etc. Du fait de son isolement, la Svanétie a conservé maints traits archaïques, tant en architecture que dans les domaines des croyances, de la structure sociale ou de la culture traditionnelle. Depuis le début du xxe siècle, l’introduction de l’électricité, de la radio et de la télévision, l’éducation (en langue géorgienne) et la possibilité de vivre un peu partout en Géorgie et en ex-Union Soviétique, enfin plus récemment le développement du tourisme en montagne, ont certes entraîné des changements sociaux ; les Svanes n’en gardent pas moins un fort attachement à leurs valeurs et coutumes traditionnelles.
Le chant choral est la forme musicale dominante. Tous les chants traditionnels (à l’exception des berceuses et de certains chants funèbres) sont exécutés en polyphonie à trois voix. La plupart des chants sont antiphonaux (alternance de deux chœurs de taille égale). Certains chants, notamment épico-historiques, peuvent être accompagnés par la vièle chuniri et par la harpe changi. Le changi est considéré comme un instrument féminin, même si les hommes peuvent en jouer, tandis que le chuniri est exclusivement masculin.
L’intervalle de quinte (par exemple : do - sol) revêt une importance toute spéciale dans la musique géorgienne et a donné naissance à des échelles diatoniques de cinq degrés qui sont comprises dans
cet intervalle (par exemple : do - ré [ou réb] - mi [ou mib] - fa [ou fa#] - sol). Si l’on ajoute à cela qu’à part la quinte, tous les autres intervalles ne coïncident pas avec les intervalles tempérés, il ne faut pas s’étonner si les progressions d’accords sonnent étrangement pour des oreilles européennes. Nombre de chansons sont aussi dansées sous forme de rondes auxquelles participent tous les chanteurs. Dans la danse svane, toute l’action est concentrée dans le bas du corps à partir de la taille. Les danseurs gardent leurs mains posées sur leurs poignards ou leurs ceintures et ne bougent ni les bras ni les épaules. Dans les rondes (perkhuli), les danseurs se tiennent les uns les autres par la main ou la ceinture. Il existe aussi des danses en solo dans lesquelles les danseurs marchent ou sautent en faisant des pointes.
Le programme de ce concert couvre différentes périodes du répertoire traditionnel svane. Certains, comme Lile, Kviria et Lemchili, sont considérés comme des trésors très anciens et évoquent les croyances et pratiques pré-chrétiennes. D’autres, en revanche, comme Shairi Mikheil Khergianze et Kojre Makhvshi furent composés dans les années 1970 et 1980 par des chanteurs traditionnels svanes. L’auditeur pourra ainsi apprécier la fascinante continuité de la musique svane, de ses plus anciens témoignages à ses compositions récentes.
d’après Joseph Jordania et Frank kane
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2013-03-31
Faute d’informations plus précises, on situe la naissance du hayachine take kagura à la fin de l’époque médiévale (xvie siècle). Mais c’est pendant la période d’Edo (1603-1867) qu’il connut son véritable essor. Le clan Nanbu qui gouvernait la région attribuait un caractère sacré au mont Hayachine. Au pied de la montagne avait été bâti un temple bouddhiste, le Myosenji. Il fut décidé que ce temple deviendrait le sanctuaire shinto-bouddhique de Hayachine et que les officiants y pratiqueraient l’art du kagura. À l’époque Meiji, la politique de séparation entre le shintoïsme et le bouddhisme eut pour effet la destruction du sanctuaire et l’interdiction de pratiquer les danses rituelles. Les habitants du village de Take, tout proche, se réapproprièrent en secret cette pratique et en assurèrent jusqu’à aujourd’hui la sauvegarde. Dans ce petit village de treize maisons bâties au pied du mont Hayachine, le kagura est d’abord un rituel de purification et ensuite un divertissement pour les divinités et pour les hommes, la divinité la plus marquante étant le daigongen, incarnation du mont Hayachine. Ces danses rituelles s’inscrivent donc dans un complexe d’anciennes croyances animistes et de Yoshida shinto, une secte shintoïste qui émergea au xviiie siècle et fut influencée par le bouddhisme ésotérique.
Le take kagura est représenté les 31 juillet et 1er août lors de la fête du sanctuaire de Hayachine, le 3 janvier pour le Nouvel An et aux fêtes annuelles des différents villages de la préfecture d’Iwate. Mais des membres de la troupe de take kagura se déplacent aussi de maison en maison pendant la période de repiquage du riz au printemps. Au cours de ces représentations domestiques appelées yado-kagura ou kado uchi (jouer à la porte), ils effectuent un rite de purification et dansent quelques scènes à l’intérieur des maisons, en particulier la danse du gongen (photo) . À la fin, les membres de la troupe distribuent un talisman à chaque famille.
Le répertoire de Take compte près de soixante-dix kagura, abstraits ou narratifs, certains masqués, d’autres non. Lors des grandes fêtes, le spectacle se déroule pendant plusieurs heures sur une petite scène à l’entrée du sanctuaire. Celle-ci est repérée par quatre piliers entourés d’une cordelette à laquelle sont accrochés des origami sacrés et elle est interdite aux non-praticiens. Au fond, un rideau noir porte l’inscription “temple de Hayachine” et les emblèmes de deux grues affrontées : les acteurs entrent par là. À l’avant-scène dos au public ou, comme ici, sur le côté, le tambourinaire flanqué de deux joueurs de cymbales, dirige la représentation, chantant parfois ou déclamant des bouts de dialogue. Un flûtiste et les narrateurs-chanteurs restent cachés derrière le rideau de fond, ce sont les voix des dieux.
Les danseurs entrent par le fond, jouant parfois avec le rideau. Leurs costumes, masques, coiffures et accessoires dépendent du personnage qu’ils représentent et de son statut, homme, femme, dieu ou déesse, guerrier... Mais presque tous portent la grande coiffe kabuto qui représente une poule ou un coq, oiseau bénéfique, avec ses grandes ailes qui battent pendant la danse. Les acteurs incarnant une divinité portent une bande de papier kuji à leurs médius.
Une représentation rituelle dure plusieurs heures. Elle s’ouvre invariablement par six shikimai, danses de purification, d’invocation des défunts et de divination et s’achève obligatoirement par le gongenmai, la danse du lion noir, et un rite d’offrande d’eau, de riz et de saké aux points cardinaux, après quoi plus personne ne revient dans l’espace sacré. Entre les deux, s’enchaînent divers répertoires. Les onnamai, lents et gracieux, mettent en scène des personnages féminins généralement célestes. Les kamimai sont les danses des divinités japonaises. Leurs arguments proviennent de deux ouvrages du viiie siècle : Chroniques des choses anciennes et Annales du Japon sur les origines historiques et la mythologie du Japon. Les aramai ou danses furieuses, rapides et violentes, n’ont pas d’argument. Ce sont plutôt des danses d’exorcisme. Selon les uns, elles reflètent l’influence des yamabushi, ascètes montagnards et guerriers, et selon d’autres, celle du bouddhisme tantrique. Il peut y avoir aussi des récits de guerriers et de samouraïs et des dialogues comiques kyogen.
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2013-03-29
Faute d’informations plus précises, on situe la naissance du hayachine take kagura à la fin de l’époque médiévale (xvie siècle). Mais c’est pendant la période d’Edo (1603-1867) qu’il connut son véritable essor. Le clan Nanbu qui gouvernait la région attribuait un caractère sacré au mont Hayachine. Au pied de la montagne avait été bâti un temple bouddhiste, le Myosenji. Il fut décidé que ce temple deviendrait le sanctuaire shinto-bouddhique de Hayachine et que les officiants y pratiqueraient l’art du kagura. À l’époque Meiji, la politique de séparation entre le shintoïsme et le bouddhisme eut pour effet la destruction du sanctuaire et l’interdiction de pratiquer les danses rituelles. Les habitants du village de Take, tout proche, se réapproprièrent en secret cette pratique et en assurèrent jusqu’à aujourd’hui la sauvegarde. Dans ce petit village de treize maisons bâties au pied du mont Hayachine, le kagura est d’abord un rituel de purification et ensuite un divertissement pour les divinités et pour les hommes, la divinité la plus marquante étant le daigongen, incarnation du mont Hayachine. Ces danses rituelles s’inscrivent donc dans un complexe d’anciennes croyances animistes et de Yoshida shinto, une secte shintoïste qui émergea au xviiie siècle et fut influencée par le bouddhisme ésotérique.
Le take kagura est représenté les 31 juillet et 1er août lors de la fête du sanctuaire de Hayachine, le 3 janvier pour le Nouvel An et aux fêtes annuelles des différents villages de la préfecture d’Iwate. Mais des membres de la troupe de take kagura se déplacent aussi de maison en maison pendant la période de repiquage du riz au printemps. Au cours de ces représentations domestiques appelées yado-kagura ou kado uchi (jouer à la porte), ils effectuent un rite de purification et dansent quelques scènes à l’intérieur des maisons, en particulier la danse du gongen (photo) . À la fin, les membres de la troupe distribuent un talisman à chaque famille.
Le répertoire de Take compte près de soixante-dix kagura, abstraits ou narratifs, certains masqués, d’autres non. Lors des grandes fêtes, le spectacle se déroule pendant plusieurs heures sur une petite scène à l’entrée du sanctuaire. Celle-ci est repérée par quatre piliers entourés d’une cordelette à laquelle sont accrochés des origami sacrés et elle est interdite aux non-praticiens. Au fond, un rideau noir porte l’inscription “temple de Hayachine” et les emblèmes de deux grues affrontées : les acteurs entrent par là. À l’avant-scène dos au public ou, comme ici, sur le côté, le tambourinaire flanqué de deux joueurs de cymbales, dirige la représentation, chantant parfois ou déclamant des bouts de dialogue. Un flûtiste et les narrateurs-chanteurs restent cachés derrière le rideau de fond, ce sont les voix des dieux.
Les danseurs entrent par le fond, jouant parfois avec le rideau. Leurs costumes, masques, coiffures et accessoires dépendent du personnage qu’ils représentent et de son statut, homme, femme, dieu ou déesse, guerrier... Mais presque tous portent la grande coiffe kabuto qui représente une poule ou un coq, oiseau bénéfique, avec ses grandes ailes qui battent pendant la danse. Les acteurs incarnant une divinité portent une bande de papier kuji à leurs médius.
Une représentation rituelle dure plusieurs heures. Elle s’ouvre invariablement par six shikimai, danses de purification, d’invocation des défunts et de divination et s’achève obligatoirement par le gongenmai, la danse du lion noir, et un rite d’offrande d’eau, de riz et de saké aux points cardinaux, après quoi plus personne ne revient dans l’espace sacré. Entre les deux, s’enchaînent divers répertoires. Les onnamai, lents et gracieux, mettent en scène des personnages féminins généralement célestes. Les kamimai sont les danses des divinités japonaises. Leurs arguments proviennent de deux ouvrages du viiie siècle : Chroniques des choses anciennes et Annales du Japon sur les origines historiques et la mythologie du Japon. Les aramai ou danses furieuses, rapides et violentes, n’ont pas d’argument. Ce sont plutôt des danses d’exorcisme. Selon les uns, elles reflètent l’influence des yamabushi, ascètes montagnards et guerriers, et selon d’autres, celle du bouddhisme tantrique. Il peut y avoir aussi des récits de guerriers et de samouraïs et des dialogues comiques kyogen.
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2012-06-12
12-15/06/2012
Samedi 12 mai à 20h30
Dimanche13 mai à 17h
Maison des Cultures du Monde, Paris 6e
mardi 15 mai 2012, 20h45
Au Théâtre, Centre culturel Jacques Duhamel
Par la Cuadrilla Mayor Qhapaq Negro de Paucartambo
Fredi Villagarcia Aquise, guiador
Chants et danse :
Adrián Farfán Torres
Andrés Genaro Ponce Garrido
Eddie Gonzalo Pizarro Pacheco
Edmundo Bragagnini Flores
Fernando Martín Mercado Zamalloa
Fernando Zenobio Navarro Lizárraga
Franco Villagarcia Gonzáles
Hugo Enrique Gutiérrez Delgado
Jaime Gallegos Cáceres
José Antonio Cáceres Valdivia
José Armando Gallegos Cáceres
Julio Alejandro Cáceres Valdivia
Mario Gallegos Cáceres
Raúl Aranibar Astete
Richard David Villafuerte Vargas
Vicente Wilfredo Olivares Arenas
Wilhen Wilfredo Olivares Chevarría, harpe andine
Sergio Villafuerte Rodríguez, flûte quena
José Manuel Cáceres Martínez, violon
Martín Quispe Molinedo, accordéon
Jorge Alfonso Gutiérrez Valdivieso, tambour bombo
La fête de la Virgen del Carmen
Chaque année, entre le 15 et le 18 juillet, Paucartambo, paisible bourg situé à 100 km à l'est de Cuzco, l'ancienne capitale Inca, reprend vie. Plusieurs milliers de participants et de visiteurs venus de Cuzco, de Lima, voire des pays voisins où ils se sont expatriés, envahissent les rues, les maisons, couchant parfois à même le sol des auberges ou campant sur les places, pour célébrer la Virgen del Carmen (Notre Dame du Mont Carmel). Plus d'une dizaine d'associations ou cuadrillas de danse participent à cette manifestation, mais les principales sont les Qhapaq Negro, les Qhapaq Qolla, les Qhapaq Chunchos, les Saqra et les Maq'ta. Plus que de simples associations, ce sont de véritables confréries religieuses comme l'indique le terme qhapaq qui signifie "chemin", "voie" en quechua.
Deux légendes relatent l'origine de la Vierge de Paucartambo. Selon la première, elle aurait été apportée par des indiens Qolla du lac Titicaca. Selon la seconde, elle aurait été apportée d'Espagne pour être la patronne de Q'osñipata, la forêt de Paucartambo peuplée par les Chunchos (terme désignant les Indiens d'Amazonie) mais faute de lieu de culte, on l'aurait déposée dans l'église de Paucartambo.
Cette fête met en scène, à travers les cuadrillas, diverses composantes de la société péruvienne :
' les Qhapaq Qolla représentent les indiens des Andes qui autrefois traversaient les hauts plateaux andins avec leurs troupeaux de lamas ;
' les Qhapaq Chunchos figurent les indiens de la forêt amazonienne toute proche. Ce sont eux qui entourent la Vierge lors de la procession, rôle qui leur est disputé par les Qhapaq Qolla ;
' les Saqra, vestiges du culte inca, sont des êtres telluriques que la tradition chrétienne a assimilé aux démons de l'enfer. Pendant la procession de la Vierge, ils errent sur les toits et les balcons des maisons, tentant d'attirer son attention. Leur présence atteste le caractère syncrétique de ce culte qui associe à la Vierge, appelée aussi Mamacha Carmen, la figure de l'ancienne déesse inca Pachamama, la Terre-Mère ;
' les Maqta ("adolescent" en quechua) sèment la pagaille partout où ils passent, sauf lors de la procession où ils assurent le service d'ordre à grand coups de fouet ;
' les Qhapaq Negro constituent quant à eux la cuadrilla la mieux organisée et celle dont le répertoire de chants et de danse est le plus riche. Ils représentent un groupe d'esclaves noirs conduits de Lima vers les mines d'argent de Potosi et qui, passant à proximité de Paucartambo au moment de la fête de la Vierge, se révoltèrent, dérobèrent des vêtements de femme et s'en allèrent participer à la fête. Ils sont les principaux adorateurs de la Vierge.
Plusieurs autres cuadrillas participent aux processions et à la fête sans en être pour autant des acteurs indispensables, dans la mesure où elles n'ont pas de lien direct avec la Vierge.
Selon le calendrier liturgique catholique romain, la fête de la Vierge du Carmel a lieu le 16 juillet.
À Paucartambo, les festivités durent environ quatre jours avec des processions à travers les rues du bourg, une grande messe en plein air sur le parvis de l'église, des jeux, des feux d'artifice, une guerrilla entre les Qhapaq Qolla et les Qhapaq Chunchos, et enfin une dernière cérémonie au cimetière où les Qhapaq Negro rendent hommage aux membres défunts de leur cuadrilla.
Les Qhapaq Negro
Le terme qhapaq negro signifie littéralement "Nègres seigneur". Cette cuadrilla a été créée en 1694 par des habitants de Paucartambo et constitue une organisation à la discipline stricte. Aujourd'hui, ses membres ne vivent plus à Paucartambo, mais on ne peut entrer dans la cuadrilla qu'à la condition d'avoir au moins un aïeul paucartambino.
Les Qhapaq Negro appartiennent à toutes les couches de la société péruvienne. On y compte par exemple le maire de Cuzco, mais aussi des ouvriers, de petits employés, des commerçants, un guide touristique, un responsable de la sécurité d'une banque de Cuzco, des étudiants, des chômeurs etc.
Le chef de la cuadrilla, le guiador Fredi Villagarcia Aquise est un ingénieur à la retraite.
Pendant les quatre jours que dure la fête, les Qhapaq Negro se retrouvent matin, midi et soir dans une maison du bourg, leur quartier général, le kargo. C'est là qu'ils prennent leurs repas sur une longue table qui peut accueillir jusqu'à 100 personnes et répètent leurs chants et leur danse. Tous les frais sont pris en charge par un fundador ou une fundadora qui a été désigné(e) lors de la fête précédente. Dans toutes les processions des Qhapaq Negro, le fundador ou la fundadora précède la cuadrilla en portant une petite statuette de la Vierge.
Devenir Qhapaq Negro est un acte mystique. En se vouant à la Vierge, le Qhapaq Negro conditionne son existence toute entière et celle de sa famille autour de cette figure essentielle du catholiscisme latin. Mais en même temps, il affirme à travers son personnage d'esclave en fuite, le libre arbitre de chaque individu.
Chaque membre de la cuadrilla confectionne lui-même son costume qui se compose d'un pantalon bouffant bleu, rouge ou orange sur lequel il porte une chemise et une tunique blanches évoquant les blouses de femme dont les esclaves s'affublèrent. À la ceinture, pendent d'un côté les chaînes qui symbolisent leur condition et de l'autre un foulard, symbole de force. Sur la poitrine, les épaules dans le dos, sont fixés des éléments brodés et ornés de perles dorées, de miroirs, d'effigies de la Vierge, tout comme sur leur chapeau rouge. Le masque, acheté à un artisan spécialisé, le mascarero, représente un visage africain aux traits exagérés, souriant, mais dont l'expression varie subtilement
d'un danseur à un autre. Enfin, ils tiennent dans leur main droite un bâton surmonté d'un poing noir sculpté, le maki, symbole de leur rébellion. Pendant toute la fête ils s'imposent par leur profonde ferveur et leur discipline quasi-militaire.
Que ce soit dans les processions ou la danse, les Qhapaq Negro sont toujours placés sur deux rangs. Le simple danseur est un caporal ; chaque rang est conduit par un mayoral élu par ses pairs et l'ensemble de la cuadrilla est dirigée par un guiador, qui est également élu. Le guiador porte un masque au traits fins qui évoque le "Negro fino" qui conduisit la rébellion ; l'instrument de son pouvoir est la matraca, une crécelle dont il se sert pour donner ses ordres.
Leur répertoire comprend des chants de procession, des chants dédiés à la Vierge qui sont exécutés dans l'église, et les chants liturgiques de la messe. Ces chants sont en espagnol et en quechua.
En outre, ils exécutent un chorégraphie, véritable ballet en douze mouvements.
Chants et danses sont accompagnés par un ensemble de musiciens professionnels loué pour la circonstance et comprenant un violon, une flûte quena, un accordéon, une harpe et une grosse caisse.
Ils jouent des morceaux traditionnels du haut-plateau andin : yaravi, huaynos', une musique qui s'est forgée au cours du XVIIIe siècle à partir des genres musicaux incas et de la musique baroque espagnole.
Pierre Bois
Programme
' Entrée de la Vierge
' Procession des Qhapaq Negro
' Chant d'entrée dans l'église
' Adoration et message du guiador (en quechua)
' Première hymne
' Deuxième hymne
' Ballet en douze mouvements :
Pasacalle (procession) ' Eslabón (maillon) ' Napaykuy (salutation à la Vierge) ' Plegaría de salutación (prosternation) ' Cruce (la croix) ' Balanceo (balancement) ' Kutiriy y Pasamano (retour et croisement de mains) ' Estrella (étoile) ' Olas (vagues) ' Cadena y Qhaswa (chaîne et ronde) ' Cordillerano (cordillérien) ' Kacharpariy y Despedida (adieux et renvoi).
' Renvoi
' Troisième hymne
La Maison des Cultures du Monde tient à remercier tout particulièrement :
M. Jean-Jacques Beaussou, ambassadeur de France au Pérou
Mme Soledad Mujica Baily, directrice adjointe de l'inventaire et des études culturelles du Pérou contemporain
M. Jean-Paul Lefèvre, sous-directeur de la diversité culturelle et du patrimoine mondial au ministère des Affaires étrangères et européennes
M. Pierre Fayard, conseiller de coopération et d'action culturelle à l'ambassade de France au Pérou
et Promperu
mardi 15 mai 2012, 20h45
Au Théâtre, Centre culturel Jacques Duhamel
En partenariat avec le Centre français du patrimoine culturel immatériel - Maison des Cultures du Monde à Vitré
dans le cadre du 16e Festival de l'Imaginaire du 9 mars au 17 juin 2012
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2012-05-19
19-20/05/2012
Samedi 19 mai à 20h30
Dimanche 20 mai à 17h
Maison des Cultures du Monde, Paris 6e
Vidha Lal, danse
Vinod Gandharv, chant et harmonium
Pandit Mukesh Sharma, luth sarod
Ghulam Ali, viole sarangi
Ilmas Husain Khan, tabla
Arshad Khan, tambour pakhawaj
Gilles Bourquin, tampura
À l'origine, ce sont des ménestrels itinérants, kathakaar ou kathika, qui chantent, dansent et miment en musique les kathas, récits mythologiques hindous. Dans une première période, l'art de la danse kathak se développe dans les temples des grands centres hindous du nord de l'Inde : Ayodhya, Bénarès, avec un fort ancrage dévotionnel. Puis, au XVIIe siècle, avec l'éclosion de l'empire moghol et des multiples royaumes périphériques, le kathak devient un art de cour, ou le lustre de la culture arabo-persane vient enrichir l'héritage indien.
À l'orée de l'ère moderne, après les derniers feux des grandes cours du XIXe siècle où la musique classique légère a conquis une forte audience populaire, le kathak enrichit son répertoire vocal dans le foisonnement romantique des thumri et ghazal, et la virtuosité rythmique des tarana, tout en excellant dans la chorégraphie des innombrables événements de la vie de Krishna.
Deux grandes écoles animent aujourd'hui la tradition kathak : Lucknow et Jaïpur. Ces deux styles, relativement proches, sont enseignés conjointement à la Kathak Kendra de Delhi. Le premier met l'accent sur la mise en scène et l'expression narrative, le second sur la technique rythmique. Évoquons surtout la magie des deux plus grand danseurs de ces dernières décades:
Durga Lal à Jaïpur et Birju Maharaj, dont l'arrière grand-père Durga Prasad fut le maître de khatak du dernier nabab de Lucknow, Wajid Ali Shah, exilé en 1856.
C'est donc à Delhi que Vidha Lal, aujourd'hui âgée de 29 ans, a accompli sa formation sous l'égide de Geetanjali Lal, une prestigieuse danseuse de Jaïpur, et porte brillamment le flambeau de la nouvelle génération.
De toutes les danses classiques de l'Inde, le kathak est celle qui privilégie le plus l'aspect rythmique. Parmi les instruments qui accompagnent la danseuse, le tabla est prépondérant. Complice indispensable, il impulse aux pas de la danseuse un langage rythmique commun.
Ustad Ilmas Hussein Khan, actuel chef de l'école de tabla de Lucknow, est ici secondé au tambour pakhawaj par Arshad Khan, petit neveu du légendaire Ahmed Jan Thirakwa.
La partie mélodique est assurée par le chanteur Vinod Gandharv, grand interprète de ghazal,
Ghulam Ali à la viole sarangi et Pandit Mukesh Sharma au luth sarod.
Ces deux derniers nous donnent l'occasion d'entendre, en première partie, un grand khyalinstrumental en duo, dans un raga classique hindoustani. Duo peu fréquent, il rassemble deux instruments aux timbres très différents.
Le sarod, issu du croisement du grand luth indien (dhrupad rabâb ?) et du robâb afghan, est l'instrument qui a le plus évolué depuis un siècle ; doté depuis peu d'une grande touche métallique qui lui confère un son brillant et puissant, il est avec le sitar, le plus joué sur la scène classique instrumentale.
Originaire d'Asie centrale, le sarangi est l'instrument le plus répandu en Inde depuis 500 ans environ, et sans doute celui dont le son est le plus proche de la voix humaine, ce qui lui confère une place privilégiée dans l'accompagnement de l'art vocal tant savant que populaire. L'appareillage des cordes sympathiques (tarab, plus d'une trentaine) associé à une puissante tenue de note due à l'utilisation d'un archet au crin très épais, le dotent d'une résonance sans égale.
À l'instar de la tampura, la richesse acoustique de ces instruments est le support indispensable à la qualité tonale, critère majeur de l'art du raga.
Rendons enfin hommage aux tawaif, les courtisanes ; professionnelles du spectacle, formées aux arts, garantes pendant des siècles de la qualité de la musique, de la danse comme de la poésie, régentes du marché de la musique et de la transmission de leur art. Certaines d'entre elles, excellentes danseuses ou chanteuses de thumri, fascinaient les experts les plus conservateurs.
Pourtant, les mutations de la société indienne, à la fin du XIXe siècle, et le puritanisme indovictorien ont éteint la plupart de ces foyers de culture. Mais la mémoire des tawaif, leur legs artistique et leur aura sont toujours bien présents sur la scène indienne.
Gilles Bourquin
SAMEDI 19 MAI À 20H30
I. RÉCITAL INSTRUMENTAL
Khyal instrumental de sarod et sarangi dans le Raga Darbari
Raga du soir, Darbari est réputé pour sa gravité, sa profondeur et sa difficulté. Il est originaire de la musique carnatique (musique classique de l'Inde du sud) et aurait été introduit dans la tradition hindoustanie au XVIe siècle par Mian Tansen, le musicien légendaire de la cour de l'empereur moghol Akbar. Le khyal est la forme improvisée la plus prisée des instrumentistes hindoustanis. Il comprend un alap, présentation du mode, un jod et un jhala dans lesquels l'instrument mélodique introduit une pulsation, et un ou plusieurs gat, accompagnés par les tambours.
II. RÉCITAL DE KATHAK
chorégraphies de Vidha Lal
Ouverture : chant ghazal
Ninad
(raga Goonkali ' tala Dhamar à 14 temps)
Hommage à Shiva, seigneur des mondes. Évocation de ses attributs : le trident, le serpent autour de son cou, le Gange, la lune, les éléments cosmiques et, surtout, le son du damaru, universel, trame de cette pièce.
Andaz
Pièce typique de l'école de Jaïpur, pure technique rythmique développée sur un cycle choisi spontanément.
Tarana
(raga Darbari - tala Ektal à 12 temps)
Pièce d'expression lyrique (abhinaya) sur la composition "Nain so nain milaye rahat". L'héroïne est froissée par un amant qui la heurte, la blesse, mais elle ne peut le blâmer tant son amour la possède.
Final
Improvisation en tala Teental à 16 temps et joute entre les gunguru (grelots de chevilles de la danseuse) et les tambours.
DIMANCHE 20 MAI À 17H
I. RÉCITAL INSTRUMENTAL
Khyal instrumental de sarod et sarangi dans le Raga Madhuvanti
Madhuvanti est un raga de fin de journée réputé pour sa couleur romantique. Il aurait été emprunté à la tradition carnatique (musique classique de l'Inde du sud). Sa structure est assez particulière car son échelle ascendante est pentatonique et son échelle descendante heptatonique.
Le khyal est la forme improvisée la plus prisée des instrumentistes hindoustanis. Il comprend un alap, présentation du mode, un jod et un jhala dans lesquels l'instrument mélodique introduit une pulsation, et un ou plusieurs gat, accompagnés par les tambours.
II. RÉCITAL DE KATHAK
chorégraphies de Vidha Lal
Ouverture : chant ghazal
Ninad
(raga Goonkali ' tala Dhamar à 14 temps)
Hommage à Shiva, seigneur des mondes. Évocation de ses attributs : le trident, le serpent autour de son cou, le Gange, la lune, les éléments cosmiques et, surtout, le son du damaru, universel, trame de cette pièce.
Andaz
Pièce typique de l'école de Jaïpur, pure technique rythmique développée sur un cycle choisi spontanément.
Thumri
(raga Bhinnshadaj - tala Kaharwa à 8 temps)
Pièce d'expression lyrique (abhinaya). L'héroïne est délaissée par son amant qui ne répond plus à ses lettres. Elle se laisse aller à la mélancolie et à la douleur de la séparation.
Final
Improvisation en tala Teental à 16 temps et joute entre les gunguru (grelots de chevilles de la danseuse) et les tambours.
La lampe a été gracieusement prêtée par le centre Mandapa.
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2012-03-09
Avec le soutien du Ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme de Corée, du Arts Council Korea et du Centre culturel coréen à Paris
Vendredi 9 mars à 20h30
Samedi 10 mars à 20h30
Dimanche 11 mars à 17h
Maison des Cultures du Monde, Paris 6e
par la Bongsan Mask Dance Drama Preservation Society
Avec les acteurs :
Kim Ae Sun, la jeune chamane, la musicienne
Chang Yong Il, Chwibari le libertin
Kim Jong Yop, le vieux mari, un vieux moine
Park Sang Uoon, le vendeur de chaussures, un vieux moine
Kim Sung Hae, le valet Malttuggi, un vieux moine
Kim Jong Hae, le vieux prêtre
Ryu Dong Chul, un vieux moine
Song In Hyun, un vieux moine
Kim Eun Joo, un jeune moine
Ha Sang Hwa, la concubine, un jeune moine
Park Won Muk, un vieux moine
Jung Yoon Sik, un vieux moine
Weon Yu Suk, le lion, un vieux moine, le vieillard
Lee Eun Soon, un jeune moine
Son Byung Man, le lion, un vieux moine
Park Mi Jin, un jeune moine, la jeune danseuse, le singe, la vieille femme
et les musiciens :
Kim Ho Seok, hautbois piri
Park Yong Ho, flûte daegum
Kim Nam Eun, vièle haegum
Choi Young Jin, tambour janggn
Surtitrage en français : Han Yumi et Hervé Péjaudier
Les théâtres masqués talchum de Corée tirent leur origine d'anciennes pratiques animistes et chamaniques qui remontent à plus de mille ans. Dans cette société d'agriculteurs, le peuple révérait les dieux de la nature et célébrait des rituels agraires accompagnés de danses, de chants et d'acrobaties auxquels participaient les chamanes. L'introduction du bouddhisme au IVe siècle qui devint religion d'État sous la dynastie Goryeo (936-1391) puis celle du néo-confucianisme sous la dynastie Joseon (1391-1906) n'entamèrent pas la vitalité de ces traditions et c'est sous les Joseon que les théâtres masqués coréens prirent la forme qu'on leur connaît aujourd'hui.
Représentés à l'origine lors de l'anniversaire du Bouddha, le huitième jour du quatrième mois lunaire, ces spectacles rituels prirent part à partir du XIXe siècle à la fête de Dano qui clôt la période des semailles, célèbre la divinité du ciel et le retour du printemps. Destinés à chasser les mauvais esprits, ils se sont vite empreints d'une fonction libératrice.
Entre magie, sacré et satire sociale, ces drames dansés nous livrent, en une succession de saynètes, une image de la société rurale coréenne et de son histoire. Ils permettent au peuple d'exprimer librement ses frustrations par une inversion des rôles qui, le masque aidant, autorise toutes les audaces. Une fois travesti, le domestique Malttugi peut tourner les aristocrates en dérision et leur donner des ordres, contrarier les amours d'un riche noble et de sa jeune concubine ou jouer des tours à des bonzes dépravés. Cependant, loin d'un spectacle débridé, les danses conservent une majesté qui rappelle leurs origines rituelles.
La vulgarité et l'indécence de certaines paroles sont ainsi contrebalancées par la solennité et la gravité des chants, la majesté de la musique et le rythme des percussions.
Aujourd'hui, plusieurs de ces formes sont encore pratiquées en Corée comme le yangju pyol sandae, le hahoe pyolshin gut et le bongsan talchum. À chacune son style, ses histoires, sa facture de masques.
Le terme talchum se compose des mots chum, danse, et tal, masques. Le bongsan talchum naquit au XVIIIe siècle dans la petite ville florissante de Bongsan au nord de la province de Hwanghae (actuellement en Corée du nord). Cette ville abritait alors une foire réputée et comme elle se trouvait sur le chemin des missions diplomatiques chinoises en route pour la capitale, elle attirait des musiciens, des danseurs et des baladins qui étaient encouragés par la population à monter des troupes et présenter des spectacles. À l'origine, les masques de bongsan étaient en bois, mais ils furent rapidement remplacés par du papier mâché, un support plus facile à travailler et qui facilita l'essor de ce théâtre et son rayonnement à travers la province. Après la partition de la Corée en 1948, plusieurs détenteurs du bongsan talchum s'installèrent dans la région de Séoul où ils continuèrent de le pratiquer. À l'époque de la dictature en Corée du Sud, nombre d'étudiants eurent recours au Bongsan Talchum afin de critiquer le régime. Aujourd'hui, le Bongsan Talchum est incontournable pour tous les acteurs contemporains travaillant sur des techniques de mouvement et de gestuelle.
En 1967, cette forme fut inscrite à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel coréen comme Bien culturel important n°17 et sa sauvegarde confiée à la Bongsan Mask Dance Drama Preservation Society. Celle-ci est présidée par Madame Kim Ae Sun, Trésor national humain, dont le père, originaire de la ville de Bongsan, s'est installé en Corée du Sud avec sa famille. La jeune Kim Ae Sun était alors agée de 8 ans.
Le spectacle comprend 7 actes ou gwajang qui mêlent le chant, la musique, des dialogues et la danse. Chaque acte constitue une entité narrative dans laquelle les masques font ressortir le caractère stéréotypé des personnages traités sous l'angle de la satire. Le déroulement hétéroclite de la représentation, avec ses scènes de danse pure, ses pantomimes et ses pièces dialoguées témoigne des origines multiples de cette forme ' chamanisme, bouddhisme, danse et théâtre populaire sandae dogam ' dont les éléments se sont sédimentés au fil des générations. C'est peut-être la musique qui donne sa véritable unité au spectacle, une musique basée sur des mélodies et des rythmes populaires interprétée par un petit ensemble instrumental composé des quatre principaux instruments traditionnels coréens : le hautbois piri, la flûte traversière en bambou daegeum, la vièle à deux cordes haegeum et le tambour en forme de sablier janggu auxquels s'adjoignent parfois les gongs kkwaenggwari frappés par les danseurs.
Les sept gwajang :
1. Quatre jeunes moines saluent les divinités des quatre points cardinaux.
2. Entrée des huit bonzes qui se lamentent tour à tour sur le sort et décident de chanter et danser au lieu d'accomplir leurs devoirs monastiques.
3. Une danseuse sadang apparaît. Elle est suivie par sept saltimbanques, les gosa, qui se mettent à chanter et danser avec elle.
4. Au cours d'une séquence entièrement mimée et dansée, un vieux prêtre dont la vie fut jusque-là exemplaire, regarde avec concupiscence une jeune chamane danser et en tombe amoureux. Entrent alors un vendeur de chaussure et son singe. Il essaie de vendre au vieux prêtre une paire de vieilles sandales tout en critiquant sa conduite. Le libertin Chwibari surgit en se pavanant et dispute au prêtre les faveurs de la jeune chamane. Le prêtre ne fait pas le poids et doit céder la place. Mais voilà que la jeune chamane tombe enceinte des oeuvres du libertin. Elle lui abandonne le bébé et le bonheur un peu béat de la paternité.
5. Un lion, animal réputé chasser les mauvais esprits dans le bouddhisme, sème la terreur parmi les huit moines et le vieux prêtre. Un des moines en appelle à son pardon, promettant que désormais ils rentreront tous dans le droit chemin.
6. Le valet Malttuggi, dans un dialogue plein de sous-entendus, ridiculise trois jeunes nobles et transforme à leur insu leur logis en parc à cochons.
7. Une vieille entre en scène, à la recherche de son mari. Avisant un musicien elle lui décrit le vieux sous les traits les plus horribles qui soient. Une fois sortie, c'est son mari qui entre, lui aussi à la recherche de sa vieille qu'il décrit au musicien. Celui-ci lui dit qu'elle vient de passer et qu'il n'a qu'à l'appeler. Mais lorsque le couple se retrouve, l'épouse avise une jeune concubine qui se cache derrière son mari. Fureur de la vieille, dispute, bagarre, la vieille femme est tuée. L'homme célèbre alors un rituel chamanique pour le repos de l'âme de son épouse.
Chaque mouvement de danse du bongsan est codifié. Le cercle de la main autour de la tête s'appelle oe-sawi, les cercles de la main devant le visage puis derrière la tête, gop-sawi ; le kkaekki chum, un cercle au-dessus de la tête suivi d'un posé de la main droite sur l'épaule tandis que la main gauche se balance, est typique du personnage du libertin. De même, chaque personnage a une démarche spécifique : la vieille épouse marche en zig-zag (kaljija-kolum) ou bien se déhanche (kungkungi chum) tandis que le libertin se pavane (kodurum). Les costumes soyeux aux couleurs chatoyantes, avec leurs longues manches, accentuent la beauté des mouvements et font un contrepoint étonnant avec les figures grimaçantes des masques.
Ceux-ci sont façonnés sur des formes en bois avec des bandes de papier mâché superposées puis peintes. Pour accentuer l'effet grotesque mais aussi prémunir le village contre les maladies de peau, nombre de masques portent les stigmates de la variole, du vitiligo (tâches blanches), de la lèpre ou de la gale. La corruption des moeurs se traduit par la multiplicité des rides sur le front, l'ivrognerie par de grosses verrues' C'est sans doute une des raisons pour lesquelles les masques de bongsan étaient brûlés après la représentation au cours d'un rite d'exorcisme.
Pierre Bois
La Maison des Cultures du Monde tient à remercier tout particulièrement :
Monsieur Lee Jong-Soo, Directeur du Centre culturel coréen à Paris.
Monsieur Kim Young-San, Art Policy general, Ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme de Corée.
Monsieur Jang Yong Suk, Directeur du département de la coopération et des échanges, Arts Council Koree.
Monsieur Junho Choe, Madame Han Yumi et Monsieur Hervé Péjaudier, Monsieur Kim Sun-Kook.
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2011-12-04
II. Solos de Danse par Yang Sung-Ok
Kim Young-Gil, ajaeng
Na Young-Seon, piri
Jo Yong-Bok, janggu
Sa Ju-Hyun, haegeum
Lee Ji-Hye, gayageum
La danse traditionnelle coréenne se divise en danses de cour et danses populaires. Les danses de cour étaient exécutées lors d'événements nationaux et des banquets royaux. Ce sont des danses hiératiques, gracieuses, à la gestuelle raffinée.
Les danses populaires, à l'inverse, sont gaies, énergiques, vigoureuses. Leur objectif étant d'exprimer des émotions simples, avec un souci modéré des règles, elles ont favorisé l'expression libre. Selon les régions elles diffèrent de par leur forme, leur musique, leurs costumes. Mais toutes partagent une relation étroite avec le chamanisme, les traditions agraires et les fêtes saisonnières, et certaines ont également subi l'influence du bouddhisme. Enfin, si elles ont toutes évolué au fil des siècles en fonction de leur interprètes, elles se sont remarquablement conservées.
Ce récital présente cinq pièces du répertoire de danse en solo, celui où s'exprime le mieux l'inventivité et l'imaginaire de son interprète.
Yang Sung-Ok (née en 1954) est réputée en Corée pour l'originalité de son sens artistique et ses choix musicaux et chorégraphiques. Spécialiste de la danse traditionnelle coréenne, elle a beaucoup contribué au développement des arts du spectacle, à travers des danses créatives reprenant des éléments traditionnels.
Yang Sung-Ok est co-détentrice de la danse Taepyeongmu, bien culturel immatériel n°92 et a obtenu le prix du Ministre de la Culture, du Sport et du Tourisme coréens. Après avoir été membre de la compagnie nationale de danse et avoir participé aux festivités des jeux olympiques de Los Angeles (1984) et de Séoul (1988), elle est aujourd'hui professeur à l'université nationale des arts et directrice de la compagnie de danse Hannuri.
Prélude : Solo de hautbois piri par Na Young-Sun
1. Sanjo Chum (danse de sanjo)
Cette danse demande une très grande maîtrise technique car le danseur doit suivre avec une extrême précision tous les changements de rythme du sanjo joué à la cithare gayageum tout en donnant une impression de liberté et de charme naturel.
Musique Gayageum sanjo de l'École de Kim Yun-Deok
Gayageum : Lee Ji-Hye
Interlude : Solo de vièle haegeum par Sa Ju-Hyun
2. Salpuri
Signifiant "danse pour chasser les mauvais esprits", cette danse était à l'origine celle des rites chamaniques. Depuis, nombre d'artistes professionnels en ont fait une forme spectaculaire à part entière. La musique accompagnant les cérémonies chamaniques est aussi appelée salpuri ou encore sinawi lorsqu'elle n'est pas accompagnée de danse. Yang Sung-Ok est ici accompagnée par un sinawi à la cithare à cordes frottées ajaeng par Kim Young-Gil.
Interlude : Duo de hautbois piri et vièle haegeum par Na Young-Sun et Sa Ju-Hyun
3. Janggu chum (danse du janggu)
Le tambour en forme de sablier janggu est l'instrument de percussion le plus populaire de Corée. La danseuse le porte en bandoulière tout en dansant sur les mélodies populaires de Hangang sutharyang.
Kim Young-Gil ajaeng, Na Young-Seon piri, Sa Ju-Hyun haegeum, Jo Yong-Bok janggu.
Interlude : Sinawi en version d'ensemble
par : Kim Young-Gil ajaeng, Na Young-Seon piri, Lee Ji-Hye gayageum, Jo Yong-Bok janggu.
4. Taepyeongmu
Cette danse évoque une prière pour un règne paisible et des récoltes abondantes. Tanôt dignes et majestueux, tantôt gais et légers, les pas requièrent force, habileté et enthousiasme. Bien culturel immatériel n°92, Taepyeongmu fut transmise à Yang Sung-Ok par Kang Seon-Young.
Kim Young-Gil ajaeng, Na Young-Seon piri, Sa Ju-Hyun haegeum, Jo Yong-Bok janggu